L'ÉPOUVANTAIL JAMRA
Plus influente que jamais, l’ONG est de tous les combats : contre ce qu’elle assimile à de la pornographie, la franc-maçonnerie ou l’homosexualité… Elle n’exclut pas de mettre le pied en politique. Faut-il craindre l’ONG islamique ?

Plus influents que jamais, l’ONG et son vice-président, Mame Mactar Gueye, sont de tous les combats : contre ce qu’ils assimilent à de la pornographie, mais aussi contre la franc-maçonnerie ou l’homosexualité… Jamra veut faire plier les producteurs de séries et n’exclut pas de mettre formellement le pied en politique. Faut-il craindre l’ONG islamique ?
Mame Mactar Gueye est une grande gueule. On peut se permettre de l’écrire, puisque c’est lui-même qui le dit. Mais le truculent vice-président de l’ONG islamique Jamra ajoute aussitôt : « C’est ma fonction qui veut ça. » Chargé de la communication et de la relation avec les institutions au sein de Jamra, il en est, de fait, le porte-parole et le porte-drapeau.
Il suffit d’ailleurs d’aller faire un tour sur la page Facebook de la structure, où les publications et photographies documentant ses entretiens avec la presse et les institutions s’enchaînent, pour comprendre qu’il en est la figure de proue. Interlocuteur privilégié des médias au sein de Jamra, ce programmateur analyste à la retraite de 68 ans n’est pas du genre à bouder leurs sollicitations. Ajoutez à cela un sens certain de la formule et un activisme débordant sur les questions religieuses et sociales, et vous obtiendrez la recette du « phénomène » Mame Mactar Gueye.
« Ma position me pousse à être bruyant, mais elle est très ingrate, souligne le militant. C’est moi qui monte au créneau et c’est moi qui encaisse. »
Dernier exemple en date de ce qu’il assimile sans doute à des « médisances et calomnies » : une tribune des journalistes Mamadou Amat et Papa Samba Kane, publiée le 20 août dans plusieurs journaux sénégalais. Le titre (« Jamra, arrête ton cirque ! ») est une référence au dernier combat de Jamra.
C’est en effet après l’équipe de la série « Cirque noir » qu’il en a aujourd’hui. En cause : une scène, incluse dans la bande-annonce, dans laquelle on aperçoit un couple enlacé dans un lit. Jamra, qui a ses entrées au sein du Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA), a cette fois directement saisi la division de lutte contre la cybercriminalité de la police. Poursuivis pour diffusion d’images contraires aux bonnes mœurs et outrage public à la pudeur, les membres de l’équipe ont été arrêtés, le 16 août dernier. Le 27 août, six d’entre eux ont été auditionnés par un juge du tribunal de Dakar. Deux années de prison ferme ont été requises contre le producteur, un an contre les autres prévenus.
Liberté menacée ?
« De plus en plus de gens […] semblent trouver normal que Mame Mactar Gueye remette systématiquement en cause des acquis obtenus de haute lutte au fil des ans, regrettent Mamadou Amat et Papa Samba Kane dans leur tribune. Allons-nous continuer de [lui] laisser le soin de décider tout seul du contenu de nos programmes audiovisuels ? »
La liberté (d’expression, de presse, de pensée, de création) est-elle menacée par le militantisme frénétique de Mame Mactar Gueye ? « Jamra se sent pousser des ailes et son activisme prend une tournure agressive contre le mode de vie des gens », explique à JA Pape Samba Kane, qui assure avoir reçu de nombreux messages de soutien après la publication de la tribune.
La réaction de l’intéressé ne s’est pas faite attendre. « La résistance s’organise », a lancé Mame Mactar Gueye, fustigeant l’opinion d’« intellos pantouflards » adeptes du « prosélytisme malsain du toubabisme libertin ».