EN GUINÉE, LA CHUTE D'ALPHA CONDÉ, TRAHI PAR SES PROPRES CERBÈRES
Le despote a été renversé. La junte, dirigée par un ex-légionnaire de l’armée française, que Condé avait recruté pour ses forces spéciales, a promis des lendemains qui chantent au peuple guinéen, partagé entre soulagement et crainte d’une dérive sanglante
S’il ne s’était pas accroché au pouvoir, Alpha Condé aurait pu rester dans l’histoire de la Guinée comme son premier président élu démocratiquement. C’était en décembre 2010, à l’issue d’une transition militaire violente et rocambolesque et d’un processus électoral chaotique. Il succédait alors à deux despotes qui avaient régné d’une main de fer jusqu’à leur mort, Ahmed Sékou Touré et Lansana Conté, et à un capitaine putschiste incontrôlable, Moussa Dadis Camara.
Mais, finalement, on se souviendra de Condé comme du premier président guinéen déposé par un coup d’État militaire. Et ne restera de lui, peut-être, que cette incroyable image d’un chef d’État déchu, nonchalamment assis sur un canapé, une jambe repliée, le regard éteint, vêtu d’un jean et d’une chemise, débraillé, pieds nus, entouré de quatre soldats armés aux visages juvéniles.
Condé, qui avait emprunté le chemin de ses prédécesseurs ces dernières années en réprimant toutes les voix discordantes, surtout depuis qu’il avait fait modifier la Constitution en mars 2020 afin de pouvoir briguer un troisième mandat, est tombé comme un fruit trop mûr. Il y a bien eu quelques échanges de tirs au petit matin, dimanche 5 septembre, aux abords du palais présidentiel.
Mais la résistance de sa garde rapprochée a fait long feu – alors que les premières informations ne faisaient pas état de victimes, il semble que plusieurs soldats ont été tués durant l’assaut. Très vite, les putschistes ont pris le contrôle du palais Sékhoutouréya. En début d’après-midi, les Guinéens découvraient leur visage – du moins pour ceux qui n’étaient pas masqués – à la télévision, en même temps que l’identité du nouvel « homme fort » du pays : le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, commandant du Groupement des forces spéciales.
Condamnations internationales
Rappelant un scénario maintes fois répété ces dernières décennies en Afrique de l’Ouest, le chef de la junte est apparu entouré de ses hommes devant les caméras de la RTG, la chaîne publique. Lui assis, un drapeau guinéen sur les épaules, un béret rouge sur le crâne. Eux debout, le regard menaçant, armes à la main. Il a lu son texte sans trop regarder l’objectif.
Et il a promis, en français, des lendemains qui chantent : « Nous allons écrire une nouvelle Constitution ensemble, a-t-il déclaré. La personnalisation de la vie politique est terminée. Nous allons mettre en place un système qui n’exclut personne. Il est temps de créer une Constitution adaptée à nos réalités. Après 62 ans, il est temps de nous réveiller. »
La mise en bouteille vient de s’achever. Sur les plans de travail en inox de Maya, une entreprise de transformation alimentaire basée en périphérie de Bamako, la capitale du Mali, les dizaines de flacons de vinaigrette défilent entre les mains gantées de trois ouvrières maliennes. Chacune y colle une étiquette où est inscrite la date de péremption de ce produit composé d’ail et de fines herbes maliennes. « Tout vient de chez nous, c’est notre fierté », s’enthousiasme Kancou Ballo, la cheffe de production de cette entreprise fondée en 2017 par la Sénégalo-Malienne Seynabou Dieng.
Sauce au piment et gingembre ou à l’ail, jus de baobab instantané, chapelure aux herbes, pâte à crêpes au maïs : sa petite entreprise de treize salariés commercialise une dizaine de produits à partir de fruits et de légumes issus de l’agriculture malienne. De quoi donner une seconde vie à ces aliments fortement périssables et qui finissent souvent dans la poubelle, faute d’être distribués ou choisis sur les étals. Au Mali comme sur le reste du continent, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) estime que 40 % des fruits et légumes sont gâchés, en moyenne.
« De la récolte jusqu’au marché, en Afrique de l’Ouest, les fruits et légumes sont mal conditionnés. L’absence de chaîne du froid, le choc du transport et l’humidité ou la chaleur font que leur durée de vie n’excède pas quelques jours. Transformer ces produits est un enjeu majeur pour lutter contre les pertes post-récoltes », détaille Victoria Bancal, chercheuse au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad).
Sécuriser les revenus des producteurs
Au Mali, les pertes post-récoltes ont représenté en 2019 un gâchis de 1,64 million de tonnes de fruits et de légumes, tandis que 440 000 personnes y souffrent d’insécurité alimentaire, selon l’ONU. « Il suffit d’aller au marché en fin de journée, à Bamako, pour mesurer l’ampleur de la catastrophe », relève Seynabou Dieng. La jeune femme de 33 ans en dresse l’amer constat entre 2015 et 2016, lorsqu’elle rentre s’installer dans la capitale malienne, après des études supérieures de marketing bouclées en France.
Sur les marchés de Sogounikoura et de Woninda qu’elle arpente avec sa cuisinière nommée Maya, elle voit des centaines de piments dans les caniveaux, jetés par les vendeuses, faute d’avoir trouvé preneurs auprès des clients. Choquée par ce gaspillage alimentaire qui fragile les revenus déjà bien maigres des marchandes, Seynabou Dieng commence à leur acheter, en fin de journée, leurs légumes trop mûrs pour être vendus le lendemain : « J’ai commencé à les cuisiner avec Maya, dans ma cuisine, raconte-t-elle. On hachait du persil, de la ciboulette, des piments, que l’on a ensuite eu l’idée de transformer en marinades pour accompagner nos poissons et nos poulets. »
L’OMBRE DES FEMMES LEADERS SUR LES FUTURES LEADERS EN DEVENIR
Sans tambours ni trompettes, l’association Shine to Lead est en train d’apporter une touche qualitative à la promotion des jeunes filles en Sciences au Sénégal. Le programme doit son succès en partie à des femmes dévouées, modèles et inspirantes
Sans tambours ni trompettes, Shine to lead/Jiggen Jang Tekki est en train d’apporter une touche qualitative à la promotion des jeunes filles en Sciences au Sénégal. Le mentorat occupe une place prépondérante dans cette initiative. Sans les femmes dévouées, professionnelles, modèles et inspirantes, l’initiative n’aurait pas pu réussir à mener à bien ses programmes et avoir des résultats escomptés. En effet, ce sont ces figures tutélaires qui assure un autre travail personnalisé en termes de conseils, de coaching à leurs filleuls tandis que l’équipe de management de STL fournit les moyens matériels et financiers. Dans la présente interview, les deux co-responsables du programme de mentorat, Ndèye Fatou Diagne, ingénieure Travaux au Consortium d’Entreprises (CDE) pour le chantier de l’extension de l’usine de la Société Africaine de Raffinerie (SAR) et Mame Khady Diouf, experte dans le domaine de la négociation, de la médiation et du dialogue dans le processus de paix expliquent à AfricaGlobe.net comment fonctionne le programme de mentorat. Elles sont les deux piliers du mentorat à Shine to Lead. Alors qu’au début l’initiative a misé sur les professionnelles basées exclusivement au Sénégal, il est vite apparu que même depuis l’étranger, l’on peut assurer fort bien cette charge en faveur des lycéennes. Sélectionnées sur la base de la performance, les lauréates de Shine to Lead, le temps passant, deviennent quelque part des filles adoptives de leurs mentores.
AfricaGlobe.net : Quel est l’objectif du volet mentorat de Shine To Lead/Jiggen Jang Tekki?
Mame Khady Diouf : Le volet mentorat de Shine to Lead a pour objectif d’accompagner les jeunes filles lauréates sur les plans social et scolaire. Les mentores s’engagent à soutenir les lauréates, à faire le suivi avec elles et à les conseiller sur tous les plans. Les mentores doivent s’engager à rencontrer leurs mentorées pour échanger sur leurs progrès scolaires, être en contact avec leurs mentorées au moins une fois par semaine par téléphone ou message – fixer des objectifs académiques avec les mentorées et prendre des mesures pour les atteindre, agir en tant que ressource et guide, mettre en place un accompagnement personnalisé conduisant à leur réussite académique, personnelle et sociale en leur donnant les outils pour développer, entre autres, une estime de soi et une confiance en soi positive. Par ailleurs, les mentorées doivent participer au programme, aux formations, aux camps de vacances et aux webinaires. Elles doivent aussi être assidues dans leurs cours et s’appuyer sur leurs mentores pour avoir les meilleures chances de réussir tant sur les plans personnel, académique et social.
AfricaGlobe.net : Quels sont les critères sur la base desquels les mentorées sont choisis ?
Fa Diagne : Les mentorées doivent avoir une moyenne au-dessus de 13/20, en classe de Seconde à la Terminale, et doivent être dans des conditions désavantageuses pour leur épanouissement scolaire. Concernant la dernière cohorte de l’année 2020-2021, nous avons choisi les élèves les plus assidues de notre grand programme de cours de vacances et de développement du leadership 2020 première édition, qui ont rejoint la cohorte de l’année 2019-2020.
AfricaGlobe : Pourquoi STL a décidé d’élargir sa liste de mentores au-delà du Sénégal ?
Fa Diagne : Au départ, nous ne recherchions que des mentores résidants au Sénégal, à cause de la proximité demandée pour tisser des liens avec leur mentorée. Mais avec l’arrivée de la COVID-19 et des restrictions imposées par le gouvernement pour lutter contre la propagation, les mentores de la cohorte 2019-2020 n’ont pas pu se voir physiquement, et donc, elles ont été dans l’obligation de s’adapter aux appels vidéo et aux messages textes. Vu que cette méthode a été efficace, nous avons décidé d’élargir les lieux de résidence des mentores à l’international.
AfricaGlobe : Que pensent en général les mentores Shine to Lead et jusqu’où sont-elles prêtes à accompagner l’initiative ?
Fa Diagne : Les mentores saluent l’initiative de Nayé Bathily, et pensent que c’est une initiative très inspirante qui va fortement contribuer à l’évolution de notre pays en coachant les futures leaders. Elles sont toujours prêtes à aider, et pleines de ressources et d’enthousiasme à l’idée de participer au développement du Sénégal. Elles participent aux webinaires de Shine To Lead (les Shine To Lead Talks) en tant que modératrices ou invitées, communiquent leurs idées pour des activités ou encore pour l’amélioration de l’initiative lors des réunions organisées par la coordination.
AfricaGlobe.net : Les mentores sont-elles tenues de parler de temps en temps de leur propre parcours, leurs expériences à leurs mentorées afin de les inspirer, voire les stimuler à en faire autant ou plus ?
Fa Diagne : Effectivement. C’est pour cela que l’on essaie de faire «un matching» basé sur la profession des mentores et l’ambition future des mentorées. Vu l’intérêt commun, cela permet de créer un premier lien entre elles. Dans le cas contraire, l’expérience et le parcours de la mentore dans le monde professionnel et académique sont toujours un plus afin de guider la mentorée dans le choix de sa future carrière.
AfricaGlobe.net : Peut-on dire qu’en fin de compte les mentorées finissent, dans une certaine mesure, par être des filles adoptives de leurs mentores ?
Fa Diagne : Bien sûr, les mentorées deviennent des filles ou encore des petites sœurs. Et c’est le but. Les liens deviennent si forts qu’elles peuvent devenir un membre à part entière de la famille de la mentore. Celles qui habitent à l’étranger auront plus de mal vu qu’elles n’auront pas forcément l’opportunité de voir leur mentorée aussi fréquemment qu’une mentore résidant au Sénégal, mais cela reste une question de volonté.
AfricaGlobe.net : Il y a eu de potentiels mentores approchées qui n’ont pas donné suite à la requête parce que cela implique pour elles des responsabilités ?
Mame Khady Diouf : Nous n’avons pas eu de désistement de potentielles mentores du fait du niveau de responsabilité, mais plutôt des mentors qui étaient déjà engagés, mais à cause de leur emploi du temps, elles n’ont pas pu se consacrer à leur mentorées et ont préféré céder leurs responsabilités à d’autres. Certaines mentores sont parfois incompatibles avec leur mentorées et nous analysons la situation pour voir si elles ne doivent plus faire partie du programme ou si nous devons leur assigner de nouvelles mentores. Il faut comprendre qu’être mentore requiert d’être disponible pour sa mentorée, c’est un engagement assez conséquent.
AfricaGlobe : Quelles sont les ambitions à long termes de Shine to lead/Jiggen jang Tekki pour l’accès et le maintien des jeunes filles à l’école
Mame Khady Diouf : Shine to Lead a pour ambition effectivement l’accès et le maintien des jeunes filles à l’école. A travers nos différents programmes et initiatives, nous encourageons les jeunes filles à persévérer et à continuer dans les filières scientifiques dans lesquelles elles sont. Nous organisons différents webinaires thématiques pour qu’elles puissent avoir confiance en elles, qu’elles sachent qu’elles seront soutenues par leurs mentores pour pouvoir continuer leurs études. Nous envisageons de continuer à vulgariser notre action sur le plan national, d’échanger et de collaborer avec les entités en charge de l’éducation nationale.
AfricaGlobe : Est-ce que Shine to lead a des garde-fous pour préserver ces lauréates des mariages forcés ou même des grossesses précoces dont sont malheureusement victimes parfois des lycéennes et qui freine leur évolution ?
Mame Khady Diouf : Nous n’avons pas de garde fous à proprement dit mais tout passe par la communication. Nous mettons en confiance nos lauréates et leur réaffirmons notre disponibilité à les écouter. Leurs mentores sont également présentes pour les soutenir sur plusieurs plans. Nous avons des webinaires qui abordent plusieurs thématiques dont celles-ci. Nous insistons sur le fait que leurs études sont primordiales. Les mentores sont également appelés à échanger avec les parents de ces jeunes filles et nous sommes convaincus que si ces questions étaient soulevées, les mentors réaffirmeraient notre conviction de voir nos lauréates étudier dans les meilleures conditions possibles.
Propos recueillis par Fred ATAYODI – (AfricaGlobe Dakar)
PAR NDONGO SAMBA SYLLA
EN AFRIQUE, LA PROMESSE DE L’EMERGENCE RESTE UN MIRAGE
Elle apparut sans doute en 1957 dans un rapport de Richard Nixon intitulé « The emergence of Africa » (1). Le vice-président des États-Unis venait alors de terminer une tournée africaine au cours de laquelle il rencontra une douzaine de dirigeants...
Le Monde Diplomatique |
Ndongo Samba Sylla |
Publication 07/09/2021
Sans cesse agité pour louer les performances prometteuses de nombreuses économies africaines, le concept d’« émergence » offre un label aux pays qui se plient aux dogmes néolibéraux, ainsi qu’aux injonctions du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale. Surtout, il cache mal des croissances en trompe-l’œil, qui ne profitent qu’à une minorité.
Il était une fois l’idée d’émergence du continent africain. Elle apparut sans doute en 1957 dans un rapport de Richard Nixon intitulé « The emergence of Africa » (1). Le vice-président des États-Unis venait alors de terminer une tournée africaine au cours de laquelle il rencontra une douzaine de dirigeants, dont les présidents Kwame Nkrumah (Ghana) et Gamal Abdel Nasser (Égypte). Où cheminerait l’Afrique au soleil des indépendances qui s’annonçaient ? Telle était la question principale d’un document qui trahissait la crainte que la « propagande » soviétique et la situation préoccupante des Noirs aux États-Unis fassent basculer l’Afrique postcoloniale vers le communisme. Il eût été irrespectueux de rappeler alors qu’on « émerge » de quelque chose, pas du vide. Deux décennies plus tard, quand les milieux financiers s’emparèrent de ce mot, les précautions langagières s’estompèrent.
L’expression « tiers-monde (2) » n’étant pas vraiment attrayante pour de potentiels investisseurs, en raison de l’image de pauvreté à laquelle elle était associée, le concept nouveau, et apparemment plus dynamique, de « marchés émergents » lui fut préféré au début des années 1980. Au temps de la Révolution française, la bourgeoisie montante créait des mots dans le but de tuer des choses, selon le journaliste socialiste Paul Lafargue (3). À l’ère néolibérale, nul besoin d’inventer des mots pour transformer la réalité, une activité qui demande du travail et de l’imagination. Il est plus rentable d’investir dans la polysémie : risque minimum et rendement maximum ! L’« émergence » devint une destination finale pour des pays dont l’historicité se résumerait désormais aux anticipations de croissance et de profitabilité de la finance globale.
Prise entre 1980 et 2000 dans l’étau de l’ajustement structurel décrété par le Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, l’Afrique était jusqu’alors exclue de la catégorie des « marchés émergents ». Le récit dominant brodait autour du mythe selon lequel, exception faite de l’Afrique du Sud, incluse dans l’acronyme des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), et, à un degré moindre, du Maghreb et de l’Égypte, elle était « marginalisée » par le train à grande vitesse de la mondialisation. Les causes de cette « marginalisation » dans le commerce mondial occupaient travaux universitaires et presse dominante (4). Ironie de l’histoire, les mêmes qui colportaient ce discours, destiné à justifier une plus grande libéralisation économique, commerciale et financière, se mirent à faire les louanges de l’Afrique émergente (« Africa rising ») du jour au lendemain, alors que la spécialisation économique du continent était restée la même. Après avoir qualifié l’Afrique de « continent sans espoir » en 2000 (5), The Economist fit amende honorable onze ans plus tard avec un titre qui reflétait l’air du temps : « The hopeful continent : Africa rising » (« Un continent d’espoir : l’Afrique émergente ») (6). Les cabinets de consultance embouchèrent la même trompette : « Lions on the move » (« Les lions se mettent en mouvement »), prédisait McKinsey Global Institute (7). Qu’est-ce qui avait donc changé ?
Un vivier de ressources inexploitées
Au sortir de deux décennies d’austérité imposée, à la fin des années 2000, la croissance économique était de nouveau au rendez-vous dans le contexte d’une plus grande stabilité politique et d’une hausse importante des cours des produits d’exportation du continent, essentiellement des matières premières. La rapide expansion des relations commerciales et financières entre les pays africains et la Chine avait également contribué à remodeler l’image du continent. Celui-ci apparaissait subitement comme un vivier de ressources inexploitées et comme un marché vaste et prometteur pour les entreprises étrangères rêvant de fournir biens, services et infrastructures à une population jeune appelée à doubler tous les vingt-cinq ou trente ans. La perception d’une « Afrique émergente » était alimentée par la hausse des fortunes locales : entre 2008 et 2012, le nombre d’Africains pouvant investir au moins 1 million de dollars est passé de 95 000 à 140 000 (8). Au niveau mondial, après la crise financière de 2007-2008, la mise en œuvre par les banques centrales des pays du Nord de politiques de taux d’intérêt nuls et d’assouplissement quantitatif créait une abondance de capitaux à destination des « marchés émergents », devenus attractifs en raison des rendements élevés qu’ils offraient. Beaucoup de pays africains auront mordu à l’hameçon à travers l’émission d’eurobonds — des obligations libellées en monnaie étrangère.
Ainsi, dans un rapport du Sénat français intitulé « L’Afrique est notre avenir » (9), on pouvait lire : « C’est aujourd’hui à une Afrique pleinement intégrée à la mondialisation que nous devons nous adresser. » Les pays francophones entendirent ce message flatteur et essayèrent de se montrer attractifs. Sur les quatorze États utilisant le franc CFA, seule la République centrafricaine, en proie à une instabilité politique chronique, manqua l’occasion d’adopter un programme économique dédié. Cas emblématique, le Sénégal nous instruit à propos des impasses de l’« émergence ».
En 2014, le plan Sénégal émergent (PSE) fixe l’horizon de celle-ci à 2035. Son orientation néolibérale est révélée, entre autres, par l’objectif de voir le pays figurer dès 2020 dans le Top 50 du classement « Doing Business » de la Banque mondiale (10), un indicateur dont la pertinence économique est douteuse (11). L’indicateur phare de l’« émergence », au Sénégal comme ailleurs sur le continent, est sans surprise la croissance annuelle du produit intérieur brut (PIB) réel (production mesurée en termes constants).
Bien que la phase 1 du PSE (2014-2018) ait accusé du retard, la bonne conjoncture économique — baisse des cours du pétrole, taux d’intérêt « abordables » comparés à la moyenne africaine, pluviométrie favorable — a permis un taux de croissance économique de l’ordre de 6 % par an depuis 2012. Ce chiffre, qui ferait pâlir d’envie les pays développés, doit cependant être interprété avec précaution. En 2015, le PIB par habitant du Sénégal en termes réels était du même ordre de grandeur que son niveau de 1960 — sa population étant entre-temps passée de 3,2 millions à 14,5 millions (12). Autrement dit, la croissance économique s’est inscrite pour l’essentiel dans une dynamique de rattrapage des « décennies perdues ». Elle a aussi été accompagnée d’une diminution des emplois salariés dans le secteur formel, dont le nombre est passé de 390 420 en 2012 à 300 284 en 2018 (13). Il s’agit donc d’une croissance sans emploi. En raison du rôle important joué par le capital étranger, le poids des paiements de revenus primaires (intérêts sur la dette extérieure, transferts de profits et de dividendes, rémunérations des experts étrangers) a augmenté, passant de 2,2 % à 4,4 % du PIB entre 2010 et 2017, selon la Banque mondiale. Autant de ressources en devises ôtées au financement du développement du pays.
Symbole d’une accumulation débridée, la dette publique extérieure qui avait été partiellement effacée au début des années 2000 dans le cadre de l’initiative pays pauvres très endettés (PPTE) et de l’initiative d’annulation de la dette multilatérale (IADM) s’est rapidement reconstituée, passant de 2,8 milliards de dollars à 12,5 milliards de dollars entre 2008 et 2018, dont une augmentation de près de 7 milliards de dollars pour la période 2014-2018, celle couvrant la phase 1 du PSE (14).
Le mythe d’une croissance « inclusive »
Si les ménages pauvres et les personnes handicapées ont pu bénéficier de bourses, la couverture maladie universelle demeure encore une promesse non tenue pour la majorité des Sénégalais, malgré son adoption officielle en 2013 (15). Le Sénégal n’est toujours pas sorti de la catégorie des « pays les moins avancés ». Au classement de l’indice de développement humain (IDH) du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), il est situé au 166e rang sur un total de 189 en 2019. Ce qui le place parmi les « pays à développement humain faible ».
À l’instar de la plupart des pays africains, le Sénégal a été, pour l’instant, relativement épargné sur le plan sanitaire par le coronavirus. En revanche, sur le plan économique, la pandémie a mis à nu les limites du projet d’« émergence ».
Un mythe à balayer est celui d’une croissance « inclusive ». Quelle peut être la signification de taux de croissance élevés pendant une décennie quand 52 % des ménages ruraux n’ont accès ni à l’eau ni au savon (16) et quand les coupures d’eau sont récurrentes dans beaucoup de quartiers de la capitale, Dakar ? En vertu de l’« urgence sanitaire », les autorités ont fermé les frontières et les écoles, interdit les rassemblements et les prières collectives, ainsi que la circulation entre les villes. Elles ont imposé le port obligatoire du masque dans les services publics, les commerces et les transports, et ordonné la fermeture des marchés à Dakar les samedis et dimanches. Le confinement total s’est révélé cependant impossible et financièrement hors de portée d’un gouvernement qui compte sur les solidarités sociales pour compenser ses mesures de soutien timides aux plus nécessiteux (aide alimentaire, subvention au paiement des factures d’électricité, etc.).
La pandémie a eu la vertu de mettre en évidence que le Sénégal était dominé au plan financier. N’ayant pas la possibilité de financer son déficit en monnaie nationale, le pays est plus que jamais dépendant de la sollicitude de l’extérieur sous forme de moratoires sur sa dette et d’octroi de nouvelles créances. Les récents prêts obtenus auprès du FMI ont pour contrepartie un « retour » à l’orthodoxie budgétaire dès l’année prochaine (17), lequel pourrait handicaper la reprise économique.
Ce dernier constat peut être généralisé à beaucoup de pays africains, comme le Ghana, le Kenya, la Zambie, l’Éthiopie, l’Angola, etc., qui ont vu leur stock de dette publique extérieure multiplié par quatre entre 2008 et 2018 (18). L’euphorie de l’« émergence », peut-on observer rétrospectivement, pouvait durer tant que les pays africains obtenaient de bons prix pour leurs produits d’exportation ou avaient la « confiance » de leurs créanciers.
La pandémie de Covid-19 ferme à grand fracas la page de l’« émergence ». Aujourd’hui, les populations africaines voient plus clairement les conséquences de l’absence de souveraineté monétaire, le danger de l’endettement extérieur, le piège du prétendu libre-échange, la nécessité de l’autosuffisance alimentaire, etc. Et elles se rendent compte de l’importance qu’il y a, pour l’Afrique, d’être unie face à un système multilatéral qui se fissure.
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QUELQUES DESTINATIONS À VISITER APRÈS LE COVID
Sénégal, Hong Kong, eSwatini, France... l'équipe de Point USA dresse sa liste des pays dans lesquels se rendre au lendemain de la pandémie
Sénégal, Hong Kong, eSwatini, France... l'équipe de Point USA dresse sa liste des pays dans lesquels se rendre au lendemain de la pandémie.
par Massamba Diouf
TROISIÈME VAGUE, ENTRE MUTATIONS, VARIANTS ET STRATÉGIE VACCINALE CHANCELANTE
EXCLUSIF SENEPLUS #SilenceDuTemps – Le contexte est aujourd’hui caractérisé par une saturation des CTE se traduisant par une rupture des ressources, mais surtout un burn-out des prestataires de soins et, pour les patients, une mortalité préoccupante
#SilenceDuTemps - Depuis le 23 février 2021 correspondant à quasiment un an de persistance de la Covid-19 au Sénégal, les services de santé du pays ont lancé une campagne de vaccination contre cette épidémie à Coronavirus. Une épidémie-pandémie qui a connu plusieurs vitesses autant dans ses aspects de prévention, de détection que ceux de thérapeutique. D’une manière générale, la prise en charge institutionnelle de la Covid-19 ou le management de cette crise a été relativement difficile, voire précarisée. De maladie « grave » au départ, avec en toile de fond, la stigmatisation, la peur et la crainte, la Covid-19 est en passe de devenir une banalité dans l’imaginaire populaire. Ces mêmes mutations ou transformations s’observent également dans la gestion des cas (confirmés, contacts ou suspects) qui mobilisaient alors beaucoup de ressources depuis l’alerte, l’accueil en hospitalier ou en extra hospitalier (réceptifs hôteliers) en passant par le transport particulier et jusqu’à l’aspersion intra-domiciliaire a posteriori. Aujourd’hui, moins d’efforts semblent être déployés pour la prise en charge des patients Covid-19. D’ailleurs, pour beaucoup, cette prise en charge n’est plus comme avant, en termes de confort et de commodité.
Au point de vue thérapeutique, le débat sur l’utilisation de telle molécule ou de tel protocole de traitement de patients n’est presque plus à l’ordre du jour. Place est plutôt faite à la vaccination et aux vaccins avec leurs corollaires à l’instar des variants, des cibles prioritaires, des manifestations indésirables, de l’immunité acquise...
La question de la vaccination survient dans un contexte particulier de 2e et 3e vagues ou poussée épidémique. Ce contexte est aujourd’hui caractérisé par une augmentation fulgurante des cas incidents, une saturation des CTE se traduisant par une rupture d’intrants et/ou de ressources, mais surtout un burn-out du côté des prestataires de soins et, pour les patients Covid, une mortalité de plus en plus préoccupante. Bien que certains lient cette mortalité élevée à la dangerosité du variant Delta, d’autres l’associent à divers déterminants structurels, conjoncturels et culturels d’autant plus que l’adhésion à la stratégie vaccinale par les populations est toujours perfectible. Si tant est que la nature, le type et le nombre de variants qui circulent dans notre pays ne sont toujours pas clairement élucidés, chercheurs, praticiens et autres spécialistes de ces questions, ne devraient-ils pas davantage s’orienter vers ces pistes pour aider à avoir une cartographie claire des variants au Sénégal ? N’est-il pas tout aussi pertinent de s’interroger sur l’apport des variants moins sévères sur le probable taux d’immunité acquise sans injection ? Tout cela ajusterait la stratégie de vaccination ou du moins, à coup sûr, certains de ses aspects.
Cette stratégie vaccinale pourtant était restreinte à une cible prioritaire comprenant les personnels de santé de première ligne, les personnes vivant avec des comorbidités et celles âgées de plus de 60 ans pour un total estimé par les services du MSAS à 3,5 millions de personnes à vacciner.
D’emblée, le Sénégal n’avait pas, à cette date-là (février 2021), les moyens de sa stratégie, car le pays n’avait réceptionné que 200 000 doses du vaccin chinois pour démarrer "en urgence" sa campagne de vaccination en attendant les vaccins de l'initiative Covax (324 000 doses d’AstraZeneca) qui sont loin de combler le gap restant. Au même moment, les autorités du pays annonçaient la finalisation de pourparlers pour disposer du Sputnik V, le vaccin russe et l'arrivée de 6,7 millions de doses d'autres fabricants. Entre temps, la cible a été élargie aux autres groupes de la population et les promesses d’acquisition tardant à être réalisées, si ce n’est quelques doses de Johnson & Johnson.
D’ailleurs, bon nombre de citoyens convaincus des bienfaits du vaccin ont reçu une première dose et sont en attente de leur 2e dose d’AstraZeneca. Le nombre de vaccins administrés à ce jour (16 août 2021) est de 1 109 720 personnes avec une seule dose pour certains. L’idéal aurait été de passer une commande satisfaisante et de préparer suffisamment les populations à l’administration de vaccins anti-Covid.
La première année de Covid au Sénégal, nous a-t-elle réellement appris l’importance et la nécessité de commencer par une communication simple, juste et accessible à l’endroit des populations pour espérer les convaincre, les persuader et gagner leur confiance avant toute stratégie de mise à l’échelle ? La communication à valence positive et attractive par exemple, ne devrait-elle pas être portée par des réseaux d’universitaires et/ou par un comité scientifique indépendant et travaillant étroitement avec des relais issus des différentes franges de la société ? Nous estimons que ces organes relativement crédibles, en disposant de données factuelles sur les produits vaccinaux et d’éléments de langage, peuvent jouer le rôle d’éclaireurs pour rompre ou amoindrir les contestations nées de représentations négatives liées à la vaccination. De tout temps, la riposte contre une épidémie, pour être couronnée de succès, se fait par et avec une implication, un engagement et une responsabilisation de la communauté d’amont en aval du processus.
Les méthodes d’Information-Éducation-Communication (IEC) ou d’Éducation Pour la Santé (EPS) ou encore de Communication pour un Changement de Comportement (CCC) d’alors doivent surtout être associées à une Communication sur les Risques et l’Engagement Communautaire (CREC) dans un contexte de doute et d’hésitation vaccinale comme celui que nous vivons actuellement. La désinformation, l’intoxication et les théories « complotistes » pouvant freiner ou annihiler les efforts consentis nécessitent d’être mieux contrôlées pour stimuler l’intention vaccinale et susciter une vaccination de masse. Une mobilisation de tous les segments de la population dans une approche intégratrice et inclusive ainsi qu’une volonté politique réelle rendant disponibles et accessibles les vaccins avec la continuité des autres mesures barrières, constitueraient les leviers essentiels pour optimiser la prévention afin de circonscrire et de limiter la propagation ou, du moins, réduire la mortalité liée à la Covid-19.
La dimension de dépistage et de prise en charge démocratisée et décentralisée déjà amorcée devrait être poursuivie et élargie en permettant par exemple à tous les acteurs tels que les officines et les cabinets de soins dentaires de participer à l’effort de dépistage avec des TDR gratuits et des registres pour la traçabilité des données. Aussi, sera-t-il utile de renforcer les établissements d’accueil et de traitement des patients en intrants, d’en ouvrir de nouveaux et de les laisser à demeure même après cette troisième vague, car la Covid reste toujours énigmatique et n’en a pas encore fini avec ses surprises.
Épidémiologiste et agrégé en santé publique, Massamba Diouf est enseignant chercheur au Service de santé publique à l’Institut d’Odontologie et de stomatologie de la Faculté de Médecine, de Pharmacie et d’Odontostomatologie de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Chercheur à l’International Research Laboratory (IRL) « Environnement, Santé et Société » 3189 du CNRS, le Dr Diouf travaille sur la morbidité et les déterminants de la santé. Sur la Covid-19, il a participé à beaucoup de travaux de recherche à l’échelle nationale comme internationale, à des ateliers et à des webinaires entre autres.
ALPHA CONDÉ DOIT S'EN PRENDRE À LUI-MÊME
Le président de l'Union pour la démocratie et le développement (UDD), Amadou Bah Oury, estime que c’est Alpha Condé "lui-même" qui a motivé le putsch du dimanche 5 septembre 2021 en Guinée
Selon Amadou Bah Oury, l’obstination du président déchu, Alpha Condé, "à user de tous les moyens pour changer la Constitution de 2010 en violant les dispositions d'intangibilité, en usant de la violence contre des populations civiles pour y parvenir" a aboutie à son humiliation et à une sortie qui n'est pas du tout honorable"
Amadou Bah Oury estime que l’alternance par la force était la seule façon de changer de dirigeant. Mais, il réclame une "feuille de route […] claire" afin de garantir, dans un "laps de temps limité" un retour à un pouvoir civil. Bah Oury se félicite de l’invitation faite aux anciens dirigeants de se livrer de leur plein gré et également de l’initiative des putschistes de convoquer les acteurs politiques du pays pour discuter ensemble de l’avenir de la Guinée. Il est interrogé par Eric Topona.
Je considère que depuis hier, quelle que soit l'évolution ultérieure de la situation pour le régime et pour la personne du président Alpha Condé, la page est tournée. Et de ce point de vue, c'est lui-même qui a été à la base de ce qui fait qu'aujourd'hui, il se retrouve humilié et obligé d'avoir une sortie qui n'est pas du tout honorable.
DW : Donc, selon vous, Alpha Condé ne peut s'en prendre qu'à lui-même ?
Bien entendu, parce qu'il a violé toutes les attentes des populations. Et on aurait pu faire preuve de mansuétude à l'égard de la situation économique. Mais là où il a péché le plus gravement, c'est cette obstination à user de tous les moyens pour changer la Constitution de 2010 en violant les dispositions d'intangibilité, en usant de la violence contre des populations civiles pour y parvenir, et là, il s'était enfermé dans une logique où le changement du pouvoir ne pouvait se faire que par les moyens auxquels on vient d'assister hier.
DW : On sait que les putschistes font partie d'une unité d'élite qu'il a lui-même formée. Les précédents sont clairs en Guinée : lorsque les militaires prennent le pouvoir, c'est difficile qu'ils le rendent aux civils. N’est-il pas trop tôt pour jubiler ?
Non, pas du tout, il ne s’agit pas de jubiler, mais depuis deux ans, personnellement, j'avais indiqué que la transition était inévitable. Maintenant, quelle forme de transition est-ce que ce sera ? C'est un nouveau défi qui se pose maintenant. Il ne faut pas se laisser aller à une dynamique de béatitude pour croire que toutes les déclarations de bonnes intentions vont se réaliser. Mais c'est le moment ou jamais. Avec l'expérience accumulée ces 60 dernières années, les tragédies, les erreurs, les échecs, [c’est le moment] d'en tirer de manière efficace les leçons pour que, cette fois ci, avec l'aide de Dieu, le processus de transition puisse nous permettre d’arrimer notre pays dans une voie de consolidation des fondements de l'Etat de droit, de la démocratie, de l'unité nationale et d'une dynamique de réconciliation qui sont des préalables pour aller dans le sens du développement.
DW : Est-ce que vous condamnez ce coup d'Etat militaire ?
Personnellement, je ne peux pas condamner cela parce que c'était attendu. C'est monsieur Alpha Condé [qui] a procédé à un coup d'Etat en changeant la Constitution et c'est une rectification qui s'est opérée hier. On aurait voulu que ça soit autrement, par un processus politique classique, mais à l'impossible, nul n'est tenu. Et aujourd'hui, le principe de réalité amène à prendre en compte ce qui est fait et à prendre acte et à s'ouvrir pour que les propositions et les dispositions allant dans le sens de l'intérêt du pays, de sa stabilité et de la consolidation de la démocratie puissent prévaloir au détriment d'une logique de règlement de comptes au d'exacerbation de contradictions ethniques et autres.
DW : Les nouveaux maîtres du pays convoquent les anciens ministres, les responsables d'institutions, les acteurs politiques et injonctions vous est faite de ne pas rater ce rendez-vous. Est-ce que personnellement, vous allez vous y rendre ?
Vous savez, il y a deux communiqués qui ont été faits, l'un des communiqués s'adresse exactement aux tenants du régime actuel qui viennent de tomber : les responsables des institutions et ministres et autres, parce qu'il est préférable d'être convoqué au lieu de se retrouver dans une situation de chasse à l'homme qui pourrait dégénérer en d'autres situations malencontreuses. Donc, de ce point de vue, c'est faire preuve de sagesse que tout le monde soit convoqué, c'est à dire les tenants du régime, pour que, dans le contexte actuel, le statut soit bien défini dans les formes normales de règles et que ça ne soit pas quelqu'un qui aille les chercher chez eux, avec tout ce qu'il peut y avoir comme débordement. Par la suite, il y a eu un autre communiqué indiquant la nécessité d'une rencontre dont la date n'est pas encore arrêtée avec l'ensemble des forces sociales, des forces de la société civile et des partis politiques pour envisager le processus politique qu'il faudra mettre en route pour permettre à la Guinée de s'engager dans une transition que nous souhaitons inclusive, pacifique, intelligente. Et cette fois ci, rigoureuse et sérieuse.
DW : Ce coup d'Etat a été unanimement condamné par l'Union africaine, la Cédéao, la France et l'Onu. Ce sont, selon vous, des condamnations de principe ?
Oui, je crois que ce sont des condamnations de principe parce que ce n'est pas du tout reluisant, notamment pour l'Union africaine, qui n'a pas usé de son pouvoir pour décider de sanctionner le régime de monsieur Alpha Condé lorsqu'ils ont utilisé des procédures et des instruments juridiques pour enfreindre l'alternance politique en violant de manière délibérée et honteuses des dispositions de l'intangibilité. L'Union africaine s'est tue. La Cédéao a fait preuve de laxisme et a validé, malgré des récriminations du président Issoufou du Niger pour que la Guinée ne s’engage pas de manière aussi cavalière, en violant les droits de l'homme et toutes les autres dérives pour un troisième mandat [d’Alpha Condé]. Ces organisations n'ont pas fait le travail est maintenant on peut leur concéder le fait de faire des condamnations par principe. Mais d'ores et déjà, la crédibilité de ses institutions et la pertinence de leurs points de vue ont été amoindries par le fait qu'à un moment donné, ces organisations ont fait preuve de laxisme, ont fait preuve de passivité et ont encouragé un régime à briser ces populations pour simplement conserver le pouvoir.
DW : La transition va donc se mettre en place. Où vous souhaitez qu'elles durent combien de temps cette transition ?
Ce sera l'objet de discussions et d'échanges entre toutes les parties prenantes. Mais ce qu'on doit dire ou à l'aune de ce que nous avons vécu par le passé, il faut que d'ores et déjà que la feuille de route soit claire, précise, sans atermoiements, pour nous permettre, dans un laps de temps limité, de faire l'essentiel et qu'il n'y ait pas une confusion entre un redressement politique et économique du pays qui nécessite une légitimation par les voies électorales des dirigeants… et la nécessité pour une transition d'être un trait d'union entre une situation antérieure et un autre ordre politique qu'il faut construire.
DW : Quel sort sera réservé à Alpha Condé ou quel est votre souhait ? Vous préférez qu'il soit gardé, ou poursuivi en justice ?
Bon, je pense qu’un chef d'Etat, quel que soit ce qu'il a fait, est le symbole d'un pays. Il a des partisans, il a eu des gens qui ont cru en lui. Il a parlé et agi au nom de la Guinée. A titre personnel, je dois dire qu'il faudrait protéger l'intégrité physique des présidents Alpha Condé et de tous les autres membres du régime qui feraient l'objet d'interpellations et d'arrestations. La Guinée a toujours brillé par des peines de sang, par des règlements de comptes. Nous ne souhaitons pas que cette tradition se poursuivre encore longtemps, c'est une occasion de faire preuve de sagesse, de faire preuve de hauteur de vue et d'ouvrir une autre page qui pourrait consolider les fondements de l'Etat de droit et le respect des droits de l'homme. Donc protéger l'intégrité physique de toutes les personnes qui, peu ou prou, feront l'objet d'interpellations et particulièrement en ce qui concerne l'intégrité physique du président Alpha Condé.
«NOUS NE VOULONS PLUS D’UN SOL INFECTÉ PAR DES CONTENTIEUX»
Les héritiers du titre foncier 1451 R dont la vente implique Tahirou Sarr ou encore Mamour Diallo, ne s’attendent pas à recouvrer leurs terres
Le terrain à l’origine du conflit opposant Ousmane Sonko à l’ancien directeur des Domaines, Mamour Diallo, est loin d’avoir connu son épilogue. Les ayants droit continuent de mettre la pression sur l’Etat pour obtenir leur dédommagement face au préjudice qu’ils estiment avoir subi.
Les héritiers du titre foncier 1451 R dont la vente implique Tahirou Sarr ou encore Mamour Diallo, ne s’attendent pas à recouvrer leurs terres. C’est du moins ce qu’a fait savoir le week-end dernier, Djibril Dial, un des six mandataires, dans une déclaration au journal Le Quotidien. «Nous ne voulons plus d’un sol qui est infecté par des contentieux», a indiqué le septuagénaire, faisant savoir que le site en question a fait l’objet depuis des années, d’agressions multiples. «La Sn Hlm a vendu à la Sicap 8 hectares pour reloger des habitants de Karack, le maire de Sangalkam, Oumar Guèye (actuel ministre), y a fait plusieurs délibérations en 2006, le maire de Jaxaay aussi», a-t-il égrené. Il a aussi évoqué les agissements d’inspecteurs des impôts et domaines qui ont eu à se partager près de 132 hectares. «Ce qui fait qu’aujourd’hui des personnes se sont installées sans disposer de documents valables. C’est une situation compliquée», a-t-il ainsi insisté.
Cet état des lieux fait, M. Dial, qui s’est désolé que les constructions soient en cours sur le site malgré l’interdiction préfectorale, estime que le dédommagement est la seule alternative. «L’Etat n’a qu’à nous dédommager», a-t-il dit. Et sous ce registre, il a fait comprendre ne pas s’attendre à moins de 94 milliards francs cfa ; somme avec laquelle s’était faite la transaction en faveur de Tahirou Sarr. «C’est le minimum qu’on devrait avoir parce que cette valeur date de 2017», a expliqué Djibril Dial, étayant son argument par les coûts en cours sur le site du Tf 1451 R. «Le sol du site est meilleur que celui de Rufisque. Le coût du mètre carré est de 26 mille francs à Rufisque et pour cette zone il est de 37 mille francs», a-t-il indiqué avec force.
Le Tf dans son entièreté, couvre une superficie de 257 hectares qui, d’après les décisions de justice, sont une propriété des héritiers. M. Dial a par ailleurs battu en brèche des informations distillées à son encontre et faisant état d’un retrait de son mandat par la famille Ousmane Mbengue. «La famille Ousmane Mbengue ne m’a jamais mandaté. Dans cette affaire, je représente mes frères et sœurs qui m’ont donné mandat pour défendre leurs intérêts et je vais continuer à le faire», a-t-il éclairé.