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14 août 2025
QUAND LE CADET DÉFIE L'AÎNÉ
Lorsqu’il apprend en 2014, la décision de son frère de briguer la mairie de Guédiawaye, Macky fait grise mine - Une fois élu, sans prévenir la présidence, Aliou Sall sillonne le pays pour préparer son élection à la tête de l’Association des maires
À la veille des élections locales de juin 2014, un soupçon de népotisme plane au-dessus de Macky Sall. De Dakar à Saint-Louis en passant par Rufisque, plusieurs candidats ne lui sont-ils pas – directement ou indirectement – apparentés ? Le cas d’Aliou Sall, qui entend briguer la mairie de Guédiawaye, est pourtant plus compliqué qu’il n’y paraît. Lorsqu’il apprend la nouvelle, le président fait grise mine, aux dires de plusieurs de ses proches. Non seulement l’irruption de son frère en politique ne l’arrange pas – deux de ses beaux-frères sont déjà candidats –, mais le risque d’une défaite est probable. « Je n’avais pas d’ancrage particulier à Guédiawaye », reconnaît Aliou Sall.
Inquiétude à la présidence, où Macky Sall mandate divers émissaires pour dissuader son cadet. « Tu veux créer des problèmes à ton frère ? Pourquoi ne vas-tu pas à Fatick ? » l’interpelle l’un d’entre eux. « Parce qu’à Fatick je suis sûr de gagner et qu’on dira que c’est grâce à lui », rétorque Aliou.
Le cadet indiscipliné remportera le défi qu’il s’est lancé. Mais il ne s’arrêtera pas là. Une fois maire de Guédiawaye, sans prévenir la présidence, il sillonne le pays pour préparer son élection à la tête de l’Association des maires du Sénégal. Lorsque Macky Sall annonce à ses collaborateurs sur qui se porte son choix pour ce poste, ces derniers le dissuadent : « Votre frère fait campagne depuis trois mois, votre candidat n’a aucune chance. » On connaît la suite.
Article paru octobre 2016 dans les colonnes de JA
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LA DIC SAISIE À PROPOS DE L'AFFAIRE PETROTIM
Le procueur de la République annonce avoir instruit la Direction des investigations criminelles, afin que tous ceux qui détiennent des informations sur ce dossier soient entendus
Le Procureur de la République fait face à la presse au moment où ces lignes sont écrites. En autres questions, Bassirou Guèye s’est exprimé sur l’affaire des contrats pétroliers et gaziers, qui incrimine le frère du Président, Aliou Sall et sur le rapport de l'IGE publié dans les médias. Il demande à tous ceux qui détiennent des informations de s’approcher des enquêteurs pour alimenter utilement l’enquête.
«À partir de ce moment déterminé, je voudrais inviter tous les sachant, tous ceux qui détiennent des informations, des documents, des renseignements à s’adresser à la Division des investigations criminelles (Dic) pour éclairer les Sénégalais sur cette question », déclare le procureur de la République.
Serigne Bassirou Guèye d’ajouter: « J’invite avec une particulière insistance tous ces grands connaisseurs des affaires du pétrole et du gaz sénégalais, tous ces fins analystes, spécialistes du pétrole et du gaz à rediriger leurs efforts et leurs documents à la Dic. C’est là que utilement l’enquête pourra progresser pour permettre aux Sénégalais d’avoir la lumière sur l’affaire ».
Donnant raison à tous ceux qui disaient que la balle est dans le camp du procureur, Serigne Bassirou Guèye, pour sa part, redonne la balle à ces derniers. « Aujourd’hui, la balle est dans votre camp. Les enquêteurs vous attendent. Le Chef de la Division des investigations criminelles (Dic) a été instruit par mon soin de n’épargner personne, de ne négliger aucune information, de ne sous-estimer aucun témoignage, de ne laisser en rade aucun document en somme de prendre en compte toutes les pistes qui sont susceptibles de mener à la manifestation de la vérité », conclut-il.
POURQUOI ALIOU SALL DÉCHAÎNE LES PASSIONS
POINT DE MIRE SENEPLUS - Un pied en politique, l’autre dans les affaires… il est devenu la tête de Turc des opposants à son aîné, le chef de l’État, qui l’accusent de prévarication sur fond de népotisme - Enquête
Jeune Afrique |
Benjamin Roger et Mehdi Ba |
Publication 12/06/2019
«Alors, qu’est-ce que j’ai encore fait ? » Drapé dans un bazin immaculé et confortablement installé dans son bureau de l’Association des maires du Sénégal (AMS), au premier étage d’une villa de type colonial bordant la place de l’Indépendance, à Dakar, Aliou Sall se plaît à jouer le rôle d’un prévenu convoqué à la barre des flagrants délits par quelque procureur soupçonneux.
La presse et l’opposition n’en font-elles pas leurs choux gras, l’accusant régulièrement de tirer profit de sa naissance pour s’enrichir frauduleusement ? « Aliou Sall symbolise le népotisme », lui décochait récemment l’opposant Mame Adama Guèye.
Diabolisé
À 47 ans, Aliou Sall est tout à la fois le maire de Guédiawaye (une commune électoralement stratégique de la banlieue dakaroise), le président de l’AMS et un consultant au lourd carnet d’adresses, prisé par diverses entreprises désireuses de s’implanter dans le pays. Pourtant, nombreux sont ceux qui réduisent son CV à une unique référence : frère cadet du président Macky Sall. Si huit années les séparent, bien des choses les rassemblent, outre une ressemblance physique évidente. Une enfance et une adolescence passées à Fatick, dans le Sine-Saloum.
Une idylle précoce – et durable, pour Aliou – avec la mouvance maoïste, incarnée à l’époque par And-Jëf, le parti de Landing Savané. Des études plus qu’honorables, rectilignes pour Macky, le géologue et géophysicien, plus sinueuses pour Aliou, le journaliste engagé devenu énarque après s’être frotté aussi bien à l’action sociale qu’à la gestion financière. Et une écharpe de maire, endossée à quelques années d’écart – à Fatick pour l’aîné, à Guédiawaye pour le cadet. Malgré le sacre de Macky Sall, en mars 2012, Aliou Sall est amer : « On diabolise sa gouvernance à travers ma personne », résume-t‑il.
Depuis 2014, « Monsieur Frère » est en effet devenu la tête de Turc des détracteurs du régime, qui voient en lui le dernier avatar en date d’un mariage contre-nature entre népotisme et prévarication. Jusque-là, tout au plus savait-on que cet homme discret, encore inconnu de Wikipédia, avait officié pendant cinq ans à l’ambassade du Sénégal à Pékin, chargé du bureau des affaires économiques.
Une nomination qui survient en 2006, alors que son frère est Premier ministre, et qu’il saura conserver au forceps après la disgrâce de Macky Sall, fin 2008 – laquelle lui vaudra d’être un temps dans le collimateur du « super-ministre » Karim Wade. L’intéressé peut alors compter sur le soutien sans faille de son ambassadeur, le général Pape Khalilou Fall, qui mettra sa propre démission dans la balance pour conserver jusqu’au bout son collaborateur.
Connu du monde des affaires
« Je n’aurais jamais imaginé me retrouver un jour à Pékin, mais c’était un clin d’œil amusant à mon parcours d’être affecté au pays de Mao », s’amuse l’ancien leader étudiant. Très vite, il prend son nouvel emploi à cœur et tisse son réseau entre diplomates, financiers et hommes d’affaires. En 2010, lors d’un cocktail, le célèbre architecte sénégalais Pierre Goudiaby Atepa, qui dispose d’un bureau de représentation à Pékin, lui présente Frank Timis, qu’il considère comme un ami.
Cet Australo-Roumain détient plusieurs permis d’exploitation minière et pétrolière en Afrique de l’Ouest, notamment au Sénégal. Timis lui présentera à son tour l’un de ses amis, Wong Joon Kwang, dit Eddie Wong, un businessman chinois désireux d’y investir.
À Dakar, ce dernier est sur le point d’obtenir la concession de deux blocs offshore à potentiel pétrolier ou gazier. En janvier 2012, Wong Joon Kwang, directeur général et actionnaire unique de Petro-Tim Limited (créée pour l’occasion), conclut avec les autorités sénégalaises deux contrats de recherche et de partage de production (CRPP) pour les blocs Saint-Louis profond et Cayar profond. Le directeur général de Petrosen (Société des pétroles du Sénégal), le ministre de l’Énergie – Karim Wade – et le président Abdoulaye Wade cosignent les documents.
Officiellement, Frank Timis n’est pas impliqué dans l’opération, mais il joue les facilitateurs. À quelques semaines de la présidentielle, il recherche un homme de confiance à Dakar pour gérer la filiale sénégalaise qu’Eddie Wong est tenu de créer dans le cadre de ces contrats. Pierre Goudiaby Atepa lui recommande Aliou Sall, qui « parle parfaitement l’anglais, connaît les circuits économiques et a le bon profil ».
« C’est moi qui ai organisé à Dakar le rendez-vous lors duquel Frank a proposé à Aliou de prendre en charge la filiale de Petro-Tim Ltd », reconnaît l’architecte. Aliou Sall confirme, sans toutefois parvenir à expliquer pourquoi Frank Timis et Eddie Wong se sont tournés vers lui alors qu’il était dépourvu d’expérience dans le pétrole ou dans la gestion d’entreprises. « Timis m’a demandé d’aider Eddie Wong à s’installer », élude-t‑il.
Au cœur d’un conflit d’intérêts
Une fois élu, en mars 2012, Macky Sall trouve sur son bureau, parmi d’autres dossiers lancés par le régime précédent, celui de Petro-Tim. Le 19 juin 2012, au nom de la continuité de l’État, il signe les décrets avalisant la concession d’exploration accordée à Eddie Wong. Le nouveau président est alors informé que son frère s’apprête à être nommé gérant de Petro-Tim Sénégal, la filiale sénégalaise de Petro-Tim Ltd, qui sera créée à Dakar le 9 juillet suivant, avec un capital de 10 millions de F CFA. Bien que Macky Sall ne soit pas à l’origine du contrat, la présence de son frère dans l’organigramme aiguise les soupçons d’un possible conflit d’intérêts.
À en croire Aliou Sall, son frère aîné se serait toutefois montré soulagé de le voir opter pour le privé. Car, en novembre 2011, le ministre-conseiller à l’ambassade du Sénégal à Pékin est revenu à Dakar – en congés, puis en disponibilité – apporter discrètement son concours au candidat Macky Sall. Et a décidé de rester au pays. Au lendemain de la victoire, Aliou Sall espère obtenir un poste digne de son expérience… et de ses ambitions.
« Vu ses qualifications, il songeait à une fonction telle que la direction de l’Apix [Agence chargée de la promotion et des grands travaux] ou le secrétariat général du ministère des Affaires étrangères », raconte son vieil ami Souleymane Jules Diop, par ailleurs ancien conseiller du chef de l’État.
Macky Sall, selon son entourage, redoute l’accusation de népotisme. « Il lui a fait comprendre qu’il ne le nommerait pas par décret », précise un proche du président. « Lorsqu’il a reçu le responsable de Petro-Tim en présence de son frère, il lui a dit clairement que l’entreprise n’obtiendrait aucune faveur du fait de cette relation de sang », assure un autre confident de Macky Sall.
De son côté, Aliou Sall affirme n’avoir accompli aucune démarche vis‑à-vis des autorités jusqu’à la signature des décrets présidentiels, en juin 2012. Question d’amour-propre ? « Tout ce qu’Aliou fera par la suite, ce sera pour prouver à son frère aîné qu’il ne lui doit rien », considère Souleymane Jules Diop. Un désir d’émancipation qu’illustrera sa candidature à la mairie de Guédiawaye, en 2014.
Dans un premier temps, les nouvelles fonctions d’Aliou Sall dans une société pétrolière passent inaperçues. Mais en octobre 2014, alors que le procès de Karim Wade pour enrichissement illicite donne lieu à un bras de fer féroce avec la justice sénégalaise, l’ex-président Wade accuse publiquement Aliou et Macky Sall de se partager de manière occulte les fruits de la rente pétrolière.
Selon le secrétaire général du Parti démocratique sénégalais (PDS, opposition), Aliou Sall détiendrait 30 % de Petro-Tim Sénégal, même si les documents officiels de constitution de la société, que Jeune Afrique a pu consulter, montrent qu’Aliou Sall ne détient aucune participation dans la filiale sénégalaise.
L’opposition et la société civile sont en émoi. « Macky Sall, qui connaît parfaitement le secteur pétrolier en tant qu’ancien directeur chez Petrosen et ex-ministre des Mines, a mis son frère sur le coup », dénonce, furieux, l’ex-inspecteur des impôts et président du parti Pastef-les Patriotes (opposition), Ousmane Sonko.
De son côté, l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac) est saisi d’une demande d’enquête, dont les résultats ne sont pas encore connus. Aucune violation de la loi ou du code pétrolier n’est pour l’heure identifiée, mais les soupçons sont tenaces. « Quand un président confie l’exploitation de biens pétroliers à la société de son frère, c’est ce qu’on appelle un délit d’initié. Ce genre de pratique ne peut être admise dans une République irréprochable », poursuit Sonko.
« Tout a été dissimulé par un système de sociétés-écrans. Dans cette affaire, il y a une opacité inutile quand on recherche uniquement l’intérêt national », analyse l’ancien Premier ministre Abdoul Mbaye, président de l’Alliance pour la citoyenneté et le travail (ACT), face à l’emboîtement des multiples sociétés offshore, situées aux îles Caïmans et à Hong Kong, qui détiennent in fine Petro-Tim Sénégal. Ce dernier « disposait pourtant de ces informations lorsqu’il occupait la primature [de 2012 à 2013] », fait-on remarquer à la présidence, où un conseiller parle de « pétro-fantasmes ».
Il n’en reste pas moins que l’opération de rétrocession par Wong de ses parts à Frank Timis, en 2014, qui en rétrocédera lui-même une partie à la firme américaine Kosmos Energy, est sujette à controverse.
Au cours des dernières semaines, le ministre de l’Énergie, celui de l’Économie et des Finances et le Premier ministre se sont relayés pour tenter de convaincre les médias et l’opinion que toutes les dispositions légales et fiscales avaient été respectées. « Mon frère m’a incité à porter plainte, mais je ne veux pas alimenter un feuilleton judiciaire stérile », indique quant à lui Aliou Sall.
Face à cette polémique politico-pétrolière qui se propage telle une marée noire, l’intéressé confie toutefois qu’il « cherche dans quelles conditions mettre un terme à [sa] collaboration avec Frank Timis » afin de préserver son aîné. « On est toujours le frère de quelqu’un », conclut, philosophe, Pierre Goudiaby Atepa.
Article prélablement paru en Octobre 2016 dans les colonnes de JA
par Abdoul Mbaye
QUESTIONS AU PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE
Si les deux IGE Gallo Sambe et Oumar Sarr confirment leurs écrits, allez-vous engager des poursuites contre le Ministre Aly Ngouille Ndiaye et le Macky Sall ?
Votre enquête va-t-elle privilégier la recherche des fonds dont le Sénégal a pu être privé au profit de Frank Timis et ses associés ou plutôt la recherche de l’origine des fuites portant sur le rapport IGE de 2012 ?
Allez-vous interroger les 2 IGE Gallo Sambe et Oumar Sarr dans le cadre de votre enquête ?
Si les 2 IGE Gallo Sambe et Oumar Sarr confirment leurs écrits, allez-vous engager des poursuites contre le Ministre Aly Ngouille Ndiaye et le président Macky Sall ?
Les décrets Petrotim de 2012 ont disparu du site officiel du Journal Officiel du Sénégal. Allez-vous engager une enquête pour obstruction à la justice concernant ces retraits ?
Pourquoi avez vous attendu plus d’un an après le courrier que je vous ai envoyé pour démarrer l’enquête malgré la gravité extrême des faits?
DÉBUT DES POURSUITES CONTRE LE GENDARME SOUPÇONNÉ DE LA MORT DE FALLOU SÈNE
Le procueur de la République Serigne Bassirou Guèye a annoncé qu’il saisira "dès demain" jeudi un commandant de la brigade prévôtale pour des poursuites contre le mis en cause
Le procueur de la République Serigne Bassirou Guèye a annoncé qu’il saisira "dès demain" jeudi un commandant de la brigade prévôtale pour des poursuites contre le gendarme mis en cause dans la mort de l’étudiant Fallou Sène, en mai 2018.
S’exprimant lors d’une conférence de presse, il a annoncé qu’en raison de la particularité de cette affaire impliquant un gendarme, il a dû attendre de disposer d’un ordre de poursuite délivré par la hiérarchie militaire pour entamer des poursuites.
Il a annoncé avoir reçu il y a quelques jours une réponse favorable à sa requête. "Dès demain (jeudi), je vais saisir un commandant de la Brigade prévôtale" pour entamer les poursuites. "La procédure suit son cours", a-t-il ajouté.
LA CHRONIQUE HEBDO D'ELGAS
LA ROUTE DES KALOUNAYES
EXCLUSIF SENEPLUS - La plongée en pays d’enfance ouvre une grande mémoire où s’entrechoquent les éclats et les ombres, mais demeure, éternelle, la possibilité d’un avenir heureux - LE RETOUR À COUBANAO
Une langue d’argile que mord l’ombrage des manguiers et des anacardiers. Des deux côtés de la route ocre, la poussière argileuse a recouvert les feuillages. Les tons changent au fil du chemin qui s’éclaircit, tantôt, des ponts de fortunes à traverser, tantôt de grands trous arides où cale la voiture. A l’ombre, à la lisière des premiers villages, des bêtes accablées par la chaleur ruminent leur repas. D’autres, plus hardis, jouent : des singes véloces qui gambadent, des varans qui rompent leur sieste, serpentent furtivement la route y laissant leurs empreintes massives.
Un soleil aux reflets métalliques inonde la savane, électrise l’horizon en nuées incandescentes, calcine les tresses des palmiers, et nargue la terre grognant de soif. La chaleur est écrasante, étouffante, en cet avril. Devant l’horizon saturé de ce paysage sublime et tragique, on découvre un alignement de villages que l’on devine aux plaques entamées par la rouille, et aux petits attroupements de jeunes filles devant les moulins.
De village en village, les mêmes scènes, les mêmes accueils. Jacassantes et enjouées, la tête ployant sous quelques charges, la gueule fendue par de larges sourires, les jeunes filles, pagnes lâches et mise sans faste, étrennent la bienvenue à Koubalan, Djoubour, Niandane. Kamonsor. A côté d’elles, sur les petits bancs de bois à l’abri sous la fraîcheur, les protecteurs de la citadelle : vieillards discrets dans leurs boubous, la radio collée à l’oreille, l’œil silencieux, prennent leur relais et lèvent la main au chauffeur d’un geste discret. Il le leur rend avec un klaxon frénétique.
Au seuil de chaque village qui compose l’enfilade des Kalounayes, des sacs de charbon amoncelés en pyramide, des bouteilles d’essence solitaires, des étals de fruits, lézardent au soleil, attendant le client rare et passager. Une poésie du silence et un éloge de la lenteur habillent le moment.
Une heure avant la jetée dans ces 45 kilomètres desquels il faut triompher pour arriver à Coubanao, Ziguinchor baignait encore dans sa modestie. La ville assoupie filtrait ses passants, donnait de la voix à travers ses marchés, et déléguait sa force aux ateliers de menuiserie, souderie, mécanique, où les jeunes hommes ne rechignaient pas à la tâche. Ecoliers et étudiants studieux, apprenaient. L’avenue principale des 54 mètres, route centrale de la ville, offre des tableaux changeants : Tilène grouille, Belfort se terre, Santhiaba miroite Escale, qui lui-même, abrite l’écho urbain, avec ses rues crevassées, ses hôtels, usines, bureaux et commerces, où bat le cœur de la petite économie. Tous les quartiers semblent regorger d’anecdotes propres.
A l’entrée de la ville, l’odeur des rizières et du fleuve, s’offre déjà en parfums légers. Etrennant sa mangrove et riant sous son pont Emile Badiane, Ziguinchor s’élève à mesure que l’on respire l’air pur de Tobor avec ses effluves d’huitres. Du haut du pont aux ossements fragiles, les vaguelettes argentées clapotent au pied des pirogues à Boudody. Quelques pêcheurs solitaires rafistolent leurs filets. Des touffes rajeunissent la verdure casamançaise, émergeant du fleuve qui coule et borde de la route.
La capitaine à bord de la carcasse qui nous héberge attend le passager comme le pêcheur frissonnant avec sa ligne attend son poisson, à la gare de Goumel. Un garçon robuste qui inspecte sa carcasse et verse de l’eau pour nourrir son jouet. Il porte une chéchia, un marcel, un jean rapiécé et des sandales. Il a l’attention dissipée et à la blague fertile. Faut dire que l’on tombe sous son charme dès qu’il lance en rafale son humour, dans un wolof rudimentaire, et un français qui l’est davantage. On se lie vite. Il m’avait à la bonne, me gratifiant de la place du roi à côté de lui.
En attendant le remplissage, condition de départ de la carcasse, nous meublons nos deux - trois - heures d’attente, en mêlant nos souvenirs, qu’un âge commun rend encore plus féconds en complicités. Le trajet, il le fait 4 fois par jour. Les dos d’âne, petits affaissements, sinuosités, tout lui est connu. Il conduirait les yeux fermés lâche-t-il, pas peu fier de sa science autodidacte. Sa voiture, vieux minicar Renault, des années 60, fut blanche. Désormais, avec attention, patience et soin, l’argile de la route a repeint la carrosserie, rognée de toutes part, la ferraille extraordinairement grimaçante. Pour démarrer, il doit tirer sur une corde. La carcasse défie les âges et toute précaution raisonnable.
Papis n’aime pas le risque, mieux, il ne sait ce que c’est. Il l’a dompté dans le langage d’un code de la route qu’il a réinventé et écrit, lui-même. Pour la baraka, il compte sur un portrait de guide religieux qui orne son rétroviseur et une inscription en Arabe dont il avoue ne pas connaître le sens. Le voilà, reparti, comme véritable manitou de la gare, il embrasse, taquine, joue avec tout le monde. Le trafic à la gare de Goumel reste animé. Des essaims se forment autour des axes les plus prisés. La cohue administre l’agora. Les vendeurs d’eau, tenanciers de petites gargotes ambulantes, se télescopent. Sans voir l’heure défiler, happé par le trafic - brillant livre ouvert de la vie - le dernier client arrive. Le compte est bon. A nous Coubanao.
Chargée à ras bord, avec les bagages empilés sur le toit et savamment attachés par des cordes, la carcasse plie mais ne rompt jamais. Elle se démembre juste à chaque accélération. Elle survit et reprend du poil de la bête à chaque mètre, sous la bénédiction complice de Papis qui ne ménage pas son volant auquel il donne des coups secs. Les petits séismes qui agrémentent le trajet, rapprochent les passagers.
A Djiguinoum, monte une fille fraichement excisée. Elle monte sous les acclamations. Pour la mettre à l’aise, elle est à mes côtés. Elle est ravissante. Son visage ovale découvre une bouche que traverse de furtifs sourires pudiques. Dans son pagne blanc noué autour du cou, ses cheveux qu’ornent des cauris et des perles, elle est belle de la beauté des innocentes. De la beauté irradiante de retenue des filles sages. Nul ne la pleure. Une vieille femme lui glisse qu’elle est fière d’elle. L’émoi est vite couvert par l’envie de la protéger.
Elle se cramponne à mon épaule quand la voiture danse, et ravive mes souvenirs. L’histoire me percute à nouveau. Je prends soin d’elle dans cet habitacle exigu. La plongée en pays d’enfance ouvre une grande mémoire où s’entrechoquent les éclats et les ombres, mais demeure, éternelle, la possibilité d’un avenir heureux. Je regarde la route, cherchant dans chaque décor, un souvenir que je réveille.
Aux abords de Coubanao, en enjambant la clôture de Finthiock, l’argile laisse le temps de quelques mètres la place au Calcaire. Jadis, un terrain de football sablonneux y faisait notre bonheur. Aujourd’hui, plus rien. Le terrain perdu son sable, il est devenu rocailleux. L’herbe a repris son droit au niveau des cages. Je mesure les ravages du temps et les délicieux changements dont je vois l’esquisse. 22 ans que je n’y avais pas mis les pieds. Une larme s’écrase, vite sèche-t-elle dans les bras d’un Agustu qui me reconnait et que 22 ans de séparation n’avaient pas arraché à mon affection.
La gravité du sujet et du moment impose d’en finir avec l’indignation sur les réseaux sociaux et autres débats télévisés ou de salon - Chers compatriotes, nous sommes tous interpellés !
La gravité du sujet et du moment impose d’en finir avec l’indignation sur les réseaux sociaux et autres débats télévisés ou de salon. Le reportage de BBC n’a fait que confirmer ce que des patriotes épris de justice ont toujours clamé haut et fort.
Le temps est à l’action et c'est pourquoi je lance un appel à tous les sénégalais de quelque bord que ce soit, hommes, femmes, syndicalistes, guides religieux, politiques et apolitiques, mais surtout la jeunesse, à sortir soutenir ce mouvement citoyen pour un rassemblement pacifique ce vendredi 14 juin 2019 à 15h à la place de la Nation (ex Obélisque).
Chers compatriotes, nous sommes tous interpellés !
par Yoro Dia
LE PÉTROLE ET LE CERCLE DU FEU
Il serait bien, après cette polémique sur le pétrole, que nos hommes aient la même passion pour les questions sécuritaires, particulièrement celle qui touche le Mali, plus grande menace pour notre sécurité nationale
Nous sommes tellement proches du Mali que nous avons été dans un même Etat : la Fédération du Mali qui regroupa le Soudan français (Mali actuel) et le Sénégal. Malgré la dissolution de l’éphémère Fédération pour des raisons politiques, le déterminisme géographique fait que notre histoire est intrinsèquement liée à celle du Mali. Ce déterminisme géographique et historique fait que la question malienne ne doit pas être considérée par le Sénégal comme une question de politique extérieure, mais comme une question de sécurité nationale.
La France, les Etats-Unis et les pays occidentaux, peuvent s’offrir le luxe de traiter le Mali comme une question de politique extérieure, mais pas le Sénégal. Tout le monde sait que le G5 sahel est un échec, de même que la politique du «containment» de l’opération Barkhane. La situation du Mali inquiète plus les Occidentaux que les pays de la ligne de Front, où l’on se divertit sur la question du pétrole à plus de 3 000 m de profondeur alors que le feu se rapproche.
En Guinée, Condé joue avec le feu du troisième mandat alors que les terroristes avancent grâce à la stratégie du chaos identitaire très bien planifié. Au Mali, les jihadistes ont presque atteint leur objectif qui consiste à une «libanisation» du Mali, en opposant le Nord et le Sud, et au centre, créer un conflit entre Peuls et Dogons. L’Etat du Mali dépérit chaque jour davantage. Au Burkina Faso, les jihadistes veulent aussi créer une guerre civile entre les chrétiens et les musulmans. La stratégie jihadiste est très cohérente et redoutablement efficace : créer le chaos, détruire l’Etat et en profiter pour s’installer durablement. Les jihadistes ont le temps avec eux et la montre joue contre la force expéditionnaire et les Etats du Sahel. Comme toutes les forces expéditionnaires, l’intervention de Barkhane est limitée dans le temps alors que les jihadistes eux n’ont pas cette contrainte, parce qu’ils sont chez eux.
La présence de la force expéditionnaire aurait dû être mise à profit par les Etats pour renforcer leurs Armées afin de faire face. Nous assistons à l’inverse, car on a l’impression que l’Etat et l’Armée n’ont jamais été aussi affaiblis. Nous pouvons dire la même chose du Burkina Faso. Les occidentaux, si conscients du danger, n’ont au fond que leurs ressortissants à protéger, alors que les Sahéliens risquent la disparition de leurs Etats et de leurs pays au profit du «Grand sahel» ou d’autres entités politiques. Ce qui frappe, c’est surtout l’inversion de la responsabilité. L’Occident anticipe sur l’avenir ; d’où sa grande peur et son engagement, alors qu’au Mali il est fort à parier que les massacres des Peuls et des Dogons ne vont pas créer le sursaut national salutaire.
Au Sénégal aussi, nous avons la même insouciance stratégique. Malgré le feu qui se rapproche, les hommes politiques ne se penchent pas sérieusement sur la question. Le feuilleton du pétrole passionne plus le pays que la situation du Mali, alors le pétrole ne va pas brûler le pays, mais il n’est pas évident que la case de notre voisin qui brûle ne se propage pas chez nous. Le pétrole ne brûlera pas notre pays, car le brouhaha qu’il y a autour de la question alors que nous n’avons pas encore une goutte a déjà exorcisé la malédiction du pétrole. Le brouhaha médiatique et populaire fait que, même si les politiques ne sont pas vertueux, la tyrannie de l’opinion les pousse à une certaine prudence.
Il serait bien, après cette polémique sur le pétrole, que nos hommes aient la même passion pour les questions sécuritaires, particulièrement celle qui touche le Mali, qui est la plus grande menace pour notre sécurité nationale. «Gouverner c’est prévoir, défendre c’est prévenir», nous dit Kissinger. C’est pourquoi les hommes d’Etat anticipent pour prévenir. Winston Churchill a été un homme d’Etat, car il a été le premier et le plus constant à attirer l’attention du Royaume Uni sur la menace qu’était le nazisme. De Gaulle l’a été en attirant très tôt l’attention de la France sur le fait que les Allemands étaient en avance d’une guerre avec leurs blindés et leurs généraux.
Il est temps que dans la légion de politiciens qui nous gouvernent ou qui aspirent à nous gouverner, l’on se penche sur ces questions de sécurité et de défense. C’est normal que les hommes politiques se passionnent pour le pétrole, mais ils devraient aussi le faire pour le cercle de feu qui se rapproche dangereusement de nous. C’était à Kidal, maintenant c’est Mopti. N’attendons pas qu’il soit à Kayes !
par Abdou Karim Gueye
IGE : RÉALITÉS, PERSPECTIVES ET ENJEUX
L’environnement démocratique, la culture républicaine, l’égalité des citoyens, les exigences de la société vis-à-vis d’une gouvernance de contrôle, constituent plus que les lois et règlement, la condition sine qua non d’un contrôle effectif et efficace
Je mets à la disposition du public et de la presse cet extrait de mon ouvrage « Inspections générales d’Etat d’Afrique. Réalités, Perspectives et enjeux » publié en 2008. Les diagnostics, prémonitions et propositions peuvent bien rappeler l’actualité actuelle avec le fameux rapport sur Petrosen et ses implications avec Petro-Tim. « La balle est dans notre camp, car rien ne changera si nous ne changeons pas nous-mêmes »
« Au total, selon les pays, au vu des dernières réformes, on assiste, de façon encore inégale, à une tendance à prendre en compte les évolutions de la gouvernance, du management public, voire de l’audit dans le secteur public. Ainsi s’opèrent dans certains pays (Sénégal, Djibouti, par exemple) des ajustements du dispositif institutionnel, organisationnel et d’action. Les champs opérationnels d’action couvrent ainsi :
des vérifications financières et comptables, par référence aux pratiques comptables généralement admises ;
de façon récente, une approche audit de l’optimisation destinée à rendre compte de l’utilisation des ressources financières, matérielles et humaines ;
la combinaison des deux types d’audit susvisés permettant non seulement de fournir une opinion sur la qualité et la pertinence de l’information financière, mais aussi de mener des audits de performances pour analyser l’efficacité, les performances et la qualité de la gestion publique ;
des investigations sur les fraudes, les abus, les gaspillages et le respect des règles de prudence financière.
Au total un mouvement de réforme est amorcé. Ce qui émerge, à l’analyse, ce sont parfois des similarités, mais aussi quelque fois, des différences d’approche inventoriées ci-après :
des orientations plus ou moins inégales en direction de l’approche intégrée, certains pays (Sénégal, Djibouti) ayant entamé cette expérience, tandis que d’autres s’appuient encore sur une approche sectorielle, souvent administrative et financière ;
dans certains pays, toute une stratégie très affirmée de prévention et de détection des fraudes, des abus et des gaspillages, comme en Ouganda ;
une approche d’audit des performances et d’évaluation de l’impact des projets et programmes apparemment embryonnaire, en tout cas pas ou peu formalisée ;
des tendances émergentes à codifier les valeurs, la déontologie, par voie législative, sans pour autant que des chartes ou manuels d’éthique soient généralisés ;
un pouvoir d’arbitrage ou en tout cas de la préparation de l’arbitrage en cas de conflits ou dénonciations de citoyens dans certains pays, apparemment pas assumé dans d’autres.
Peut-être s’agira-t-il aussi de réécrire les normes internationales en les adaptant, sans forcément en altérer la substance, aux spécificités reposant sur la synergie « Audits, Conseils et Etudes, enquêtes », en étant conscient qu’il s’agit d’assurer à un haut dirigeant, un chef d’Etat ou de gouvernement, d’user de leviers pertinents pour exercer un leadership stratégique, source de valeur ajoutée… Cela requiert d’opter pour la synthèse fructueuse pour réaliser les objectifs d’un Etat de classe internationale ouvert à un management axé sur les performances et les résultats, la qualité et l’Excellence. Il s’agit, pour nous Africains, de poursuivre le plaidoyer que la bonne gouvernance, c’est aussi une gouvernance entrepreneuriale axée non seulement sur les résultats (outputs) mais aussi sur les impacts (outcomes), d’opter à cet égard pour des audits, des études et des conseils, voire des enquêtes qui épousent toute la chaîne de résultats.
Ce défi est possible, mais il faut alors se battre pour refuser la pensée unique, produire une pensée endogène, décomplexée et africaine, mais ouverte aux apports fécondants de l’Universel.
Pour terminer, rappelons que les travaux de l’Inspection générale d’Etat dépassent la vérification et englobent de multiples activités de conseils, d’enquête, d’études, de normalisation. Leur variété et leur caractère intégré, parfois à l’occasion d’une même mission, font d’elle une sorte de support, de grand bureau d’études, pour « nourrir la réflexion du chef de l’Exécutif, voire du gouvernement». Au fond, ceci est conforme à la logique de pilotage et de leadership nécessaire à tout dirigeant, en l’occurrence le Président de la République. Taylor, Weber, Mintzberg et tant d’autres doctrinaires du management ont largement étudié cette question. En fait, la structure ne devrait pas précéder la stratégie, mais c’est l’inverse qui est souhaitable ; c’est la stratégie qui détermine la structure, les caractéristiques des produits et des services, les objectifs, les résultats et les impacts recherchés. C’est une vieille leçon apprise par tous les étudiants en management, c’est aussi la voie obligée de ce qui a été appelé « le nouveau management public ». Et puisque la stratégie a forcément quelque part ou quelque peu un caractère contingent, il faut relativiser les modèles. Le problème, c’est la créativité, l’audace de la créativité, la capacité à comprendre les contingences et les contraintes, pour les intégrer. Au total, sous ce chapitre, le système sénégalais constitue un levier d’information indépendant des structures exécutives de l’Etat chargées de la mise en œuvre. Il permet la transmission de directives nécessaires à l’efficacité de l’action gouvernementale, car qui dirige, contrôle, évalue et redresse. Au fond, dans une certaine mesure, les enquêtes, les vérifications et les études deviennent ainsi des outils de gestion, de normalisation, de formation et d’autoformation pour toute la pyramide du secteur public. Le système est aussi un levier de coordination, tant des directives mettent en interaction différents services, non seulement de l’entité concernée par une vérification, mais une autre entité non vérifiée, et dont l’action est nécessaire pour la résolution complète des dysfonctionnements identifiés. Très souvent, les conclusions et analyses dépassent les frontières des entités, pour épouser des secteurs d’envergure gouvernementale, interministérielle, etc.
Avec l’intérêt accru du public, des médias et des partis politiques pour les audits et les enquêtes de détection des fraudes, au Sénégal, bien des limites sont relevées par des tiers et une méfiance affirmée à l’égard du système :
le rattachement à un chef de l’exécutif pourrait en faire un instrument de règlement des comptes et obérer son indépendance[1] ;
le caractère restreint de la publicité des travaux ferait douter de la transparence du système, etc.
Peut-être est-il temps d’ajuster par de futurs chantiers d’innovations administratives. En fait, il ne s’agit pas d’un système figé, bien des options et innovations sont encore possibles. Le système, appréhendé à travers ses fondamentaux, est rationnel, mais comme tous les autres systèmes de contrôle, de l’ordre administratif, parlementaire ou de l’ordre juridictionnel[2] il ne peut produire ses effets que dans certaines conditions :
la tradition républicaine et le leadership présidentiel, voire du chef du gouvernement, sont déterminants[3] ;
il suppose une culture républicaine, une discipline administrative de fonctionnaires formés à la gestion publique, aux sciences administratives qui comprennent parfaitement les différentes formes de hiérarchie, les principes de coordination du bas au sommet de la pyramide administrative ;
il exige un statut spécial, voire la dotation en moyens spéciaux, comme le Sénégal a su le faire, pour des raisons psychologiques, culturelles, surtout en Afrique[4] ;
il nécessite aussi une chaîne de sanction positive ou négative qui, en cas de besoin, prenne le relais des auditeurs ;
il suppose aussi une éthique d’égalité, car peu importe les privilèges de tiers lorsqu’il s’agit de faire le point sur l’accountability.
C’est aussi une innovation africaine, par essence présidentielle, qui bouscule quelque peu les paradigmes généralement admis, notamment des experts issus de pays à de régime parlementaire ou en tout cas non présidentiel[5], largement différente de ce qui peut exister ailleurs.
Par ailleurs, de notre point de vue, malgré une certaine doctrine internationale, le paradigme du contrôle ou de l’audit interne en principe assuré au sein de la direction d’une entité ne s’applique que partiellement, tant les Inspections générales d'Etat sont totalement déconnectées des entités contrôlées et indépendantes d’elles, se situant hors de la hiérarchie classique de l’administration publique, avec des activités et des processus de travail au quotidien totalement différentes. Paradoxalement, ses interventions au sein d’une même mission dépassent les frontières d’une entité contrôlée, pour évoquer des questions d’envergure gouvernementales, proposer des mesures concernant une autre entité pendant qu’elle en contrôle une déterminée, pour proposer la modification de dispositif juridique qui concerne l’ensemble des ministères, pour effectuer des injonctions à une autre entité non vérifiée, mais dont des processus ou activité ont des incidences sur des questions étudiées, etc.
C’est un métier difficile qui demande des ressorts psychologiques et une structure mentale solide, un métier à ne pas faire uniquement pour rechercher un statut, car la dure réalité de ces longs et contraignants processus de finalisation d’un rapport n’est pas évidente à assumer, si l’on pas été préparé à un tel défi. C’est parfois un calvaire et il faut savoir soumettre le facteur temps à ses propres objectifs de performance.
C’est un métier à faire lorsqu’on est juste, serein, pas adepte des règlements de comptes, des faux problèmes et longues discussions inutiles, lorsque qu’on sait écrire[6], indifférent à être aimé et mal aimé parce qu’on est en mesure après son travail de dire : qu’importe, je suis quitte avec ma conscience[7] !
C’est un métier plaisant et passionnant, lorsqu’on a une curiosité intellectuelle sans bornes, qu’on a toujours cette soif d’apprendre, qu’on a quelque part l’âme d’un chercheur pour l’action, de découvrir quelque chose de nouveau ou caché, de classer, de formaliser, de décortiquer pour faire du désordre apparent une architecture cohérente et prometteuse. Cela s’apprend, à mon avis, au moins pendant 5 ans. Et encore !
C’est un métier avec un pari sur l’excellence, sur soi-même, avec les autres ; un rapport final, c’est comme une œuvre d’art, il doit être parfait ou en tout cas attrayant et convaincant[8]. Du fait qu’ils soient assujettis à l’obligation de faire des propositions à un chef d’Etat, les Inspecteurs se sentent assujettis à l’obligation d’une grande rigueur, même s’ils peuvent se tromper, à l’instar de toute œuvre humaine. [9].
Au-delà, ce qui est en jeu, c’est de comprendre le nouveau sens de l’accountability, qui est non seulement l’obligation de rendre compte de la gestion des ressources, mais aussi des résultats, de l’information sur les performance, première étape de la transparence, bientôt si ce n’est déjà fait, des impacts. Ce sujet est également vaste tant il englobe des questions liées à l’éthique, aux valeurs, à la déontologie, aux processus, aux outils et méthodes qui en permettent l’effectivité. Il y a donc tant d’autres questions qui auraient pu être abordées…
Les performances du système dépendent aussi du système intégré de transparence, d’éthique, de responsabilité et d’obligation de rendre compte existant dans un pays. Pour prospérer, il requiert par rapport à la fonction de contrôle et d’enquête une mise à l’écart de la chose politique, au sens partisan, et des considérations similaires. Cela peut et doit être une fonction vitale de démocratie, de proximité des dirigeants avec leurs électeurs, de la bonne gouvernance qui requiert une vision, un leadership étatique, le credo de la performance et de la restitution de l’information sur les résultats, les impacts et la gestion des ressources. A elles seules, les normes, le système constitutionnel ou institutionnel, l’existence d’une structure de contrôle, la compétence des auditeurs et enquêteurs, ne donnent pas une garantie absolue d’efficacité, en tout cas d’impact ; l’environnement démocratique, la culture républicaine, l’égalité des citoyens, le leadership national participatif et consultatif, la volonté du principal, les exigences des stakeholders et de la société vis-à-vis d’une gouvernance de contrôle, constituent plus que les lois et règlement, voire les normes nationales ou internationales, la condition sine qua non d’un contrôle effectif, efficace et efficient, voire utile et porteuse d’impact de résultats.
Leadership. C’est bien cela dont il s’agit. C’est cela qui fera la durabilité de ce métier ; c’est une force et une faiblesse en même temps, car si le leadership du ou des détenteurs du pouvoir constitutionnel de contrôle[10] flanche, ou si la même détention au niveau exécutif ou législatif n’est équilibrée, la typologie des métiers peut s’effondrer. Le futur du contrôle en Afrique doit tenir compte de ces liens ombilicaux et par le plaidoyer en Afrique, faire comprendre l’intérêt des évolutions esquissées.
Pour bâtir une saga de l’excellence, il faut une culture républicaine et démocratique, une technocratie mobilisée autour des idéaux d’un Etat moderne, un consensus qui transcende les alternances et les changements d’hommes. Il faut une implication des leaders. Cela comme la stratégie, a un coût ; la question est alors de décider si l’investissement mérite d’être fait. C’est une décision stratégique, de nature politique, au sens noble du terme. Mais il faudra bâtir une vision stratégique, toujours lever la contrainte d’un leadership efficace qui catalyse, sans lequel rien n’est possible ou en tout cas, tout sera difficile. La gouvernance de contrôle, c’est peut-être la stratégie la plus opérationnelle pour réaliser la gouvernance elle-même, pour faire du nouveau management public une réalité. C’est une question de projet stratégique et organisationnel. C’est sans doute une des leçons apprises à travers l’action et en rédigeant cet ouvrage.
Abdou Karim Gueye, Inspecteur général d’Etat à la retraite et ancien Directeur général de l’Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature du Sénégal. S’agissant des questions de fraudes, de lutte anti-corruption et d’investigation, M. GUEYE a été associé à plusieurs expériences notamment en sa qualité de Secrétaire exécutif du Forum des Inspections générales d’Etat d’Afrique et Institutions similaires pendant 7 ans, d’ancien membre de Sarbanes-Oxley Association aux Etats Unis pendant plusieurs années. Il est aussi membre de l’Association des Inspecteurs généraux des Etats Unis à titre étranger, Membre associé de Certified Fraud Examiners (ACFE) et Certifié en Forensic Accounting and Fraud Examination West Virgina University. Il plaide et enseigne les réformes requises dans ces domaines dans plusieurs pays africains et a publié plusieurs textes à cet égard. GUEYE est le Conseiller en gouvernance publique du Président Abdou Mbaye de l’Alliance pour la Citoyenneté et le Travail.
[1] Aux Etats-Unis, ce qui appelé Inspecteur général, transmet ses rapports semestriels au Congrès ; les rapports des Inspectors general Offices sont téléchargeables sur Internet.
[2] Il faut se féliciter de l’innovation introduite dans la science administrative par l’Inspecteur général d’Etat François Collin à qui je dois le concept d’institution supérieure de contrôle de l’ordre administratif et d’institution supérieure de contrôle de l’ordre juridictionnel.
[3] La même exigence prévaut dans le cadre du Vérificateur législatif, il faut un leadership parlementaire authentique.
[4] Pour toute une génération d’africains, la fonction imposent un rang, un statut qui témoignent de son importance, bien qu’une évolution soit amorcée pour exiger ce qui apparaît de plus en plus importants : les résultats, la performance, la qualité, etc.
[5] A noter que le régime présidentiel africain n’est pas forcément identique à celui des Etats-Unis, avec les prérogatives non négligeables que détient le Congrès américain…
[7] Dans certains pays africains, s’y ajoute des pressions liées à des considérations surnaturelles, parfois pour faire peur au Vérificateur. Un jour, la fin d’une mission, à l’intérieur du territoire sénégalais, en rentrant, l’ensemble du personnel m’appelle pour me dire : « M. l’inspecteur général, nous savons que vous faîtes votre travail ; mais attention, un grand taureau noir a été sacrifié contre vous par la personne vérifiée. Tendez les mains et nous allons prier pour vous. Je dus me plier à leur volonté par courtoisie et la prière fut faite. »
[8] A Djibouti, j’ai classé les rapports définitifs comme dans un hôtel de luxe, entre 3 et 7 étoiles ; un rapport de moins de 5 étoiles ne sort pas du service.
[9] Au Sénégal, il existe une série d’expression qui traduit bien la fierté de servir le pouvoir de contrôle général du Chef d’Etat : « Les soldats de la République », « les hommes du Président »
[10] Il peut s’agir tout aussi bien du Chef de l’Exécutif que du parlement ou les deux à la fois…
BON DEROULEMENT DU BAC À DAKAR
En visite, hier, au lycée Maurice Delafosse pour constater le démarrage des épreuves du baccalauréat Sciences et techniques, le ministre de l’Emploi, de la Formation professionnelle et de l’Artisanat, Dame Diop, s’est dit satisfait du déroulement correct
Cette année, environ 3760 candidats sont enregistrés.
Hier, au lycée de Delafosse, rien n’indiquait qu’il abrite un centre d’examen. Comme à l’accoutumée, la majorité des élèves vaquent tranquillement à leurs occupations dans la cour de l’établissement. Loin du silence qui prévale dans certaines salles de classe. A part la présence de deux policiers préposés à l’entrée, la vie scolaire dans ce lycée poursuit son rythme normal. Les candidats du bac G et T, devenu, entre temps, le bac Sciences, techniques et économie de gestion (Steg), sont moins nombreux que ceux du bac général.
Seule la délégation du ministre de l’Emploi, de la Formation professionnelle et de l’Artisanat a permis à certains apprenants de se rendre compte de la tenue d’un examen au premier étage de leur établissement. A la salle TG, les candidats au bac Steg sont très concentrés sur l’épreuve de sciences économiques et sociologiques. Dans cette salle, on note la présence remarquable des surveillants. Ils sont trois à veiller au grain.
A voix basse pour ne pas déranger les candidats, l’un d’eux, une dame, nous confie que tout se passe bien depuis le matin. Les sacs des candidats sont confisqués, les téléphones interdits aussi. Cela, conformément aux directives de l’Office du bac. Tous les candidats se sont pliés aux consignes. Ils acceptent même de se faire accompagner jusqu’aux portes des toilettes pour satisfaire leurs besoins. Après un tour effectué dans les classes, le ministre de l’Emploi, de la Formation professionnelle et de l’Artisanat, Dame Diop, livre ses impressions. « Je suis venu constater le démarrage effectif de l’examen. Je me réjouis que tout se passe bien dans ce centre. Les épreuves ont démarré à 8h précises. Les présidents de jury sont en place, les surveillants aussi. Il y a également très peu d’absents », déclare-t-il. Au lycée technique industriel Maurice Delafosse, le proviseur Bolé Fall indique qu’au jury 1127, 300 candidats ont composé, dont 201 inscrits au bac Steg. Seuls deux absents ont été notés dans son jury.
Revenant sur les enjeux de la réforme de la série G, le ministre rappelle qu’elle a été lancée par l’Etat pour permettre aux jeunes d’avoir des compétences professionnelles ; ce qui va leur faciliter l’accès à l’emploi. Cette année, l’examen du bac Steg a réuni 3760 candidats sur l’étendue du territoire national. Outre les grands centres de Dakar, ces derniers ont la possibilité de pouvoir composer dans toutes les régions de l’intérieur qui disposent d’un lycée technique.