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5 juin 2025
L'ODYSSÉE WADE
Vingt-cinq ans après son arrivée au pouvoir, Abdoulaye Wade reste une énigme politique. Madiambal Diagne lève enfin le voile sur les mille et une vies du Sphinx, dans un récit où les révélations explosives côtoient les anecdotes savoureuses
L’entrée de Madiambal Diagne dans le monde des Lettres sénégalaises a semblé accidentelle au départ. Voilà une personne qui s’est fait un nom en commettant des «scoops» dans des feuilles de chou à la durée de vie éphémère, et qui voulait acquérir l’immortalité en faisant des coudes dans le cénacle des Senghor, Césaire, Fatou Diome et autres Mbougar Sarr, mais dans un genre bien particulier. Son premier ouvrage tenait plus du témoignage de première main, sur un sujet qui a longtemps tenu en haleine tout le pays, et qui a même divisé des familles. Madiambal Diagne a montré qu’il a eu accès à des sources de première main, pour donner des informations qu’à ce jour, aucun des protagonistes n’a jamais tenté de remettre en cause. Profitant sans doute de la conjoncture politique, il a produit quasiment coup sur coup, deux ouvrages biographiques sur des personnalités qu’il a longtemps fréquentées, les anciens président de la République Macky Sall et Premier ministre Amadou Ba, et retracé leurs parcours respectifs. Il n’avait sans doute pas prévu que leur sort serait celui qu’il a été il y a un an, à l’issue de la Présidentielle.Après ces essais, M. Diagne s’est lancé dans le roman, avec un notable succès. Coïncidence ? L’arrivée de Trump au pouvoir a semblé donner raison à l’auteur, le nouveau dirigeant américain semblant peu enclin à recevoir des Africains à la Maison Blanche. Faudrait-il croire que le fameux «Dîner à la Maison Blanche attendra» la fin de son mandat ? Quoi qu’il en soit, Madiambal revient à un autre essai biographique, en s’attaquant à un monument vivant, Abdoulaye Wade. Aura-t-il eu le temps de faire le tour de ses «Mille et Une vies» ? Le lecteur le découvrira dans le livre dont il a ici les «Bonnes Feuilles». Pourquoi un livre sur Abdoulaye Wade ?
Depuis son départ du pouvoir, il est rare de voir un livre, un essai ou une quelconque forme de publication, axé sur la façon dont le Président Abdoulaye Wade a gouverné le Sénégal, de 2000 à 2012, ou encore l’odyssée du Parti démocratique sénégalais (Pds).
Mamadou Lamine Loum, le dernier Premier ministre de Abdou Diouf, a produit un livre-bilan sur la situation du Sénégal au 2 avril 2000. Macky Sall, quelques mois après la fin de ses deux mandats, a lui aussi engagé ses équipes à éditer un livre-bilan de sa gestion (2012-2024). Ces productions valent assurément ce qu’elles valent, mais elles ont le mérite d’exister, pour donner la perception que les principaux tenants des régimes, qui ont précédé ou succédé à celui de Abdoulaye Wade, ont pu avoir de leur action à la tête du pays.
A ma connaissance, personne n’a encore produit un livre pour tirer le bilan ou analyser le règne du Président Abdoulaye Wade. Quelques livres controversés sont parus durant son magistère : certains le pourfendant durement, d’autres étant de purs panégyriques.
Je dois dire que j’ai entrepris, il y a quelques années, d’écrire un livre sur la gouvernance de Abdoulaye Wade. Je me suis résolu à ne pas le rendre public, parce qu’il ne me satisfaisait pas : la situation que j’y décrivais apparaissant loufoque, trop anecdotique ou même caricaturale.
Il y a aussi que certains proches collaborateurs du Président Wade se retenaient alors de témoigner de bien des situations cocasses, vécues à ses côtés, au cœur du pouvoir. Un de ses anciens premiers ministres me confiait même : «Tant que le Président Wade est en vie, j’aurais bien du scrupule à parler de certaines choses !»
Je manquerais ainsi, pour cet exercice, de recueillir les témoignages les plus pertinents. Il s’y ajoute que moi-même, je m’interrogeais sur ma posture. Ne risquerais-je pas de passer pour verser dans un exercice de règlement de comptes ? Mon objectivité ne serait-elle pas mise en cause ? En effet, mes relations avec le Président Wade paraissaient tumultueuses aux yeux du grand public.
Son pouvoir m’avait emprisonné en 2004, parce que la tonalité du journal Le Quotidien, tout comme certains de mes écrits, dérangeait. Il reste qu’après ce malheureux épisode, qui lui a coûté beaucoup du point de vue de son image, Abdoulaye Wade installa des passerelles avec Le Quotidien, pour faire passer des messages importants ou travailler avec moi sur des questions cruciales, pour la paix et la stabilité au Sénégal et en Afrique. Bien des ministres sortaient d’une discussion avec le président Wade, pour me confier les appréciations positives et la confiance qu’il nourrissait pour Le Quotidien.
En septembre 2012, il m’invita à Versailles. Je suis chaleureusement accueilli… Et devant nombre de ses collaborateurs médusés, il me fait l’accolade avant de déclarer : «Jeune homme, j’ai du respect pour vous !»
Au demeurant, devrais-je continuer à m’autocensurer concernant Abdoulaye Wade, d’autant plus que je suis déjà l’auteur de livres sur d’autres hommes politiques sénégalais ? Il est de mon devoir de témoigner sur l’homme, sa vie et son parcours. Le hasard du calendrier donne des repères ou des prétextes. Le 19 mars 2025 est l’anniversaire de son accession au pouvoir, un certain 19 mars 2000. Vingt-cinq ans, ça se célèbre ! Il en est de même du Parti démocratique sénégalais (Pds), qui porte depuis toujours son action politique, qui a célébré l’année passée ses cinquante ans.
Mon témoignage relève aussi d’un devoir de reconnaissance vis-à-vis de Me Babacar Sèye, ancien Bâtonnier de l’Ordre des avocats, membre du Conseil constitutionnel, tué, le 15 mai 1993, par la «Bande à Clédor». Abdoulaye Wade est mêlé à cet assassinat et mes recherches m’ont permis de mettre la main sur des documents et de recueillir des témoignages inédits, qui apporteront définitivement, sans aucun doute, la lumière sur cette affaire.
Mon histoire avec Me Babacar Sèye est particulière.
Jeune greffier au Tribunal de Saint-Louis où je suis affecté, je ne trouve qu’une robe défraîchie au Greffe, le jour de ma prestation de serment. Je la revêts, pour me présenter devant le président Ndongo Fall, qui doit recueillir mon serment de «jurer de garder le secret professionnel et de me comporter en toutes circonstances comme un digne et loyal greffier». Me Moussa Niang, greffier, assiste le président du Tribunal, et Idrissa Barry, le substitut du procureur de la République, occupe le banc du Ministère public.
Me Sèye ne peut supporter que j’entre dans l’institution judiciaire aussi mal fagoté. Il se dévêt de sa robe et me la tend, avec ces mots pleins de tendresse : «La Justice se porte dignement et se rend avec dignité.» Quand je me débarrasse de la robe qui le gêne tant, il ne manque pas de remarquer que, sous le «haillon», je m’étais quand même tiré à quatre épingles. Il m’en fait le compliment.
Par la suite, il s’est plu, très souvent, à demander à son jeune confrère, Me Ladji Traoré, de m’inviter à leur cabinet, et à son domicile de Sindoni (Sud), pour discuter.
Sa mort m’attrista beaucoup.
Le fantôme de Me Sèye poursuivra Abdoulaye Wade jusqu’au Palais présidentiel. Ce livre le démontrera. Evoquer l’affaire Me Sèye, c’est aussi un devoir de mémoire ou de continuité pour moi : c’est justement à l’occasion du procès de l’assassinat de Me Babacar Sèye en 1994, que j’embrasse le métier de journaliste.
Le procès, que j’ai couvert et dont les articles seront publiés dans les colonnes du journal Wal Fadjri, a contribué à ma renommée dans le journalisme. Est-ce un clin d’œil du destin, au moment où je décide d’arrêter le journalisme, que je revienne sur l’affaire Me Sèye, trente ans après ?
C’est une boucle bouclée !
Il n’en demeure pas moins que j’ai la pudeur de ne pas évoquer dans ce livre, et autant que possible, des questions relatives à la vie intime de Abdoulaye Wade. Le lecteur notera également que je n’évoque pas cette affaire de cinquante millions de francs Cfa ou plus, qu’il dégage en 2007, pour, dit-on, appuyer Le Quotidien. Cette affaire que nous avions alors portée à l’attention du public, reste fort douloureuse pour bien des protagonistes, surtout que certains médias, aveuglés par une concurrence malsaine, ont sauté sur l’occasion pour montrer une malhonnêteté sidérante.
L’évoquer dans ce livre pourrait apparaître comme un plaidoyer pro domo.
Au réveil à Touba, Wade est un autre homme
Le 19 mars 2000 est un jour historique. Pour la première fois au Sénégal, une élection présidentielle se conclut au second tour de scrutin.
Le président sortant, Abdou Diouf, qui caracole en tête du premier tour, avec une avance de dix points (41, 51%), sur son challenger Abdoulaye Wade (31, 01%), joue son va-tout. Il obtient les ralliements de certaines grandes figures politiques, comme celle de Djibo Leyti Kâ, leader de l’Union pour le renouveau démocratique (Urd), arrivé quatrième au premier tour du 27 février 2000 (7, 08%). Djibo Kâ, qui avait apporté un soutien franc à Abdoulaye Wade, quelques jours auparavant, tourne subitement casaque, le 14 mars 2000, pour jeter finalement son dévolu sur Abdou Diouf. Ses contradictions avec Ousmane Tanor Dieng, le dauphin putatif de Abdou Diouf, semblent derrière lui. (…)
Wade, une diplomatie peu diplomatique
(…) Lorsque Abdoulaye Wade arrive au pouvoir, il en veut au Président nigérian Olusegun Obasanjo. Dans sa première grande interview publiée dans les colonnes du magazine Jeune Afrique-L’Intelligent, numéro 2046 du 28 mars 2000 au 3 avril 2000, le nouveau Président élu du Sénégal ne cache pas son acrimonie à l’endroit de Olusegun Obasanjo. Répondant à la question : «quels sont les chefs d’Etat africains qui ont financé votre campagne électorale ?», Abdoulaye Wade déclare sèchement : «Je n’ai bénéficié de l’aide de personne et croyez-moi, je me suis bien gardé de leur demander quoi que ce soit. Contrairement à une idée répandue, les membres de ce syndicat sont très prudents : ils évitent généralement de financer des opposants. (…) Prenez le cas du Nigeria. J’ai beaucoup fait pour Obasanjo, mais depuis qu’il est revenu aux affaires, il a carrément coupé les ponts avec moi, sans doute pour ne pas déplaire à Abdou Diouf. Lorsqu’il était en prison, je suis allé à deux reprises voir Sani Abacha pour demander sa libération. J’étais alors ministre d’Etat (1995). Abacha m’a répondu qu’il devrait s’estimer heureux d’être en vie, parce qu’il est passible du peloton d’exécution pour avoir comploté contre lui. Par la suite, j’ai fait venir au Sénégal l’épouse de Obasanjo, qui était, à l’époque, dans un grand dénuement, pour que le Président Diouf puisse l’aider. A sa libération, Obasanjo m’a même écrit pour me remercier. Depuis, c’est le silence radio. Entretemps, j’avais, il est vrai, quitté le gouvernement. J’étais sans doute devenu moins fréquentable.»
Abdoulaye Wade digère mal que Obasanjo, de retour au pouvoir, suite à une élection démocratique cette fois-ci, en 1999, ne lui renvoie pas l’ascenseur. Le Président Wade, qui n’est pas du genre à faire le dos rond face à un affront, va se déchaîner au premier Sommet de la Cedeao auquel il prend part. C’est justement à Abuja (Nigeria) les 28 et 29 mai 2000.
L’esclandre affecte Olusegun Obasanjo qui, à la fin de la journée du Sommet des chefs d’Etat, vient trouver le président Wade, à son hôtel, pour arrondir les angles. Ils vont à nouveau s’affronter au Sommet de l’Union africaine à Durban en 2002. Wade s’investit pour une médiation à Madagascar entre Didier Ratsiraka et Marc Ravalomanana. Il en fait tant et si bien que c’est un Olusegun Obasanjo caustique qui se demande, au détour de son intervention avec amusement, «si le président Wade n’avait pas un champ de clous de girofle à Madagascar».
Pour lui, le Président Wade est trop enclin à peser sur le dossier de Madagascar. Sa réplique au Président Obasanjo est cinglante : «Bande de putschistes. Je suis le mieux élu ici !» Abdoulaye Wade se déchaîne et rabroue le Président Eyadéma du Togo, qui cherche à le faire taire. Wade lui assène : «Un soudard ne doit pas prendre la parole quand des agrégés parlent !»
Les propos, peu diplomatiques, ne plaisent pas au Président togolais Gnassingbé Eyadéma, qui appelle l’ancien Premier ministre Moustapha Niasse, avec lequel il entretient des relations fort cordiales, pour lui souligner : «Si ton Président continue comme ça, je finirai par lui c…» Le président Alpha Oumar Konaré du Mali dira de Wade «qu’il est iconoclaste !». Le président Obasanjo dira lui aussi à Moustapha Niasse : «Wade a la folie de Bokassa !»
Abdoulaye Wade affrontera durement son homologue togolais, Gnassingbé Eyadema, sur le dossier de la médiation, dans la crise politico-militaire, en Côte d’Ivoire. Le président Eyadéma convoque une réunion de chefs d’Etat à Kara, son fief natal, au Nord du Togo. Abdoulaye Wade s’y rend. Cependant, il est inquiet. Il décide de ne faire qu’un aller-retour, et même de ne pas boire de l’eau sur place. Un collaborateur du président Wade souffle : «On nous avait prévenus que Eyadéma était un sorcier. Le président Wade n’y a pas pris un verre d’eau et est descendu de l’avion avec un bandage improvisé ; il a prétexté une blessure à la main pour ne pas serrer celle de son homologue togolais.»
Ses craintes ont semblé se vérifier quand, à sa descente d’avion, il glisse et s’affale sur le sol. La scène est retransmise en direct à la télévision nationale togolaise (Tvt). Les journalistes sénégalais, témoins de la scène, se passent le mot pour taire l’incident. Aucun média sénégalais ne le relate. Le Président Eyadéma est frustré de l’attitude du Président Wade, avec la main bandée. Le président de l’Assemblée nationale du Togo, Fambaré Ouattara Natchaba, est informé que Farba Senghor pourrait avoir de l’influence sur le Président Wade, pour le ramener à de meilleurs sentiments. Il met donc Farba Senghor en contact avec le Président Eyadéma. Le chef de l’Etat togolais exprime ses griefs et souhaiterait plus de respect et de considération de la part de son homologue sénégalais. C’est à la veille d’un Sommet de la Cedeao, convoqué pour le lundi 10 mai 2003 à Dakar. Farba Senghor se fait rabrouer le vendredi 7 mai 2003 par le Président Wade, quand il cherche à alerter sur le risque d’un boycott de cette rencontre par les autres chefs d’Etats membres de la Cedeao.
Mais le lundi 10 mai 2003, ses craintes se vérifient.
La participation de plusieurs chefs d’Etat, et non des moindres, n’est confirmée par aucun d’eux. Le Président Wade, sentant l’humiliation ou le camouflet diplomatique, charge alors Farba Senghor de prendre contact avec «son père» togolais. Farba Senghor peut accéder au Président Eyadéma, à toute heure, via le chef du protocole présidentiel togolais, Arouna Batiem Kpabré-Silly.
L’initiative est couronnée de succès. Gnassingbé Eyadéma, qui aime le style direct de Farba Senghor, se lie d’amitié avec lui et fait des concessions. Il demande de décaler le sommet d’une journée. Le Président Wade accepte sans discussion. Les frondeurs font le voyage de Dakar et la déclaration incendiaire que ces chefs d’Etat entendaient alors publier, contre le Président Wade, est déchirée.
(…)
A Benghazi, le divorce avec Kadhafi
Le 13 février 2009, le Président Wade est en visite à Beijing. Son homologue Hu Jintao lui déroule le tapis rouge, mais Abdoulaye Wade n’est pas content et le fait savoir. Le Président sénégalais d’expliquer : «En Afrique, la parole d’un patriarche est vénérée et je suis un patriarche dans mon pays. Or, j’avais confiance en votre parole pour annoncer à mon Peuple des réalisations infrastructurelles promises à mon pays. Voilà qu’il y a de grosses lenteurs dans l’exécution des projets !» Hu Jintao ordonne à ses équipes de faire le point sur les projets chinois au Sénégal. C’est ainsi que les travaux de construction des infrastructures comme le Grand Théâtre ou le Musée des civilisations, entre autres, démarrent.
Abdoulaye Wade tente de rejouer le même coup avec Kadhafi à Syrte. Le Guide libyen avait promis d’ériger à Dakar, une tour portant son nom. Une tour haute de deux cents mètres, à la pointe du Cap Manuel, pour un coût de 200 millions d’euros. Tel était le projet que le Président Abdoulaye Wade et son architecte conseil Pierre Goudiaby Atepa avaient soumis, le 18 février 2009 en Libye, au Colonel Kadhafi, lequel a accepté de le financer via la Libyan african investment company (Laico). La Kadhafi African Tower, haute de soixante étages, devait abriter un hôtel cinq étoiles de quatre cents chambres, un centre de conférences et une centaine d’appartements, et serait la première au monde à être majoritairement alimentée (jusqu’à 80%) par de l’énergie solaire.
A Syrte, le président Wade recommence son mélodrame. Babacar Diagne, conseiller en communication, redit sa surprise : «Le Président Wade a attaqué Kadhafi et demandé à l’interprète : «Dis-lui qu’il ment.» L’interprète bafouille et semble ne pas oser faire la traduction. Il insiste : «Dis-lui qu’il ment.»
L’interprète ne traduit toujours pas et le Président Wade demande après l’ambassadeur Moustapha Cissé, pour qu’il fasse la traduction. Mais je pense que Kadhafi, qui parle déjà italien, a bien compris le propos et a éclaté de rire en lui disant : «Non, Abdoulaye. Vous n’êtes pas en Chine !»
Comme quoi, le coup de Beijing avait déjà été l’objet de ragots dans les chancelleries. L’activisme diplomatique du chef de l’Etat sénégalais l’invite en Iran pour plaider, en 2010, la libération de l’universitaire française Clotilde Reiss, détenue à la prison d’Evin à Téhéran. Un ancien ambassadeur précise : «Il y a lieu de souligner que son rôle dans la libération de Clotilde Reiss est marginal. Paris et Téhéran avaient déjà négocié leur deal. Seulement, ils ne pouvaient pas dire non à la démarche d’un ami. Le souhait du Président Wade avait été de ramener Mme Reiss dans son avion. Ce qui n’a pas été le cas.»
N’empêche, Abdoulaye Wade ira au Yémen en 2011, pour tenter de régler la guerre civile dans ce pays.
Au demeurant, poursuit-il, «les initiatives de paix tous azimuts de Wade s’expliquent certainement par la fascination du Prix Nobel de la paix. Il en rêvait constamment, surtout après avoir reçu, en septembre 2004, le Prix Houphouët-Boigny pour la paix, décerné par l’Unesco. Pour lui, c’était naturellement le prélude au Nobel. Toutes ses initiatives de paix ultérieures s’inscrivaient dans cette perspective».
Mais le coup de trop sera sa visite à Benghazi en Libye, le 9 juin 2011. A cette occasion, depuis le fief de la rébellion, Abdoulaye Wade demande à Mouammar Kadhafi de quitter le pouvoir. Il fait cette déclaration à bord d’un porte-avion militaire français. En s’adressant au Guide de la Révolution libyenne, il déclare : «Je te regarde dans les yeux (…) plus tôt tu partiras, mieux ça vaudra.» Il ajoute à l’endroit des médias : «A l’Union africaine, je suis le seul qui peut lui parler, lui dire la vérité, car je ne lui dois rien.» Le Sénégal sera le deuxième pays au monde, après la France, à reconnaître l’autorité ou la légitimité des insurgés contre Kadhafi. Abdoulaye Wade sera aussi le premier chef d’Etat à se rendre en Libye. Il aurait entrepris cette démarche à la demande du Président Nicolas Sarkozy, en conflit avec le Colonel Kadhafi. Les bombardements de Tripoli menés par les forces occidentales commenceront deux jours seulement après la déclaration du Président Wade, comme si la coalition internationale contre le Colonel libyen n’attendait alors que la caution d’une voix africaine audible.
Le Colonel Khadafi enverra une lettre au président Wade, lui faisant la leçon pour ce qu’il qualifie de traitrise : «Il vous est arrivé de prier derrière moi. J’ai été votre imam, le temps d’une prière. En musulman, on ne doit pas trahir son imam. Malgré tout ce que vous avez dit, je garde toute l’estime et tout l’amour que j’ai pour vous.» L’amertume de Kadhafi est grande car les deux hommes sont depuis longtemps des alliés.
Qui ne se rappelle pas qu’en 1978, des liens étroits unissent déjà Abdoulaye Wade avec le Guide libyen, au point d’être accusé par le régime de Senghor de fomenter une opération de déstabilisation en complicité avec la Libye ?
Au pouvoir, le président Wade se montre si avenant à l’endroit de Kadhafi que les deux chefs d’Etat travaillent, main dans la main, pour la création des Etats-Unis d’Afrique.
C’est la stupeur générale quand on entend sortir de la bouche de Abdoulaye Wad,e cette déclaration selon laquelle «Kadhafi n’avait jamais été son ami».
Ahmed Khalifa Niasse, ulcéré, de répliquer : «Si Kadhafi n’est pas l’ami de Wade, alors Wade n’a pas d’amis.» Des diplomates regrettent encore que «le Président Abdoulaye Wade ne se soit pas déplacé jusqu’à Syrte pour parler en privé à Kadhafi, plutôt que de le lâcher publiquement, le jetant en pâture à partir d’un navire militaire français».
Le Guide libyen sera assassiné le 20 octobre 2011.
LES LIONCEAUX CALENT MAIS S’APPROCHENT DES QUARTS
Après son succès face à la Gambie, l’équipe du Sénégal a concédé le match nul face à la Tunisie ( 0-0) dans le cadre de la 2e journée de la CAN U17.
Le duel phare qui a opposé le Sénégal et la Tunisie dans le cadre de la deuxième journée de la Coupe d’Afrique des Nations U17 s’est achevée hier, vendredi 4 avril 2025 par un match nul (0-0). Une rencontre qui maintient les deux équipes à la tête du groupe C et relance aussi la course de la qualification en quart de finale lors d’une ultime et décisive journée prévue lundi prochain ou le Sénégal affronte la Somalie déjà éliminée, alors que la Tunisie va face à la Gambie qui s’est relancée en explosant les jeunes Somaliens (5-1).
Après son succès face à la Gambie, l’équipe du Sénégal a concédé le match nul face à la Tunisie ( 0-0) dans le cadre de la 2e journée de la CAN U17. Un match nul amer pour des Lionceaux ultra-dominateurs dans l’ensemble du match. Malgré une large possession, les poulains de Pape Ibrahima Faye ont eu un manque criard d’efficacité dans le dernier tiers. La tâche n’a pas été facilitée par des Aiglons du Carthage qui, avec un bloc bas compact, ont résolument fermé le jeu. Même si la Tunisie a eu quelques situations dangereuses, les occasions les plus franches ont été mises sur le compte des Lionceaux. Comme sur cet échec de Sidy Barkham Ndiaye devant le gardien Bouaskar.
En seconde période, les Lionceaux maintiennent le rythme et assiègent le camp tunisien. Mais, ils peinent encore à trouver la solution et de percer la défense tunisienne. Le sélectionneur du Sénégal reste sur la même disposition tactique. A l’heure de jeu, les Aiglons tunisiens commencent à sortir de leur zone avec quelques excursions. La meilleure occasion franche des cadets sénégalais interviendra sur un coup de franc obtenu par les Lionceaux à la 78e minute à l’entrée de la surface et dans l’axe du but.
En réussite, lors du premier match contre la Gambie (1-0), le spécialiste des balles arrêtés et capitaine Ibrahima Sory Sow verra son tir détourné par le gardien tunisien Bouaskar. Les Lionceaux devront se contenter du point du match nul(0-0). Un résultat qui maintient le suspense dans ce groupe C et relance la course pour l’attribution des deux tickets qualificatifs pour les quart de finale.
A égalité de points avec les Aiglons de la Tunisie (4 points) , les tenants du titre sénégalais gardent leur destin entre leurs mains et ont une bonne occasion de terminer en tête de son groupe et valider le billet pour la Coupe du monde U17. Ce sera lors de la troisième et dernière journée qui s’annonce décisive ce lundi 7 avril. Le Sénégal affrontera la Somalie, considérée comme l’équipe la plus faible de la poule voire de la compétition. Surclassée par la Tunisie (3-0), les Somaliens ont été atomisés hier par la Gambie (5-1).
PAROLES DE CHEFS
Des présidents, des discours, des styles distincts : De Senghor le poète-philosophe à Diomaye et sa rupture systémique, chaque président a marqué les discours du 4 avril de son empreinte personnelle, reflétant les priorités de son époque et sa vision
Le 3 avril de chaque année, tous les présidents de la République se sont adressés aux Sénégalais et aux « hôtes étrangers qui vivent parmi nous », pour célébrer l’indépendance. Pour la première année de leur investiture, de Senghor en 1961 à Diomaye Faye en 2025, ces messages à la Nation dessinent les contours d’un pays en constante construction. Ces discours, reflets des époques traversées, marquent les évolutions du pays. Si les accents varient, certaines constantes demeurent. Mais entre les lignes, une même flamme républicaine demeure.
Des hommes, des discours, des styles
Senghor, poète-président, mélange verbe lyrique et philosophie politique. Il voit l’indépendance comme un moyen de « civilisation de l’universel », pose les bases du socialisme africain et célèbre Gaston Berger comme guide spirituel du progrès.
Abdou Diouf, plus technocrate, parle plans de développement, démocratie en expansion et réforme de l’école. Confronté à la sécheresse et à la crise du monde rural, il détaille mesures agricoles, exonérations et réforme éducative.
Avec Abdoulaye Wade, c’est la rupture. Dans un élan et un ton volontaristes, il évoque l’alternance, la justice sociale, la réforme constitutionnelle et la paix en Casamance. Mais aussi des projets : gratuité des manuels scolaires, construction d’écoles, développement rural. Macky Sall, dans un style plus mesuré, met l’accent sur les défis sécuritaires sur la bonne gouvernance, l’équité, les infrastructures, la souveraineté énergétique marquant ainsi, une volonté claire de modernisation. Diomaye Faye, pour son premier 4 avril, adopte un ton grave et rassembleur. Il insiste sur la transparence, la discipline budgétaire, la souveraineté économique et une volonté affirmée de rupture systémique en évoquant audit des finances, souveraineté économique et transparence.
Paix, unité, et démocratie : un socle commun
Dès le premier anniversaire de leurs magistratures, tous les présidents, sans exception, appellent, au cœur de leurs messages, à l’unité nationale, à la paix et à la souveraineté comme piliers de la République. La paix, locale comme internationale, est aussi une constante. Qu’il s’agisse de la guerre d’Algérie évoquée par Senghor ou de la Casamance citée par Wade, Sall et Faye, la stabilité du pays est une priorité immuable.
En 1961, Léopold S. Senghor posait les fondations en exaltant « l’union des cœurs et des esprits » pour construire la Nation, et l’ « Homme », comme but de toute politique (nit, nit ay garabam).
Abdou Diouf, en 1981, dans une époque plus tendue, mettait en avant la cohésion et le pluralisme, qu’il appelait à conjuguer pour construire « une Nation forte, prospère et digne », une « fraternité des bras », insistant sur la cohésion nécessaire au développement.
Abdoulaye Wade en 2001, dans la ferveur de l’alternance, insiste sur l’ancrage démocratique et la justice sociale et appelait à « la tolérance et à l’opiniâtreté dans le travail».
Macky Sall en 2013, parlait de « conscience citoyenne », valorisait « le commun vouloir de vie commune », et de « rupture pour un Sénégal nouveau ».
Bassirou Diomaye Faye, le 3 avril 2025, célèbre « notre vivre-ensemble inébranlable qui est notre trésor commun » et fait du « dialogue », le moteur de la transformation.
Depuis Senghor, la démocratie sénégalaise est perçue comme un chantier permanent. Diouf libéralise le champ politique en supprimant les restrictions aux partis. Wade refonde les institutions et célèbre « la puissance des mots ». Sall modernise, tout en soulignant la nécessité d’un État de droit fort. Diomaye en fait le cœur de sa promesse : transparence, réformes judiciaires, concertation nationale.
L’armée pilier de la souverainete et la jeunesse flambeau de l’avenir
Tous les présidents saluent les Forces de défense et de sécurité comme les garantes de la stabilité et de la souveraineté nationale, tandis que la Jeunesse est porteuse d’avenir, symbolisant l’espoir et la transmission. Cette dualité est saluée comme l’assurance d’un futur national solide. Senghor, en 1961, posait les fondations de la construction nationale en appelant à l’unité autour des efforts communs, sans mention explicite de l’armée, mais dans un esprit de mobilisation générale. Diouf, en 1981, est plus explicite : « notre vaillante Armée veille à nos frontières », dit-il, soulignant son rôle dans la construction nationale et la loyauté aux institutions
Wade, lui, élevait l’Armée au rang d’acteur international : du Kosovo au Congo, les soldats sénégalais illustrent le professionnalisme et l’engagement universel pour la paix. Macky Sall saluait leur « rigueur et discipline » et insistait sur leur rôle dans le rayonnement international du pays.Diomaye Faye voit l’armée comme pouvant faire avancer concrètement la souveraineté technologique et industrielle du pays. Il promet sa modernisation pour faire face aux enjeux sécuritaires contemporains.
L'autre protagoniste incontournable du 4 avril est la jeunesse. « Elle est l’espoir de notre pays », disait Diouf, qui annonçait déjà en 1981 des mesures pour l’emploi et la formation. Wade, fidèle à son image de tribun proche du peuple, exalte « une jeunesse courageuse, inspirée, généreuse, une jeunesse qui gagne ». Macky Sall, dans la continuité, valorise ses efforts dans l’éducation, la formation professionnelle et l’emploi. Il évoque notamment le recrutement massif, les projets d’universités et la modernisation des daaras
Quant à Diomaye Faye, il pose un cap : 3 000 fermes intégrées pour l’emploi des jeunes et des femmes, et une réappropriation nationale des ressources. Il voit la jeunesse non seulement comme bénéficiaire mais aussi comme moteur de transformation économique et sociale.
De l’idéalisme panafricain de Senghor à la volonté d’ancrage populaire de Diomaye, les discours présidentiels du 3 avril, après une année de magistère, reflètent l’époque, les espoirs et les tensions d’une Nation qui, à chaque anniversaire, se redisent son engagement envers elle-même. Ce rituel annuel, loin d’être figé, est un thermomètre de l’âme sénégalaise.
Si l’indépendance reste une source de fierté, les priorités évoluent. Senghor voulait bâtir l’État. Diouf voulait consolider la démocratie et soutenir le monde rural. Wade voulait l’ancrer dans la justice sociale. Sall visait la transformation économique. Diomaye Faye, lui, veut une refondation, une gouvernance transparente et une souveraineté assumée.
En ce 4 avril, ce n’est pas seulement l’histoire qu’on commémore, mais un élan qu’on renouvelle. Soixante-cinq ans après, c’est une marche patiente et déterminée vers un idéal partagé : un Sénégal debout, juste, prospère et ouvert.
VIDEO
DIOMAYE SANS DETOURS
C’est un président de la République sûr de lui qui a fait face à la presse hier, vendredi 4 avril 2025. Sans détours, Bassirou Diomaye Diakhar Faye a répondu à plusieurs questions, allant de l’économie à la diplomatie en passant par la justice.
C’est un président de la République sûr de lui qui a fait face à la presse hier, vendredi 4 avril 2025. Sans détours, Bassirou Diomaye Diakhar Faye a répondu à plusieurs questions, allant de l’économie à la diplomatie en passant par la justice. Souvent sous un ton sec et menaçant. Morceaux choisis.
Traque contre Macky Sall ?
« Je ne regarde pas qui a fait ou qui n’a pas fait. C’est moi qui ai juré de respecter la loi et de faire respecter la loi. Quand un opérateur économique est arrêté, il n’y a pas de problème. Mais quand il s’agit d’un homme politique, on dit que c’est un règlement de compte. Je ne peux poursuivre personne. C’est le travail de la justice. C’est à elle et à elle seule de décider de qui doit être poursuivi. Toutefois, je tiens quand même à ce que des enquêtes soient menées pour savoir qui a fait quoi. Et quelques soient les résultats, c’est encore la loi qui doit autoriser des poursuites. D’ailleurs, je peux même vouloir poursuivre quelqu’un alors que la loi ne me le permet. Je ne pourrais que constater mais je n’y peux rien. Je suis allé rencontrer le président Macky Sall au palais. Il y a eu des accolades. Je l’ai fait avec le cœur. Il m’a dit qu’il voulait se rendre à la Mecque pour effectuer la Oumra (petit pèlerinage, Ndlr). J’ai autorisé qu’il parte avec l’avion présidentiel. Ensuite, il a préféré aller s’installer ailleurs (Marrakech, au Maroc, Ndlr). Pendant ce temps, le pays continue sa marche vers l’avant. Pourtant, je sais qu’il fait des choses en cachette. Je suis au courant. Mais je ne lui en veux pas ».
Sonko, un super Premier ministre
Ceux qui s’attendent à ce que le président de la République s’approprie tous les pouvoirs n’ont qu’a déchanter. Bassirou Diomaye Diakhar Faye est et reste dans la logique de partage de pouvoirs particulièrement avec son Premier ministre, Ousmane Sonko. « Je veux des DG forts, des ministres forts, un Premier ministre super fort. Je ne veux pas être ce type de président qui détient tous les pouvoirs. Je crois à la répartition des pouvoirs entre les tenants de l’exécutif. Les assises restent ma boussole».
La presse : « vous êtes fautifs »
S’il y a une question qui a fait sortir le Chef de l’Etat de ses gonds, c’est bien celle relative à la situation économique que traverse les médias sénégalais. « Je n’ai jamais été d’accord avec l’amnistie fiscale. Je n'y serai jamais d’accord. Je n’étais pas d’accord quand on l’a fait sous Wade. Je n’étais pas non plus d’accord quand ça a été fait pour la première fois avec Macky Sall. L’accepter correspond à faire de la fraude fiscale. Ces comportements consistant à retenir des impôts sans les reverser correspondent à un détournement de denier public, selon le code général des impôts en ses articles 686 et 687. Le mandat de dépôt est d’ailleurs obligatoire en cas de plainte. Il y a des problèmes partout. L’argent des conventions allaient vers des insulteurs notamment contre Ousmane Sonko. Il faut que vous acceptiez les reformes qui ne peuvent pas se faire sans douleur. Payons tous nos impôts, c’est notre responsabilité ! Vous êtes fautifs ! Ce qui je n’ai pas aimé dans l’attitude de la presse, c’est que vous voulez court-circuiter tout le monde, le Premier ministre, le ministre et venir directement me voir, qu’on règle vos problèmes et qu’on prenne une photo ensemble. Je ne le ferai pas. Personne ne peut me mettre la pression. Allez discuter avec le ministre, puis le ministre des Finances. Les questions corporatistes doivent être réglées au niveau des ministères (…) ».
Par Henriette Niang KANDE
DIOMAYE PRESIDENT, UN AN DÉJÀ
Pour son message à la nation, le président a présenté discours plutôt court mais dense, bien ficelé - comme un bon thiébou dieune : copieux, légèrement salé, avec quelques arêtes bien placées. Reste à voir ce qu’il en sera dans un an
Comme chaque 3 avril au soir, beaucoup de Sénégalais s’installent, pour écouter ou voir, ou les deux à la fois, une des séries annuelles préférées : Le message à la Nation. Cette fois, c’est le président Diomaye Faye au micro, fraîchement sorti de son premier épisode présidentiel, avec en fond musical un doux air de “rupture systémique” en mode symphonique. Vous savez, celui où l’on mesure la température de la République. Pour son message de veille de 4 avril, il n’a pas déçu. Il a déroulé un programme digne d’un catalogue en promotion nationale.
Le décor est solennel, la voix grave, le ton mesuré, et surtout… les promesses bien emballées : 3000 fermes intégrées, 107 milliards pour les femmes, 2740 localités électrifiées, et des Autoroutes de l’Eau – oui, vous avez bien lu, les “autoroutes”, version H₂O. Bientôt, on prendra l’eau comme on prend l’autoroute. Péage au goulot. Il nous annonce : « rupture systémique », « diagnostic sans complaisance », « discipline budgétaire non négociable” ». On aurait presque envie de l’applaudir, s’il ne nous rappelait pas immédiatement que le basculement intégral dans le Système Intégré de Gestion de l’Information Financière est imminent. Rien que le nom donne envie de retourner en enfance. Je parle pour ceux qui ont le même âge que la République.
Le président a démontré qu’il a un faible pour les chiffres bien ronds et est d’une précision chirurgicale : 70 milliards pour apurer les dettes agricoles, 66 milliards pour les BTP, 19,53 milliards pour les enseignants. Heureusement que confronté à des finances publiques, dont l’état de santé est proche du coma, le président Diomaye Faye a perfusé le malade. On imagine les citoyens, bouche bée, se demander : « Mais où était caché tout cet argent pendant les 12 dernières années ? ». Si vous n’avez pas bien suivi : l’année dernière, on devait tout, cette année, on paie tout, et l’an prochain, on promet tout. Classique.
Et bien sûr, la grande tradition : la jeunesse, cette muse présidentielle éternelle. Toujours "au cœur de nos priorités", même si elle attend encore que le chantier de l'emploi décolle. Mais pas d’inquiétude, le président Diomaye Faye veille ! Il lui concocte des coopératives agricoles communautaires. Rien que le nom donne envie de s’inscrire. Il est dans l’innovation : 3 000 fermes intégrées vont pousser comme des champignons après la pluie, sur 15 000 hectares, avec des jeunes, des femmes, des rêves, et sûrement quelques chèvres bien briefées.
Côté armée, le discours rend un hommage appuyé aux Jambars. Que serait l’Armée sans eux ? Ces soldats de la paix, héros modernes, et bientôt peutêtre ingénieurs en souveraineté technologique et industrielle. Oui, l’Armée version 2025, ce sera : drones, satellites, et probablement un peu de wifi dans les chars d’assaut. Le président Diomaye Faye leur a offert un hommage façon superproduction. Désormais, “piliers de la nation” et “remparts de notre quiétude”, nos soldats sont aussi en route vers l’ère du numérique : gilets pare-balles connectés, chars intelligents, et peut-être un bataillon de développeurs.
Puis, il y a les “autoroutes de l’eau”. Non, ce n’est pas une métaphore poétique, c’est un projet structurant ! Et pendant que vous essayez d’imaginer un péage aquatique à Kaolack, sachez que 15 millions de Sénégalais pourront bientôt boire l’eau de la République, filtrée par la transparence gouvernementale et bénie par un “grand transfert”. Une manière élégante de dire que le robinet ne fuira plus... peut-être. Tout cela géré dans une discipline budgétaire non négociable. Traduction : serrage de ceinture, mais c’est pour votre bien.
Enfin, dans un élan d’optimisme patriotique, le président a confié les rênes du grand dialogue national à son Premier ministre Ousmane Sonko, comme pour dire : “à toi les débats, moi les grands transferts d’eau”. Un séisme sémantique. Une innovation verbale d’envergure continentale : le président Diomaye Faye a prononcé le nom de son Premier ministre en direct dans un discours à la Nation. Depuis Senghor, les chefs d’État sénégalais avaient un « étrange » réflexe : parler de tout sauf de leur Premier ministre. Une tradition de pudeur, diront certains. D’oubli stratégique, diront d’autres. Mais le président Diomaye Faye, fidèle à sa rupture systémique, a brisé le tabou avec la douceur d’un marteau piqueur : “J’ai récemment instruit le Premier ministre, Monsieur Ousmane Sonko, d’organiser la grande concertation nationale…”. Voilà, c’est fait. Ousmane Sonko, jusque-là omniprésent dans les rues, les réseaux et les débats, vient d’obtenir son « visa présidentiel officiel ». Mieux vaut tard que jamais.
Mais le vrai chef-d’œuvre du discours ne se limite pas à cette mention inédite. Non. Le président Diomaye Faye est allé encore plus loin : évoquer le plan de développement à son propre nom : le Plan Diomaye pour la Casamance. Oui, vous avez bien lu. Pas Plan Emergent, Plan Sénégal Vert, Plan Horizon 2035, Plan national de transformation du Sénégal 2050… Non. Plan Diomaye. Court, direct, centré. Ça claque comme un parfum révolutionnaire..
C’est un geste d’humilité... inversée. Car nommer un plan en son propre honneur, c’est faire preuve d’un sens aigu du branding présidentiel. Après tout, pourquoi laisser son nom à une avenue posthume quand on peut l’inscrire dans une stratégie régionale de réconciliation pendant son mandat ? Napoléon avait son Code, Senghor sa Négritude, Diomaye a son Plan. Mais allons ! Ne soyons pas mesquins. Ce double saut présidentiel – nommer son Premier ministre et s’autonommer planificateur régional – c’est une forme d’audace. Le genre d’audace qu’on attend d’un chef de l’État qui entend “changer les pratiques”. Et quoi de mieux pour commencer que de se nommer soi-même dans un plan de paix ? C’est à la fois efficace, symbolique… peut être légèrement mégalo, mais dans la limite républicaine. Quand même. Et comme il faut un peu de lumière divine dans tout ça, il insiste : “par la grâce de Dieu”, (mentionnée plus de cinq fois dans le discours), les prix vont baisser. Oui, “les baisses continueront”. Il n’a pas précisé lesquelles, mais si le prix d’autres « denrées de première nécessité » rejoignent celui du de riz brisé non parfumé indien, on saura vers quoi prier. « Inch’Allah » et « S’il plait à Dieu ».
Et pour finir, une touche de spiritualité : la fin du Ramadan, le Carême tombent ensemble. Une coïncidence divine, utilisée ici comme message de paix et d’unité. Amen et Amine.
En conclusion ? Un discours plutôt court mais dense, bien ficelé - comme un bon thiébou dieune : copieux, légèrement salé, avec quelques arêtes bien placées. Reste à voir ce qu’il en sera dans un an. En attendant, le président peut se féliciter : il aura marqué l’histoire. Celle du Sénégal, bien sûr. Mais surtout, celle du “Moi président-je-me-cite-et-je-vous-le-dis”.
Par Babacar P. MBAYE
LE BENIN, LABORATOIRE DES PARTENARIATS SECURITAIRES EN AFRIQUE DE L’OUEST
Comme aucun pays ne peut seul agir contre le terrorisme, les partenariats sécuritaires de grande envergure sont une piste à privilégier sur les fronts militaires et diplomatiques dans l’espace CEDEAO. Le cas du Bénin est intéressant à ce sujet.
Le Sénégal devrait observer de près ce qui se joue au Bénin en termes de partenariat stratégique sécuritaire. Les menaces des groupes armés terroristes se précisent, notamment à l’Est et appelle une réponse efficace et coordonnée.
Comme aucun pays ne peut seul agir contre le terrorisme, les partenariats sécuritaires de grande envergure sont une piste à privilégier sur les fronts militaires et diplomatiques dans l’espace CEDEAO. Le cas du Bénin est intéressant à ce sujet.
Toute la bande sahélo-soudanienne fait face au défi du terrorisme dont les capacités et les menaces ne cessent de s’accroitre. A l’instar des pays voisins des dictatures de l’AES, depuis 2021, le Nord du Bénin subit une pression accrue de la part des groupes djihadistes sahéliens. Le pays fait effectivement partie de la zone d’influence et d’opération ciblée par ces derniers, qui sont parvenus à étendre leur contrôle sur des régions entières au Sud du Burkina Faso et du Niger. Faute d’action significative des autorités de ces pays, les terroristes de l’Etat islamique et du JNIM circulent librement dans ces zones peu surveillées et/ou administrées à partir desquelles ils projettent leurs forces au Bénin. Ces derniers mois, une multiplication des attaques a été observée sur le sol béninois, ciblant aussi bien les forces de sécurité que les civils. Si les terroristes n’occupent pas de position permanente au Bénin, leur capacité de nuisance reste importante, en témoigne l’attaque menée par le JNIM contre un site militaire de la Pendjari (Nord) le 8 février, tuant une trentaine de soldats béninois.
A l’heure actuelle, on estime que 83% des Béninois sont préoccupés par la dégradation de la situation sécuritaire régionale. Face à cela, le gouvernement béninois a entrepris de renforcer sa stratégie de défense et d’intensifier la lutte contre le terrorisme. Les effectifs de l’armée ont augmenté de manière significative, passant de 7500 à 12 300 soldats entre 2022 et 2024 et le budget alloué à la défense a été porté à 90 milliards FCFA (contre 60 milliards). Le Bénin a également cherché à renforcer son arsenal et à moderniser ses capacités de renseignement, en achetant des véhicules blindés (VAB), des drones, des hélicoptères auprès d’opérateurs français notamment. Malgré ses investissements, les bilans meurtriers des dernières attaques terroristes ont poussé les autorités à entamer une révision de l’opération de lutte anti-terroriste Mirador mobilisant 3000 hommes au Nord du pays depuis 2022.
LE DEVELOPPEMENT DES PARTENARIATS INTERNATIONAUX DANS LA CEDEAO
Dans ce contexte tendu, le gouvernement béninois a entrepris de renforcer ses relations avec plusieurs partenaires internationaux, comme du reste le Sénégal l’a toujours fait avec la France, les USA, la Grande Bretagne ou le Canada. Le Bénin collabore historiquement avec les Etats-Unis dans le domaine de la sécurité et de la défense. Les forces béninoises qui bénéficient des formations américaines sur la sécurité frontalière (programme BORSEC) mènent des exercices interarmées de lutte contre le terrorisme avec le Commandement des opérations spéciales des forces africaines.
En janvier 2025, les deux Etats ont signé un accord de coopération bilatéral qui prévoit durant cinq ans « la facilitation du soutien logistique réciproque entre les deux parties pendant les manœuvres conjointes, l’entraînement des soldats, le déploiement, les opérations, ainsi que le soutien en matière d’approvisionnement et de service en cas de circonstances imprévues ou de situations critiques ».
Toutefois, ce partenariat avec les Etats-Unis est de plus en plus remis en question et l’Alliance des Etats du Sahel (AES) nouvellement formée, exerce des pressions dans le champ informationnel pour le décrédibiliser davantage. Ses activistes et réseaux d’influence s’activent à saper la confiance dans l’appui militaire américain et diffusent l’idée selon laquelle cette coopération constituerait une trahison pour les pays africains. L’objectif étant de transformer ce scepticisme à l’égard des Etats-Unis en opportunité pour la Russie.
Cette dernière tente effectivement de se positionner comme une alternative dans le domaine sécuritaire. A cet égard, plusieurs médias en ligne ont décrit l’escale des navires russes Smolny et Neustrashimy au port de Cotonou à l’automne 2024 comme une première étape du renforcement du partenariat bilatéral. À plusieurs occasions en 2023 et 2024, la Russie a présenté au gouvernement béninois des offres de formation et de vente de matériel militaire mais aucune avancée significative n’a été observée depuis. Ainsi, bien que son engagement reste largement symbolique, la Russie est perçue plutôt favorablement dans les régions du nord du Bénin en proie à la menace terroriste (notamment Alibori, Donga et Atakora). Ailleurs dans le pays, la population montre davantage de méfiance, en particulier à l’égard des activités de la société de mercenariat Wagner présente au Sahel. L’image de Wagner dans la région s’est érodée ces derniers mois, sous l’influence de ses échecs sécuritaires (Tinzawaten, Mali) et de la multiplication des exactions contre les civils. Malgré ces difficultés, la Russie promeut son offre de coopération au Bénin sur les réseaux sociaux et dans les médias grâce à des vecteurs locaux comme le quotidien « Hirondelle Infos », ou son média « Sputnik Afrique ».
QUID DE LA COOPERATION REGIONALE ?
Le Bénin a récemment sollicité une coopération militaire avec le Niger. Cette demande est intervenue plus d’un an après que les autorités nigériennes ont dénoncé l’accord de partenariat bilatéral signé sous la présidence de Mohamed Bazoum. Conclu en 2022, celui-ci prévoyait l’échange de renseignements, une assistance aérienne, l’organisation d’opérations conjointes par les armées des deux pays, en particulier dans le parc animalier du W considéré comme un repaire de djihadistes. L’accord permettait également aux forces béninoises de traquer les terroristes jusque sur le sol nigérien et vice versa.
Le contexte sécuritaire pousse les Etats de la région à mutualiser certains de leurs efforts. Le Sénégal et le Mali ont annoncé l’instauration de patrouilles mixtes pour faire face à la menace des groupes armés sur le front Est sénégalais. Pendant ce temps, le Général Tiani décide unilatéralement de se retirer de l’accord avec le Bénin, l’accusant de soutenir une intervention militaire contre le Niger. Depuis le coup d’état de juillet 2023 et la formation de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), les relations que le Niger entretenait avec ses partenaires du champ se sont largement détériorées, comme en témoigne la fermeture de la frontière commune Benin-Niger. La paranoïa des autorités nigériennes semble nourrie par des difficultés à enrayer la menace sur le terrain.
Or, au regard de la capacité de projection des groupes armés terroristes qui pullulent dans les pays de l’AES, tous les voisins dont le Sénégal sont sous la menace d’attaques. Les attaques des djihadistes dans le nord du Bénin témoignent de la métastase du cancer du terrorisme dans la région. Tous les Etats peuvent formellement être touchés, d’où l’importance de montrer le cas béninois, notamment en termes de transition démocratique, surtout que le président actuel a toujours soutenu ne pas se présenter pour la prochaine présidentielle.
Ces dernières années, le Bénin et ses voisins avaient pourtant tenté de mettre en place des cadres de coopération régionaux. Avec le Burkina Faso, le Ghana, la Côte d'Ivoire, le Niger, le Nigeria et le Togo, le Bénin avait intégré l’Initiative d’Accra en 2017, mécanisme hors CEDEAO, qui a permis de coordonner l’opération « Koudanglou » de lutte contre le terrorisme et le crime transfrontalier. Toutes ces initiatives survivront-elles au départ de Talon ? Wait and see…
Par Vieux SAVANE
ET VA POUR LA SAISON II
Moins de paroles donc et plus d’actions qui ouvrent sur une espérance susceptible de projeter dans un à-venir et d’aider à supporter les affres du présent et les déconvenues du passé.
Au lendemain du 65ième anniversaire de l’accession à la souveraineté nationale et internationale du Sénégal, la grande rupture attendue pour la Saison II de la gouvernance Faye/Sonko est le changement de braquet, en ne mettant plus le curseur sur la gestion antérieure. Aussi a-t-il été rafraîchissant d’entendre le ministre de la Justice réaffirmer une position républicaine dans l’enceinte de l’Assemblée nationale en s’érigeant en défenseur de la séparation des pouvoirs. Parce que les mots ne font pas disparaître les maux, il s’impose le besoin d’un engagement à bas bruit.
Moins de paroles donc et plus d’actions qui ouvrent sur une espérance susceptible de projeter dans un à-venir et d’aider à supporter les affres du présent et les déconvenues du passé. Le Président Diomaye Faye semble avoir bien compris que l’urgence gît à ce niveau d’autant plus que l’on constate que beaucoup de jeunes continuent à vouloir s’exfiltrer de leurs pays par la voie de l’émigration clandestine. En dépit de tout ce qu’ils savent de la dangerosité de s’embarquer dans une pirogue pour les îles Canaries, le rêve d’expatriation ne s’estompe toujours pas. Difficile de leur donner tort si l’on sait que le pays est toujours gangréné par la corruption avec des gens riches comme Crésus. Non point parce que ce sont des capitaines d’industrie mais plutôt des sangsues profitant de leur proximité avec le pouvoir politique en place pour sucer à satiété le sang de leurs compatriotes. « Un enrichissement sans cause » qui plombe le développement économique et social car figurez-vous que, de nombreuses de nos contrées sont sous exploitées si elles ne sont pas tout simplement dilapidées. Elles sont dépourvues de toutes infrastructures de base. Pas de centre de santé. Pas d’école. Pas d’électricité. Les immenses étendues de terres sont sous exploitées, à la merci de l’hivernage et d’outils culturaux obsolètes ou louées à des sociétés étrangères.
Il est donc question de rompre avec le monde d’avant, de le déconstruire en refusant de revêtir ses habits pour pouvoir défricher un nouveau chemin. Celui qui consolide les institutions, met l’accent sur l’Etat de droit, et respectueux de la séparation des pouvoirs.
Le Sénégal mérite qu’on l’entoure de ses meilleurs enfants en dehors de tout critère partisan et/ou politicien. Ni les « Boucliers du projet » ni les slogans déclinés sous tous les tons du souverainisme, de l’anti impérialisme et tutti quanti, n’ont capacité à transformer le monde. Puisse la rebaptisation de l’ancien Boulevard du Général De Gaulle en Boulevard Mamadou Dia être en conformité avec les valeurs du parrain et servir ainsi de viatique à un nationalisme intransigeant adossé au culte du travail, de l’éthique, de la compétence et rétif à toute forme de clientélisme. Voilà en effet une formidable fenêtre d’opportunité pour amorcer cette saison II qui coïncide avec la fête de l’indépendance.
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LES UNES DE LA PRESSE DE CE WEEK-END DU 5 AVRIL 2025
Sud Quotidien, Walf Quotidien, Yoor-Yoor Bi, L'Observateur, Libération, Le Quotidien, Enquête, Vox Populi, Le Verdict News, L'As, Record, Le Soleil,
Face aux interrogations sur l'efficacité de sa politique de rationalisation des dépenses publiques, le président Diomaye a présenté ce vendredi 4 avril, un premier bilan chiffré à 154 milliards FCFA d'économies réalisées
Le président Bassirou Diomaye Faye a présenté un bilan des économies réalisées depuis son arrivée au pouvoir, répondant à une question de la journaliste Astou Dione lors de sa conférence de presse du vendredi 4 avril.
Parmi les mesures phares évoquées, le chef de l'État a cité la réallocation de 24 milliards FCFA initialement destinés au programme spécial de désenclavement, désormais réinvestis dans la construction de nouvelles routes.
Il a également mentionné une réorientation de 30 milliards FCFA du programme de construction scolaire, ayant permis la réalisation de 2 000 salles de classe supplémentaires.
Plus significativement, le président a évoqué les 100 milliards FCFA économisés à la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), selon les chiffres avancés par son Directeur Général, Fadilou Keita.
La suppression d'institutions comme le Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) et le Haut Conseil des Collectivités Territoriales (HCCT) figure également parmi les exemples de rationalisation des dépenses publiques.