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4 juin 2025
MAHOMET, AU-DELÀ DU PROPHÈTE
Comment un prédicateur rejeté par les siens est-il devenu le fondateur d'un empire théocratique ? L'itinéraire de Mahomet, étudié par l'historien Nabil Mouline, révèle les origines historiques de la fusion entre religion et politique en islam
(SenePlus) - Le prophète de l'islam a-t-il inventé la fusion du religieux et du politique ? Cette question, au cœur des débats contemporains sur l'islam politique, trouve ses racines dans la figure même de Mahomet, personnage aux multiples facettes qui transcende les catégories traditionnelles. Selon l'analyse de Nabil Mouline, chargé de recherche au CNRS, publiée dans Le Monde, le fondateur de l'islam apparaît comme « un personnage hybride, qui prétendait être à la fois dépositaire de l'autorité spirituelle et détenteur du pouvoir temporel ».
Né vers 570 à La Mecque selon la tradition, Mahomet incarne une synthèse inédite entre la fonction prophétique et le leadership politique. « Il est tour à tour dépeint comme un prédicateur, un sage, un ascète, un thaumaturge (faiseur de miracles), un législateur, un diplomate, et bien sûr un guerrier », souligne le chercheur. Cette multiplicité de rôles pose d'emblée un problème de classification, car Mahomet « peut théoriquement appartenir au moins à deux types de fonction : les prophètes et les monarques ».
L'originalité de la démarche de Mahomet s'enracine dans une conception théocratique du pouvoir clairement exprimée dans le Coran. Le texte sacré « présente le Dieu unique sous des traits monarchiques », explique Nabil Mouline. « En tant que Créateur, Allah est le seul roi légitime (al-malik al-haqq), le seul qui peut prétendre à la sacralité (al-malik al-quddus) et à la souveraineté absolue (malik al-mulk) ».
Cette vision théocratique s'accompagne d'une hiérarchie divine précise : « Assis sur son trône ('arsh, kursi), entouré d'anges obéissants et infatigables, il règne sur l'ensemble de l'univers ». Le Coran affirme ainsi que « le pouvoir et l'autorité sont des attributs exclusivement divins », correspondant à « la définition première du terme théocratie, le gouvernement de Dieu ».
Contrairement aux idées reçues, « le texte coranique ne donne pas une image négative de la royauté », précise le chercheur. Au contraire, « il semble que la monarchie soit le régime le plus naturel pour gérer les affaires d'une société selon le Coran ». Cette acceptation de la monarchie s'explique par son origine divine : « C'est Allah lui-même qui fait et défait les monarques en tant que souverain légitime de l'univers ».
L'exode de Médine : tournant vers le pouvoir politique
La transformation de Mahomet d'annonciateur religieux en leader politique s'opère lors de l'hégire, son exode vers Médine en 622. Durant la période mecquoise, « tout laisse penser qu'il n'avait alors pas d'ambition politique à proprement parler », note Nabil Mouline. Le futur prophète « se considère durant la plus grande partie de l'époque dite mecquoise comme un simple annonciateur (bashir) et avertisseur (nadhir) ».
Cependant, face au rejet de son message par la majorité de ses contemporains, Mahomet « est de plus en plus persuadé que le rétablissement de l'unicité divine doit impérativement s'appuyer sur un ordre politique ». L'installation à Médine marque « un véritable tournant dans la carrière de Mahomet. D'annonciateur et avertisseur, il se transforme petit à petit en véritable chef politique ».
« Dès son arrivée à Yathrib, Mahomet s'efforce de conforter sa place de leader », explique le chercheur. À l'instar de Moïse, « il aspire à devenir un grand législateur ». Pour organiser sa nouvelle communauté, il « met en place ou donne une nouvelle interprétation à plusieurs rituels » et « codifie un certain nombre de pratiques sociales ». Cette activité législatrice vise à « fixer l'orthopraxie, c'est-à-dire l'ensemble des comportements socioreligieux à même de garantir l'ordre, et surtout le salut ».
L'époque médinoise se caractérise par une dimension militaire assumée. « Pour des raisons religieuses, politiques, économiques et même personnelles, le combat dans le sentier de Dieu (al-jihad fi sabil Allah) est l'un des principaux éléments du projet du fondateur de l'islam », analyse Nabil Mouline. Mahomet « considère sa communauté comme le nouvel Israël auquel Dieu a promis une domination universelle et le salut éternel grâce à une nouvelle Alliance ».
L'héritage institutionnel : du califat à l'islam politique contemporain
Cette réorientation s'accompagne d'une rupture doctrinale majeure entre 624 et 630. Face au « refus des "gens du Livre" (c'est-à-dire les juifs et les chrétiens) de le reconnaître », Mahomet procède à une « arabisation » de sa religion. Il « proclame ainsi qu'il est le seul dépositaire de la religion d'Abraham (millat Ibrahim) » et que « sa communauté est le nouveau Peuple élu (khayr umma, umma wasat) chargé de sauver l'univers ».
Le changement de direction de la prière, désormais orientée vers la Kaaba plutôt que vers Jérusalem, symbolise cette « volonté de distinction ». La Kaaba devient « la demeure de Dieu sur terre érigée par Abraham et Ismaël », marquant l'autonomisation définitive de l'islam par rapport aux autres monothéismes.
« Grâce à son autorité charismatique, Mahomet a pu fonder un nouvel ordre social et poser les jalons d'une religion, d'un empire et d'une civilisation », conclut Nabil Mouline. Le prophète « a progressivement réussi à monopoliser l'autorité religieuse et le pouvoir politique, en se présentant comme le porte-parole et l'instrument d'Allah ».
Conscient de sa place dans l'histoire du salut, Mahomet « s'autoproclame Sceau des prophètes (khatam al-nabiyyin), c'est-à-dire l'ultime prophète, dont il incarne l'achèvement parfait ». Cette dimension eschatologique pose cependant un problème de succession : « Mahomet ne pouvant transmettre sa charge – d'autant que le Coran indique qu'il "n'est le père d'aucun de vos hommes" –, il ne désigne pas de successeur ».
La solution institutionnelle émergera après sa mort en 632 : « Et puisque le cycle prophétique est clos, la monarchie s'impose. C'est ainsi que le califat voit le jour ». Cette institution « consacre définitivement la réunion du politique et du religieux en islam inaugurée par Mahomet », établissant un modèle qui traverse les siècles jusqu'aux débats contemporains sur l'islam politique.
par Elhadji Mamadou Mbaye
NOUS NE VOULONS PAS D’UN DIALOGUE NATIONAL AU SERVICE DES ACTEURS POLITIQUES PROFESSIONNELS
EXCLUSIF SENEPLUS - Si l'objectif est de repenser le système politique sénégalais, il faut éviter d'en faire une nouvelle tribune pour des politiciens de métier déconnectés des réalités citoyennes
Pour le 28 mai 2025, le président de la République a appelé à un dialogue national entre l’ensemble des forces vives de la nation pour repenser notre système politique sénégalais.
Effectivement, le système politique sénégalais mérite d’être analysé, évalué, revu, contextualisé, endogénéisé, souverainisé... Cependant, nous devons éviter d’en faire un dialogue national de plus, au service des acteurs politiques professionnels.
Le débat actuel sur le dialogue est asphyxié par la participation ou non de tel ou tel autre homme politique, de tel ou tel autre parti politique. Le Sénégal compte près de 350 partis politiques, 348 exactement en 2024 pour 18 millions de Sénégalais. Inviter l’ensemble de ces partis (sur un nombre attendu d’environs 250 participants), c’est déjà politisé, voire électoralisé le débat et le centré sur les intérêts des politiciens qui ne représentent qu’une part infime du système politique sénégalais et des Sénégalais en général. Les acteurs politiques professionnels sont les hommes politiques qui ont fait de la politique leur métier. Au Sénégal, ils sont présents dans tous les partis politiques y compris dans les partis au pouvoir.
Les acteurs politiques professionnels sont souvent définis comme des pervers qui ont les cinq caractéristiques suivants : la première caractéristique est qu’ils sont machiavéliques, c’est-à-dire qu’ils sont prêts à utiliser toutes les ruses possibles pour atteindre leur objectif originel qui est celui d’être élu et de garder pouvoir par tous les moyens y compris par des moyens illégaux et illégitimes dépourvus de morale. Ils n’ont aucune loyauté même envers la parole donnée (goor sa wakh dja) et sont adeptes du wakh wakhet, une valeur centrale dans le champ politique sénégalais contemporain.
La seconde caractéristique, c’est qu’ils sont narcissiques : ils sont dans une rationalité instrumentale, ne pensant qu’à leurs propres intérêts ; les autres, y compris les électeurs et les citoyens ne sont que des objets à instrumentaliser au service de leurs propres intérêts. Ils développement le culte de la personnalité marqué par l’adulation excessive de leur personnalité par les membres de leurs partis et leurs sympathisants.
La troisième caractéristique de ces acteurs politiques est qu’ils sont également psychopathiques : ils manquent fondamentalement d’empathie envers les autres. Ils ont du mal à comprendre la souffrance des autres, pensant souvent que ces autres sont responsables de leurs propres souffrances, qu’ils ne veulent pas travailler, qu’ils sont fainéants et pour cela, ils disposent d’une mission presque divine de les « sauver » de leurs propres situations. Ils seraient les messies sans qui les Sénégalais tomberaient dans des abymes à la hauteur de leur espérance pour la politique.
La quatrième caractéristique des acteurs politiques professionnels, le sadisme, qui consiste en une jubilation à infliger de la souffrance aux autres particulièrement à leurs adversaires politiques soumis aux mêmes logiques. Ils sont prêts à les voir en prison, parfois morts… car la présence de ces derniers dans le même champ politique constitue selon eux leur destruction, ils ne sont pas ouverts à la co-construction du pays. Soit c’est eux ou les autres qui doivent disparaitre, mais ils ne peuvent ensemble, partager le débat politique.
Une cinquième et dernière caractéristique qui est propre aux acteurs politiques professionnels africains et sénégalais en particulier est qu’ils sont égocentriques ; ils pensent savoir plus que les principaux concernés, c’est-à- dire les citoyens, ce qui est bon pour eux. Ils produisent des visions du monde pour les populations sans les populations. Ils manquent d’altruisme, d’écoute, d’humilité. La colonisation incarnait cette contre-valeur, car l’Africain ne savait pas ce qui était bon pour lui. Nos hommes politiques en ont hérité et pensent que pour décider, il n’y a pas besoin de consulter les populations sur les problèmes qui les concernent.
Ainsi, le dialogue national prévu le 28 mai ne doit pas être un dialogue au service de la promotion de ces acteurs politiques professionnels. Il ne doit pas être un dialogue centré sur la démocratie électorale et l’organisation des élections pour les élire et leur donner encore plus de pouvoir.
Au contraire, ce dialogue doit redonner le pouvoir aux citoyens. Il doit se centrer sur la démocratie participative. Il doit se décentrer de la démocratie par les urnes. Il doit avoir pour objectif la démocratie substantive ou substantielle qui permet aux citoyens de pleinement participer à la vie politique et sociale à la fabrique, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques qui visent directement les problèmes auxquels ils sont confrontés. Il doit porter sur la démocratie au quotidien.
Le nouveau référentiel centré sur la souveraineté nationale nous l’exige. Ce référentiel pour un Sénégal juste, prospère et souverain doit être porté par les populations, par l’ensemble des forces vives de la nation. Si l’on veut un financement endogène des politiques publiques, si l’on veut que les Sénégalais soutiennent et participent à l’action publique, il faut leur redonner le pouvoir et les associer à l’action gouvernementale. Cela passe d’abord par une écoute active de leurs avis, de leurs craintes, de leurs préoccupations, de leurs propositions pour un système politique sénégalais renouvelé, plus proche d’eux et moins porté par des acteurs politiques professionnels pervers. En somme, le dialogue sur le système politique sénégalais doit d’abord être un débat citoyen par et pour les citoyens.
Elhadji Mamadou Mbaye est Enseignant-Chercheur en science politique à l’université Gaston Berger de Saint-Louis.
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LE DIALOGUE NE DOIT PAS SE LIMITER AUX FORCES POLITIQUES
Invité de l’émission Jury du Dimanche, Daouda Tall, président du mouvement Idées Sénégal, a plaidé pour un dialogue national inclusif. Selon lui, les échanges sur l’avenir du pays doivent intégrer l’ensemble des forces vives de la nation
Invité de l’émission Jury du Dimanche sur iRadio et iTV, le consultant international et président du mouvement Idées Sénégal, Daouda Tall, a livré une analyse approfondie de l’état de la gouvernance publique au Sénégal. Au cœur de son intervention : la reddition des comptes, le dialogue national et la vision Sénégal 2050.
Pour Daouda Tall, la reddition des comptes est un pilier fondamental de la transparence dans le système judiciaire. « Lorsqu’on vous confie des deniers publics, vous devez rendre compte. Il ne s’agit pas seulement de présenter des chiffres et d’obtenir un quitus : il faut aller jusqu’à l’évaluation des politiques publiques mises en œuvre », a-t-il affirmé. Il a également insisté sur la nécessité que cette reddition se fasse dans le respect des principes de justice, soulignant que celle-ci doit être à la fois indépendante et impartiale.
S’exprimant sur le Dialogue national, le président d’Idées Sénégal en salue l’initiative mais en propose une relecture critique. Il estime que ce cadre de concertation devrait être plus inclusif et ouvert à l’ensemble des acteurs du développement national. « Le dialogue ne doit pas se limiter aux forces politiques. Il faut impliquer les entrepreneurs, les citoyens, tous ceux qui contribuent au progrès du pays », a-t-il déclaré, en rappelant que le véritable sens de la politique réside dans l’amélioration des conditions de vie des populations.
Sur le plan des perspectives, Daouda Tall s’est montré favorable à la démarche du gouvernement concernant la vision Sénégal 2050. Il la considère comme un référentiel ambitieux qui pourrait impulser une dynamique durable, à condition qu’elle soit partagée et portée par les citoyens. « Il ne suffit pas de projeter le pays vers l’avenir. Il faut que les Sénégalais s’approprient cette vision. C’est cette adhésion qui fera la différence », a-t-il estimé.
Enfin, il a appelé à renforcer l’anticipation stratégique pour faire face aux enjeux futurs du pays, insistant sur la nécessité de penser le développement dans une logique de long terme, au-delà des urgences politiques du moment.
Les belles feuilles de notre littérature par Amadou Elimane Kane
SABARU JINNE, LES TAM-TAMS DU DIABLE OU L’EXPRESSION D’UNE LITTÉRATURE CINÉMATOGRAPHIQUE
EXCLUSIF SENEPLUS - Ni roman traditionnel, ni conte, ni théâtre, mais un peu tout cela à la fois. L'oeuvre de Pape Samba Kane révolutionne les codes narratifs avec un récit polymorphe qui mélange les genres et réinvente l'art de raconter une histoire
Notre patrimoine littéraire est un espace dense de créativité et de beauté. La littérature est un art qui trouve sa place dans une époque, un contexte historique, un espace culturel, tout en révélant des vérités cachées de la réalité. La littérature est une alchimie entre esthétique et idées. C’est par la littérature que nous construisons notre récit qui s’inscrit dans la mémoire. Ainsi, la littérature africaine existe par sa singularité, son histoire et sa narration particulière. Les belles feuilles de notre littérature ont pour vocation de nous donner rendez-vous avec les créateurs du verbe et de leurs œuvres qui entrent en fusion avec nos talents et nos intelligences.
Le roman tel qu’on le définit, comme une œuvre littéraire en prose d’une certaine longueur mêlant le réel et l’imaginaire, se différencie du conte par l’absence du merveilleux, le souci de vraisemblance et une forme plus développée, de l’autobiographie par le côté fictif qu’il présente, de la poésie par sa forme en prose et du théâtre par le fait qu’il ne soit pas destiné à être mis en scène. Pourtant, il existe des romans qui peuvent s’emparer de tous ces rythmes narratifs pour former un récit composite qui autorise une grande liberté.
C'est le cas du roman polymorphe Sabaru Jinne de Pape Samba Kane. En effet, dès le début du récit, on ne sait pas très bien à quelle configuration on a affaire. Est-ce un récit philosophique, un récit autobiographique, un récit initiatique ou des confessions intimes ? Est-ce du roman, un conte merveilleux, du théâtre ou du cinéma ? En réalité, c’est un peu tout cela à la fois.
Dès la mise en place de la structure narrative, il y a une mise en abyme car celui qui lit - après plusieurs années, les feuillets épars rangés dans une malle en bois - est le narrateur mais aussi celui qui a écrit ces fragments dispersés. Cette distanciation permet au lecteur/narrateur d’occuper l’espace séquentiel du récit, ou plutôt des récits.
Avec le recul nécessaire et une bonne dose d’humour, le narrateur met à nu les affres de la création, la dureté d’écrire, la difficulté de raconter. Autre problématique, le moment où le narrateur se pose la question de qui il est : un philosophe, un rêveur, un amuseur ou un joueur de flûtes ? Toutes ces questions qui peuvent habiter l’écrivain jusqu’à exposer le trouble.
Rêveries sur le réel : Traité de philosophie poétique d’un fou sophiste est le titre de ces lambeaux de textes abandonnés dans une malle, elle-même cachée dans la poussière du temps. Ce titre est sans doute ce qui résume le mieux le livre lui-même, tout en faisant référence à tout un patrimoine littéraire entrecroisant les influences, la poésie, le roman épique et philosophique, l’autobiographie ou encore l’indéfinissable fantastique.
Le récit c’est aussi la culture du mot, de la grande littérature qui jaillit donnant des références multiples qui forment une sorte de tourbillon pour appréhender la fonction d’écrire, de témoigner du réel ou de bâtir, par la fiction, un univers métissé qui aussi compose une histoire.
Cette polymorphie narrative est une sorte de tableau social, politique et historique du Sénégal depuis les indépendances jusqu'aux désillusions des années 1990.
Comme une ouverture symphonique, c’est une valse qui se déploie entre l'enfance, les femmes, la politique, l’écriture au coeur de toute chose, les arts, le journalisme, un maelstrom qui traverse le cerveau du narrateur, comme un vent de folie littéraire, avec une fantaisie assumée et une grande liberté.
Massata, le narrateur, vit avec sa grand-mère dans le quartier de la Médina à Dakar. Maam Panda, qui est belle comme une étoile, arrive à la fin de son existence et le désenchantement de Massata se ravive. En exhumant ses propres écrits, il raconte, une fois à la troisième personne du singulier, comme s’il était un personnage indépendant de son être et parfois en confessant au “je” ses pensées les plus profondes. Ce mouvement narratif qui alterne entre le “moi”, l’être social et la conscience offre une certaine dimension polyphonique.
L’auteur fait également ouvertement référence à une construction cinématographique, procédant par flash back et par des images vives où des personnages emblématiques se disputent la lumière : Django, un errant pauvre, Jooni-Jooni, un photographe ambulant Toubab, le singe Buuba, véritable attraction du village qui incarne le double des humains, tout comme les artistes qui entrent en scène au fur et à mesure du récit.
Mais ici les lieux sont aussi des personnages à part entière, décrivant ainsi des réalités sociales, la douceur de Saint-Louis au moment de l’enfance où Massata est choyé, la Médina de Dakar, théâtre permanent de la vie. C’est ainsi que le récit décolle, l’enfance, l’initiation, l'émancipation par l’éducation des femmes, l’école coranique puis l’école française. Revenu à Dakar chez son grand-père Mame Thierno, Massata découvre le champ d’un autre village, celui de la concession à la Médina, où la famille agrandie vit ensemble, avec les apprentis Manjaku venus de Guinée-Bissau qui travaillent à la fabrique de Mame Thierno.
Après la libération de 1968, les expériences sont multiples, les cultures se côtoient dans une espèce de bouillonnement artistique. Le roman est aussi un véritable hommage aux artistes de la culture sénégalaise de cette époque.
Puis vient le temps des excès en tout genre, la fête, l'argent, l'alcool, la drogue, le chagrin amoureux, le tourbillon du sabar, le mystère des ombres, des rituels et des croyances, comme une sorte d’art impénétrable. Et la nostalgie d’un temps disparu pointe à l’horizon. La beauté de l’enfance et la flamboyante adolescence laissent place à la difficulté existentielle et à la ronde du changement, à la mutation d’un monde enfoui, seulement gravé sur les pages éparses d’un récit en fragments.
Mais juste avant que Massata ne pense qu’à rendre les pages de son histoire à la mer, le miracle se produit et Sabaru Jinne prend vie sous ses yeux. Il est le récit qui se joue comme un spectacle où l'épaisseur des personnages se fabrique, où l'imaginaire rencontre le réel et où le culturel résonne avec le son des tam-tams. Dans un final éblouissant de vérité et de confrontation spirituelle, Massata, incarnant son propre rôle, déploie l’art de l’histoire, du conte, du merveilleux, de la parole et des rituels symboliques.
Ainsi, le roman de Pape Samba Kane s’apparente à un long plan séquence où tous les mouvements littéraires se rencontrent afin de construire un univers singulier où la stylistique du roman est déconstruite pour mieux s’approprier, avec adresse, la complexité narrative de la littérature africaine. Sabaru Jinne, un récit au titre évocateur et saillant, est un grand roman qui réinvente, avec talent, l’art démultiplié de raconter une histoire.
Amadou Elimane Kane est écrivain, poète.
Sabaru Jinne, les tam-tams du diable, roman, les éditions Feu de brousse, 2015.
L'histoire des dialogues politiques sénégalais révèle un paradoxe. Si les premières concertations de 1992 ont permis l'alternance de 2000, les forums républicains semblent depuis avoir perdu leur capacité à produire de réels consensus démocratiques
Depuis 1992, l’État a initié une série de dialogues politiques avec l’opposition, la société civile et les forces vives de la Nation. Aux yeux d’une grande partie de l’opinion, ces forums républicains ont plus servi à faire avancer le calendrier politique du régime en place que d’obtenir de réelles avancées sur le plan démocratique.
Le dialogue a toujours été une panacée pour les différents régimes qui se sont succédé au pouvoir au Sénégal. À la suite des troubles post-électoraux de 1988, le Président Abdou Diouf décide de mener des concertations dans le but d’apaiser le climat politique. Ainsi, à la fin de l’année 1991, le Parti socialiste (Ps), au pouvoir, et une dizaine de partis de l’opposition (Pds, Ld/Mpt, Cdp/Garab Gui, Aj/Pads…) décident la mise en place d’une Commission cellulaire chargée de la réforme du Code électoral. Dirigée par le juge Kéba Mbaye, elle a permis d’obtenir de grandes avancées dans le fonctionnement du système électoral sénégalais.
Il s’agit d’une quinzaine de réformes, dont l’identification obligatoire de l’électeur avec sa carte d’identité ; l’abaissement de la majorité électorale de 21 à 18 ans ; le passage obligatoire à l’isoloir ; l’utilisation de l’encre indélébile ; la limitation des mandats à deux ; la présence de représentants des candidats dans les bureaux de vote ; la présence d’un représentant des partis dans la Commission de distribution des cartes d’électeur ; le découplage de l’élection présidentielle et des élections législatives, etc. Par ailleurs, d’autres mesures, telles que l’élection présidentielle à deux tours si aucun des candidats n’a la majorité absolue au premier tour, ont été aussi actées à l’issue des échanges.
L’héritage du Code Kéba Mbaye
L’Assemblée nationale, à travers le vote de la loi n° 92-16 du 7 février 1992 portant Code électoral modifié, va ainsi figer dans le marbre les nouveaux articles du Code électoral qui vont conduire à la première alternance politique en 2000. Ce Code consensuel est aussi connu sous le nom de « Code Kéba Mbaye ». Commission nationale de réformes des institutions (Cnri) Pour sa part, la Commission nationale de réforme des institutions, alors dirigée par l’ancien directeur général de l’Unesco Amadou Mahtar Mbow, aujourd’hui disparu, a été instaurée par le décret n° 2013-730 du 28 mai 2013 ordonnant à la Cnri de mener la concertation nationale sur ladite réforme et de formuler des propositions visant à améliorer son fonctionnement. Cette Cnri est née des Assises nationales.
Ainsi, la Cnri, composée de personnalités, dont d’anciens hauts fonctionnaires, d’universitaires, de juristes, d’experts et de membres de la société civile, a émis un certain nombre de recommandations comme la réforme du régime politique avec un passage à un régime parlementaire rationalisé, la réorganisation des pouvoirs du président de la République de manière à contenir son pouvoir et une meilleure inclusion des langues nationales dans les processus de décisions institutionnelles. Concernant l’organisation des élections, la Cnri avait proposé la création d’une Autorité électorale indépendante ; l’inscription électorale locale obligatoire ; le respect strict du calendrier républicain ; la révision du Code électoral via consensus, etc.
Les recommandations de la CNRI restées lettre morte
La Cnri remettra son rapport, le 14 février 2014, au président Macky Sall qui, contrairement aux recommandations qu’elle a émises, va opter pour le maintien d’un système présidentiel fort qui va aboutir à la suppression du poste de Premier ministre en 2020. Selon beaucoup d’observateurs, le dialogue sous Macky Sall apparaît comme une vitrine communicationnelle pour son régime dans l’optique de favoriser des mesures politiques comme la loi sur le parrainage, l’ouverture de la majorité présidentielle… Dialogue post-référendum de 2016, absence de consensus Ainsi, les différents dialogues qui ont eu lieu depuis 2016 semblaient avoir pour but de régler des problèmes de candidatures plutôt que des avancées démocratiques. Concernant la première édition du Dialogue tenue en 2016 et mise en œuvre deux mois après le référendum constitutionnel du 20 mars 2016, les revendications de l’opposition concernant l’arrêt Ousmane Ngom (interdiction de manifester dans certaines zones de Dakar), la révision du fichier électoral et le statut de l’opposition n’ont pas été validées à l’issue des discussions. Ce, faute de consensus. Un autre Dialogue a été lancé en 2017 sans qu’aucune avancée majeure ne soit notée. Ce manque de confiance a été exacerbé, en 2018, par le vote de la loi sur le parrainage malgré le rejet de l’opposition.
Cette démarche a accentué la méfiance des organisations de la société civile et des partis politiques de l’opposition sur la pertinence de ces concertations. Le Dialogue initié en 2019, après la présidentielle, fut confié à Famara Ibrahima Sagna, ancien ministre de l’Économie et des Finances sous Abdou Diouf. Il fut alors nommé président du Comité de pilotage du Dialogue national. Cette rencontre avait pour but, selon plusieurs spécialistes, de servir de prétexte pour « cautionner » l’ouverture politique vers les anciens libéraux (Modou Diagne Fada, Idrissa Seck et Oumar Sarr) et le mouvement « Osez l’avenir » d’Aïssata Tall Sall en novembre 2020. Toutefois, d’après Moundiaye Cissé de l’Ong 3D, le bilan de ce dialogue n’est pas aussi négatif. « Les précédents dialogues nous ont permis d’avancer sur certains nombres d’acquis, tels que l’élection du maire au suffrage universel direct et la revue du parrainage, le montant de la caution et la suppression du parrainage aux locales. Chaque dialogue a son lot de résultats », affirme-t-il.
Modification du Code pour écarter Karim Wade et Khalifa Sall
En 2020, les principaux points de discorde entre l’opposition et la majorité restent inchangés. La suppression du parrainage, réclamée par une partie de l’opposition, l’instauration du bulletin unique et la création d’une haute autorité chargée de l’organisation des élections demeurent toujours des points de discorde entre le pouvoir et l’opposition. En outre, l’opposition dénonçait la modification du Code électoral qui impose aux candidats de jouir de leurs droits civiques pour figurer sur les listes électorales et être candidats à l’élection. Une disposition perçue comme un moyen d’écarter les candidats Karim Wade et Khalifa Sall de la présidentielle de 2019.
Dialogue de 2023, processus d’isolation d’Ousmane Sonko
Le Dialogue de juin 2023 a connu quelques avancées à l’instar de l’abaissement de la fourchette du nombre de parrains entre 0,6 % à 0,8 % du fichier électoral, soit entre 44 231 et 58 975 signatures, ou la possibilité d’avoir le parrainage des députés et des élus territoriaux. Toutefois, il est finalement apparu aux yeux de beaucoup d’observateurs comme une opération visant à réhabiliter Karim Wade et Khalifa Sall dans leurs droits civiques et politiques. Ainsi, à la suite de ces concertations, l’Assemblée nationale va acter la modification des articles L28 et L29 du Code électoral, lesquels rétablissent dans leurs droits ces deux leaders politiques qui ont bénéficié d’une grâce présidentielle tout en ayant déjà purgé leur peine. Ces derniers qui avaient fait l’objet de condamnations avant d’être graciés par Macky Sall étaient désormais éligibles à la présidentielle de mars 2024. Ousmane Sonko (Pastef) qui avait décliné l’invitation au Dialogue national a été condamné à deux ans de prison ferme pour corruption de la jeunesse et à six mois avec sursis pour diffamation. Ces peines vont pousser le Conseil constitutionnel à invalider sa candidature pour la présidentielle de 2024.
Le Dialogue de février 2024, l’échec du report de l’élection
Le dernier Dialogue national a été convoqué le 26 février 2024 après le report surprise du scrutin du 3 février 2024, à quelques heures du démarrage de la campagne officielle. Au terme des travaux de deux jours, la date du 2 juin 2024 a été proposée pour la tenue de la présidentielle par les participants. En outre, le président sortant, Macky Sall, dont le mandat s’achevait le 3 avril 2025, a été autorisé par le Dialogue à rester en poste jusqu’à l’installation de son successeur.
Les conclusions des concertations prévoyaient aussi le maintien de la liste des 19 candidats déjà retenus par le Conseil constitutionnel, le réexamen complet des dossiers de candidatures, avec la vérification de l’exclusivité de la nationalité sénégalaise, et le projet de loi d’amnistie introduit pour son adoption à l’Assemblée nationale dès le jeudi 29 février 2024. Toutefois, les conclusions du Dialogue seront invalidées, le 15 février, par le Conseil constitutionnel qui va annuler le décret d’abrogation du décret convoquant le corps électoral et le report de la présidentielle adoptée par l’Assemblée nationale le 5 février. Ainsi, Macky Sall sera forcé de tenir les élections dans les « meilleurs délais » avant la fin de son mandat, le 3 avril 2024, permettant ainsi la tenue de la présidentielle le 24 mars 2024.
AUGUSTIN SENGHOR ENTRETIENT LE FLOU
Le président de la FSF a célébré les succès de son mandat tout en refusant de lever le voile sur ses intentions pour l'élection du 2 août 2025, laissant planer le doute sur une cinquième candidature
Augustin Senghor a fait le bilan de son 4ème mandat à la tête de la Fédération sénégalaise de football (2021-2025) ce samedi lors de l’Assemblée générale ordinaire. L’occasion pour lui de parler de ses faits d’arme mais aussi d’évoquer une prochaine candidature…
Ce samedi, c’était l’heure du bilan pour Augustin Senghor. Le dirigeant, qui a été réélu en 2021 pour un 4ème mandat de 5 ans, verra celui-ci prendre bientôt fin. Et en regardant dans le rétroviseur, le dirigeant se dit satisfait puisque durant cette période, les différentes équipes nationales ont effectué une belle moisson de titres : CAN 2021, CHAN 2023, CAN U20, CAN U17, CAN de Beach Soccer…
« C’était un mandat exceptionnel dans l’histoire du football Sénégalais. C’est le mandat qui a permis au Sénégal de gagner un premier trophée continental avec l’équipe A mais aussi avec toutes les catégories. Tous les ligues ont maintenant dans chaque département des clubs en compétition (…) Plus que jamais le football sénégalais a besoin de moyens pour rester sur le plateau de performance sur lequel il s’est installé depuis quelques années », a-t-il soutenu.
Augustin Senghor a ensuite été questionné sur une éventuelle candidature pour un 5ème mandat. Mais il a préféré maintenir le flou. « Je reste un passionné du football tout comme Abdoulaye Seydou Sow. Ce serait une erreur de penser que le Football peut se penser des compétences et des expériences de certains. Laissons les choses se faire. Ceux qui ont envie de se présenter le feront et ceux qui n’ont pas envie de se présenter ne se présenteront pas. C’est ça la règle du jeu démocratique … ». Il faudra donc attendre pour avoir une réponse définitive alors que l’Assemblée générale élective aura lieu le 2 aout 2025.
UNE CHAIRE ALINE SITOÉ DIATTA DANS LES UNIVERSITÉS
Le recteur de l'université de Ziguinchor propose d'ériger une chaire académique en l'honneur de cette prêtresse devenue symbole de la résistance pacifique contre le colonialisme français
Le recteur de l’Université Assane Seck de Ziguinchor (Uasz), le Pr Alassane Diédhiou, a plaidé, jeudi dernier, en faveur d’une chaire Aline Sitoé Diatta, dans les universités sénégalaises. C’était à l’occasion d’un colloque tenu à Ziguinchor sur cette héroïne de la résistance coloniale en Casamance.
L’Université Assane Seck de Ziguinchor a abrité, jeudi dernier, un symposium commémoratif à l’occasion des 80 ans de la disparition d’Aline Sitoé Diatta, l’héroïne du « Kassa ». À cette occasion, le recteur de l’institution, le Pr Alassane Diédhiou, a lancé un appel fort : ériger une chaire universitaire à son nom et intégrer des modules spécifiques sur son parcours dans les cursus d’histoire, de sociologie, d’anthropologie et d’études postcoloniales. « Aline Sitoé Diatta est l’un des symboles les plus puissants de la résistance populaire contre le système colonial français », a affirmé le Pr Diédhiou.
Selon lui, cette figure centrale dans l’histoire coloniale de la Casamance incarne un croisement unique entre engagement spirituel, résistance politique et émancipation féminine. Dans un plaidoyer appuyé, et face à une assistance composée essentiellement d’universitaires et d’étudiants, Alassane Diédhiou a rappelé le rôle fondamental des institutions universitaires dans la déconstruction des narrations dominantes. Sur ce point précis, il les invite à « faire émerger des voix longtemps marginalisées ». Le Pr Diédhiou estime que les chercheurs ont la responsabilité de revisiter des figures comme Aline Sitoé Diatta, afin de nourrir un savoir critique enraciné dans les réalités africaines. Militante charismatique, Aline Sitoé Diatta s’est opposée aux réquisitions coloniales et prônait un retour aux pratiques agricoles traditionnelles, tout en incarnant une forte dimension spirituelle.
Ce positionnement original, alliant foi, terre et culture, confère à sa lutte un caractère profondément pacifique, loin des résistances armées, mais non moins déterminé. « Elle portait une critique implicite de l’aliénation coloniale et appelait à une réhabilitation de l’identité casamançaise », a expliqué M. Diédhiou. Née en 1920 à Kabrousse, dans le département d’Oussouye, Aline Sitoé Diatta fut perçue comme une prêtresse et une guide spirituelle dans son village. Sa popularité et son influence lui ont valu l’hostilité des autorités coloniales françaises. Arrêtée, elle fut déportée à Tombouctou, au Mali, où elle mourut en 1944 à l’âge de 24 ans. En ravivant son nom, le recteur invite les universités sénégalaises à reconnaître l’importance des savoirs endogènes, des luttes féminines et de la mémoire africaine dans la construction d’un avenir plus équitable.
UNE PROPOSITION DE LOI ANTI-HOMOSEXUALITÉ EN GESTATION
Le ministre Amadou Moustapha Ndieck Sarré a annoncé que le texte de loi, fruit d'une collaboration entre Pastef et des collectifs conservateurs, sera bientôt soumis au vote parlementaire
Le ministre porte-parole du gouvernement, Amadou Moustapha Ndieck Sarré, a annoncé l’imminence du dépôt d’une proposition de loi visant la criminalisation de l’homosexualité au Sénégal.
Cette déclaration a été faite lors de son passage dans l’émission « Nay Leer » sur la Radiodiffusion télévision sénégalaise (Rts).
« La majorité des Sénégalais rejette l’homosexualité, et nous partageons cette position », a affirmé le ministre. Il a précisé que des discussions sont déjà en cours entre le groupe parlementaire de Pastef et le collectif conservateur And Saam Jikko yi, porteur du texte de loi.
« Le collectif a été reçu par les députés de Pastef. Ils ont discuté de la proposition de loi. Il ne reste plus qu’à rédiger le texte et à le soumettre au vote de l’Assemblée nationale », a-t-il expliqué.
M. Sarré a également tenu à rappeler la souveraineté du Sénégal en matière de législation sociale.
« Ni le président de la République ni le Premier ministre ne cèdent à aucune influence. Notre culture rejette l’homosexualité, et nous y sommes fermement opposés », a-t-il déclaré.
Cette sortie du ministre de la Formation professionnelle intervient au lendemain d’une manifestation organisée par le collectif Rappel à l’ordre, qui appelle à une loi plus stricte en matière de mœurs, en accord avec les croyances et les traditions sénégalaises.
UNE DÉBÂCLE QUI COÛTE CHER
L'élimination précoce des Lions du Sénégal en huitièmes de finale de la CAN 2024 en Côte d'Ivoire a lourdement pesé sur les finances de la Fédération sénégalaise de football. La trésorerie a chuté de plus de 2 milliards de francs CFA en un an
L’élimination précoce des Lions en 8es de finales de la Can-2023, organisée en 2024 en Côte d’Ivoire, a entrainé la baisse du chiffre d’affaires de la Fédération sénégalaise de football (FSF), selon le rapport financier de l’instance faitière pour l’année 2024.
En perspective de l’Assemblée générale ordinaire du 24 mai prochain, la Fédération sénégalaise de football (FSF) a publié ses rapports d’activités et financiers pour l’exercice 2024. À la date du 31 décembre 2024, marquant la fin de l’exécution budgétaire de l’année dernière, la caisse de la fédération a enregistré un solde de trésorerie de 1,817 milliard de francs CFA. Ce résultat laisse apparaitre une situation financière à la baisse par rapport à la fin de l’année 2023 où le solde de trésorerie était de 4,213 milliards.
Selon le rapport, cet écart s’explique par l’échec des Lions dans la défense de leur titre à la Can-2023 en Côte d’Ivoire. ‘’La variation négative de la trésorerie de 2 395 874 945 F CFA est due essentiellement à l’élimination précoce de l’équipe nationale A masculine à la Can Côte d’Ivoire-2024’’.
La bande à Sadio Mané a perdu en huitièmes de finale face aux Éléphants de la Côte d’Ivoire à l’issue de la séance des tirs au but (1-1, 4 tab 5), le 29 janvier 2024 au stade Charles Konan Banny de Yamoussoukro. Le bourreau des champions d’Afrique sortants avait remporté le trophée en s’imposant en finale contre le Nigeria (2-1). Ainsi, la baisse des créances de la fédération en ce qui concerne les prize money à recevoir de la Caf illustre ce manque à gagner. Si en 2023, l’instance dirigeante du football sénégalais a enregistré plus de 11 milliards de francs CFA en termes de créances relatives au prize money à recevoir de Caf Can 2025, la créance UFOA et la créance sur le ministère des Sports, celles-ci s’élèvent à seulement 1,169 milliard de francs CFA en 2024.
Cette déroute des Lions a aussi impacté sur le chiffre d’affaires de la FSF, qui a connu une baisse de 2,853 milliards de francs CFA. Il est estimé à 2,593 milliards de francs CFA en 2024 contre 5,446 milliards en 2023.
Le retard noté dans les travaux de reconstruction du stade Demba Diop a eu des conséquences sur les subventions reçues par la FSF, notamment de la part de l’État. ‘’La non-réception de la deuxième phase du stade Demba Diop et la suppression du tournoi HCCT entrainent une diminution des subventions reçues’’, a indiqué le rapport.
Lancée en mars 2023, l’exécution des travaux de reconstruction du stade, dont la fin était prévue pour juin 2025, a connu un retard. Lors d’une visite effectuée en avril dernier, le président de la FSF, Augustin Senghor, a déploré des retards accusés par les entreprises chargées du projet.
Les dépenses effectuées dans le cadre de l’exercice 2024 ont connu une baisse de plus de 603 millions de francs CFA, soit -18,02 % par rapport à 2023 où 3,346 milliards de francs CFA ont été décaissés contre 2,742 milliards de francs CFA, l’année dernière. Plus de 1,951 milliard de francs CFA a été consacré aux compétitions internationales, soit une baisse de 3,17 % (-63,931 millions de francs CFA) par rapport à 2023 où plus de 2 milliards de francs CFA ont été dépensés.
Détection des talents
La détection et la formation des jeunes talents étant un point focal de la mission de la Fédération sénégalaise de football, sa Direction technique nationale (DTN) a déroulé, en 2024, deux projets de détection pour les U13 et U15, dans le cadre du programme de détection des talents de la Fifa. En vue des JOJ 2026, la Fifa avait financé les activités de détection de la FSF pour la mise sur pied des équipes nationales de futsal en garçons et filles. ‘’En 2024, elle a encore financé nos compétitions nationales de futsal qui se sont tenues à la place de la Nation, qui a provoqué un réel engagement avec 12 équipes de filles et 12 équipes de garçons. On prit part à ce championnat les sélections nationales en garçons et filles. Pendant un mois, des compétitions ont eu lieu en cinq journées non-stop avec 10 matches par journée, ce qui fait 50 matches à la fin’’, a informé le rapport.
PAR ODOME ANGONE
CE QU’ÊTRE VILLAGEOIS(E) POUR MOI VEUT DIRE
Je m’appelle Odome Angone, je suis une villageoise née en pays fang, ngone Yendone, mone-ngone Essa-nvak, devenue universitaire, citoyenne gabonaise de nationalité espagnole, et ce n’est pas incompatible.
Je suis une villageoise née en pays fang, devenue universitaire (pour faire face à l’extractivisme cognitif), citoyenne gabonaise de nationalité espagnole.
Rembobinons :
Hier soir, pendant un moment d’échanges avec des collègues venus à Dakar pour notre école d’été décoloniale SIRA2, une conversation m’a poussé à décliner ma trajectoire personnelle, notamment la notion d’appartenance telle que je la vis et la pratique au quotidien.
Je dis souvent que je suis une villageoise en incursion à l’université. Je suis devenue enseignante-chercheuse pour plusieurs raisons :
- Par devoir de loyauté et dette communautaire pour honorer la lignée de femmes grâce à qui je dois le souffle. Je suis la 1ere femme de ma lignée de femmes à avoir brisé le plafond de verre des études universitaires, et pour rendre hommage à ma mère, à mes grands-mères, à mes aïeules, j’ai décidé d’aller jusqu’au bout.
- Maitriser mon propre narratif avec des outils endogènes
- En finir avec le faux complexe d’infériorité face à l’Occident et l’héritage colonial des diplômes universitaires
- Transmettre à la génération de ma fille et de mes nièces un capital social et culturel qui leur permettra de maitriser les codes pernicieux d’un monde élitiste et snobinard…
Je résiste aux secousses du sexisme, du racisme et du paternalisme à l’université pour faire bouger les lignes.
Etre une femme africaine universitaire peut sembler insignifiant pour ceux qui ignorent tout des plafonds de verre qui parsèment notre chemin.
Etre une femme africaine universitaire c’est devoir apprendre à recevoir des coups bas tout en ayant les outils intellectuels pour relativiser, anticiper, réagir de façon subtile sans baisser les bras.
Je résiste dans ce métier, parce qu’il me donne une illusion de liberté. L’on peut y gravir des échelons sans le quitus d’un quidam ; se déployer aux quatre coins de la planète grâce à l’usage à bon escient de sa matière grise. Cela me permet de résister et de me réinventer. Le réseau que l’on y tisse dépend de la créativité de soi.
LES BINATIONAUX, CES APATRIDES À GÉOMÉTRIE VARIABLE
Hors du portail de l’université, je me présente très souvent aussi comme une citoyenne gabonaise de nationalité espagnole. Je suis devenue espagnole littéralement sur « concours de circonstance ». J’utilise le terme « concours » parce que les formalités qui entourent le processus de naturalisation sont dignes d’un parcours herculéen fait d’examens (tests de langue et de culture générale) et de bureaucratie qui écrasent les corps de ceux qui en font la démarche.
Lorsque je dis que je suis citoyenne gabonaise, je reconnais un lien ombilical auquel je ne peux pas me soustraire, que nul ne peut me contester sauf à être de mauvaise foi.
Lorsque je dis que je suis citoyenne gabonaise, je fais référence à un territoire politique où sont enterrés mes ancêtres, mon placenta, lieu d’où je peux remonter mon arbre généalogique, là où je peux avoir l’illusion de vociférer sans que l’on ne s’avise à me dire : « rentre chez toi ! », là où je peux interpeller d’aucuns sans fléchir, là où je peux exiger au nom d’un droit du sol acquis par les hasards de l’histoire coloniale (oui, je reste très critique vis-à-vis du nationalisme et de l’intangibilité des frontières africaines).
Par-dessus-tout, je me réclame villageoise par conviction. Si je le pouvais, je vivrai littéralement au village. Un jour…
Le village, mon village, est le seul endroit au monde où je ne joue aucun rôle. Où je ne cherche pas à vernir mes rapports sociaux par peur de ne pas vexer ou de déplaire.
Au village, je vis sans m’encombrer du jeu des étiquettes et du paradigme des hiérarchies.
Au village, je peux me lever le matin, avec ma pâte d’arachide et mon manioc en main sans façon, peu m’importe.
Au village, je suis face à mon miroir intérieur, dans le pays de mon enfance.
Au village, personne ne sait vraiment ce qu’être enseignant-chercheur veut dire. Or c’est précisément aussi au village que je vais puiser la matière première de mes travaux, là où mon regard sur la science s’en trouve renouveler.
Au village, nul ne me demandera « d’où viens-tu ? ». Bien au contraire, c’est au village que je me reconnecte à l’essentiel, en guise d’autocritique et d’introspection continue.
C’est au village que je retrouve le sens véritable de la vie, où je me reconnecte à la base (dans tous les sens du terme).
Au village, je parle enfin la langue de mes entrailles, le fang. En fang, je n’ai plus besoin de traduire mes émotions par des « à peu-près linguistiques » dans une autre langue que je ne maitrise jamais assez.
Le fang est une langue très très riche. Pour une seule action on peut avoir un trésor d’expressions qui décrivent de façon poétique ce que l’on veut concrètement dire.
Le fang est aussi une langue qui s’adapte aux exigences de la dite « modernité ».
Le fang est une langue qui me permet de comprendre que l’éloquence est une rhétorique du quotidien.
Le fang est la langue qui me permet de faire lien social, de briser des frontières, d’embrasser divers modes de vie, de jouer avec les mots, de comprendre le sens consubstantiel de ce que la confiance en soi veut dire. C’est pourquoi j’ai besoin d’aller au village, pour me requinquer, pour ne pas perdre pied, pour affronter les tempêtes, pour faire face. Aller au village pour moi relève d’une démarche thérapeutique qui très souvent porte des fruits.
Parce qu’il n’y a pas d’arbre sans racines, point d’appartenance sans ancrage, être fang est pour moi un état d’esprit, un mindset qui me montre la voie.
Le Mvet-oyeng est le 1er outil de développement personnel en pays fang. Il rappelle aux membres de la communauté que nous sommes issus d’une longue lignée de héros et de héroïnes n’ayant jamais baissé les bras face à l’adversité. La théorie de l’immortalité qui s’y dégage souligne la règle des dualités qui se complètent, s’affrontent quelque fois pour se recréer. Les combats dans le Mvet disent que la contradiction est vitale, elle nous évite de nous complaire dans l’indolence de l’inertie et le piège des prêts à penser.
Je m’appelle Odome Angone, je suis une villageoise née en pays fang, ngone Yendone, mone-ngone Essa-nvak, devenue universitaire, citoyenne gabonaise de nationalité espagnole, et ce n’est pas incompatible.