SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
3 août 2025
QUAND LA SOBRIÉTÉ DÉRAPE
54 millions par député pour des véhicules de fonction : la somme fait polémique dans un pays où les urgences sont nombreuses. Cette controverse cristallise le décalage entre les attentes de rupture et la réalité de l'exercice du pouvoir pour Pastef
Moins de six mois après l’installation de la 15e législature, l’Assemblée nationale version "rupture" fait déjà polémique. L’achat de véhicules de fonction à plus de 50 millions de francs CFA pour chaque député fait grincer des dents, y compris dans les rangs de Pastef. Entre accusations de trahison des idéaux de sobriété, justifications budgétaires d’El Malick Ndiaye, soutien enflammé de Cheikh Thioro Mbacké et prudence de Guy Marius Sagna, cette affaire cristallise les attentes, les frustrations et les contradictions d’un régime sommé d’être exemplaire.
C’est un débat qui secoue le parti au pouvoir Pastef, depuis plusieurs semaines, mettant à nu les tensions entre exigences de gestion publique et attentes morales des militants. Le projet d’achat de véhicules de fonction pour les députés, à raison de 54 millions de francs CFA l’unité, fait l’objet d’un tir de barrage nourri, y compris au sein de la majorité présidentielle.
Si certains, à l’instar de Cheikh Thioro Mbacké, volent au secours du président de l’Assemblée nationale, El Malick Ndiaye, d’autres, comme Guy Marius Sagna, appellent à une réflexion plus nuancée. En toile de fond, une question : peut-on prétendre à la rupture et tolérer l’ostentation ?
L’indignation est palpable. Sur les réseaux sociaux, dans les médias, au sein même des cellules de base de Pastef, nombreux sont les militants qui dénoncent une décision jugée déconnectée des priorités du peuple. Dans un pays où les abris provisoires pullulent à Niallé, dans la commune de Djibidione, en Casamance, où les centres de santé manquent de matériel où des déplacés peinent à retourner chez eux dans des zones en crise, l’annonce de cette acquisition d’automobiles a eu l’effet d’une gifle, s’indignent la plupart des militants dans les pages ou groupes sur les réseaux sociaux.
‘’En toute franchise, avec 10 à 15 millions, on peut trouver un 4x4 de bonne qualité pour chaque député. Le reste de l'argent peut servir le peuple sénégalais’’, s’insurge un militant de Ziguinchor. Et d’ajouter : ‘’Le Sénégal a vraiment d'autres urgences que d'acheter des voitures à 50 millions pour chaque député. On ne peut pas l'imaginer dans un pays comme le nôtre’’, fulmine-t-il.
Cela a entraîné un torrent de critiques virulentes visant le président de l’Assemblée nationale ainsi que les députés ayant approuvé la décision d’El Malick Ndiaye.
Pour les partisans d’une gouvernance sobre et rigoureuse, le projet constitue une trahison des idéaux prônés par le président Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko. Le slogan ‘’Jub, Jubal, Jubanti’’, devenu symbole de la rupture, semble aujourd’hui fragilisé par un acte perçu comme dispendieux, voire provocateur.
Face à la fronde, certains élus ont choisi de défendre fermement le président de l’Assemblée nationale. Dernier en date, le député Cheikh Thioro Mbacké, membre influent de Pastef, n’a pas mâché ses mots pour soutenir El Malick Ndiaye.
Il y a deux jours, dans une interview remarquée, il a affirmé : ‘’Au nom de Dieu, ses chaussures valent mieux que 90 % de ceux qui le critiquent. Il est plus juste, plus véridique et craint mieux Allah.’’ Saluant le courage de l’ancien ministre des Transports aériens et terrestres, Cheikh Thioro Mbacké le décrit comme l’un des rares à oser dire la vérité au président Diomaye Faye et à Sonko. ‘’Dans tout Pastef, il n’y a pas meilleur que lui’’, tranche-t-il, revendiquant une relation de proximité avec l’intéressé.
Des propos qui ont suscité autant de soutien que de rejet. Si certains applaudissent cette loyauté, d’autres y voient un excès de zèle, voire un culte de la personnalité peu compatible avec les valeurs républicaines.
Guy Marius Sagna : prudence et promesse de transparence
À l’opposé de cette posture tranchée, le député Guy Marius Sagna, connu pour ses prises de position radicales, a cette fois adopté un ton mesuré. Interpellé à maintes reprises sur le sujet, il a préféré temporiser, promettant de s’exprimer dans un rapport global à venir. ‘’Voitures des députés sénégalais : je suis interpellé tous les jours, depuis plusieurs semaines, sur tous les réseaux sociaux où je suis présent, mais aussi à travers des lettres’’, reconnaît-il. Tout en dénonçant ceux qui ‘’cherchent une faute politique’’ pour discréditer son camp, il s’adresse aussi à ‘’celles et ceux qui se posent tout simplement des questions’’.
Guy Marius Sagna promet de livrer son avis dans son bilan des six premiers mois à l’Assemblée nationale. Une posture d’écoute et de responsabilité qui tranche avec les réactions passionnées du moment et qui vise sans doute à préserver son image d’élu proche du peuple.
El Malick Ndiaye sort de sa réserve
Mis en cause, le président de l’Assemblée nationale a tenu à apporter des clarifications, lors d’une interview accordée à Walfadjri. Il justifie la décision par une volonté de rationalisation budgétaire. ‘’Acheter des véhicules est plus rationnel que de maintenir l’indemnité de 900 000 F CFA par mois, en plus de la dotation de carburant’’, explique-t-il. Il ajoute que cette indemnité a été supprimée depuis janvier 2025, dans le cadre d’un assainissement des finances internes de l’institution.
Cette suppression est présentée comme un ‘’sacrifice’’ consenti par les députés, dans l’esprit de la réforme promise par le nouveau régime. Une cellule de passation de marchés a été mise en place et l’appel d’offres, selon lui, s’est déroulé conformément aux règles en vigueur.
‘’La procédure a été suivie à la lettre’’, affirme-t-il, en réponse aux accusations d’opacité.
Mais la controverse dépasse largement la question des chiffres. Elle touche aux symboles. Dans un contexte où les attentes en matière de transparence et d’éthique sont immenses, la moindre décision jugée dissonante peut être vécue comme une trahison.
Pour de nombreux Sénégalais, cette affaire ne se limite pas à une ligne budgétaire. Elle incarne une forme d’incohérence entre les discours de rupture et les pratiques observées. Le malaise vient surtout du fait que la décision est portée par ceux-là mêmes qui, hier encore, dénonçaient les largesses de l’ancien régime. ‘’Ce n’est pas le prix qui choque, c’est le moment et le symbole’’, résume une économiste sur X. ‘’On ne peut pas appeler à la rigueur et faire preuve d’autant de légèreté symbolique’’.
L’épreuve du pouvoir et le test politique et moral
La polémique autour des véhicules des députés agit comme un révélateur. Elle est le signe de la difficulté, pour un mouvement politique passé de l’opposition au pouvoir, de conjuguer les exigences de gestion avec les attentes, parfois idéalistes, de ses partisans.
Dans un système parlementaire où les conditions de travail sont souvent décriées, la tentation de réformer en profondeur est légitime. Mais le faire sans pédagogie, sans consultation, sans inscrire la décision dans un plan global de réorganisation des dépenses publiques, c’est courir le risque d’une rupture avec la base militante.
Le cas El Malick Ndiaye montre aussi combien les équilibres internes à Pastef sont fragiles. Le soutien virulent de Cheikh Thioro Mbacké, le silence calculé de certains députés, l’attente prudente de Guy Marius Sagna traduisent des lignes de fracture qui pourraient se creuser à mesure que le pouvoir s’exerce.
À terme, ce débat pourrait constituer un test moral pour le régime. Non pas sur sa capacité à gérer, mais sur sa volonté de se réformer lui-même, y compris dans les détails les plus visibles.
L’après-rupture, ce n’est pas seulement l’audit ou la lutte contre la corruption. C’est aussi le sens du symbole, le respect des promesses implicites, la cohérence entre les principes affichés et les actes posés.
L’achat de ces voitures à 54 millions, même dans un cadre légal, l’Assemblée nationale a peut-être failli à cette exigence de cohérence. Et ce manquement, dans un contexte de fragilité économique, pourrait bien coûter plus cher politiquement que les véhicules eux-mêmes.
LE MINISTRE DE LA COMMUNICATION DÉSAVOUÉ
La Cour suprême a ordonné la suspension de la notification de cessation de parution du média Public SN, qualifiant d'illégal l'arrêté ministériel qui avait contraint une dizaine de médias à fermer leurs portes
(SenePlus) - La justice a tranché en faveur de la liberté de presse. Ce jeudi 12 juin 2025, le juge de la Cour suprême a ordonné la suspension de la notification de cessation de parution du média Public SN de la journaliste Aïssatou Diop Fall, désavouant ainsi le ministre de la Communication, des Télécommunications et du Numérique (MCTN).
L'avocat du média, Me Abdou Dialy Kane, a confirmé cette décision après le délibéré du tribunal. La décision écrite devrait être disponible en début de semaine prochaine, mardi ou mercredi, selon Mamadou Ibra Kane, président du Conseil des diffuseurs et éditeurs de presse du Sénégal (CDEPS).
Le ministre de la Communication avait pris un arrêté ordonnant la cessation de parution et de diffusion des médias qu'il considérait comme non conformes. Cet arrêté, désormais qualifié d'illégal, avait été notifié à une dizaine de médias, provoquant des conséquences dramatiques pour le secteur.
Les entreprises de presse visées avaient été contraintes de fermer leurs portes et de mettre au chômage des dizaines de travailleurs. Un premier référé n'avait pas abouti pour vice de forme, mais cette nouvelle procédure a permis que "le droit soit dit".
"C'est incontestablement une victoire pour la liberté de presse", se réjouit Mamadou Ibra Kane. Selon lui, tous les actes posés par le ministre de la Communication, y compris les listes "officielles" de médias reconnus par l'État, sont désormais caduques.
PATRIMOINE ARCHIVISTIQUE, UN ENJEU STRATÉGIQUE POUR LE SÉNÉGAL
Alors que la Semaine internationale des archives met l’accent sur l’accessibilité universelle, le Sénégal affiche une volonté politique forte de moderniser sa gestion documentaire.
À l’occasion de la Semaine internationale des archives, célébrée du 9 au 13 juin sous le thème « Archives accessibles : des archives pour tous.tes« , le Sénégal engage une dynamique ambitieuse pour moderniser la gestion de son patrimoine documentaire. La Journée nationale des archives, prévue ce vendredi à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, sera un moment clé de réflexion autour de la politique nationale des archives, portée par les nouvelles autorités.
Le chef de l’État, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, a inscrit dès le début de son mandat la gestion des archives au rang de priorité nationale. Il a appelé, lors du Conseil des ministres du 12 juin 2024, à la mise en œuvre d’un programme structurant de conservation et de valorisation des archives du Sénégal. Ce programme prévoit notamment la construction d’une Maison des Archives moderne, la création de bibliothèques nationales, régionales et départementales, ainsi que le renforcement des ressources humaines dans les administrations publiques à travers le recrutement d’archivistes et de documentalistes qualifiés.
Dans la même dynamique, le Premier ministre Ousmane Sonko a souligné l’urgence de structurer le préarchivage dans les ministères et les agences publiques. Il a annoncé la création d’un comité interministériel chargé de coordonner la stratégie nationale de gouvernance des archives et de superviser l’ensemble des processus liés à leur traitement.
Une politique nationale tournée vers la performance, la transparence et l’accès public
La Journée nationale des archives, organisée par l’École des bibliothécaires, archivistes et documentalistes de l’UCAD en partenariat avec son laboratoire LARSIC, se déroulera autour du thème : La politique nationale d’archives pour une performance et transparence administratives et une préservation du patrimoine archivistique sénégalais. Le directeur des Archives nationales, Mohamed Lat Sack Diop, a souligné l’importance d’inscrire cette politique dans la logique de l’Agenda Sénégal 2050, qui promeut la souveraineté dans les domaines clés du développement national.
Il plaide pour l’adoption rapide des textes juridiques attendus depuis plusieurs années, notamment un décret pour la création effective d’un Conseil supérieur des archives, et un autre pour la mise en place de la Commission d’accès à l’information administrative et à la protection des données personnelles.
Sur le plan opérationnel, les Archives nationales poursuivent un vaste chantier de numérisation de leurs principaux fonds historiques, incluant ceux de l’Afrique occidentale française, du Sénégal colonial, de la Fédération du Mali et du Sénégal indépendant. Ce travail vise à la fois à sécuriser les documents et à faciliter leur consultation.
Dans ce cadre, une plateforme nationale de consultation des archives est en cours de développement. Elle offrira un accès plus large aux fonds numérisés, tout en prévoyant un encadrement rigoureux de l’accès aux documents sensibles.
En érigeant la souveraineté documentaire en pilier stratégique, le Sénégal affirme sa volonté de maîtriser sa mémoire collective, de moderniser son administration et de garantir un accès équitable à l’information publique. Une démarche essentielle pour une gouvernance plus transparente, plus performante et tournée vers l’avenir.
MOUSTAPHA DIAKHATÉ, L'HOMME QUI DIT TOUT HAUT
Ancien allié de Macky Sall devenu l'un de ses plus virulents détracteurs, puis pourfendeur du régime Pastef, cet homme politique incarne une opposition sans concession, souvent isolée mais toujours audible.
Figure iconoclaste du paysage politique sénégalais, Moustapha Diakhaté ne laisse personne indifférent. Ancien bras droit de Macky Sall, devenu pourfendeur du régime Sonko-Diomaye, il incarne une opposition sans concession, volontaire et provocatrice, souvent isolée, mais toujours audible. Belliqueux avec ses adversaires comme avec ses anciens alliés, cet homme de rupture s’est fait une spécialité : celle de dire tout haut ce que beaucoup murmurent tout bas. Quitte à franchir, parfois, la ligne rouge.
C’est un habitué des polémiques, un homme de colère autant que de convictions. Moustapha Diakhaté, ancien président du groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar, fait une nouvelle fois la une de l’actualité politique, pour avoir franchi les lignes rouges de la République, selon les autorités actuelles. Arrêté pour la deuxième fois en moins de six mois, il est placé sous mandat de dépôt, poursuivi pour "offense au chef de l’État" et "offense à une personne exerçant tout ou partie des prérogatives du chef de l’État". Il sera jugé le mercredi 18 juin 2025 devant le tribunal des flagrants délits de Dakar.
En novembre 2024, Moustapha Diakhaté avait déjà été condamné à deux mois de prison, pour avoir traité certains partisans du Pastef de "peuple maudit". Une sortie qui avait déclenché un tollé national, mais qui n’avait pas suffi à modérer la virulence du personnage.
Cette fois, c’est une critique acerbe sur le protocole de la République, mêlée d’insultes contre les institutions, qui l’a conduit de nouveau devant les enquêteurs. En cause, une sortie publique où il dénonce la mise sur un pied d’égalité du président de la République, du Premier ministre et du président de l’Assemblée nationale lors de certains événements officiels. Un protocole qu’il juge irrespectueux de la hiérarchie républicaine, n’hésitant pas à qualifier les responsables politiques de "gougnafiers".
Dans une publication sur Facebook, Moustapha Diakhaté a détaillé les conditions de sa convocation, critiquant la manière cavalière dont il a été appelé à se présenter à la police, avant de clamer, avec emphase, son respect de la légalité républicaine. Mais c’est surtout sa diatribe contre le régime en place qui fait réagir : "Avec l’arrivée au pouvoir de Pastef, le premier parti fasciste africain...", écrit-il, affirmant que le pays vit une politique d’épuration visant à effacer toute opposition.
Comparant Sonko à Hitler, citant Angela Merkel et l’ascension du nazisme, Moustapha Diakhaté déploie une rhétorique brutale, quitte à choquer. Il ne manque pas d’accuser le nouveau régime de vouloir bâillonner toute presse libre et de réduire l’espace public à un monologue partisan. Il est aussi l’un des rares responsables politiques à qualifier les "martyrs" de Pastef de "gens de l’enfer", une déclaration qui lui vaut les foudres constantes des militants du parti au pouvoir.
Car Diakhaté ne fait pas dans la demi-mesure. Même sous le précédent régime, ses relations avec Macky Sall étaient tendues, bien qu’il fût l’un des premiers cadres de l’APR. Très proche de Marième Faye Sall, l’ancienne première dame, il n’a jamais caché son amertume à l’égard de Macky Sall, surtout après son limogeage. Sa trajectoire est celle d’un homme libre, mais souvent seul, y compris dans ses propres rangs.
Fondateur du mouvement Àar Doomi Senegaal/Mouvement pour la République et la démocratie, il a récemment reconnu les réalisations économiques de Macky Sall, tout en condamnant vigoureusement sa gestion de la crise préélectorale et l’amnistie accordée à Ousmane Sonko, qu’il considère comme une trahison des principes républicains.
Moustapha Diakhaté est, en somme, un opposant radical et un solitaire politique, dont la voix dérange autant qu’elle anime le débat public. Ses sorties tonitruantes, même quand elles flirtent avec la provocation outrancière, participent à dessiner les contours d’une opposition qui refuse les compromis et préfère l’affrontement au silence.
Une trajectoire émaillée de ruptures et de provocations
Toujours vêtu d’un boubou traditionnel sobre, assorti parfois d’un bonnet et de lunettes, Moustapha Diakhaté impose par son allure et son verbe. Il s’exprime avec aisance en wolof, maniant la langue avec dextérité, mais aussi avec une certaine virulence. Sa parole est tranchante, directe, parfois déstabilisante. Loin de fuir les polémiques, il les embrasse, quitte à choquer ou à diviser.
Cette posture de provocateur assumé lui a déjà coûté cher. En 2021, il se retrouve au centre d’un tollé, après avoir tenu des propos perçus comme irrévérencieux à l’endroit du Prophète de l’islam. Sous la pression de la communauté musulmane, il finit par faire amende honorable : ‘’Je m’adresse à mes sœurs et frères en islam pour exprimer mes sincères et profonds regrets pour les propos que j’ai malencontreusement tenus au cours d’une émission sur un site internet de la place’’, avait-il déclaré, tentant de désamorcer une colère qui menaçait de se transformer en rejet social définitif.
Mais l’homme politique est coutumier des ruptures. Avant de se lancer dans l’arène politique, Moustapha Diakhaté évoluait dans les sphères technocratiques, en particulier à la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), où il était commis au service du crédit. Sa carrière bascule brutalement en 2002, lorsqu’il est licencié pour ‘’faute lourde’’ par le directeur national de l’époque, Seyni Ndiaye.
En cause : une conférence de presse qu’il aurait tenue sur un projet encore en discussion au sein de la banque, ce qui constituait, aux yeux de la direction, une violation grave de ses obligations de réserve. Ce licenciement provoque un mouvement de solidarité syndicale : le Sytbefs (Syndicat des travailleurs de la BCEAO) menace alors de boycotter les caisses et de paralyser l’institution.
Cet épisode marque un tournant : Diakhaté quitte définitivement la technocratie pour se consacrer à la politique et à la critique sociale. Il rejoint le PDS et le quitte plus tard pour accompagner Macky Sall après sa rupture avec Wade. Ce qui le propulsera au rang de député dans la 12e législature.
Cependant, depuis la perte du pouvoir, il est devenu une figure marginale, mais omniprésente, incontournable dans le paysage médiatique et sur les réseaux sociaux.
Ni tout à fait dans le système ni véritablement hors du jeu, Moustapha Diakhaté incarne une opposition viscérale, portée par une conscience politique forgée dans les méandres de l’histoire institutionnelle du pays. Un homme en rupture permanente — avec ses anciens alliés, avec les régimes successifs, mais aussi parfois avec lui-même.
Moustapha Diakhaté restera-t-il une voix discordante dans le concert politique ou parviendra-t-il à transformer sa radicalité en projet alternatif audible ?
En attendant, il continue de jouer son rôle préféré : celui du franc-tireur inclassable, à la fois héritier critique du système et opposant rugueux au pouvoir. Un homme qui, à défaut de rassembler, force le débat et secoue les certitudes, pour le meilleur… ou pour le pire.
MENACE SUR LES FONDS DE LA DIASPORA
L’administration Trump s’attaque aux transferts de fonds effectués par les migrants. Cette nouvelle pression fiscale inquiète les pays africains, à commencer par le Sénégal, où les envois d’argent représentent une part essentielle de l’économie
(SenePlus) - L'administration Trump resserre l'étau sur les diasporas africaines. Après avoir suspendu les financements de l'USAID et imposé des droits de douane massifs, Washington s'attaque désormais directement aux envois d'argent des migrants vers leurs familles restées au pays. Une proposition de loi incluse dans le projet budgétaire baptisé « One Big Beautiful Bill » prévoit d'instaurer une taxe fédérale de 3,5 % sur tous les transferts de fonds vers l'étranger effectués par des non-citoyens américains, rapporte le New York Times.
Cette mesure, si elle était adoptée par le Sénat, transformerait les États-Unis en « pays du G7 où les transferts de fonds sont les plus coûteux », selon Jeune Afrique. Pour 100 dollars envoyés, plus de 10 dollars seraient prélevés entre cette nouvelle taxe et les frais de transfert existants, qui s'élèvent déjà « en moyenne à environ 6% ».
Parmi les pays africains les plus exposés à cette offensive fiscale figure le Sénégal, que la Banque mondiale classe « comme l'un des pays les plus dépendants aux transferts de fonds ». Les chiffres révélés par Jeune Afrique sont éloquents : « En 2023, les envois de fonds étrangers ont rapporté environ 3 milliards de dollars au pays, soit plus de 10% de son PIB, faisant du Sénégal le pays d'Afrique francophone le plus touché. »
Cette dépendance structurelle place Dakar dans une position particulièrement vulnérable face aux nouvelles orientations de la politique migratoire américaine. Selon les données du Partenariat mondial pour la connaissance sur la migration et le développement (Knomad) citées par le magazine panafricain, le Sénégal a reçu « 308 millions de dollars » en provenance des États-Unis en 2021, une somme considérable pour l'économie nationale.
L'enjeu dépasse largement le cadre sénégalais. « Sur les 56 milliards de dollars envoyés vers l'Afrique subsaharienne » en 2024, « près de 10 milliards proviennent des États-Unis », précise Jeune Afrique. Cette manne financière irrigue directement les économies locales et constitue souvent la principale source de revenus pour des millions de familles africaines.
Une stratégie assumée de dissuasion
La mesure proposée par l'administration Trump s'inscrit clairement dans « la lignée des politiques anti-immigration actuelles », « visant à décourager l'installation de nouveaux migrants et à inciter ceux déjà présents à quitter le pays », analyse Jeune Afrique. Cette stratégie de pression économique pourrait avoir des répercussions bien au-delà des frontières américaines.
Les pays les plus exposés présentent des profils contrastés. Si le Nigeria domine en valeur absolue avec « 5 711 millions de dollars » reçus des États-Unis, d'autres nations comme « le Liberia (66% du total provenant des États-Unis), la Sierra Leone (40%), le Kenya (34%) ou l'Éthiopie (33%) » révèlent une dépendance critique aux transferts américains.
Le cas du Liberia, « fondé par esclaves américains affranchis en 1847, et où près de 19% du PIB provient des transferts de la diaspora », illustre parfaitement les « conséquences catastrophiques » que pourrait engendrer cette nouvelle réglementation, souligne le New York Times cité par Jeune Afrique.
Cette pression fiscale accrue pourrait pousser les communautés africaines vers des alternatives dangereuses. « Ces difficultés pourraient pousser les Africains à se tourner vers les cryptomonnaies ou vers des moyens peu sûrs pour envoyer de l'argent, comme les coursiers informels, augmentant ainsi les risques de fraude et de pertes financières », avertit Jeune Afrique.
Pour le Sénégal, cette perspective représente un défi majeur. Le pays devra probablement diversifier ses sources de financement extérieur et renforcer ses mécanismes de transfert alternatifs pour préserver cette bouée de sauvetage économique que représentent les envois de sa diaspora. Une course contre la montre s'engage alors que Washington durcit le ton sur tous les fronts de sa politique migratoire.
La bataille pour les transferts de fonds ne fait que commencer, et elle pourrait redessiner durablement les flux financiers entre l'Afrique et les États-Unis.
VIDEO
SONKO ET MAKOSO LANCENT LEUR RÉVOLUTION SUD-SUD
De Dakar à Brazzaville, un même constat : l'Afrique doit compter sur elle-même. Les Premiers ministres Sonko et Makoso ont tracé jeudi les contours d'un partenariat renforcé, du bois congolais aux investissements sénégalais
Les Premiers ministres Ousmane Sonko et Anatolé Colinet Makoso ont tenu une conférence de presse conjointe ce jeudi pour présenter les résultats de leurs discussions bilatérales, mettant l'accent sur le renforcement de la coopération Sud-Sud.
Lors de cette rencontre à Dakar, les deux dirigeants ont rappelé les liens séculaires unissant leurs pays depuis les indépendances, avec des accords de coopération signés dès les années 1970 dans les domaines militaire, culturel et des transports. Un comité ad hoc sera mis en place pour dynamiser cette coopération traditionnelle.
"Nous devons passer d'une diplomatie représentative à une diplomatie plus économique", a déclaré le Premier ministre congolais, soulignant la faiblesse des échanges commerciaux intra-africains qui ne représentent que 16% du total continental. Cette situation contraste avec les objectifs de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF).
Ousman Sonko a réaffirmé la priorité diplomatique du Sénégal vers l'Afrique : "Il faut qu'on sorte de ce complexe post-colonial qui fait que nous considérons qu'un acte diplomatique doit être orienté vers l'étranger plutôt que vers nos voisins africains."
Les deux pays ont identifié des axes de collaboration prometteurs, notamment dans le secteur du bois. Le Sénégal, deuxième importateur de bois en Afrique de l'Ouest, pourrait s'approvisionner auprès du Congo, détenteur de la deuxième réserve forestière mondiale après l'Amazonie, avec des possibilités d'investissements dans la transformation locale.
Concernant le contrat d'affermage de la distribution électrique au Congo accordé à la société sénégalaise Senelec, Anatolé Colinet Makoso a expliqué la suspension temporaire due aux préoccupations des syndicats et consommateurs. "48 mesures préalables" doivent être résolues avant la mise en œuvre, dans un secteur jugé stratégique.
Le Premier ministre sénégalais s'est montré confiant : "Ce contrat sera parfait et validé, ce sera un bel exemple de coopération Sud-Sud."
Ousman Sonko a également défendu la politique fiscale sénégalaise face aux critiques du secteur privé, rejetant tout "chantage de l'investissement contre l'aveuglement fiscal" et insistant sur l'application uniforme des règles fiscales à tous les investisseurs, quelle que soit leur nationalité.
Cette rencontre s'inscrit dans la volonté affichée des deux pays de privilégier les partenariats africains face aux défis économiques continentaux.
CONTRATS PÉTROLIERS, L’AFRIQUE À L’HEURE DES CHOIX STRATÉGIQUES
Fiscalité progressive, clauses de stabilisation, contrôle des coûts : la maîtrise de ces outils détermine désormais l’équilibre entre attractivité pour les investisseurs et bénéfices pour les populations.
L’exploitation pétrolière en Afrique n’est plus seulement une affaire de géologie, mais d’intelligence contractuelle. Fiscalité progressive, clauses de stabilisation, contrôle des coûts : la maitrise de ces outils détermine désormais l’équilibre entre attractivité pour les investisseurs et bénéfice pour les populations. Ces réflexions étaient au cœur de la 3e édition des Journées pétrole (28-31 mai à Dubaï).
L’exploration pétrolière est une activité risquée –le taux de succès est de seulement 25 %– et couteuse. Pour attirer les investisseurs, les États africains ont adopté des politiques fiscales variées. Ainsi, la Namibie qui présente un potentiel gazier énorme a opté, au départ, pour une politique fiscale très favorable avant de la calibrer en sa faveur au fur des découvertes. De son côté, l’Angola a basculé vers un modèle hybride, alliant appel d’offres et négociations directes avec les compagnies selon les blocs. Au début de l’exploration pétrolière, la Côte d’Ivoire avait renoncé au bonus de signature ; ce qui lui a permis d’avoir une bonne connaissance de son bassin sédimentaire et de mieux le vendre aux investisseurs.
Cette stratégie a, aujourd’hui, porté ses fruits au vu des importantes découvertes ces dernières années, comme celle de Baleine par Eni. « C’est un choix politique », constate Gacyen Mouely, associé gérant du cabinet 3M-Partners & Conseils. En Guinée, le principe, c’est l’appel d’offres, le gré à gré est l’exception. Le Gabon a quant à lui supprimé le bonus de signature. « Les pays qui ont le plus de succès sont ceux qui privilégient des négociations directes », constate Jennifer Jumbe, de S&P Global, référence mondiale en analyse des marchés énergétiques.
Avec la focalisation des majors sur les bassins matures au gros potentiel, il faut faire preuve d’ingéniosité pour attirer les investisseurs vers les champs marginaux. « Les pays mâtures optent de plus en plus pour un régime fiscal progressif », explique Gacyen Mouely, invitant les pays africains à ne pas se focaliser uniquement sur les aspects fiscaux, mais à prendre également en compte d’autres critères économiques et sociaux (respect de l’environnement, transfert de technologies, emploi). Pour le ministre congolais des Hydrocarbures Molendo Sakombi, négocier un Cpp, ce n’est pas juste signer un accord.
« C’est défendre l’inclusion et les équilibres, encadrer des droits et surtout anticiper les leviers de contrôle pour ne jamais perdre la main », déclare-t-il. Selon Vacaba Diaby, ambassadeur de la Côte d’Ivoire aux Émirats arabes unis, l’objectif est de trouver un équilibre entre préservation des intérêts des États et attractivité des cadres réglementaires et fiscaux. Il souligne que la bonne négociation des Contrats de partage de production (Cpp) est le point de départ de la gestion efficiente des ressources pétrolières. « Des contrats mal négociés profitent plus à nos partenaires internationaux qu’à nos populations. En même temps, il ne s’agit pas d’adopter des bases de négociations qui ne nous permettraient pas d’attirer des investisseurs dans nos bassins sédimentaires. Les activités pétrolières sont fortement capitalistiques et risquées. Nous avons donc besoin de partenaires internationaux prêts à prendre ce risque avec nous dans le cadre de partenariats gagnant-gagnant », explique M. Diaby.
PAR THIERNO BOCOUM
POUR UNE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE AVANT LE 30 JUIN
En l’absence de LFR, le Sénégal s’expose à une perte de crédibilité auprès de ses partenaires techniques et financiers, à une défiance accrue du secteur privé et à une rupture du contrat démocratique avec le peuple.
Le 21 mai 2025, lors du Conseil des ministres, le Président de la République a annoncé la présentation d’une nouvelle stratégie économique, budgétaire et financière de l’État, attendue avant la fin juin, à l’occasion du débat d’orientation budgétaire (DOB).
Cette annonce pourrait susciter l’adhésion si elle n’était pas fondée sur une base budgétaire profondément compromise, reconnue comme telle par les autorités elles-mêmes.
La Loi de Finances Initiale 2025 (LFI 2025), adoptée en décembre 2024, s’appuie, conformément à la Loi Organique relative aux Lois de Finances (LOLF n°2020-07 du 26 février 2020), sur les données de l’année n–1 c’est-à-dire 2023.
Cependant, ces données ont été dénoncées comme falsifiées dès septembre 2024 par le Premier ministre, qui évoquait une manipulation systématique des chiffres macroéconomiques et budgétaires hérités de l’ancien régime.
Ces accusations ont été appuyées par la Cour des comptes en février 2025, qui a révélé un encours de dette de 18 558,91 milliards FCFA au 31 décembre 2023, représentant 99,67 % du PIB, soit un niveau très supérieur aux chiffres précédemment communiqués.
Le Rapport économique, social et financier (RESF) annexé à la LFI 2025, publié en octobre 2024, repose essentiellement sur des projections pour 2024 et 2025. Toutefois, il ne mentionne aucune révision des données de 2023 ni leur exclusion explicite.
En vertu de l’article 11 de la LOLF, la sincérité budgétaire impose que les résultats de l’année n–1 soient fiables et transparents. Les prévisions budgétaires doivent être sincères, réalistes et prudentes sur la base des informations disponibles.
Le maintien d’une LFI fondée implicitement sur des données contestées constitue donc une entorse manifeste à ce principe fondamental.
Plus encore, l’article 47 de la LOLF impose explicitement au gouvernement de déposer une Loi de Finances Rectificative (LFR) en cours d’année si les équilibres initiaux sont bouleversés, si les recettes s’écartent sensiblement ou si des mesures réglementaires modifient l’exécution budgétaire.
Il se trouve, depuis février 2025, que la falsification des comptes de 2023 est reconnue par la cours des comptes, l’ampleur de la dette est officiellement documentée et des écarts majeurs ont été identifiés dans les engagements financiers.
Toutes les conditions exigées par l’article 47 sont réunies.
Malgré cela, aucune LFR n’a encore été officiellement adoptée à ce jour. Lors du dernier conseil des ministres début juin, seule une note de cadrage a été mentionnée. L’introduction formelle du projet de LFR se fait donc attendre, alors même que cette initiative aurait dû intervenir bien plus tôt.
Il est impératif, pour respecter les principes de sincérité budgétaire et d’équilibre financier, que le gouvernement introduise cette LFR avant le 30 juin, avant le débat d’orientation budgétaire et la présentation de la nouvelle stratégie économique, budgétaire et financière de l’Etat annoncé par le Président de de la République.
En l’absence de LFR, le Sénégal s’expose à une perte de crédibilité auprès de ses partenaires techniques et financiers, à une défiance accrue du secteur privé et à une rupture du contrat démocratique avec le peuple.
Organiser un DOB sans avoir corrigé les fondations de la LFI 2025 revient à projeter l’avenir sur une fiction budgétaire.
Ce défaut de sincérité n’est malheureusement pas isolé. Il s’inscrit dans un contexte plus large de manquements à la transparence budgétaire, notamment l’absence de publication des rapports trimestriels d’exécution pour plusieurs périodes, l’absence de traçabilité sur les 150 milliards FCFA annoncés comme récupérés lors de renégociations de contrats publics et l’opacité autour des flux pétroliers et gaziers, notamment sur le champ de Sangomar, sans rapport public détaillé sur leur affectation.
Ces lacunes fragilisent l’édifice institutionnel et vont à l’encontre des principes de bonne gouvernance, de justice fiscale, et de redevabilité.
Une Loi de Finances Rectificative est indispensable pour rétablir la sincérité budgétaire, restaurer la confiance des partenaires et permettre un débat d’orientation sur des bases réelles.
La réforme annoncée ne peut se construire sur une illusion comptable.
PAR Ibou Fall
LA DIPLOMATIE DE LA CHAISE VIDE
Une République n’a pas besoin de la sympathie de ses voisins, ou de tout autre pays du globe, surtout s’ils ne boxent pas dans la même catégorie : le respect qui lui est dû y suffit largement
La victoire des « Lions » qui tabassent les Anglais chez eux en match amical me laisse quand même un goût amer : qu’est-ce qui les empêchait de les battre lors de la dernière coupe du monde et filer vers les sommets mondiaux ? Snif. Allez, ne faisons pas la fine bouche et savourons la débandade anglaise sur ses terres de Nottingham…
La Tabaski, pardon, les tabascrises, deux cette année, sont derrière nous : les nerfs se remettent progressivement à leurs places pendant que Dakar reste encore pour une semaine une ville normale, le temps que les braves gens partis immoler un mouton à des centaines de kilomètres se remettent de leurs émotions après avoir digéré leur bête à cornes…
Il parait, pour cette fois, que dans certaines maisons, contrairement aux années précédentes, les goinfres — Non, je ne citerai pas de nom ! — ont eu la patience d’attendre que la viande cuise complètement avant de se jeter dessus à grands coups de dents. Ah, le bonheur de circuler dans des rues presque désertes, sans bouchons, ni coups de klaxons intempestifs, ni motocyclistes qui vous font des bras d’honneur après avoir grillé un feu, chipé votre priorité et slalomé entre les voitures !
Apparemment, il n’y a pas que la Tabaski qui énerve le peuple des 54 % de nos compatriotes et mettrait dans tous leurs états nos nouvelles autorités. L’activisme de Sa Rondeur Macky Sall qui se fait inviter à des rencontres internationales où l’on parle du destin du monde entre décideurs sérieux commence à agacer prodigieusement les pontes du régime « Diomaye môy Sonko ». D’ailleurs, face à la presse, c’est Bassirou Diomaye Faye qui le dévoile : Macky Sall ferait des choses « en dessous »… On n’en saura pas plus. Là, cette semaine, il suffit qu’une sorte de ballon de sonde venu d’on ne sait où, envisage la candidature de l’ancien chef d’État sénégalais au secrétariat général des Nations-Unies, pour que le régime pastéfien déclenche un tir nourri contre cette éventualité.
C’est déjà insupportable que la Fondation Mo Ibrahim le coopte dernièrement pour distribuer les bons points en matière de bonne gouvernance et respect des droits de l’homme, pendant que ses anciens ministres défilent devant le Parquet financier de Dakar. Bien avant qu’il ne rende les clés du Palais, Emmanuel Macron en fait le VRP d’on ne sait trop quoi qui se soucie de l’avenir de la planète ; une manière subtile de lui garantir une retraite aisée qu’il décide de passer dans son pied-à-terre de Marrakech…
Depuis son départ du pouvoir, Macky Sall sillonne la planète, se fait recevoir par les grands de ce bas monde alors que les autorités sénégalaises actuelles s’échinent à démolir son image : la mal-gouvernance, les prévarications, les quatre-vingts morts et les milliers de « détenus politiques » se ressassent au quotidien, qu’illustrent les emprisonnements de ses proches.
Et puis, il y a cette invitation du prince saoudien à rompre avec lui le jeûne en plein ramadan, alors que le Sénégal et l’Arabie saoudite peinent à enterrer l’incident diplomatique créé par la remise en cause d’un chantier gagné par une entreprise saoudienne pour le dessalement de l’eau.
Les autorités sénégalaises devraient prendre le problème par l’autre bout : comment se fait-il que ce soit Macky Sall que l’on invite malgré tout ce qui se dit sur lui par les voix officielles sénégalaises, à la place du président Bassirou Diomaye Faye, ou de son Premier ministre Ousmane Sonko ?
La voix du Sénégal, depuis Léopold Sédar Senghor, est audible sur le continent et même dans le monde. Notre leadership lors de la création de l’OUA ne fait pas l’ombre d’un doute. Deux camps s’affrontent alors, avec d’un côté celui des Sékou Touré et Kwamé Nkrumah, et de l’autre, celui de Senghor. Les « panafricanistes » soutiennent mordicus qu’il faut un État fédéral capable de monter une armée pour bouter du continent les derniers colons. Senghor suggère sagement que les États se construisent et se développent chacun à son rythme pour aller progressivement vers une union continentale. C’est sa ligne qui triomphe…
Moralité, une République n’a pas besoin de la sympathie de ses voisins, ou de tout autre pays du globe, surtout s’ils ne boxent pas dans la même catégorie : le respect qui lui est dû y suffit largement. Que ce soit sur la cause palestinienne, ou l’apartheid, par exemple, le Sénégal sait depuis toujours se faire entendre et respecter. Mieux, il prend le pli d’abriter des rencontres mondiales, comme le festival mondial des arts nègres, les sommets de l’Oci, de la francophonie, la Can et l’an prochain, croisons les doigts, les Joj.
Qu’avons-nous à gagner à faire ami-ami avec des pays déstructurés, sous-développés que des tensions déchirent et qui n’arrivent manifestement pas à trouver leurs voies ? Pendant ce temps, le monde du progrès organise ses raouts où la présence du Sénégal ne se fait pas remarquer. C’est plutôt pendant l’investiture d’un ancien putschiste reconverti en civil démocrate aux scores électoraux soviétiques que l’on va glaner des vivats de la foule.
Que lui manque-t-il donc, à ce nouveau régime que l’électorat sénégalais plébiscite, qui devrait donc rester aux avant-postes de la démocratie africaine, pour que ses dignitaires soient courtisés par les grandes capitales de la planète et que les candidatures de nos compatriotes à des postes de prestige dans le monde ne soient plus de tristes pétards mouillés ?
Manifestement, en plus d’une orientation plus que surprenante, la qualité de l’actuelle diplomatie sénégalaise suscite des questions, sinon de l’inquiétude. C’est sans doute, d’abord, une banale question de recalibrage.
PAR OUMAR NDIAYE
NOUVELLES DIMENSIONS ET RECONFIGURATION DU DJIHADISME AU SAHEL
La concomitance des attaques des groupes jihadistes contre les pays du Sahel central, dont les pays composant l’Aes en même temps que des pays côtiers montre clairement la nouvelle dimension prise par le djihadisme en Afrique de l’ouest.
La concomitance des attaques des groupes jihadistes contre les pays du Sahel central, dont les pays composant l’Aes, notamment le Burkina, le Mali et le Niger, en même temps que des pays côtiers comme le Bénin et le Togo, montre clairement la nouvelle dimension prise par le djihadisme en Afrique de l’ouest.
Les groupes comme le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Jnim) ou l’État islamique au Sahel (Eis) ont reconfiguré les tensions sécuritaires dans beaucoup de pays. La semaine dernière a été ainsi marquée par plusieurs attaques de ces groupes dans des cantonnements militaires comme le camp de Boulkessi au Mali où même des soldats auraient été capturés selon les vidéos diffusées par le Jnim. Avant cela, au mois de mars, c’est le camp de Djibo, au Burkina Faso, qui avait subi le même scénario avec la mort d’une vingtaine de militaires et de Volontaires de la paix (Vdp), ces supplétifs de l’armée burkinabè. Au-delà des nouvelles capacités tactiques dont usent ces groupes djihadistes, notamment des assauts soutenus par des drones, il est clair que nous sommes dans un tournant majeur de cette crise sécuritaire avec des pans importants de territoires qui sont devenus des sanctuaires terroristes.
Cette nouvelle configuration repose ainsi sur les stratégies d’endogèneisation des revendications pour en faire les moteurs du recrutement des combattants. Il y a aussi la réorientation de l’économie criminelle ou de guerre pour trouver de nouvelles sources de financement. Exit maintenant le business des otages occidentaux ou nationaux qui n’est plus rentable comme auparavant. L’exploitation illégale de l’or avec les mines artisanales qui pullulent dans une bonne partie du Sahel permet ainsi aux groupes djihadistes de disposer d’importantes sources de financement de leurs activités à l’image de ce qu’ont été les « blood diamonds » (les diamants du sang) dans les conflits des pays du Mano River (Libéria, Sierra Leone).
L’autre importante source de financement, c’est le vol de bétail dans une zone où l’élevage extensif est pratiqué avec la transhumance des éleveurs. C’est ainsi que la question du pastoralisme est au cœur de ces nouvelles dynamiques du djihadisme sahélien. Cette problématique traverse ainsi autant des pays du Sahel central que des États côtiers comme le Bénin ou le Togo, surtout avec le phénomène des changements climatiques. La raréfaction de l’eau et des pâturages pousse ainsi les populations pastorales à migrer vers d’autres zones plus propices à leurs activités comme elles le font depuis des siècles. Ces déplacements les mettent ainsi entre l’enclume de la compétition foncière avec les agricultures et le marteau des tensions sécuritaires imposées par les groupes djihadistes qui trouvent au vol de bétail une façon de se financier.
S’y ajoute la porosité transfrontalière entre beaucoup de pays sahéliens avec souvent une absence de coopération interétatique. Ainsi, les changements climatiques aggravent la rareté des ressources naturelles en entrainant des conflits et des déplacements qui exposent des personnes vulnérables à de nouveaux risques du fait de nouveau rapport de force et de nouvelles dynamiques de pouvoir devant la pénurie des ressources. Il faudra, face à ces nouvelles couleurs prises par la conflictualité au Sahel et surtout l’ampleur de la pression sécuritaire du djihadisme, repenser les approches face à ce fléau qui, depuis plus d’une décennie, mine et mène la vie socio-politique dans cette zone. L’approche militaire, même si elle n’est pas la seule solution, doit être renforcée pour ainsi circonscrire la menace et avant de mettre en place d’autres solutions allant de la construction d’une cohésion nationale et sociale à la capacitation des populations à faire face aux défis économiques et climatiques.