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27 juillet 2025
Par El Hadj Hamidou KASSE
LE RETOUR DE LA RAISON ?
La sortie des candidats malheureux à la présidentielle est curieuse - Après avoir rejeté le dialogue, déclaré ne pas reconnaître le président élu, comment peuvent-ils demander à ce dernier de procéder à des consultations (avec eux !) ?
La sortie des quatre candidats malheureux à l’élection présidentielle est curieuse. Après avoir rejeté l’appel du Président de la République au dialogue, après avoir déclaré ne pas reconnaître le président élu démocratiquement et en toute transparence, comment peuvent-ils, sans exposé de motifs, explication et justification, demander au Chef de l’Etat, de procéder à des consultations (avec eux !) pour présenter un projet de réforme de la Constitution à l’Assemblée nationale, prérogative que la Constitution lui confère ?
J’ose croire, en toute sincérité, que cette sortie des quatre peut s’assimiler à une autocritique suite à un radicalisme sans lendemain. Ce serait salutaire en ce moment et il est évident qu’ils trouveront une oreille attentive auprès de qui de droit. Le dialogue est une méthode du Président de la République par principe et par conviction. Il a la pleine conscience de sa nécessité, de son actualité et de ses modalités. Je témoigne ici qu’il a régulièrement affirmé que le Sénégal comme projet collectif transcende les intérêts particuliers et que la démocratie ne saurait être réduite à une confrontation permanente entre majorité et minorité.
Enfin, la suppression du poste de Premier ministre est une prérogative du Chef de l’Etat qui nomme à tous les emplois civils et militaires. Le gouvernement est avant tout une émanation de l’exécutif dont le Chef de l’Etat est l’unique chef. En tant que pôle de définition et d’impulsion de la politique de la Nation, le Président de la République conçoit l’architecture institutionnelle en rapport avec ses objectifs de mise en œuvre efficace et diligente des politiques publiques.
Dans le cadre d’un quinquennat et au regard de l’ampleur des programmes utiles et urgents pour le peuple sénégalais, il a la responsabilité historique et personnelle de juger de l’opportunité de réforme dans la structure de l’exécutif. C’est à l’aune de cette responsabilité qui est impératif et exigence que doit être appréciée la décision du Président de la République. Toute autre interprétation de l’initiative en cours n’est que spéculation.
LE CORED MISE SUR DE NOUVEAUX TEXTES POUR PLUS D’EFFICACITE
Les responsables du Conseil pour l’observation des règles d’éthique et de déontologie (Cored) dans la presse réfléchissent sur l’adoption de nouveaux textes pour plus d’efficacité, notamment pour le mode de saisine
Les responsables du Conseil pour l’observation des règles d’éthique et de déontologie (Cored) dans la presse réfléchissent sur l’adoption de nouveaux textes pour plus d’efficacité, notamment pour le mode de saisine. Plus adaptés aux défis des médias, ceux-ci devront être adoptés dans le cadre de l’assemblée générale de ce samedi.
En prélude à l’assemblée générale du Conseil pour l’observation des règles d’éthique et de déontologie (Cored) dans la presse, prévue samedi prochain, les membres du directoire, du tribunal des pairs et des doyens de la presse se sont réunis pour réfléchir sur une nouvelle feuille de route. La réflexion a été posée autour du thème : « Quel Cored pour les défis actuels du métier ? »
Le président dudit conseil, Bakary Domingo Mané, constate que « les textes qui régissent le fonctionnement de la structure étaient plus ou moins obsolètes et il fallait travailler à changer certains dispositifs de manière à alléger le travail des membres du tribunal des pairs ». Il reconnait qu’entre les membres de ce tribunal et le bureau du Cored, il y avait quelques petits obstacles liés aux textes. « Il faut travailler à ce que ces problèmes soient résolus à travers la reprise des textes. Quand un citoyen saisit le tribunal des pairs, c’est le président du Cored qui instruit le dossier parce qu’il n’y a pas de président du tribunal des pairs », explique M. Mané. Pour lui, il faut qu’on puisse responsabiliser quelqu’un pour qu’on n’ait plus besoin de passer par le président du Conseil pour saisir le tribunal des pairs. Avec la révision des textes, le mode de saisine du tribunal devrait changer afin que les choses soient beaucoup plus simples pour plus d’efficacité.
Lors de cet atelier, les participants ont entamé la réflexion sur le profilage des membres du Cored pour savoir qui est membre, qui ne doit pas l’être en vue de l’assemblée générale de demain. Bakary Domingo Mané estime que pour faire avancer le secteur, il faut que le ministre en charge de la Communication travaille à la finalisation des décrets d’applications du nouveau code de la presse. « Il faut qu’on installe la Commission nationale d’attribution des cartes de presse parce que, pour nous, c’est là que nous allons commencer à assainir la profession », préconise le président du Cored. Faisant un diagnostic alarmant de la situation de la presse, il se demande pourquoi ce métier est « si perméable pour des gens qui ne respectent ni l’éthique ni la déontologie et qui mettent en péril le travail des professionnels bien formés ».
Au titre des réalisations du Cored depuis son installation en 2014, l’ancien Directeur de publication de Sud Quotidien rappelle que le tribunal des pairs a eu à évacuer 11 cas de saisine de Sénégalais qui ont dénoncé le travail de certains journalistes. Il révèle que le tribunal a souvent donné raison aux plaignants. Plusieurs sanctions ont été prononcées contre des journalistes, allant de l’avertissement au retrait de la carte de presse même si cette dernière sanction n’a pas pu être mise en œuvre du fait de l’inexistence de la Commission nationale d’attribution de la carte nationale de presse.
ENTRE DEFICIT DE SPECIALISTES ET AUGMENTATION DES TUMEURS CEREBRALES
Le Sénégal traine une insuffisance de neurochirurgiens. Il en compte une vingtaine pour 15 millions d’habitants. Ce déficit contraste avec l’augmentation des tumeurs cérébrales qui touchent de plus en plus des sujets jeunes.
Une rencontre scientifique a réuni récemment, à Dakar, de nombreux experts nationaux et internationaux de la neurochirurgie. Organisée par la Société sénégalaise de neurochirurgie (Ssnc), en collaboration avec la Société française de neurochirurgie, elle a servi de cadre au chef de la clinique neurochirurgicale du Centre hospitalier national et universitaire de Fann, le Pr Seydou Boubakar Badiane, pour déplorer le manque de neurochirurgiens dans notre pays. « Le Sénégal compte une vingtaine de neurochirurgiens pour une population d’environ 15 millions d’habitants.
C’est vraiment peu », a-t-il regretté à l’ouverture du 14ème Cours international et francophone de neurochirurgie. Cette année, le cours porte, selon M. Badiane, par ailleurs président de la Ssnc, sur les traumatismes crâniens et médullaires. «C’est un cours de haut niveau qui participe à la formation des jeunes neurochirurgiens africains inscrits en Des de Neurochirurgie à l’Ucad. D’où l’intervention de nombreux experts internationaux à travers des conférences et communications orales et affichées», a-t-il indiqué. Dans sa communication, le spécialiste a soutenu que la traumatologie vertèbre-médullaire est responsable de nombreux décès et d’invalidités dans le monde. A l’en croire, celle-ci touche en général la population jeune.
Le Pr Seydou Boubakar Badiane a informé que son impact socio-économique reste non négligeable malgré les nets progrès réalisés dans leur prise en charge. L’universitaire a, en outre, fait savoir que l’hydrocéphalie et les tumeurs cérébrales constituent des problèmes de santé publique au Sénégal. «Les tumeurs cérébrales se développent à l’intérieur de la boîte crânienne qui intéresse le cerveau et ses enveloppes. Pendant longtemps, le diagnostic est resté difficile. Aujourd’hui encore, il continue de poser des problèmes de prise en charge dans nos pays, si nous tenons compte des plateaux techniques dont nous disposons », a-t-il déclaré.
M. Badiane a souligné que l’hydrocéphalie, (une pathologie surtout pédiatrique), dans sa forme malformation, pose en même temps la problématique du suivi des grossesses. «Les enfants atteints ont des têtes volumineuses. Ceci est lié soi
t à des malformations du système nerveux, soit à des infections, en particulier des complications de la méningite», a-t-il développé. Pour une meilleure prise en charge de la pathologie, le président de la Ssnc a recommandé la formation des spécialités. Abondant dans le même sens, le président de la Société française de neurochirurgie, le Pr Philippe Cornu a déclaré que l’hydrocéphalie, tout comme les tumeurs cérébrales, pose un réel problème de santé publique. «L’hydrocéphalie est une pathologie internationale. On arrive à d’excellents résultats quand les indications sont franches et permettent d’accéder à un traitement. Parfois, des résultats intermédiaires ou des difficultés au niveau technique se posent dans la pérennité des systèmes qui sont implantés», at-il indiqué.
«LE RAPPORT D’UNE COMMISSION PARLEMENTAIRE N’A AUCUN CARACTERE COERCITIF»
Avocat à la Cour, maître Abdoulaye Babou est une personne autorisée pour parler d’une commission d’enquête parlementaire. Il revient, dans cet entretien, sur le travail de cette dernière, sa composition et ses prérogatives…
Propos recueillis par Aly DIOUF |
Publication 26/04/2019
Comment travaille une commission d’enquête parlementaire ?
La mise sur pied d’une commission d’enquête parlementaire est du ressort de l’Assemblée nationale qui prévoit sa création dans son règlement intérieur. Elle est créée par une résolution votée en plénière. Elle est constituée en fonction de la représentativité des députés dans les groupes parlementaires. Généralement, le groupe majoritaire compte beaucoup plus de membres que les autres groupes. La commission d’enquête parlementaire doit représenter une photographie de l’Assemblée nationale. Une fois les membres connus, la commission se réunit en son sein et nomme un bureau et des membres. Une fois la composition connue et les procédures établies, on donne à la commission un délai. Celui-ci peut aller jusqu’à quatre ou six mois et être renouvelé.
Sur quoi porte généralement une Commission ?
Elle porte sur une question d’intérêt général ou national. Il faut préciser qu’avec la création de la commission d’enquête parlementaire ou au moment où travaille cette commission, et que le tribunal ou le juge se saisit de la question, elle est obligée d’arrêter ses travaux.
Comment se fait la saisine du juge dans ce cas de figure ?
Lorsqu’une question est posée comme c’est le cas en l’espèce, le procureur de la République qui a l’opportunité des poursuites juge de l’opportunité d’ouvrir une information ou pas. Si l’on ouvre une information, un juge d’instruction est saisi par le procureur et la commission d’enquête s’arrête. Si rien n’est fait, comme c’est le cas en l’espèce, la commission peut continuer son travail, tant que la justice n’aura pas ouvert une information. Lorsque la commission termine son travail, elle produit un rapport. Généralement la commission nomme un rapporteur et ce dernier, le moment venu, va déposer son rapport. Le document est connu et partagé par tous les membres de la commission. Il arrive que la commission transmette son rapport à la plénière de l’Assemblée nationale pour un partage des résultats. La commission peut faire aussi des recommandations dans un sens ou dans un autre, mais elle a pour but d’éclairer l’Assemblée nationale. Elle n’a pas pour but de prendre une décision. Elle doit motiver son rapport en précisant les éléments sur lesquels elle s’est appesantie pour parvenir à telle ou telle conclusion.
Qu’est-ce qui se passe si un député ne défère pas à la convocation ? Est-ce qu’il peut y avoir des sanctions en son encontre ?
Non ! à moins qu’il y ait changement du règlement intérieur. J’ai fait dix ans à l’Assemblée nationale et j’ai quitté depuis 2012. En son temps, l’essentiel, c’était que la commission délibère à la majorité.
A qui sont destinées les conclusions du rapport de la commission d’enquête et à quoi servent-elles ?
C’est l’Assemblée nationale qui crée des commissions ; donc lorsque les membres ont fini de faire leur travail, ils s’adressent au président de l’Assemblée à qui ils remettent leur rapport, avec les pièces annexes. Et c’est au bureau de l’Assemblée de décider de l’exploitation ou non du rapport de la commission.
Vous avez été parlementaire pendant deux mandats. Avec le recul, comment jugez-vous le travail des commissions parlementaires ?
J’avoue que les résultats des commissions parlementaires sont mitigés. On a eu à connaître la mise sur pied de commissions parlementaires qui n’ont pas fonctionné. Les députés ont sollicité à bien des égards la mise sur pied de commissions parlementaires sur des sujets bien définis, mais il arrive aussi que les demandes formulées n’aient eu aucune suite. Je n’ai pas souvenance, encore que ce soit extrêmement rare, d’une commission d’enquête qui ait fini de remplir la mission qui lui a été confiée, qu’il y ait une suite judiciaire ou non. Dans l’affaire des chantiers de Thiès, il y avait une commission d’enquête parlementaire, mais celle-ci n’a pas déposé ses résultats.
Vous êtes juriste et vous avez une expérience parlementaire avérée, est-ce que cela nécessite une réforme ?
Cela dépend de l’Assemblée nationale qui, en son sein, doit décider des mesures adéquates. Le rapport d’une commission parlementaire n’a aucun caractère coercitif. Il donne uniquement des pistes. Si l’on peut suivre les conclusions d’une commission d’enquête qui recommande par exemple des changements, cela dépend de l’autorité. Si l’autorité estime que les conclusions sont pertinentes, cela peut avoir une suite judiciaire. Mais pour une poursuite judiciaire, on n’a pas besoin d’une commission d’enquête parlementaire. Le procureur de la République est bien outillé pour saisir un juge d’instruction sur la question par un réquisitoire en lui demandant d’enquêter dans un sens ou dans un autre. Le Code de procédure pénale donne des pouvoirs élargis à un juge d’instruction pour enquêter sur un supposé crime ou délit. Cela aurait été plus simple pour le procureur de la République de donner une orientation parce que les accusations et les présomptions d’accusations dans ce dossier sont suffisamment sérieuses pour qu’une enquête puisse être ouverte. Cela ne peut en aucun cas mettre en mal une personne qui est toujours présumée innocente. Mais, après tout, il faut comprendre aussi que le procureur a une tutelle et cela peut aller du procureur général jusqu’au garde des Sceaux ministre de la Justice. Le procureur peut avoir des raisons que nous-mêmes n’avons pas mais le temps de la justice n’est pas le temps du commun des mortels.
L’OR ET LES RECORDS, C’ETAIT… AVANT
L’athlétisme sénégalais dont l’histoire est écrite en lettres d’or et de records est-il plongé dans l’abîme au point de ne plus produire de grands champions ?
La question taraude l’esprit des initiés qui ne manquent pas d’arguments. Lors du dernier championnat d’Afrique disputé à Asaba, au Nigéria, en août 2018, notre pays n’a pu décrocher la moindre médaille.
Rayé depuis quelques années des tablettes des distinctions annuelles des sportifs sénégalais comme le grand rendez-vous annuel de l’Association nationale de la presse sportive (Anps) dont il était abonné, c’est un doux euphémisme de dire que l’athlétisme sénégalais va mal. Ces flops historiques sont révélateurs de l’état de délabrement de la première discipline olympique au pays d’Amadou Dia Bâ (médaillé d’argent sur 400 m haies aux Jeux olympiques de Séoul en 1988) et d’Ami Mbacké Thiam (championne du monde du 400 m en 2001 à Edmonton). L’histoire récente de l’athlétisme sénégalais empile les déceptions. Les fleurs n’ont jamais été à la hauteur des promesses. Juste avant les Jeux olympiques de Londres en 2012, les médailles glanées au championnat d’Afrique disputé à Porto Novo, au Bénin, avaient fait naître de réels espoirs.
La moisson était d’or. Le crash des Jeux olympiques de Londres et, surtout, l’échec de la tête de gondole Ndiss Kaba Badji (champion d’Afrique 2008 en triple saut et 2012 en longueur) ont semé les germes du déclin. Le changement de nationalité du très prometteur Mamadou Kassé Hanne (400 m haies) a sonné le glas d’une discipline jusqu’ici abonnée aux succès. Il est loin le temps où l’athlétisme trustait les podiums des différentes élections de la presse sénégalaise (Lion d’or du quotidien Le Soleil et meilleur sportif de l’année de l’Association nationale de la presse sportive (Anps). Jugez-en vous-même. Sportif sénégalais du siècle ? El Hadj Amadou Dia médaillé d’argent du 400 m haies aux Jeux olympiques de Séoul en 1988. Le Lion d’or a fait la part belle aux athlètes en 1986 (El Hadj Amadou Dia Bâ, 400 m haies), en 1989 (Moussa Fall), en 1995 Cheikh Tidiane Touré (longueur), en 1999 Tacko Diouf (400 m haies), en 2001 (Ami Mbacké Thiam, 400m, en 2003 (Kène Ndoye, triple saut), et en 2004 (Kène Ndoye, triple saut). Le Meilleur sportif de l’Anps a été aussi attribué en 2006 à Amy Mbacké Thiam, en 2008 à Ndiss Kaba Badji (triple saut et longueur), et en 2013 à Mamadou Kassé Hanne (400 m haies). Depuis 2013, l’athlétisme a disparu du palmarès des différentes distinctions sportives. Il faut dire que l’athlétisme sénégalais a connu deux âges d’or. Avant l’indépendance du Sénégal en 1960, ils étaient nombreux à s’être mis en évidence sur les pistes françaises.
Ainsi Pape Gallo Thiam, qui fut le premier Africain à dépasser la barre des 2 m en hauteur, a été champion de France en 1954 avec un saut de 1,91 m et en 1955 avec 1,95 m. Lamine Diack est aussi sacré champion de France du saut en longueur en 1958 avec un bond de 7,63 m. Il en est de même d’Abdou Sèye, double champion de France sur 100 m avec un chrono de 10’’5 et sur 200 m avec 21’’. Il fut le premier athlète d’Afrique occidentale à monter sur un podium olympique avec sa médaille de bronze sur 200 m avec un chrono de 21’’1 aux Jo de Rome en 1960. Le Sénégal indépendant a aussi connu de grands athlètes à l’image d’Amadou Gakou (quatrième du 400 m des Jeux olympiques de Mexico en 1968 avec un chrono de 45’’, record d’Afrique,). Il y a surtout les performances exceptionnelles de ces deux icônes fondamentales que sont El hadj Amadou Dia Bâ (médaillé d’argent aux 400m haies des Jeux olympiques de Séoul en 1988) et Ami Mbacké Thiam (championne du monde du 400 m avec un chrono de 49’’86 en 2001 à Edmonton).
Comment ne pas s’arrêter sur les excellents résultats de Kène Ndoye (médaillée de bronze au championnat du monde de Birmingham en 2003, médaillée d’or aux Jeux africains d’Abuja en 2003), de Tacko Diouf (championne et recordwoman du Sénégal du 400 m haies en 54’’75 en 1999, triple médaillée d’argent sur 400 m haies, 4x400 m et 100 m haies aux Jeux africains de Johannesburg en 1999) ou encore Ndiss Kaba Badji (champion d’Afrique au triple saut en 2008 avec un bond de 17,07 m, record du Sénégal et 2012 à Porto Novo à la longueur avec un saut de 8,04 m. Médaillé d’or des Jeux Africains d’Alger en 2007 et de Brazzaville en 2015). Habitué aux applaudissements, le championnat d’Afrique de Marrakech en 2014, avec une seule médaille dans la besace, était une véritable bérézina pour le Sénégal.
A Asaba, l’année dernière, le Sénégal a battu le record de… médiocrité sportive. Même s’il n’y a pas d’expérience humaine indépassable, comme dirait mon prof de sociologie à l’école de journalisme (Cesti), feu Oumar Diagne. Au rythme où courent, et sautent nos athlètes actuellement, l’inaccessibilité de certains records du Sénégal comme celui d’Amadou Gakou au 400 m, vieux de plus d’un demi-siècle (51 ans), risque de durer une éternité. Même si, en sport, l’espoir s’entretient par… l’effort.
PAR Samboudian KAMARA
ESCLAVAGES…
Le téléphone portable est devenu une continuation du corps, donc de soi - Utile, voire incontournable, est-il pour autant obligatoire dans tous les instants de notre séquence terrestre ?
Tous les ingrédients du fait-divers sont réunis. Un site web de ce qu’il y a de plus, disons crédible, dans la webosphère sénégalaise met en ligne « l’info », des individus forcément louches qui creusent nuitamment des… tombes sur le terre-plein du rond-point « Abdoul Aziz Sy Dabakh », carrefour du Point-E à Dakar, « un colonel qui serait le maître d’œuvre » de la funeste besogne (que ne ferait-on pas pour étrenner des étoiles de général, se demandèrent, « africainement » des internautes), des échanges musclés avec quelques témoins, le maire qui s’en va naturellement quérir la police du quatrième arrondissement.
Reprise sur les réseaux sociaux, la mèche de la « dynamite » avait commencé à faire pschiittt… Vérification faite, c’est justement la sûreté nationale qui installait ses caméras de surveillance, comme on l’a constaté sur plusieurs axes routiers et autres avenues passantes de la capitale depuis quelques temps. Le bug social qu’engendre le mauvaise usage du numérique, ce ne sont pas seulement les fausses nouvelles et des sites d’information banals qui les entretiennent, c’est aussi la chaleur perdue des relations humaines, l’individualisme qu’engendre le téléphone portable et le rabaissement qu’il engendre. On ne se regarde plus. Les gens ont les yeux rivés sur leur appareil. Dans les foyers, dans la rue, les transports en commun, des sortes de mutants vivent dans leur bulle, comme des ermites, de plus en plus éloignés de toute sociabilité. Un peu partout à travers le monde (disons là où il y a assez de richesse et de technologie pour utiliser un téléphone de nouvelle génération), les sociologues retournent la question dans tous les sens : que sommes-nous devenus ?
Le nouveau code linguistique des branchés désigne par « smombies » (association entre smartphone et zombies), ces accros du téléphone qui vivent entre Facebook et WhatsApp, oubliant de travailler, de réfléchir, de regarder leur entourage ; oubliant jusqu’à leur situation géographique ou les dangers qui peuvent les menacer. Si les hommes ne se regardent plus, pour espérer se voir, comment pourraient-ils en plus se parler par la seule interface d’un bidule et prétendre communiquer en « humains » ? L’homme a maintenant les yeux baissés. Or, il n’a été grand et vraiment porteur d’humanité que quand il a jeté son regard au loin. Il n’a été inventif que quand il a levé les yeux pour observer la Nature ; n’a été ambitieux que quand il a levé les yeux pour se comparer à Autrui, pour établir des standings lui permettant d’apprécier sa propre condition pour mieux l’améliorer ; il n’a été conquérant que quand il a levé les yeux vers l’horizon et pressenti qu’il y avait bien quelque chose de l’autre côté de la grande bleue ; il n’a été artiste que quand il a levé les yeux pour observer la régularité des traits, pouvoir saisir le beau, et ouvrir ses sens pour saisir les harmonies des sons. Et son insatiable désir de conquête de l’espace, là-haut, très haut, n’est que la conséquence de son regard vers les étoiles. Et pour tout dire, il n’est devenu vraiment Homme, à en croire les paléontologues, que quand il s’est redressé, contrairement à son lointain et innommable cousin…
Le téléphone portable est devenu une continuation du corps, donc de soi. Utile, voire incontournable, est-il pour autant obligatoire dans tous les instants de notre séquence terrestre ? Si les bienfaits de la révolution numérique sont attestés par les opportunités qu’elle offre en communication interpersonnelle, en partage de connaissances, en santé, en éducation ou en agriculture, sans parler de son pendant entrepreneurial, il n’en demeure pas moins vrai qu’un paradoxe patent ressort de la déshumanisation qu’elle entraîne.
Paradoxe, car elle « tue » la communication originelle, la parole fondatrice. Paradoxe, car censée rehausser l’Homme, elle le plonge dans le déni de réalité. Pire, elle le rabaisse, toutes choses égales ailleurs, à l’état d’agent marketing sous l’influence de créateurs de « besoins inutiles ». Récemment, la logique capitaliste qui sous-tendait le formidable réseau de Mark Zuckerberg est apparue avec le scandale de Cambridge Analytica qui a acheté les données de 87 millions d’usagers pour les revendre aux fins d’influencer le vote d’électeurs. Nous-mêmes, nos idées, nos opinions, sommes devenus un package de marchandises. Vendus à des inconnus on ne sait à quel prix et vers quelle destination. Pourquoi pensez-vous à un certain commerce triangulaire ?
par Aboubacar Demba Cissokho
VIDEO
HABIB FAYE, UNE IDÉE DE LA MUSIQUE
Comme tous les génies, Habib Faye, en avance sur son époque, a donné tellement de choses qu’il y a cette impression – évidemment fausse – qu’il avait tout fait - Il en avait encore tellement dans la tête et sous ses doigts
1er mars 2018. Dernier concert à Dakar, au théâtre de verdure de l’Institut français. Quelques minutes avant le début du spectacle, je retrouve Habib Faye – décédé le 25 avril 2018, à Paris – dans les loges. S’engage alors entre lui et moi une conversation dont les mots sont restés les éléments d’une symphonie inachevée.
— Lui : Hé, Boubacar, nangadef ? Ça me fait plaisir de te voir ici. Je sais que c’est normal, mais ça fait plaisir.
— Moi : Je tenais à venir vous saluer, toi et Ablaye Cissoko, avant le début de votre concert. C’est un projet que je suis depuis le début et il était important que je vienne voir ce que ça donne.
— Lui : oui, c’est vrai.
Et puis un selfie ! Je prends congé en lui promettant de revenir à la fin pour poursuivre l’échange. Chose que je n’ai pu faire parce qu’Habib et Ablaye étaient occupés à dédicacer l’EP Teranga qu’ils étaient venus présenter à ce que le premier avait qualifié de showcase.
Lorsque mon amie Maimouna Dembélé m’a rapporté, vendredi dernier, les cris du fils d’Habib Faye, Serigne Saliou, disant « Papa est là ! Papa est là ! », à la vue du bassiste camerounais Christian Obame assis et jouant à la même place que Habib Faye avait occupée le 1er mars 2018, j’ai été conforté dans l’idée que tout de ce musicien de génie était encore là : l’image de l’instrumentiste concentré sur son jouet qu’il domptait avec une telle maîtrise ; son esprit, qui lui assure une présence ; la résonance des rythmes, compositions et mélodies qu’il nous a laissés au long de sa très riche carrière.
« Tout est posé là-bas », pour reprendre l’ami Mohamed Sow, mélomane pointu dont le soin mis à évoquer de l’immense contribution de Habib Faye à la musique de notre pays installe davantage celui-ci dans le coeur de ceux qui, comme lui, l’ont apprécié à sa juste valeur de son vivant, tout en le faisant découvrir aux autres qui étaient vraiment passés à côté de quelque chose.
Comme tous les génies, Habib Faye, en avance sur son époque, a donné tellement de choses qu’il y a cette impression – évidemment fausse – qu’il avait tout fait. Impression fausse parce qu’il en avait encore tellement dans la tête et sous ses doigts qui faisaient/font parler les cordes de sa guitare ou les claviers d’une manière si singulière que les mélomanes attendaient encore des pépites de l’avant-gardiste qu’il est et restera. Il est certain que dans l’histoire de la musique au Sénégal, telle qu’elle évolue depuis une quarantaine d’années, il y aura un avant et un après Habib Faye.
En mars 2006, à l’annonce du décès du chanteur et compositeur malien Ali Farka Touré, le bluesman américain Ry Cooder – qui a travaillé avec lui sur l’album Talking Timbuktu – avait dit qu’il en était fini du genre de musique qu’il jouait, invitant les mélomanes à fermer le chapitre. On peut, sans aucun risque de se tromper, dire la même chose pour Habib Faye, constat qui, chose importante, vient aussi de ses pairs bassistes. C’est vers ses compositions qu’il faudra désormais se tourner et se rendre à une évidence : il en est fini d’une idée de la basse et…de la musique, jouée – comme sur ce titre, Sama dom, avec talent, facilité et insouciance.
"JE VAIS RENONCER A MA NATIONNALITE SENEGALAISE''
''Mon statut et mon nom ne me permettent pas de faire certaines choses ou de verser dans la violence. Je me prépare à une action forte parce que je n’en peux plus'' - Ferdinand Coly à bout de souffle
L’ancien international sénégalais ne veut plus être sénégalais. C’est du moins les confidences qu’il a faites au journal « Record ». « Je vais renoncer à ma nationalité. Je n’ai pas d’état d’âme et je ne vais absolument pas regretter mon acte. Mon statut et mon nom ne me permettent pas de faire certaines choses ou de verser dans la violence. Je me prépare à une action forte parce que je n’en peux plus », a déclaré Ferdinand Coly. En effet, si l’ancien joueur sénégalais a avancé de tels propos c’est parce qu’il un problème avec le président du Stade de Mbour Saliou Samb à propos de l’usine de produits halieutiques, sur la Petite Côte, qui a fait faillite. Pour lui, ce dernier l’a plumé.
Des accusations battues en brèche par Samb qui, selon l’ancien footballeur sénégalais, est sous contrôle judiciaire. Même si la procédure judiciaire est longue, Ferdinand Ccoly a toujours l’espoir que le droit sera dit dans cette affaire. « Je crois en la justice de ce pays et j’ose espérer que le président de la République fera quelque chose dans ce sens. On parle d’émergence, mais on ne peut pas y arriver avec ce genre de comportement où il y a quelqu’un qui reste dans son coin pour volontairement bousiller l’emploi des jeunes et leur carrière », a-t-il soutenu non sans faire savoir qu’il va sensibiliser les jeunes joueurs qui veulent investir au Sénégal afin qu’ils ne subissent pas le même sort que lui.
"DÉJOUER LA SOCIOLOGIE, CE N'EST PAS SI COURANT"
Journaliste, écrivaine, réalisatrice, podcasteuse, Rokhaya Diallo a sorti fin mars un nouveau livre dans lequel elle relate son parcours singulier dans le paysage français, celui d’une femme noire devenue une voix qui compte dans le débat public
bondyblog.fr |
Arno Pedram |
Publication 26/04/2019
On ne présente plus Rokhaya Diallo. Journaliste, écrivaine, réalisatrice, podcasteuse, la militante antiraciste a sorti fin mars un nouveau livre, Ne reste pas à ta place. Elle y relate son parcours singulier dans le paysage français, celui d’une femme noire de La Courneuve devenue une voix qui compte dans le débat public. Interview.
Bondy Blog : Il y a, chez les activistes, un débat permanent sur la position à avoir par rapport au système : être à l’intérieur pour mieux le changer, ou rester en dehors pour le combattre. Dans Ne reste pas à ta place, tu montres que ton chemin est bien plus complexe. La voie Rokhaya Diallo, c’est la troisième voie ?
Rokhaya Diallo : (rires) Je n’aurais pas cette présomption mais je crois que les deux thèses se défendent. Je ne pense pas qu’on puisse raisonnablement s’extraire du système dans lequel on vit, on y participe toujours d’une certaine manière, et avec des contradictions. On a des convictions, et ça n’empêche pas d’avoir un smartphone ou d’aller sur Amazon de temps en temps. Il y a des choses qu’on fait qui ne sont pas forcément conformes à ce qu’on peut défendre en termes de convictions et d’idéaux. C’est quelque chose avec lequel on compose. Je trouve que voir tout le temps le même discours développé de manière un peu monomaniaque par les mêmes personnes accable, et, d’une certaine manière, ça anesthésie la faculté de résistance et de réponse. Le fait que d’autres personnes s’expriment est porteur d’espoir, pour les plus jeunes et les personnes qui pensent différemment. Moi c’est vrai que je suis dedans mais je sais que le système aussi s’accommode de voix divergentes parce que ça le justifie, ça donne l’impression qu’il est ouvert alors qu’il véhicule toujours les mêmes idées. Cependant, je pense que c’est important d’être à l’extérieur, que les deux se conjuguent et que les connexions se fassent. De la même manière que Martin Luther King et Malcolm X étaient complémentaires et non ennemis. Même s’ils ont eu des tensions au départ, à la fin de leurs vies respectives ils n’étaient pas ennemis.
A la sortie de ton livre, tu as lancé le hashtag #NeRestePasATaPlace. Il a connu un succès considérable…
J’ai lancé ça un peu comme un challenge, en demandant aux gens de témoigner, et ça a pris avec une ampleur assez dingue, très rapidement. Au bout de 3 jours, il y avait 4000 témoignages ! J’ai été interpellée par le fait que la plupart des récits racontaient des histoires de réussite professionnelle ou scolaire, ce que je trouve important. Cependant, je me dis que c’est dommage de cantonner la réussite à uniquement ça. Les gens qui ont témoigné, c’est bien, je ne leur jette pas la pierre au contraire je trouve que ça fait du bien, ils nous fédèrent et je tiens à le souligner. Mais j’aurais aimé avoir des histoires de dépassement de soi à travers des exploits sportifs, parfois, il y en a eu quelques-uns, qui avaient des maladies qui finalement s’en sont beaucoup mieux sortis que ce que leur a dit la médecine, des histoires d’amour aussi ! Ça c’est des choses que j’aimerais entendre, mais ce n’est pas fini, le hashtag continue !
Ton livre commence avec une mise en garde. Tu dis que « nous n’avons pas le pouvoir d’infléchir les oppressions produites par un système qui favorise les plus forts » et qu’affirmer le contraire serait « promouvoir un statu quo nuisible aux plus faibles. » Pourquoi était-ce important de commencer ainsi ?
Je tenais vraiment à préciser cet aspect-là, parce que c’est vrai que parfois on rentre facilement dans la philosophie du « quand on veut on peut », et je trouve qu’elle est extrêmement culpabilisante, parce qu’elle donne le sentiment que c’est l’individualité qui peut permettre d’orienter une trajectoire alors qu’il y a vraiment des pesanteurs d’ordre systémique. D’une certaine manière, ce n’est pas si courant de déjouer la sociologie. Parfois on y arrive, ça a été mon cas, mais ce n’est pas le cas de la majorité. Les personnes qui n’y arrivent pas pour diverses raisons ne doivent pas se sentir coupables ou stigmatisées parce que ça a été plus compliqué pour elles. Je pense que se dire « ok, j’ai trouvé des petites choses qui m’ont permis d’avancer ou d’affronter tel ou tel type de situation » ne doit pas empêcher une réflexion critique sur un système qui est vraiment injuste de manière intrinsèque. Ça, pour moi, c’est important de le souligner.
Dans ton livre, il y a beaucoup de références à la culture antiraciste américaine. Quel rôle a-t-elle joué dans la construction de ta pensée ?
En France, dans les sciences sociales et universités, il n’y a pas vraiment d’ouverture sur les cultural studies (études culturelles des groupes marginalisés, ndlr). Mais, de plus en plus, on va souvent voir du côté des Etats-Unis. Ça a beaucoup compté pour avoir des références mais beaucoup d’intellectuels américains se réfèrent aussi aux intellectuels français. C’est important aussi de dire que Frantz Fanon, Colette Guillaumin, Simone de Beauvoir ont inspiré de nombreux courants intellectuels américains. Finalement, quand on dit qu’on importe les thèses américaines, ce n’est pas forcément juste. Mais il est vrai qu’on parle beaucoup plus librement des questions raciales aux Etats-Unis. En France, il y a une telle chape de plomb, tellement de tabous, ça inhibe. Ce que j’ai appris des Etats-Unis, c’est d’être décomplexée par rapport à ces questions-là. Ça ne veut pas dire que c’est grave, on peut en parler, on peut en rire, avoir une discussion qui ne soit pas forcément anxiogène.
Tu parles dans ton livre du besoin d’avoir nos propres idoles afro-françaises à l’image de Beyoncé aux Etats-Unis. Pourquoi est-ce important pour toi ?
Je pense qu’il y a un danger par rapport aux Etats-Unis, c’est l’impérialisme, le fait qu’on plaque leur lecture sur nous et qu’on ne se réfère qu’à leurs icônes. Je pense que Martin Luther King, Angela Davis, Malcolm X, Beyoncé sont très importants mais c’est important aussi qu’on ait nos propres références. Il faut qu’on se pense à partir de nous-mêmes, qu’on soit capable de nous raccrocher à une histoire, parce que je pense que la filiation mémorielle permet vraiment d’être fort. Si on n’arrive pas à trouver une filiation avec des aînés qui ont agi en France et dans les territoires colonisés, on ne peut pas s’ancrer, se penser légitimement. On ne peut pas faire de l’afro-féminisme en ayant pour seules références Beyoncé, Nelson Mandela ou Martin Luther King. Même si je n’accuse personne d’avoir ces références-là, on a les nôtres, et il faut vraiment qu’on les célèbre pour les nouvelles générations.
Justement, il est difficile de comparer l’histoire de la ségrégation légale aux Etats-Unis à l’histoire des banlieues…
La différence majeure, c’est le surgissement de la question dans l’histoire récente. Aujourd’hui, en France, on a l’impression de découvrir quelque chose d’il y a longtemps. Avec les outre-mer, le territoire français est divisé en cinq continents, et ça, en termes de pensée décoloniale et antiraciste, ce n’est pas les Etats-Unis. Le territoire principal est en Europe, du coup la confrontation avec les idées minoritaires sur le territoire principal est arrivée plus tardivement. Même si ça fait très longtemps qu’il y a des minorités ethniques sur le sol français, ça ne fait pas si longtemps que la question se pose de manière aussi importante. Aux Etats-Unis, avant même l’existence du pays, il y avait des Noirs : les premiers Noirs référencés sont arrivés en 1619, à Jamestown en Virginie. Du coup, la question a préexisté à l’existence du pays. En France, on a pu s’accommoder d’une forme de déni parce que c’était très loin.
Dans ton livre, tu vas à l’encontre d’une image de militante martyre, tu assumes de ne pas vouloir te tuer à la tâche. Tu évoques une relation entre le combat et le besoin de se ressourcer, comment en es-tu arrivé là ?
Quand on est activiste, notre outil de travail, c’est notre corps. Donc il faut l’entretenir et se ménager pour être sûr d’arriver au bout. Il y a aussi dans ta question l’idée de la pureté militante : ne jamais se compromettre, ne jamais commettre d’erreurs. C’est quelque chose qui ne m’intéresse pas parce que ce n’est pas humain : en tant qu’être humain, je revendique le droit à la faute et le droit parfois à ne pas faire les choses exactement comme il faudrait le faire selon une éthique militante. C’est important parce que sinon on ne vit pas. Il faut être droit, il faut être fidèle à ses valeurs, mais on est des êtres humains et on fait des trucs parfois pas cohérents par rapport à ce qu’on défend. Cependant, le fait de se préserver, ne pas être sur tous les terrains, c’est important. Il y a des manifs où je ne suis pas là, parce que j’ai des trucs à faire, parce que j’ai ma famille… et ce n’est pas grave en fait. Le monde ne va pas s’écrouler parce qu’un jour je ne suis pas là. J’ai vu des gens me reprocher de ne pas être à telle manif, mais à un moment donné, quand il y a des manifs en juillet parfois je suis en vacances. Je pense qu’on ne peut pas exiger des gens d’être tout le temps présent, sinon on ne tient pas.
Notre critère d’évaluation doit être le bonheur qu’on donne aux autres et à soi et pas le regard que vont porter les cercles militants sur nous, parce qu’on peut se perdre. Je citais l’exemple d’Erica Garner (la fille d’Eric Garner, afro-américain mort en 2014 par l’étranglement de policiers, impliquée dans la lutte contre les violences policières et elle-même morte suite à une deuxième crise cardiaque en 2017, ndlr) qui m’a vraiment choqué. Elle s’est littéralement consumée pour la lutte. Après, elle avait une autre histoire parce que son père est mort, mais vraiment, ce n’est pas possible, on a besoin de tout le monde. Les gens d’en face ils se font plaisir, ils vont au spa, ils vont bien manger au restaurant. On n’a pas forcément toujours les conditions matérielles pour le faire mais au moins se reposer, passer du temps de qualité, avoir des loisirs, consommer la culture, passer du temps avec des amis, la famille, faire du sport, tout ce qu’on a envie de faire, qui fait du bien, c’est capital. Et si je ne faisais pas ça, ça ferait longtemps que je ne supporterais pas ce que je vis dans l’espace public.
par Jean-Meissa Diop
LES LOIS DE LA PROXIMITÉ
L’incendie, le 15 avril 2019, de la cathédrale Notre Dame de Paris, aura rappelé aux journalistes que dans le traitement d’un événement comme ce désastre, entrent en jeu quatre axes dénommés « lois de la proximité »
Africa Check |
Jean-Meissa Diop |
Publication 26/04/2019
L’incendie, le 15 avril 2019, de la cathédrale Notre Dame de Paris, aura rappelé aux journalistes que dans le traitement d’un événement comme ce désastre, entrent en jeu quatre axes dénommés « lois de la proximité ».
Des critères qui font que la priorité de traitement d’une information soit fonction de la proximité géographique, chronologique, psycho-affective et sociale que le journaliste et son organe de presse ont avec ce fait, qui peut même ne pas être d’actualité.
Et le réflexe du journaliste fonctionne désormais en fonction de ces quatre lois.
Il se produit dès lors chez le journaliste un tel automatisme, un tel réflexe que la sélection et le classement des informations devant constituer le « menu » deviennent les signes d’un professionnalisme indiscutable.
Ainsi, le schéma classique des lois de la proximité est une sorte de boussole à quatre directions dont le journaliste et son organe se trouvent au milieu, pris qu’ils sont à la croisée de ces quatre axes.
« La Corrèze avant le Zambèze »
Est-ce nouveau ? Est-ce récent ou d’une brûlante actualité ? Est-ce proche de moi ? Est-ce que ça intéresse mon public ?
« La Corrèze avant le Zambèze » avait dit le journaliste et homme politique français Raymond Cartier qui, bien que faisant allusion à la priorité des départements français par rapport aux colonies françaises d’Afrique, campait ainsi les lois journalistique de la priorité d’une information sur une autre. (Une autre version est donnée ici sur l’origine de cette formule).
Une boussole avec des cercles concentriques qui s’éloignent du journaliste à mesure que peut décroître l’intérêt, pour lui, de telle ou telle autre information.
C’est cela qui fait que des faits, des événements géographiquement éloignés du journal et du journaliste sont moins intéressants, moins à « prioriser » que ceux survenant ou survenus dans son voisinage immédiat.
Le 15 avril 2019, alors que des chaînes de télévision françaises, dont Tf1, France 2 et France 24, avaient modifié leurs programmes – dont le « sacro-saint » journal télévisé de 20 h – pour retransmettre en direct le spectaculaire incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, à plus de cinq mille kilomètres de Paris, la chaîne de télévision nationale du Sénégal, Rts 1, ouvrait son journal du soir par la retraite spirituelle à Médina Gounass.
Nul ne pouvait reprocher à la télévision nationale sénégalaise son choix rédactionnel et son classement de l’actualité selon un ordre d’intérêt qui suit les fameuses lois de la proximité…
Aucun téléspectateur sénégalais – ou alors très peu de ceux qui suivaient le journal télévisé de ce soir-là, n’aurait accepté que Notre-Dame de Paris vînt en « une » devant un événement important se déroulant au Sénégal.
Les raisons d’un choix
Ce même 15 avril 2019, le site du prestigieux magazine américain Newsweek rapporte qu’au moment où le feu ravageait la cathédrale parisienne, un autre feu s’était déclaré à la mosquée Al Aqsa de Jérusalem.
A l’exception de l’agence de presse palestinienne, Palestine News Agency, dont votre serviteur a visité le site, (Al Aqsa avant Notre Dame de Paris, pour ainsi dire), très peu de médias mainstream ont fait cas de l’événement du feu à Al-Aqsa.
C’est plutôt aux réseaux sociaux qu’on devra la propagation de l’information concernant cet incendie d’une célèbre mosquée à Jérusalem.
Le 17 avril 2019, l’incendie de Notre-Dame de Paris était encore à la une des JT de 20 heures des chaînes de télévision françaises : 15 minutes sur France 2, 25 minutes du Tf1 ! Et le lendemain, le même événement à la une des JT de France.
On en parle parce que c’est « chez nous » et/ou que c’est émouvant. Sans être catholiques, des personnes à travers le monde se sont émues en raison de ce que représente Notre-Dame de Paris en termes d’esthétique et de valeur de patrimoine.
Et ainsi fonctionne un média et ses acteurs ; et c’est ainsi qu’un fait est traité au lieu d’un autre ; qu’un fait est plus visible qu’un autre en raison de sa proximité géographique, psycho-affective, sociale et/ou chronologique.