Dans les rues de Dakar, ils sont une présence que l’habitude a rendue invisible. En haillons, la peau boursouflée par la gale, une boîte de concentré de tomates vide aux pieds pour recueillir l’aumône, ils sont les « talibés », ces enfants mendiants
Le Monde |
Matteo Maillard |
Publication 13/06/2019
Dans les rues de Dakar, ils sont une présence que l’habitude a rendue invisible. En haillons, la peau boursouflée par la gale, une boîte de concentré de tomates vide aux pieds pour recueillir l’aumône, ils sont les « talibés », ces enfants mendiants affiliés pour la plupart à une daara, une pension coranique.
Si le phénomène est connu du public, les conditions de vie de ces enfants le sont moins. Afin de poser un diagnostic, Human Rights Watch (HRW) et la Plateforme pour la promotion et la protection des droits humains (PPDH) ont enquêté dans 22 daaras et dans 13 centres d’accueil pendant plusieurs semaines, interviewé plus de 150 témoins : 88 talibés ou anciens talibés, 23 maîtres coraniques et de nombreux travailleurs sociaux, experts de la protection de l’enfance et agents du gouvernement, dans quatre régions du Sénégal. Le rapport de 81 pages, intitulé « “Il y a une souffrance énorme” : graves abus contre des enfants talibés au Sénégal » et révélé mardi 11 juin, fait le constat effroyable de dizaines de sévices subis par de très jeunes mineurs et perpétrés par des maîtres coraniques (marabouts) ou leurs assistants en 2017 et 2018.
La liste des supplices est longue : 61 cas de passages à tabac ou d’abus physiques, 15 cas de viols, tentatives de viols ou agressions sexuelles, 14 cas d’enfants séquestrés ou enchaînés parfois pendant des semaines ont été recensés. « Depuis 2013, nous avons relevé 39 décès d’enfants liés à ces abus ou à de la négligence, affirme au Monde Afrique Lauren Seibert, chercheuse adjointe de la division Afrique de HRW et auteure du rapport. J’en ai personnellement documenté plus d’une vingtaine. Et il ne s’agit que des cas que nous avons pu confirmer sur le terrain. En réalité, il y en a beaucoup plus, mais les informations sont difficiles à obtenir. Nos données montrent même une augmentation des décès entre 2017 et 2018 par rapport aux années précédentes. » Et ce, malgré le terrible incendie de 2013 dans le quartier de Médina, à Dakar, qui avait ôté la vie à neuf enfants enfermés dans leur daara par un maître négligent.
Mardi, après la publication du rapport, la Fédération nationale des écoles coraniques du Sénégal (Fnecs) a annoncé vouloir porter plainte contre HRW. « Ce n’est pas la première fois que cette ONG publie de telles insanités sur les écoles coraniques du Sénégal, a déclaré son président Moustapha Lô à SeneNews. Même si ces cas d’abus sexuels existent, c’est très peu fréquent comparé aux cas plus graves qui se passent dans les écoles françaises au Sénégal », accusant l’organisation internationale de défense des droits humains de vouloir « décourager les musulmans afin que leurs enfants ne fréquentent plus l’école coranique ».
« Mourir dans le silence »
Si la presse sénégalaise rapporte quelques cas, comme ces deux talibés morts en novembre 2018 d’un paludisme non traité, beaucoup échappent à la connaissance du public. « Le même mois, j’ai trouvé deux autres enfants à Saint-Louis décédés du tétanos et du paludisme dont personne n’a parlé », explique la chercheuse, consciente que « beaucoup meurent dans le silence et l’anonymat ».
D’après les données récoltées par HRW, il y aurait plus de 100 000 talibés en école coranique au Sénégal, obligés par leur maître de mendier pour récolter de l’argent et des vivres telles du sucre, du riz ou du pain. Pourtant, il ne faut pas non plus généraliser et toutes les daaras n’exploitent pas leurs talibés. « C’est un phénomène très complexe, tient à préciser Lauren Seibert. Il y a différents niveaux de négligence. Si l’on a vu certains marabouts forcer leurs élèves à la mendicité ou les battre, d’autres faisaient ce qu’ils pouvaient, malgré leur misère, pour offrir aux enfants des conditions de vie et d’études décentes. »
Les familles sénégalaises musulmanes confient traditionnellement certains de leurs enfants, dès 5 ans, à un marabout chargé de leur enseigner le Coran. Les crises économiques des années 1980 et 1990 ont poussé de plus en plus de foyers pauvres des campagnes à envoyer leurs enfants en nombre dans les daaras des villes. Certains marabouts peu scrupuleux y ont vu une aubaine pour s’enrichir, instrumentalisant l’aumône, l’un des cinq piliers de l’islam, comme levier d’exploitation des plus fragiles. Les recherches de HRW évaluent à plusieurs centaines les enfants ainsi réduits à la mendicité entre 2017 et 2018.
Une forme de traite qui prend même une dimension internationale. En 2018, l’ONG Enda a ainsi réussi à sortir 128 enfants de cet enfer et à les renvoyer à leur famille : 110 d’entre eux provenaient de Guinée, de Guinée-Bissau, du Mali, de Mauritanie, du Liberia et du Niger.
Dans son rapport, HRW rappelle aussi que ces enfants envoyés en migration courent le risque d’être « recrutés ou exploités par les groupes armés islamistes qui opèrent en Afrique de l’Ouest et au Sahel », citant des cas « documentés par l’ONU dans le centre du Mali ». Si certains parents n’ont pas conscience des dangers auxquels ils exposent leur progéniture, d’autres participent activement à ce trafic, recevant même en retour de l’argent du marabout. Ainsi des parents, sous l’influence d’un maître coranique, renvoient leurs enfants auprès de celui-ci même quand une décision de justice les leur a rendus à la suite à de mauvais traitements, relève le rapport.
« Mesures fortes »
Au Sénégal, recruter des enfants à des fins d’« exploitation de la mendicité » est un crime. Mais les peines « sont souvent réduites », avance Lauren Seibert. Elle donne l’exemple de ce maître coranique de Saint-Louis condamné en février à deux ans de prison pour « coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner », après avoir battu un enfant.
L’ONG suggère plusieurs recommandations à l’Etat sénégalais pour renforcer son arsenal juridique. Aux yeux de HRW, « il faut voter une loi sur le statut des daaras afin d’établir des standards officiels de sécurité et de santé, appuie-t-elle. Aujourd’hui, les milliers de daaras du Sénégal ne sont astreintes à aucune réglementation. Il y a très peu d’inspections et d’arrestations suite à des cas de maltraitance. Du fait de lois peu claires et pas suffisamment appliquées. »
S’il y a pourtant eu une augmentation des poursuites de marabouts abusifs ces dernières années, « ils bénéficient souvent de remises de peine, car ils ont beaucoup d’influence dans la société », dénonce l’auteure du rapport, qui souhaite au passage aussi des sanctions « mieux appliquées pour les parents qui renvoient leur enfant en daara ».
Réélu en février, le président Macky Sall a promis fin mai « des mesures fortes »visant à « éradiquer de façon définitive » la mendicité des enfants. Une « bonne intention qui doit être suivie d’actes concrets », réagit Lauren Seibert, précisant la nécessité d’augmenter pour y parvenir les ressources des services de protection de l’enfance, déplorant que « certaines régions n’aient même pas un centre d’accueil pour mineurs où les talibés maltraités puissent se réfugier ».
En février, à Saint-Louis, un talibé de 8 ans, qui n’osait pas rentrer dans sa daara parce qu’il n’avait amassé suffisamment d’argent durant la journée, a été violé par un adolescent. Un autre de 9 ans a fugué de sa pension de Dakar, n’en pouvant plus des coups. Aux enquêteurs, il s’est confié avec ces mots terribles : « Dans la daara, on se fait battre jusqu’à ce qu’on croie mourir. »
par Sidy Diop
BATAILLE MYSTIQUE
Chez nous, il faut toujours des prières, des bains mystiques et une noria de marabouts pour mobiliser des forces occultes en faveur de nos équipes
La pression monte. Après une saison très remplie, nos footballeurs s’apprêtent à prendre part à la Coupe d’Afrique des nations qui aura lieu en Egypte du 21 juin au 19 juillet. Encore un mois de passion, d’emportements et de commentaires. Notre équipe est déjà passée à la loupe. Sadio Mané, récent vainqueur de la Ligue des champions et du Onze d’or, cristallise les espoirs et les critiques. On attend de lui qu’il ait l’étoffe d’un leader, qu’il porte l’équipe et mouille un peu plus le maillot. Comme à Liverpool. Car beaucoup de nos compatriotes, un peu trop chauvin du reste, pensent qu’avec la belle cote et les belles performances de nos joueurs en Europe, cette compétition africaine devrait, enfin, nous revenir.
Loin de ces certitudes, le président de la Fédération sénégalaise de foot, Augustin Senghor, est allé à Popenguine solliciter une «union des prières pour le succès des Lions à la Can». Gagner en foot, ce n’est plus seulement une affaire de talent. Chez nous, il faut toujours des prières, des bains mystiques et une noria de marabouts confortablement logés dans des chambres d’hôtel pour mobiliser des forces occultes en faveur de nos équipes. Mais, dans cette bataille d’esprits et de djinns qui se déroule hors des terrains, nous ne sommes pas très performants. Nous n’avons toujours rien gagné.
POUR KAGAME, LA RÉSOLUTION DES PROBLÈMES AFRICAINS DOIT ÊTRE AFRICAINE
La coopération entre pays africains contre le terrorisme est une nécessité absolue pour le président du Rwanda - Sinon, ce sera un échec, selon lui
Paul Kagame prend les choses en main. Quelques heures après un nouvel épisode du cycle d'atrocités intercommunautaires qui frappe le Mali depuis plusieurs mois, attisé par les jihadistes locaux, le président rwandais fait ce constat : les pays africains "doivent travailler ensemble" pour lutter contre le terrorisme. Sinon, a-t-il expliqué à Libreville le 10 juin 2019, en réponse à une question sur la lutte contre le terrorime, "nous ne réussirons pas à mettre fin" aux problèmes sécuritaires sur le continent.
C'est aux Africains de résoudre les problèmes africains
Cette coopération est "nécessaire" car "certains problèmes traversent les frontières, ils ne sont pas confinés à une zone ou à un pays", a précisé M. Kagame lors d'une conférence de presse en anglais, à l'issue d'une rencontre avec le chef de l'Etat gabonais Ali Bongo Ondimba. Pour le président rwandais, la chose est entendue : la résolution des problèmes africains doit être africaine.
Des aides "venues de l'extérieur du continent (...) peuvent parfois compliquer encore plus les problèmes", a-t-il développé dans une allusion à l'opération française Barkhane au Mali. "La meilleure façon" de résoudre les problèmes "est de travailler avec les pays africains et des institutions comme l'Union africaine (...) et de venir ensuite les aider dans leurs initiatives."
Paul Kagame est l'homme fort du Rwanda depuis que le groupe rebelle qu'il dirigeait, le Front patriotique rwandais, a renversé en juillet 1994 le gouvernement extrémiste hutu. Ce dernier avait déclenché un génocide qui a fait 800 000 morts entre avril et juillet 1994, essentiellement parmi la minorité tutsie. Depuis, le président rwandais est crédité du spectaculaire développement, principalement économique, d'un pays exsangue au sortir du génocide. Mais il est aussi accusé de bafouer la liberté d'expression et de réprimer toute opposition.
LA SÉRIE QUI MET À NU LES TABOUS DE LA SOCIÉTÉ SÉNÉGALAISE
Le fait que "maîtresse d'un homme marié" montre - sous un jour parfois cru - la douleur des épouses délaissées, l'hypocrisie des hommes et les désirs d'émancipation des femmes, est précisément la raison de son succès
Cheikh soulève sa seconde épouse, la hisse sur son épaule avant de la jeter virilement sur un lit parsemé de pétales de rose.Le couple gloussant s'enlace, la porte se ferme sur une ultime image de chaussons blancs ondulant en cadence.
Diffusée depuis janvier sur la chaîne privée sénégalaise 2STV à une heure de grande écoute, la série "Maîtresse d'un homme marié" met en scène cinq jeunes femmes, indépendantes et urbaines, dont certaines fricotent avec des hommes mariés...et finissent parfois par les épouser, comme Marème.
Bien que les relations y soient suggérées - on ne verra que rarement un baiser à l'écran - elle provoque l'ire d'organisations musulmanes, dont les plaintes lui ont valu des rappels à l'ordre du Conseil national de régulation de l'audiovisuel (CNRA).
Dans le quartier Sicap Liberté 3, à Dakar, la famille Sène est, tous les lundis et vendredis soirs, religieusement réunie devant son poste de télévision pour son feuilleton favori.
Entre deux publicités dansantes vantant les mérites du riz local, Rose, pétulante mère célibataire, condamne la censure planant sur la série, en laquelle elle voit un miroir fidèle d'une société hypocrite.
- "Tu n'es rien" -
"Les hommes qui critiquent la série sont les mêmes que ceux qui ont des maîtresses et leur font bien pire que ce qui est montré à l'écran !", affirme Rose.
"On juge les femmes parce qu'elles habitent seules, parce qu'elles s'assument...Au Sénégal, si à la trentaine tu n'es pas mariée, tu n'es plus une fille bien.Ici, tu as beau tout réussir, si tu n'as pas d'homme, tu n'es rien", soupire-t-elle.
Chaque membre de la famille s'identifie à un personnage."La mienne, c'est Djalika", sourit la fille de Rose - qui, comme son personnage favori, élève seule ses enfants.Son voisin de canapé, un jeune homme drapé dans un survêtement noir, lui préfère l'ombrageux Birame."Il fait du mal aux femmes, t'aurais pu mieux choisir !" s'esclaffe l'une de ses cousines.n
Le fait que la série montre - sous un jour parfois cru - la douleur des épouses délaissées pour une plus jeune, l'hypocrisie des hommes et les désirs d'émancipation des femmes, est précisément la raison de son succès, au Sénégal et à travers l'Afrique de l'Ouest.
Sur Youtube, chaque épisode est vu entre un et deux millions de fois, et génère des tombereaux de commentaires élogieux.
L'engouement - et parfois le scandale - est tel qu'un des acteurs a reçu une gifle d'une femme qui aurait pu être sa mère alors qu'il faisait du sport sur la corniche de Dakar."Elle lui a dit :+Arrête de boire et occupe-toi de ta famille!+'", raconte, hilare, la productrice exécutive, Kalista Sy.
- "Apologie de la fornication" -
Mais les outrances de la série ne font pas rire tout le monde, notamment l'ONG islamique Jamra qui a saisi le CNRA dès janvier.
Le gendarme de l'audiovisuel a finalement autorisé le 29 mars la poursuite de la diffusion, à condition d'apporter des "mesures correctives" au scénario, sous peine de retardement de l'horaire, voire d'interdiction pure et simple.
Tout était rentré dans l'ordre, du point de vue des associations religieuses, jusqu'au 34e épisode, celui où l'on voit Cheikh et Marème folâtrer sur le lit conjugal, qui a suscité le 31 mai une "mise en demeure" du CNRA.
"La ligne rouge a été franchie.Ils ont offensé une grande partie des Sénégalais en diffusant du contenu quasiment pornographique pendant le mois béni du Ramadan", fulmine Mactar Guèye, représentant de Jamra.
"Force est de reconnaître que cette série dépeint très fidèlement la société sénégalaise, et le problème de l'infidélité chez les hommes", concède M. Guèye, interviewé par l'AFP dans sa maison où un écran géant diffuse ...une chaîne de telenovelas.
"Mais il est impensable que cette apologie de la fornication et de l'adultère continue en l'état", fulmine-t-il.
- Cinq femmes puissantes -
"Maîtresse d'un homme marié" se caractérise pourtant par un propos parfois moralisateur.Les briseuses de ménage se voient toujours dûment tancées par leur entourage.
Mais pour la militante féministe sénégalaise Fatou Kiné Diouf, "cette morale n'empêchera jamais les spectatrices de vivre leur vie".
"La série montre des femmes qui assument leur sexualité.On ne le montrera jamais à l'écran, mais on en parle : en cela, cette série est vraiment puissante", explique-t-elle.
Sur le plateau du tournage - des bureaux désertés le week-end, règne un joyeux brouhaha.Les chaises sont jonchées de grandes robes multicolores, le maquillage se fait à la va-vite, sur une table.
"On tourne douze heures par jour, six jours par semaine.Alors la polémique, on n'en entend pas parler, et c'est tant mieux", glisse l'actrice qui incarne Djalika avant de se faire redessiner les sourcils.
D'une voix lasse, la productrice énumère les difficultés rencontrées: machisme, pressions religieuses, problèmes techniques émaillant les tournages.
"Mais quand les jeunes femmes regardent la série et s'identifient enfin à des personnages qui leur ressemblent, elles en sont très émues", se réjouit Kalista Sy."Et ça, personne ne peut nous l'enlever".
par Alassane Kitane
CONFERENCE DE PRESSE À DÉCHARGE ?
Ce n’est pas en traquant des fonctionnaires ou des personnes privées en possession de documents administratifs qu’on va absoudre les criminels indexés par une investigation de journalistes
Au regard de l’attitude du gouvernement, nous nous acheminons tout droit vers un imbroglio politico-juridique pour, à la fin, étouffer cette affaire Petrotim dans un écran de fumée étalé devant les yeux du peuple pour l’empêcher de voir les faits. La démarche passive que sous-entend la déclaration du procureur laisse dubitatif : en temps normal, le procureur est un inquisiteur, quelqu’un qui sait ce qu’il veut savoir et où il doit aller le chercher. Quant à offrir aux citoyens la possibilité de dire ce qu’ils savent, c’est certes très utile, mais gravement source de diversion et de confusion, pour ne pas dire d’amalgames provoqués.
Une justice ne peut pas se contenter d’un simple appel à témoins pour rendre justice au peuple. La délation, les fausses pistes, les compromissions, etc. pourront certes être dépistées et mises à nue, mais cela prendra du temps, beaucoup de temps, trop de temps même. Or personne n’est dupe : dans une affaire d’escroquerie, de pots de vin et d’enrichissement illicite, le temps est le premier avocat des prévenus. Ce n’est pas pour rien que dans l’affaire Karim Wade on a inventé une histoire de compte à Singapour et de sapiteurs imaginaires, dans le seul but de contourner la loi et le maintenir dans les liens de la prévention. Ce qu’ils redoutaient, c’est qu’il puisse être libre et trouver les moyens de se « laver proprement ».
Vous pouvez nous bander les yeux et nous empêcher de voir la réalité, mais vous ne pourrez jamais nous empêcher de penser la façon hideuse dont vous nous traitez. Ce n’est pas en traquant des fonctionnaires ou des personnes privées en possession de documents administratifs qu’on va absoudre les criminels indexés par une investigation de journalistes. Il y a des experts de renommée mondiale qui ont permis (par leur éclairage) à la BBC de conclure à la thèse de la spoliation. Il y a des majors qui étaient en compétition dans cette course, il y a des autorités qui sont signé des contrats, bref tout est là pour éclairer la lanterne des Sénégalais.
Ces experts interviewés par la BBC peuvent se tromper ou être manipulés, mais leurs propos indexent directement les dirigeants de ce pays : par conséquent, au-delà de la question de leur honorabilité ou de leur crédibilité scientifique, il se pose ici la question fatale de la crédibilité des textes et décrets du gouvernement sénégalais. Offense ne peut être plus grave contre l’honorabilité de notre pays : il faut donc mettre à contribution ces hommes du sérail dans la recherche de la vérité. Un ancien ministre a déclaré récemment qu’au « Sénégal, ceux qui savent ne parlent pas, et ceux qui parlent ne savent pas ». Voilà au moins quelqu’un qui a offert ses services au procureur avant qu’il n’en fasse la demande.
Nous ne sommes pas juriste, mais en tant que citoyen, nous sommes en mesure de dire que cette affaire ne pourra être tirée au clair que par une pression constante et inflexible de l’opinion. Car cette affaire n’est pas seulement une affaire de justice, c’est une question vitale relative à la souveraineté et à la responsabilité que notre génération a envers celles futures. La souveraineté, disait Rousseau, est inaliénable : on rend la justice au nom du peuple, jamais à sa place. Il ne s’agit pas de faire confiance à la justice et de croiser les bras pour dormir à poings fermés : un peuple libre est un peuple vigilant ; un peuple souverain est un peuple actif ; un peuple noble est un peuple qui lutte constamment pour améliorer son sort au lieu de monter allégrement sur la bête de somme piétiste qui inhibe son énergie et assombrit son horizon. La nature de cette affaire, les enjeux qu’elle engage, les responsables qui pourraient être appelés à justifier leurs choix sont tels qu’un fléchissement de la pression sociale dissoudra inexorable le vrai dans bain d’acide de mensonges et de manipulations. C’est tout un clan qui est en situation de danger !
Nixon a été contraint à la démission pour moins que ce qui est ici en jeu. Dans cette affaire, le parjure à lui seul suffirait à traduire quelques autorités en justice. Il y a un reflexe de survie qui guide désormais la démarche des mis en cause dans cette affaire. Le peuple doit savoir, le peuple doit être informé, mais on ne peut pas compter sur la bonne volonté d’un des protagonistes pour la bonne information. Personne ne pourra bâillonner le peuple sous le prétexte d’un déclenchement de la machine judiciaire. Les vigiles doivent rester à leur poste, les lanceurs d’alerte devront être davantage alertes, les opposants devront accepter d’affronter les rigueurs de la privation de la liberté pour être dignes de porter légitimement ce combat.
Il faut savoir, comme le dit Rousseau que « de lui-même, le peuple veut toujours le bien, mais de lui-même, il ne le voit pas toujours. La volonté générale est toujours droite, mais, le jugement qui la guide n'est pas toujours éclairé ». Nous n’avons rien fait pour mériter cette manne pétrolière qui se profile à l’horizon, mais nous devons tout faire pour la rendre profitable. Et la première pierre que nous devons poser pour que cet édifice soit édifié, c’est de monter au peuple ce qui a été fait, le lui expliquer dans les détails : nous avons une chance historique grâce à cette affaire et il n’est pas question de la dilapider.
par Ousmane Sonko
ET LA JUSTICE POLITIQUE ENTRA DANS LA DANSE !
J'ai suivi pour une fois, avec beaucoup d'amusement, le procureur de Macky Sall jouer sa participation dans la tentative désespérée de diversion d'un pouvoir rattrapé par ses mensonges d'Etat
J'ai suivi pour une fois, avec beaucoup d'amusement, le procureur de Macky Sall jouer sa participation dans la tentative désespérée de diversion d'un pouvoir rattrapé par ses mensonges d'Etat.
Le bras judiciaire de Macky Sall semblait plus être dans son meeting politique que dans une conférence de presse d'un procureur. Au service de son "maître" il s'est lancé de manière péremptoire dans du "garawalé" invitant: "les experts pétroliers, de quitter les médias et les réseaux sociaux et allez aider les enquêteurs".
Ainsi ne parle pas un procureur !
Mais qu'à cela ne tienne, je le prends au mot et me mets à la disposition totale de ses "enquêteurs" pour réitérer et fournir les preuves de mes accusations de trafic d'influence, conflit d'intérêt, faux, prise illicite d'intérêt, fraude fiscale, concussion et trahison contre les personnes de Macky Sall, Aliou Sall, Aly Ngouille Ndiaye, Amadou Ba et Cheikh Ahmed Tidiane Bâ, Mohamed Abdallah Boun Dionne... Ces griefs sont largement développés dans mon livre publié en 2017.
Je lui rappelle par ailleurs ma plainte portant sur le détournement foncier des 94 milliards. Depuis plus de 20 mois, il feint de l'ignorer en se réfugiant derrière une commission d'enquête parlementaire BBY.
par l'éditorialiste de seneplus, demba ndiaye
VIDEO
LE PROCUREUR ET SES ÉCRANS DE FUMÉE
EXCLUSIF SENEPLUS - On cherche plus à trouver (et sanctionner) les lanceurs d’alerte et autres gorges profondes qui veulent aider à une gouvernance transparente - L’affaire Petrotim aura un enterrement de première classe
Que tous ceux et celles qui savent des choses sur les contrats pétroliers, l’affaire dite Pétrole Tim, Aliou Sall, le frangin du président de la République, que ceux-là donc aillent livrer leurs informations à la Division des investigations criminelles ;
A la section de recherche de la gendarmerie, il est demandé d’identifier ceux ou celles qui ont joué aux gorges profondes en mettant sur la place publique le fameux rapport de l’Inspection générale d’Etat (rapport qui soit dit en passant ne serait pas parvenu au chef de l’Etat). Voilà donc l’essentiel de la sortie du Procureur Serigne Bassirou Gueye, sur cette affaire qui a mis depuis quelques jours toute la République en émoi, voire carrément sur des charbons ardents.
Pourquoi cette sortie du procureur donne-t-elle l’impression d’un épais écran de fumée visant à obscurcir justement le champ de pétrole qu’il devait éclairer ? Surtout que ces sorties ironiques sur les « spécialistes », les « sachants » et autres journalistes, n’ont fait rire personne. Au contraire, cela frise un mépris pour tous ceux qui depuis des mois pour certains, demandent que la lumière soit faite sur cette satanée affaire de pétrole et de gaz !
Le Procureur a aussi, dans sa grande nouvelle magnanimité, bien voulu dire quelques mots sur deux autres points. Il s’agit de l’affaire dite du Coud. Si celle-ci traine, c’est que d’une part, certains des mis en cause n’ont pas été interrogé par les enquêteurs, d’autre part, il y a des chiffres qui ne sont pas clairs. Il a donc renvoyé le dossier aux enquêteurs pour complément. Le nouveau ministre de l’Enseignement supérieur, (ex Directeur du Coud) peut dormir sur ses deux oreillers et oreilles.
Enfin, sur l’affaire de l’étudiant Fallou Sène assassiné le 13 mai 2018, c’est la faute à la nature du suspect qui est un militaire. Si on comprend entre les explications énigmatiques du Procureur, ce sont les pandores qui ont trainé les pieds mais que dès cette semaine, elle devrait connaître une évolution plus rapide.
Personnellement, j’ai comme qui dirait toujours une très grosse faim de savoir. On en sort comme anesthésié, shooté aux analogiques. Pourquoi cet appel à témoins ? Pourquoi devraient-ils (ceux qui savent ou ont des documents) courir le risque d’aller témoigner avec la menace de recel de documents, comme il l’a du reste rappelé en parlant de documents classés et des archives non déclassifiées ?
L’impression générale ? l’affaire aura un enterrement de première classe. On cherche plus à trouver (et sanctionner) les lanceurs d’alerte et autres gorges profondes qui veulent aider à une gouvernance transparente. Ces menaces sont un avertissement : qui fourre son nez dans les affaires d’Etat, risque plus la prison qu’une médaille de citoyen d’honneur, voire de héros.
Une autre idée (farfelue bien sûr) que ceux qui savent ou disposent de documents aillent le dire et les déposer publiquement au fameux « dialogue national », devant l’opinion. Et non dans les bureaux très peu accueillants de la Dic.
Lorsqu’il apprend en 2014, la décision de son frère de briguer la mairie de Guédiawaye, Macky fait grise mine - Une fois élu, sans prévenir la présidence, Aliou Sall sillonne le pays pour préparer son élection à la tête de l’Association des maires
À la veille des élections locales de juin 2014, un soupçon de népotisme plane au-dessus de Macky Sall. De Dakar à Saint-Louis en passant par Rufisque, plusieurs candidats ne lui sont-ils pas – directement ou indirectement – apparentés ? Le cas d’Aliou Sall, qui entend briguer la mairie de Guédiawaye, est pourtant plus compliqué qu’il n’y paraît. Lorsqu’il apprend la nouvelle, le président fait grise mine, aux dires de plusieurs de ses proches. Non seulement l’irruption de son frère en politique ne l’arrange pas – deux de ses beaux-frères sont déjà candidats –, mais le risque d’une défaite est probable. « Je n’avais pas d’ancrage particulier à Guédiawaye », reconnaît Aliou Sall.
Inquiétude à la présidence, où Macky Sall mandate divers émissaires pour dissuader son cadet. « Tu veux créer des problèmes à ton frère ? Pourquoi ne vas-tu pas à Fatick ? » l’interpelle l’un d’entre eux. « Parce qu’à Fatick je suis sûr de gagner et qu’on dira que c’est grâce à lui », rétorque Aliou.
Le cadet indiscipliné remportera le défi qu’il s’est lancé. Mais il ne s’arrêtera pas là. Une fois maire de Guédiawaye, sans prévenir la présidence, il sillonne le pays pour préparer son élection à la tête de l’Association des maires du Sénégal. Lorsque Macky Sall annonce à ses collaborateurs sur qui se porte son choix pour ce poste, ces derniers le dissuadent : « Votre frère fait campagne depuis trois mois, votre candidat n’a aucune chance. » On connaît la suite.
Article paru octobre 2016 dans les colonnes de JA
VIDEO
LA DIC SAISIE À PROPOS DE L'AFFAIRE PETROTIM
Le procueur de la République annonce avoir instruit la Direction des investigations criminelles, afin que tous ceux qui détiennent des informations sur ce dossier soient entendus
Le Procureur de la République fait face à la presse au moment où ces lignes sont écrites. En autres questions, Bassirou Guèye s’est exprimé sur l’affaire des contrats pétroliers et gaziers, qui incrimine le frère du Président, Aliou Sall et sur le rapport de l'IGE publié dans les médias. Il demande à tous ceux qui détiennent des informations de s’approcher des enquêteurs pour alimenter utilement l’enquête.
«À partir de ce moment déterminé, je voudrais inviter tous les sachant, tous ceux qui détiennent des informations, des documents, des renseignements à s’adresser à la Division des investigations criminelles (Dic) pour éclairer les Sénégalais sur cette question », déclare le procureur de la République.
Serigne Bassirou Guèye d’ajouter: « J’invite avec une particulière insistance tous ces grands connaisseurs des affaires du pétrole et du gaz sénégalais, tous ces fins analystes, spécialistes du pétrole et du gaz à rediriger leurs efforts et leurs documents à la Dic. C’est là que utilement l’enquête pourra progresser pour permettre aux Sénégalais d’avoir la lumière sur l’affaire ».
Donnant raison à tous ceux qui disaient que la balle est dans le camp du procureur, Serigne Bassirou Guèye, pour sa part, redonne la balle à ces derniers. « Aujourd’hui, la balle est dans votre camp. Les enquêteurs vous attendent. Le Chef de la Division des investigations criminelles (Dic) a été instruit par mon soin de n’épargner personne, de ne négliger aucune information, de ne sous-estimer aucun témoignage, de ne laisser en rade aucun document en somme de prendre en compte toutes les pistes qui sont susceptibles de mener à la manifestation de la vérité », conclut-il.