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29 juillet 2025
LE COLLECTIF DES MILITAIRES INVALIDES DÉNONCE UNE INJUSTICE DANS LA CAMPAGNE "DELLO NJUKKEUL"
Ils s’insurgent contre une gestion inéquitable des 600 millions de FCFA collectés lors de la campagne de solidarité. Selon Koutaye Fall, seuls 130 grands blessés ont bénéficié d’une aide individuelle, laissant des milliers d’autres invalides sans soutien.
Le Collectif des anciens militaires invalides du Sénégal monte au créneau pour dénoncer ce qu’il considère comme une injustice flagrante dans la répartition des fonds de la campagne de solidarité « Dello Njukkeul », initiée par le chef d’état-major général des armées. Face à la presse, Koutaye Fall, président du collectif, a exprimé la profonde frustration des anciens combattants blessés en service, qui estiment avoir été « marginalisés » dans la gestion des 600 millions de francs CFA collectés dans le cadre de cette opération.
Selon Koutaye Fall, l’objectif de cette campagne, lancée au nom de la solidarité nationale, était de financer des projets structurants au profit de l’ensemble des militaires invalides, évalués à plus de 6 000. Pourtant, seuls 130 grands blessés auraient perçu une aide individuelle de 1 million de francs CFA, tandis que les autres invalides ont été laissés pour compte.
« Nous avons consacré notre vie au service de la Nation, certains d’entre nous ont perdu leur autonomie, leur famille, leurs moyens de subsistance. Cette campagne a été menée en notre nom, sans distinction, et nous n’avons pas été associés à la décision de limiter les bénéficiaires », a martelé le président du collectif.
Le collectif demande solennellement l’intervention du président de la République, afin qu’un traitement équitable soit appliqué. Il réclame le versement d’un montant de 2 millions de francs CFA à chaque invalide, en puisant sur les ressources du fonds OPEX (Opérations extérieures).
Autre point de discorde soulevé par les militaires invalides : le versement jugé « illégal » d’une allocation mensuelle de 100 000 francs CFA à certains colonels retraités depuis 2021, par l’intendance des armées. Un paiement qui, selon eux, ne figure dans aucune loi de finances initiale ou rectificative.
« On nous tue, mais on ne nous déshonore pas. Le peuple sénégalais nous doit reconnaissance », a conclu Koutaye Fall, rappelant que la solidarité ne saurait se construire sur la base de l’exclusion ou de l’injustice.
Le collectif en appelle à la transparence et à une gestion plus juste des fonds dédiés à ceux qui ont servi et souffert pour la Nation.
LA DIRECTION DU GRAND THÉÂTRE RETIRE UNE NOTE CONTROVERSÉE APRÈS POLÉMIQUE
La circulaire à l'origine du tollé interdisait formellement aux agents de l’institution le port de greffages, de perruques et la pratique de la dépigmentation.
Face à la polémique suscitée par une récente note de service interne, la direction générale du Grand Théâtre national de Dakar a tenu à apporter des précisions ce mardi, dans un communiqué officiel. La circulaire à l'origine du tollé interdisait formellement aux agents de l’institution le port de greffages, de perruques et la pratique de la dépigmentation.
Selon l’administration de l’institution culturelle, cette note visait à « encourager une appropriation par le personnel des valeurs fondamentales » du Grand Théâtre, dans le cadre de ses missions et de sa vision institutionnelle. Il s’agissait, précise-t-elle, de proposer un cadre cohérent, en phase avec les principes d’exemplarité, de rigueur et de fierté culturelle que l’établissement souhaite incarner.
Toutefois, cette initiative a été interprétée par certains comme une atteinte aux libertés individuelles, notamment sur des aspects liés à l’apparence ou à la tenue vestimentaire. La direction affirme qu’il n’a jamais été question de restreindre les droits ou de manquer de respect à la personne humaine, mais plutôt de promouvoir une image professionnelle et identitaire forte à travers ses agents, dans le strict cadre du fonctionnement interne.
Reconnaissant que la note a pu être sortie de son contexte et susciter « un sentiment d’exclusion », la direction générale du Grand Théâtre national dit regretter les incompréhensions qu’elle a pu engendrer. Elle réaffirme par ailleurs son attachement à des valeurs telles que l’inclusivité, la dignité et le respect de toutes les personnes.
En réponse aux préoccupations soulevées, et sur instruction du ministère de tutelle, la direction annonce le retrait pur et simple de la note de service concernée, afin d’assurer le respect de la législation en vigueur et la protection des droits, notamment ceux des femmes.
LE SÉNÉGAL ÉLIMINE LE TRACHOME COMME PROBLÈME DE SANTÉ PUBLIQUE
Une prouesse pour le pays, désormais neuvième en Afrique à éradiquer cette maladie oculaire évitable, grâce à des décennies d’efforts sanitaires soutenus.
Le Sénégal a franchi une étape historique en obtenant, ce 15 juillet 2025, la validation officielle de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour l’élimination du trachome comme problème de santé publique. Le pays devient ainsi le neuvième de la région africaine de l’OMS à atteindre cet objectif, rejoignant un groupe restreint mais croissant de nations ayant mis fin à cette maladie oculaire infectieuse, principale cause de cécité évitable dans le monde.
« Je félicite le Sénégal d’avoir libéré sa population de cette maladie », a salué le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l’OMS, soulignant l’impact de cette victoire dans la lutte mondiale contre les maladies tropicales négligées (MTN). Présente au Sénégal depuis le début du XXe siècle, la maladie avait été identifiée dans les années 1980 et 1990 comme une cause majeure de cécité.
Le pays avait intégré la lutte contre le trachome dans ses politiques de santé dès la création du Programme national de lutte contre la cécité, puis dans le cadre du Programme national de promotion de la santé oculaire. Grâce à la stratégie CHANCE recommandée par l’OMS – combinant chirurgie, traitement antibiotique, hygiène, et amélioration de l’accès à l’eau – le Sénégal a pu protéger 2,8 millions de personnes dans 24 districts. Cette avancée a été rendue possible avec le soutien d’acteurs clés tels que l’Initiative internationale contre le trachome et le laboratoire Pfizer.
Pour le ministre de la Santé, Dr Ibrahima Sy, cette victoire « rappelle que notre objectif reste de libérer le Sénégal des MTN », après l’élimination de la dracunculose en 2004. L’OMS continuera à accompagner le pays pour éviter toute résurgence.
Le trachome reste endémique dans 32 pays, affectant plus de 100 millions de personnes. Mais la tendance est à la baisse, signe d’un progrès sanitaire global dans les régions les plus vulnérables du monde.
BACCALAURÉAT 2025, UN TAUX DE RÉUSSITE NATIONAL DE 42,85 %
Le ministère de l’Éducation nationale a publié les résultats officiels du Baccalauréat 2025. Si Dakar caracole en tête avec 57,07 % de réussite, d’autres régions comme Kolda, Kaolack ou Ziguinchor affichent des taux nettement plus faibles.
Le ministère de l’Éducation nationale a rendu publics les résultats officiels du Baccalauréat 2025 par académie. Cette année, le taux de réussite global au niveau national s’établit à 42,85 %, une performance mesurée à travers les résultats des 16 académies que compte le Sénégal.
Sans surprise, l’académie de Dakar domine le classement avec un taux de réussite de 57,07 %, suivie par Pikine-Guédiawaye (48,72 %) et Diourbel (45,05 %). Ces régions confirment leur position comme pôles éducatifs performants, tant par la qualité des infrastructures que par l’encadrement pédagogique.
À l’inverse, certaines académies enregistrent des taux particulièrement bas. Kolda ferme la marche avec seulement 31,90 % de réussite, juste derrière Kaolack (34,87 %) et Ziguinchor (34,90 %). Ces chiffres mettent en lumière des disparités préoccupantes dans le système éducatif sénégalais, notamment en zones périphériques ou rurales.
Selon le ministère, ces données serviront de base à des réajustements stratégiques dans la conduite des politiques éducatives. Des efforts ciblés sont attendus dans les régions les moins performantes afin de réduire les écarts et d’assurer une éducation équitable sur l’ensemble du territoire.
Le Baccalauréat reste un indicateur clé de l’état du système éducatif national. Ce taux de réussite, bien qu’en légère progression par rapport à certaines années précédentes, rappelle les défis persistants liés à la qualité de l’enseignement, à la formation des enseignants et à l’accès aux ressources pédagogiques.
PAR MAMOUDOU IBRA KANE
OBJECTION, MAÎTRE !
C’est la mort dans l’âme que je m’oblige à répondre à mon grand frère, Me Ciré Clédor Ly. Je me garderai toutefois de toute irrévérence à son endroit. Mon objection fait suite à sa tribune ou plutôt à son pamphlet intitulée "Devoir de convergence".
C’est la mort dans l’âme que je m’oblige à répondre à mon grand frère, Me Ciré Clédor Ly. Je me garderai toutefois de toute irrévérence à son endroit. Mon objection fait suite à sa tribune — ou plutôt à son pamphlet — intitulée, ici, « Le devoir de convergence » (Seneweb), là, « Aucune révolution ne peut réussir si l’ancien régime n’est pas détruit et ses vestiges nettoyés » (Emedia et Senego). Mon aîné, Me Ciré Ly, voudra bien, en passant, nous préciser à quel titre de son article nous devons nous fier.
Permettez d’abord que j’adresse respectueusement mes salutations fraternelles et amicales au brillant avocat et au citoyen exemplaire qu’il est. Mais ma plume ne s’attardera pas sur ses qualités professionnelles et humaines, que tout le monde lui connaît et lui reconnaît. Pour ma part, ce sentiment de reconnaissance ne date pas d’aujourd’hui.
Avant d’aller plus loin, je tiens également à préciser que je n’appartiens ni à l’ancien régime ni au nouveau. Ceux qui sont à « détruire » et à « nettoyer » devront parler en leur nom et qualité. Encore que, par les temps qui courent, l’on peut légitimement se demander si nous ne serions pas tous passibles de « destruction », d’« effacement » et de « nettoiement ». Paraphrasant deux jeunes rappeurs aux textes révolutionnaires du début des années 90, Didier Awadi et Doug E. Tee, je dirai donc : « Douma APR, douma Pastef. Je suis DCM. »*
Mais je peux aussi dire que je suis du passé, du présent et du futur de notre pays. A ce que je sache, le Sénégal n’a pas déménagé et ne va pas déménager par le simple fait qu’il y a un changement de régime. Il faut arrêter cette dichotomie insensée entre «les bons», parce qu’ils sont du «nouveau» et «les mauvais», parce qu’ils sont de l’«ancien». En lisant Maître entre les lignes, j’ai fini par comprendre que le pouvoir issu de mars 2024 vit un syndrome qu’il cherche à refouler (Freud), le syndrome de la crise telle que décrite par Gramsci : « L’ancien meurt et le nouveau ne peut (ou ne veut) pas naître. »
Quant au fond, Me Ciré Clédor Ly écrit à la fois joliment et imprudemment : « Il n’y a pas eu de troisième alternance au Sénégal, mais plutôt une révolution. » Chiche ! Mais de quelle révolution s’agit-il ? De celle qui est déjà trahie par… ceux-là mêmes qu’elle a enfantés ?
Faisant la politique de l’autruche, il ne trouve d’autre explication à l’échec matinal (déjà ?) des « révolutionnaires » que d’avancer cette étonnante sentence : « Le Sénégal semble avoir failli dès le commencement de cette nouvelle étape, en maintenant au sein de l’appareil d’État, notamment dans l’administration, la sécurité, le renseignement et la justice, des bras armés et des esprits du régime déchu. » Un aveu d’échec ne saurait être plus clair.
Parlons peu, bien et précis. Il y a quelque chose de plus préoccupant dans le propos du plaideur : il ne se contente pas d’appeler à une chasse aux sorcières façon maccarthysme. Il plaide également — et surtout — pour l’instauration d’un règne de terreur, via des « purges staliniennes ». Dans son viseur figurent en bonne place « la sécurité, le renseignement et la justice » ; autrement dit, les piliers qui, toujours, veillent quand les politiciens se querellent et tiennent debout quand le pays vacille.
Tant qu’à faire, cher Maître, faudra-t-il inclure dans les « vestiges » à « nettoyer » les deux généraux membres de l’actuel gouvernement, titulaires respectivement des portefeuilles des Forces armées et de l’Intérieur ? Faut-il envoyer au poteau tous les généraux et inspecteurs généraux de police dont les têtes sont mises à prix par les « révolutionnaires » ? Et pendant que vous y êtes, n’oubliez pas les « sages » du Conseil constitutionnel, les hauts magistrats de la Cour suprême, et tous ceux de la magistrature debout comme assise !
Summum de l’excès : le grand avocat, donc défenseur des droits humains, s’en prend à ses propres compagnons de combat. « L’État, écrit-il, semble avoir aussi manqué de vigilance face à certaines organisations présentées comme issues de la “société civile”, mais qui dissimulent en réalité des réseaux d’influence défendant des intérêts occultes. En instrumentalisant des principes humanitaires qu’elles détournent de leur finalité, ces cellules dormantes contribuent à brouiller les repères et à fragiliser les fondements mêmes de la Nation. »
Accusés de f**iers, levez-vous !
On a tout compris : Me Ciré Clédor Ly reprend, avec ses mots et sa finesse, les attaques non voilées du Premier ministre contre tout et tous. Il en a le droit, si cela lui chante. En revanche, ce qui est assourdissant, c’est son silence sur les critiques proférées par le chef du gouvernement à l’encontre du président de la République. Il ne s’agit pas ici de défendre Bassirou Diomaye Faye, en tant que compagnon politique du Premier ministre ou président de Pastef, Ousmane Sonko. L’un — le mentor — et l’autre — le lieutenant — sont les deux faces d’une même pièce. Ce qui choque, c’est l’abandon, par l’avocat et citoyen Ciré Clédor Ly, de sa charge de défendre et de protéger le chef de l’État, clé de voûte des institutions.
À moins que, sur l’« autorité » du président Faye, Me Ly ne pense exactement comme le locataire du « Petit palais », qui semble vouloir occuper, ici et maintenant, le « Grand palais ». Sinon, quel entendement faut-il avoir de l’ultimatum « qu’il me laisse gouverner », lancé par le PM ?
Aucun démocrate doublé de républicain n’a le droit de se taire sur cette tension au sommet de l’État, exposée publiquement par le Premier ministre lui-même. N’en déplaise à ceux qui refusent de voir la réalité en face, on ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec la crise de décembre 1962. Même si le président Léopold Sédar Senghor et le président du Conseil Mamadou Dia avaient une épaisseur politique et intellectuelle certaine, ils n’avaient pu éviter le clash qui ébranla sérieusement les fondements de la République. Toute proportion gardée, cette référence historique devrait éclairer l’enjeu actuel : primauté de l’État sur le parti, ou primauté du parti sur l’État ?
Dans le Sénégal de 2025 — où c’est la Constitution qui régit tous les pouvoirs — le Premier ministre se soumet à l’autorité du président de la République ou il se démet. Inversement, le président de la République exerce pleinement ses prérogatives, y compris à l’endroit du Premier ministre, ou alors il démissionne. Son pouvoir de délégation adossé à son bon vouloir, c’est un autre débat. Si les institutions valent ce que valent les hommes et femmes qui les incarnent, il importe aussi de bien comprendre dans quel régime nous évoluons.
Ceux qui veulent « un Premier ministre super fort » — pour citer le chef de l’État lui-même (habileté politique ou maladresse ?) — doivent alors changer de régime politique, voire de république... ou de pays. Voilà une question de fond que Me Ciré Clédor Ly a sciemment occultée dans sa démonstration.
Quand on garde le silence sur un tel débat, il n’est pas étonnant que l’on se taise aussi sur les intimidations, les convocations, les gardes à vue, les mandats de dépôt systématiques, les emprisonnements, la justice à géométrie variable ; autant de dérives autoritaires contre opposants, activistes, chroniqueurs, journalistes et médias. Ces persécutions ne sont pas l’apanage des anciens régimes : le nouveau s’y adonne à son tour avec zèle. Mais croire que les Sénégalais renonceront à exercer leurs droits et libertés au nom de « la Révolution », c’est se tromper de pays et d’époque.
La vérité, c’est que le chef de la soi-disant révolution veut nous imposer un Parti-État — pire, un État-Pastef. Il l’a dit haut et fort devant le Conseil national de Pastef. Même les sourds l’ont entendu. La Chine ne serait-elle pas une inspiration, dans un sens ou dans l’autre ?
Maître, où est donc passée votre volonté de rupture avec le système, quand l’anti-système prôné tend à s’ériger… en système « pastéfien », par le biais d’une pastéfisation de l’État, des institutions et de l’administration ?! Voilà une nouvelle tromperie du peuple sur laquelle vous choisissez de garder le silence.
Passons sur votre omission volontaire de la grave situation économique et sociale : état exsangue des finances publiques, campagne agricole chaotique, chômage des jeunes, désenchantement de la diaspora, enterrement de la promesse d’abrogation de la loi d’amnistie via une loi interprétative scandaleuse. Que dire du train de vie indécent des gouvernants et du concours de « sagnsé » auquel ils se livrent au quotidien ? Avez-vous vu les ports et les corps du trio au sommet de l’État ? Pendant ce temps, les ménages et les secteurs essentiels comme la santé et l’éducation sont à la diète. J’allais oublier les mauvais résultats du bac. Mais, à l’image de l’hivernage, ils diront que ce n’est pas « notre baccalauréat ». Même l’enquête sur la mort des trois jeunes de Cambérène et Rosso, victimes présumées de bavures policières, risque d’être classée sans suite.
La jeunesse que vous convoquez dans votre texte — je n’ose croire que vous cherchiez à l’endormir — s’est réveillée. Celle qui avait rêvé de rupture, de changement systémique, de souverainisme, découvre, comme dans un brutal réveil, une toute autre réalité : « Le Projet » n’a ni contenu ni contenant. Il est une chimère. D’est en ouest, du nord au sud, de nombreux jeunes savent désormais à quoi s’en tenir. Certains continuent, hélas, de risquer leur vie dans les mers et les déserts.
Rassurez-vous, cher Maître, je ne suis ni pamphlétaire, ni polémiste, encore moins nihiliste. Au contraire, je suis attaché à la co-construction par le débat démocratique et à la marche du pays vers un mieux-être. C’est pourquoi je vous rejoins sur la nécessité de rendre justice aux victimes des massacres, tortures, arrestations illégales, détentions arbitraires, traitements inhumains, disparitions forcées et violations graves de la vie privée. Mais encore faut-il que toutes les responsabilités soient situées, dans le strict respect de l’État de droit. Pas de justice sélective, pas de justice des vainqueurs. Mais ne risque-t-on pas d’attendre cette justice comme on attendrait Godot ? L’enterrement de première classe réservé par « la Révolution » à son propre engagement d’abroger la loi d’amnistie du 6 mars 2024 ne rassure guère. Je suis sûr que cette crainte est aussi la vôtre.
À propos de révolution, qui est la trame de votre virulente tribune, Pierre-Victurnien Vergniaud disait : « La Révolution est comme Saturne : elle dévore ses propres enfants. » Tout comme un certain Me Ciré Clédor Ly sous le nouveau régime du Sénégal du XXIᵉ siècle, Vergniaud était avocat sous l’Ancien Régime de la France du XVIIIᵉ siècle. La comparaison s’arrête là. Homme politique de premier plan de la Révolution française de 1789, celui qui proclama « la Patrie en danger » mourut guillotiné le 31 octobre 1793.
LE SÉNÉGAL REPREND DES COULEURS SUR LES MARCHÉS
Après avoir subi une deuxième dégradation de S&P en cinq mois lundi, les obligations du pays se redressent sur l'espoir d'un recalcul économique qui pourrait transformer les perspectives de dette
(SenePlus) - Les marchés financiers sénégalais ont connu un regain d'optimisme lundi après que le ministère des Finances a annoncé qu'un recalcul des données économiques pourrait améliorer les ratios de dette du pays. Cette perspective intervient alors que l'agence de notation S&P Global Ratings vient de dégrader pour la deuxième fois en cinq mois la note souveraine du Sénégal.
Les obligations en dollars du Sénégal échéant en 2033 ont vu leurs rendements chuter drastiquement de 31 points de base pour atteindre 13,45%, s'éloignant ainsi des niveaux records atteints après l'annonce de la dégradation de S&P, selon Bloomberg. Cette réaction positive des marchés s'explique par l'annonce du ministère des Finances concernant un rebasage du produit intérieur brut qui sera achevé "dans les prochains mois".
S&P a abaissé la note du Sénégal de B à B-, la plaçant au niveau le plus bas depuis que l'agence a commencé à évaluer le pays en 2000. Cette décision fait suite à la révélation d'un niveau d'endettement plus élevé que prévu, avec un ratio dette/PIB qui a bondi à 119% en 2024 selon les dernières données budgétaires citées par Barclays, bien au-dessus des 99,7% indiqués pour 2023.
L'audit des finances publiques mené par l'administration du président Bassirou Diomaye Faye a mis en lumière les manipulations comptables du précédent gouvernement de Macky Sall. Cette découverte a contraint le Fonds monétaire international (FMI) à suspendre en octobre son programme de 1,8 milliard de dollars accordé au Sénégal.
Toutefois, les discussions avec le FMI se poursuivent "de manière constructive", selon le ministère des Finances. Marco Ruijer, gestionnaire de portefeuille chez William Blair Investment Management, estime que "beaucoup de mauvaises nouvelles sont connues et déjà intégrées dans les prix, donc nous pensons que la dégradation elle-même n'était peut-être pas une grande surprise".
L'exercice de rebasage du PIB, "qui est en préparation depuis un certain temps, fournira une image plus précise de la taille de l'économie sénégalaise", a déclaré le ministère des Finances dans une réponse par courriel à la dégradation de S&P. Cette révision statistique pourrait considérablement améliorer les ratios d'endettement du pays en augmentant mécaniquement la taille de l'économie.
"Nous nous attendons à ce que cela améliore probablement certains des indicateurs de dette, ce qui pourrait aider à obtenir un programme du FMI", a souligné Marco Ruijer, faisant référence au rebasage du PIB.
Malgré cet optimisme, le Sénégal fait face à des besoins de financement exceptionnels d'environ 2 milliards de dollars selon son projet de loi de finances 2025. La suspension du programme du FMI a également limité son accès aux marchés internationaux de capitaux, l'obligeant à se tourner vers des prêts plus coûteux et à lever des fonds sur le marché régional ouest-africain des valeurs mobilières (BRVM).
S&P justifie sa décision en expliquant que "malgré des perspectives de croissance économique encore solides, nous considérons maintenant que la position budgétaire du Sénégal est plus contrainte, laissant les finances publiques du pays plus vulnérables aux chocs économiques et financiers adverses potentiels à l'avenir". L'agence estime désormais que la dette représente 118% du PIB en 2024.
Le ministère des Finances a néanmoins souligné que le pays a pu mobiliser "des ressources substantielles" auprès de partenaires externes et sur le marché obligataire local depuis le début de l'année, témoignant d'une certaine confiance des investisseurs malgré les turbulences.
LE SÉNÉGAL ET LA FRANCE VEULENT RÉINVENTER LEUR PARTENARIAT
Présent à la célébration du 14 juillet à Dakar, Mary Teuw Niane, directeur de cabinet du président sénégalais, a affirmé la volonté des deux pays de bâtir une coopération renouvelée, fondée sur la souveraineté, l’innovation économique...
Le Sénégal et la France se sont inscrits dans une perspective de renouvellement de leur partenariat à travers des actes concrets d’une coopération répondant aux exigences de l’heure, a souligné Mary Teuw Niane, le directeur de cabinet du président de la République.
‘’Face à des contextes nationaux nouveaux, des populations plus exigeantes et des situations régionales et internationales particulièrement complexes, le Sénégal et la France doivent réinventer leur partenariat et saisir les nouvelles opportunités qui existent’’, a-t-il notamment indiqué.
Représentant l’Etat sénégalais à une réception organisée à la résidence de l’ambassade de la France à Dakar dans le cadre de la fête nationale française, M. Niane a relevé que les questions prioritaires d’adaptation aux changements climatiques, de sécurité et de gestion des migrations, entre autres, constituent des défis majeurs à relever ensemble.
‘’Je suis heureux de pouvoir affirmer que nos deux gouvernements se sont déjà inscrits dans cette perspective et posent les actes concrets d’une coopération renouvelée, toujours dynamique et répondant surtout aux exigences de l’heure’’, a dit le directeur de cabinet du président de la République.
Il assure en avoir pour preuve ‘’la gestion exemplaire du processus de rétrocession des emprises militaires françaises à Dakar, fruit de la convergence de vues des plus hautes autorités politiques de nos deux pays et qui a été parfaitement mise en œuvre par nos hiérarchies militaires respectives’’.
Mary Teuw Niane a martelé qu’au plan économique, la volonté de renouveler le partenariat bilatéral été réaffirmée lors de l’audience que le Premier ministre, Ousmane Sonko, a accordée dernièrement à Nicolas Dufourque, directeur général de BPI France.
‘’A cette occasion, il a été convenu de renforcer notre partenariat économique dans une vision commune, bâtir une coopération respectueuse de la souveraineté des deux pays, axée sur la transformation industrielle, le soutien aux PME locales et la création d’emplois durables’’, a-t-il fait valoir.
Les prochaines rencontres bilatérales à l’agenda, telles que le séminaire intergouvernemental, constituent des occasions précieuses pour continuer les échanges et fixer ensemble les priorités dans le cadre d’une coopération toujours plus dynamique et efficace, a-t-il dit.
De nombreux acteurs politiques, de la société civile et du monde culturel ont répondu à l’invitation de l’ambassade française à l’occasion de la célébration ce 14 juillet de la fête nationale de la France.
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BIRAM DAH ABEID SOUS PRESSION À DAKAR
Convoqué par le ministère sénégalais de l'Intérieur suite aux plaintes mauritaniennes, l'opposant Biram Dah Abeid se dit prêt à quitter le Sénégal si l'ordre lui était donné. L'affaire indigne la société civile sénégalaise
La capitale sénégalaise aurait-elle cédé aux pressions de Nouakchott ? Cette question agite les milieux politiques et associatifs après la convocation de Biram Dah Abeid, opposant mauritanien de premier plan, par le ministère sénégalais de l'Intérieur.
Selon un communiqué publié par l'Initiative de Résurgence Abolitionniste, le mouvement dirigé par Biram Dah Abeid, ce dernier a été convoqué il y a quelques jours par le ministre de l'Intérieur sénégalais. Lors de cette rencontre, les autorités sénégalaises lui ont fait part des plaintes formulées par le gouvernement mauritanien concernant des déclarations qu'il aurait tenues, sans toutefois préciser la nature exacte de ces propos.
Le député mauritanien, habitué des séjours à Dakar, a réaffirmé sa volonté de ne pas s'immiscer dans les affaires intérieures du Sénégal. Néanmoins, il a fait savoir qu'il quitterait le territoire sénégalais si une injonction officielle lui était adressée en ce sens.
Biram Dah Abeid n'est pas un opposant ordinaire. Figure emblématique de la lutte contre l'esclavage en Mauritanie, il s'est hissé au rang de principal adversaire du pouvoir en place à Nouakchott. Lors des dernières élections présidentielles mauritaniennes, il a d'ailleurs terminé en deuxième position.
Ses séjours réguliers au Sénégal s'inscrivent dans une tradition d'accueil des opposants politiques africains par Dakar, une pratique qui semble aujourd'hui remise en question.
Cette convocation a suscité de vives réactions au sein de la société civile sénégalaise. Les membres contactés par France 24 ont d'ailleurs exprimé leur consternation face à cette situation, rappelant que "le Sénégal a toujours été un pays d'accueil pour les hommes politiques africains".
Le FRAPP (Front pour une Révolution Anti-impérialiste Populaire et Panafricaine), a manifesté son inquiétude suite à cette convocation. Le mouvement appelle les autorités sénégalaises à protéger Biram Dah Abeid et à lui garantir sa liberté de mener ses activités sur le territoire sénégalais.
LE GOUVERNEMENT ACCUSE DE DÉNATURER LE PROJET DE LOI SUR L’ACCÈS À L’INFORMATION
Le Forum Civil alerte sur les écarts entre l'avant-projet élaboré par la société civile et le texte actuellement entre les mains du gouvernement, appelant à une révision conforme aux engagements pris par le Sénégal
La société civile s’investit à travers le Forum civil, pour que la loi sur l’accès à l’information soit votée. c’est dans ce cadre qu’une rencontre d’échanges vient de réunir à Thiès les différents acteurs autour de l’avant-projet. Mais Daouda Diop, chargé de programme au Forum civil, relève que le projet de texte qui est entre les mains du gouvernement est différent de l’avant-projet sur lequel les acteurs sont tombés d’accord. Et avec la rencontre de Thiès, il s’agit d’identifier les manquements, de rediscuter, de revoir tous les contours de cette problématique.
Les revenus susceptibles d’être mobilisés par le Sénégal, à travers l’exploitation du gaz et du pétrole, sont de nature à accélérer sa longue marche vers l’autonomie, par l’augmentation de l'investissement public. Cependant, le risque d'attentes démesurées met en évidence un besoin de transparence et de responsabilité dans la prise de décision etla hiérarchisation des priorités. Cet objectif ne peut pour autant être atteint, sans la contribution de tous les acteurs, parlementaires, gouvernementaux, institutionnels, de la société civile et de la presse et de ce point de vue, il est nécessaire de renforcer leurs capacités sur les avants projets de texte sur l’accès à l’information. C’est tout le sens de la rencontre d’échanges de Thiès, initiée par le Forum Civil. Selon Daouda Diop chargé de programme au niveau du forum civil, c’est dans le cadre de la mise en œuvre d'un programme dit «à égalité», financé par OXFAM.
A l’occasion de cette rencontre de Thiès, il souligne qu’il s'agit de voir comment faire un plaidoyer, pour que la loi sur l'accès à l'information puisse être votée. En clair, l'idée consiste à revoir les avant-projets ou le projet de texte, qui est dans le circuit du gouvernement. Dans la même veine, il renseigne que depuis un certain temps, la société civile, à travers le forum civil, s'est beaucoup investi dans le processus, allant dans le sens d'élaborer un avant-projet de texte sur l'accès à l'information. Cela a été fait depuis un certain temps avec d'autres acteurs comme Article 19, et qui sont dans le partenariat dit "Pour un Gouvernement Ouvert"(PGO). «Mais le constat est que depuis un certain temps, après que les acteurs ont fait ce travail, le projet de texte qui est entre les mains du gouvernement, et susceptible d'être adopté en conseil des ministres, n'est pas le même. En tout cas, il ne contient pas l'ensemble des dispositions qui étaient dans l'avant-projet de texte sur lequel les acteurs sont tombés d’accord. C'est la raison pour laquelle nous sommes à Thiès, notamment la société civile, certains acteurs de l'administration, mais également les médias, pour rediscuter et revoir tous les contours de cette problématique. C'est pour voir quels sont les manquements, pour la conformité à laquelle le Sénégal a souscrit, notamment la loi modèle de l'Union Africaine (UA), mais également d'autres dispositions pertinentes relatives aux conventions internationales souscrites par le Sénégal», a expliqué le chargé des programmes du Forum Civil.
L'idée de la rencontre de Thiès, c'est donc, à l’en croire, de discuter, laisser la parole aux acteurs après avoir présenté le projet, les limites mais également les différentes exceptions qui sont dans le projet, les laisser discuter, formuler des propositions, des recommandations, pour que le gouvernement du Sénégal puisse aller dans le sens du vote d'une loi sur l'accès à l'information. Il informe que le président de la République a fait deux sorties à travers lesquelles il a évoqué quatre principales textes que le gouvernement devait prendre en compte dans un temps réduit. Il y a le projet de texte sur la protection des lanceurs d'alertes, mais également le texte sur l'avant-projet de loi sur l'accès à l'information. «Donc nous rappelons au président de la République et au gouvernement les engagements qu'ils ont pris par rapport à l'adoption de ce texte, parce que c'est un processus qui date depuis plus de 10 ans. Si la plus haute autorité évoque ce texte, nous pensons qu'il est donc dans les dispositions de pouvoir aller dans le sens de l'adopter. Mais nous aimerions également que ce texte puisse être revu, rediscuté, pour une conformité avec les nouvelles dispositions ou les standards internationaux, relatifs à l'information », a-t-il fait savoir.
« Avec cette loi, un citoyen peut saisir les juridictions dediees, en cas de refus par une industrie extractive, de delivrer l’information demandée »
D’après Daouda Diop, cette loi devrait forcément permettre aux populations de bénéficier de plus de retombées des industries extractives. C'est parce que pour demander plus, il faut une maîtrise minimum des informations. L'accès à l'information est donc pour lui, un pilier fondamental, pour pouvoir parler de transparence et de recevabilité, parce qu’on ne peut pas en parler sans que les citoyens ne puissent avoir l'accès à l'information. C'est en effet cette information qui leur permettra de pouvoir évaluer les politiques publiques, le travail que le gouvernement est en train de faire à travers les actions publiques, les missions qui lui sont confiées. Mais relativement aux industries extractives, le chargé de programme au Forum Civil soutient que cette loi pourrait renforcer le dispositif déjà en place. Il y a déjà un dispositif relatif aux industries extractives, à travers l'adhésion du Sénégal à l'Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE), qui propose un certain nombre d'exigences et de divulgation d'informations.
En tout cas, il laisse croire que le Sénégal est en train de travailler dans ce cadre, mais la loi sur l'accès à l'information pourrait renforcer ce dispositif. «Dans la situation actuelle, si un citoyen voudrait avoir une information dans le secteur extractif et que cette information lui soit refusée, il n'a pas a priori les possibilités de pouvoir porter un recours auprès des juridictions, en tout cas auprès des personnalités ou des autorités dédiées, pour pouvoir avoir cette information. Donc c'est la loi sur l'accès à l'information qui permettra aux citoyens de pouvoir, une fois que l'information demandée lui est refusée, d’aller devant les instances ou les juridictions dédiées, pour émettre des recours qui leur permettraient de pouvoir être satisfaits, par rapport à cette information dont ils ont besoin», at-il mentionné.
LE DUR CHOIX ENTRE LE PARTI ET L’ÉTAT
"Le parti, c'est l'État" selon Ousmane Sonko qui veut des "espaces" de concertation avec Pastef sur les orientations gouvernementales. Une vision que ne partage pas Bassirou Diomaye Faye, déterminé à gouverner en président de tous les Sénégalais
Au-delà des dossiers judiciaires qui divisent le binôme au sommet, Pastef les patriotes fait face à des divergences profondes autour de la primauté de l’Etat ou du Parti. Alors que Sonko veut que le parti soit au cœur de la gestion l’Etat, Diomaye veut être au-dessus de la mêlée.
Élu le 24 mars à la tête de la République du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye n’avait pas perdu du temps pour se libérer de ses fonctions au sein de son parti “Les patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef)”. Dès le 26 mars, soit deux jours après son élection, la presse rapportait sa démission, tout en précisant qu’il reste un membre simple. Par cet acte, disait-il lors de son discours à la Nation du 3 avril 2024, il entendait se “mettre au-dessus de la mêlée”. Et dans le même sillage, il avait appelé à de larges concertations non seulement sur la Justice, mais aussi sur le système politique.
Cette décision, elle n’est pas tombée ex nihilo. Depuis plusieurs années, elle est une doléance de la société civile et de plusieurs forces vives de la Nation. En 2012, elle faisait partie des recommandations fortes des Assises nationales, avant d’être reprise plus tard par la Commission nationale de réforme des institutions présidée à l’époque par le président Amadou Makhtar Mbow. Cette recommandation, le candidat Bassirou Diomaye Faye l’avait endossée, en signant la charte des assises nationales lors de la dernière présidentielle. A date, sa matérialisation constitue l’un des actes forts du président Faye depuis qu’il est à la tête de ce pays. A plusieurs reprises d’ailleurs, cet acte a été magnifié par le Parti qui s’en prévaut comme un acquis important de l’an 1 du président.
Diomaye au dessus de la mêlée, Sonko dans la mêlée
Mais si Diomaye s’efforce depuis lors de rester au-dessus de la mêlée, son Premier ministre, lui, n’a jamais cessé d’être dans la mêlée. En soi, on ne saurait le lui reprocher puisqu’il est encore le président de son Parti. Le problème, c’est de vouloir remettre en cause la volonté présidentielle, faisant fi des engagements que le parti a toujours pris. De l’avis du président de pastef, ce serait une grave erreur pour Diomaye de s’éloigner du parti qui l’a mené au pouvoir. Tous les présidents qui ont perdu le pouvoir ont été victimes de ce phénomène, selon lui, avec un leader qui s’éloigne de sa base, à cause des manoeuvres du système.
La conviction de Sonko en fait, c’est qu’il n’y a pas de dichotomie à faire entre le parti et l’État. “...Quelqu'un a parlé de l'État et du parti. Maintenant, on parle d'Etat parti pastef. On en parle comme si c'était une anomalie alors que c'est ce qui est normal, parce que les gens ont élaboré leurs programmes, ils se sont battus et obtenu la confiance des citoyens…. Il faut avoir le courage de travailler avec ceux qui croient au programme; il faut aussi assumer cette responsabilité: les échecs et les réussites”, lâche le président de Pastef, s’empressant d’ajouter pour se justifier: “Ce n'est pas une affaire de partage de postes. Nous parlons de travailler pour les Sénégalais….”
Diomaye avait démissionné du BP du Parti, Sonko veut des réunions avec le parti pour définir les orientations de l’Etat
C’est là une divergence profonde entre Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye. Depuis qu’il est à la tête du Sénégal, Faye a rappelé à plusieurs occasions sa volonté d’être à équidistant des Sénégalais, de veiller à une administration juste de l’institution judiciaire. Pour Diomaye, 64 ans après les indépendances, “le moment est venu de tirer les leçons de nos réussites et de nos échecs, pour une gouvernance publique plus moderne, plus républicaine et plus respectueuse des droits humains.” C’est dans ce cadre qu’il avait inscrit les assises de la Justice tenues il y a un peu plus d’un an, montrant ainsi la haute importance qu’il accorde à l’indépendance de la Justice. En dehors de sa sortie malencontreuse dans laquelle il justifiait les pressions contre la Justice, Diomaye s’est très peu immiscé - en tout cas publiquement- dans le fonctionnement de cette institution.
D’ailleurs, dans cette sortie, il allait à la rescousse des membres de son parti qui ne cessaient d’accabler le ministre de la Justice en l’accusant d’être trop lent -pour ne pas dire faible- dans la reddition des comptes. Un point de vue réaffirmé par le Premier ministre dans sa dernière sortie. Pour lui, il y a plusieurs personnes de l’ancien ministre qui devaient être en prison et qui ne sont toujours pas inquiétées.
Digérant très mal certaines décisions de justice défavorables à son camp, le président de Pastef ne rate plus une occasion pour rappeler que c’est le parti qui est aux commandes, que les fonctionnaires doivent être des exécutants dans sa conception de l’État. “...Ce que j'ai dit est valable pour tous les pays. Quand vous prenez le pouvoir, vous venez avec votre programme, votre vision, vos équipes. Durant le temps de votre mandat, l’administration est un instrument pour appliquer votre vision”, argue-t-il avant de souligner avec force: “...C'est pourquoi durant cette période c'est vous l'État. C'est vous l'État. Même si le pouvoir est exercé dans le cadre des lois et règlements, c'est à vous de dire à l’administration ce que vous voulez et elle doit s'exécuter. C'est valable pour les hauts fonctionnaires comme pour tout le monde.”
Le parti va-t-il tuer l’État ?
De l’avis d’Ousmane Sonko, le parti doit donc être placé au cœur des affaires. “On ne doit pas exclure le parti dans la marche de l'État. On doit avoir des espaces où le Premier ministre, le PR, certains responsables discutent des orientations et des décisions”, soutient le Premier ministre qui insiste: “Rien ne doit échapper aux responsables du parti. Ils doivent savoir quelle est la politique diplomatique du pays, quelles sont nos préoccupations sécuritaires... sinon on fera ce que les autres faisaient et ça va produire les mêmes résultats.”
“Nous sommes un parti de combat. Nous nous sommes battus pour accéder au pouvoir. Nous allons continuer ce même combat pour réaliser nos engagements vis à vis du peuple.” Ousmane Sonko l’a réaffirmé avec force pour rappeler aux fonctionnaires qu’ils doivent se soumettre. Pastef, selon lui, s’est battu pendant trois ans pour faire fléchir l’État en étant dans l’opposition.
Dans ce combat, il compte d’abord et avant tout sur ses militants. Appelant les responsables à mouiller davantage le maillot pour faire face à ce qu’il considère comme une résistance du système, il estime qu’il est fondamental que le Parti conserve son identité et son âme. Cette identité et cette âme, il serait le mieux placé pour la définir. “Je suis le mieux placé pour dire quelle a été la ligne tracée pour le parti. Si quelqu'un ne se sent plus dans cette ligne, il n’a qu'à quitter. Le parti restera un parti de combat comme il l'a été dans l'opposition. Nous allons le rester pour réaliser les engagements”, soutient-il, martelant à qui veut l’entendre que “parti bi moo moom mbir yi.” C’est à dire que le parti doit être aux manettes.
Ce que disaient Diomaye et Sonko
Il faudrait remonter à la conférence de presse conjointe à la veille de l’élection présidentielle pour comprendre un peu mieux les divergences d’approches entre les deux personnalités au sommet de l’État. Il ressortait déjà des propos de Sonko à l’époque que lui a parfois pensé à des représailles en cas de victoire, mais Diomaye lui a toujours été contre toute idée de représailles. Et c’est le président de Pastef lui même qui raconte: ‘...Comme Diomaye ne parle pas beaucoup, certains avaient peur de lui, disait-il non sans ironie. Mais je tiens à les rassurer que Diomaye est bien moins sévère….”
Pour justifier son propos, il rappellait les échanges lors d’une réunion entre lui, Birame Souleye Diop et Diomaye. “...A l'époque, la répression était infernale. Je leur ai dit: si jamais on prend le pouvoir ils vont le regretter ces gens. Diomaye me dit: non président; il faut oublier ça. Il n'y aura pas de chasse aux sorcières. Pas de vengeance....” En prison, Ousmane a remis le sujet sur la table -cette fois pour le tester et voir si sa position a changé selon ses dires- mais la réponse a été la même. “Il m’a dit: jamais président. Nous ne devons pas commettre les mêmes erreurs que nos prédécesseurs. Si on prend le pouvoir, nous devrons laisser la justice faire son travail. Nous ne devons pas être là à chercher à nous venger. Je tenais à faire ce témoignage”, rapportait Ousmane Sonko.
Ousmane semblait finalement rejoindre son poulain, en affirmant qu’il n’y aura pas de vengeance. Mais aujourd’hui, c’est lui qui essaie de mettre la pression sur la Justice pour accélérer la reddition des comptes. Pour les décisions favorables à son camp, il garde souvent le silence, mais pour les décisions défavorables, il monte au créneau, allant jusqu’à parler de manque d’autorité pour commenter certaines décisions ou inerties.