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5 juillet 2025
par Bakary Diarra
ON RECHERCHE PATRIOTE DÉSINTÉRESSÉ
Tous ceux, civils ou militaires, qui souhaiteraient se mettre au service du Mali, pour l’aider à surmonter ses crises actuelles, ne devraient recevoir aucune rémunération pour les fonctions qu’ils seraient amenés à exercer
L’occasion fait le larron c’est bien connu… et suscite les vocations. Jamais encore que depuis le coup d’Etat du 18 août, il n’y a eu autant de médecins autour de ce malade en phase terminale qu’est le Mali, rongé par la corruption, la mauvaise gouvernance, l’effondrement de ses structures éducatives et sanitaires, et menacé simplement de mort dans sa forme unitaire actuelle, sous les raids des irrédentistes du Centre et du Nord.
Des remèdes miracles et autres potions magiques lui sont proposés tous les jours à la télé, la radio, dans les réseaux sociaux et les journaux. Il est donc très difficile d’échapper aux conseils de ces pan-spécialistes restés silencieux pendant toutes ces années de crise et dont on pouvait espérer qu’ils auraient au moins la décence de continuer à se taire. Et il est devenu quasiment impossible de ne pas se laisser submerger par les recommandations doctes de ces muets du sérail retrouvant soudainement l’usage de la parole pour pontifier, la bouche en cœur, qu’ils ne pensent qu’au Mali. Ils ont réponse à tout pour résoudre en un tournemain les problèmes les plus inextricables du pays à coups de « il faut » et « il n’y a qu’à ».
Cependant, dans ce concert de propositions qui va se prolonger ces jours-ci au CICB, le Centre International de Conférence de Bamako, toutes ne sont pas à rejeter sans examen et leurs auteurs ne sont pas tous nécessairement intéressés. Certains pourraient même apporter une contribution utile à la solution des maux du pays. Mais comment faire le tri entre la bonne graine et l’ivraie ? Comment reconnaître le gestionnaire expérimenté, depuis longtemps retiré sur son Aventin et pourtant désireux maintenant de participer activement au sauvetage de sa patrie, de l’opportuniste qui flaire la dernière chance de sa vie de jouer enfin le rôle qui lui apportera notoriété et fortune ? Comment distinguer les jeunes pousses qui seront les dirigeants intègres de demain, parmi ces cadres juvéniles, cachés parfois sous de jolies frimousses, mais tous piaffant d’impatience pour accéder au pouvoir en chassant sans ménagement les fossiles politiques de 1991, qui ont pourtant eu, eux, le courage de défier le pouvoir en place ?
Les nécessaires enquêtes de moralité et de probité suffiront peut-être pour disqualifier les ex collaborateurs zélés des régimes prédateurs successifs ou pour percer à jour les vraies motivations des jeunes loups aux dents longues. Mais dans bien d’autres cas, elles seront de peu d’effets.
Il faut donc trouver d’autres méthodes pour identifier ceux qui auront la lourde tâche de conduire l’œuvre de redressement de notre pays. Celle qui est proposée ici a le mérite de la simplicité et sans doute de l’efficacité.
Elle consiste à décider que tous ceux, civils ou militaires, qui souhaiteraient se mettre au service du Mali, pour l’aider à surmonter ses crises actuelles, ne recevraient aucune rémunération pour les fonctions qu’ils seraient amenés à exercer. S’ils sont fonctionnaires, ils continueraient à percevoir leur salaire, le même qu’ils percevaient jusque-là, s’ils sont militaires, la même solde, ou s’ils sont retraités, la même pension sans un franc de plus. Les seules exceptions – et elles seront assez rares - concerneront ceux qui n’étant ni fonctionnaires, ni militaires, ni retraités, abandonneraient leurs activités lucratives pour servir l’Etat. Leurs émoluments se feraient alors sur la base de leurs diplômes ou de leur expérience selon les règles en vigueur dans la fonction publique.
Il n’y aura en outre aucune indemnité de responsabilité, de logement, d’électricité ou de téléphone à attendre. Il n’y aura pas non plus de véhicules de fonction. Toutefois pour ceux qui le désirent le transport aller et retour du domicile au lieu de travail sera assuré par les parcs des différents ministères, de préférence de façon collective si les mesures de distanciation sociale peuvent être respectées.
Certains diront que c’est trop radical, qu’il n’y a pas de précédent pour de telles mesures et qu’on ne peut exiger pareil sacrifice de tous ceux qui proclament qu’ils n’ont de cesse de voler au secours de leur pays meurtri. Mais à bien y réfléchir, pourquoi pas. Car d’une part rien ne les oblige à faire don de leur personne à la nation, et d’autre part, avec la crise financière très grave que connaît le Mali, ce train de vie spartiate est le seul que l’Etat peut offrir à ses serviteurs. En effet, on le sait, le déficit prévisionnel du budget 2020 qui était de 422 milliards de FCFA sera largement dépassé. Car les recettes douanières au premier semestre étaient d’un tiers, inférieures aux prévisions ; et ce ne sera pas mieux au second, voire pire, à cause des conséquences de l’épidémie de Coronavirus et de l’embargo de la CEDEAO.
Les perspectives sont tout aussi sombres pour l’année prochaine avec notamment la diminution de moitié des superficies consacrées à la culture du coton. Et nul partenaire international ne s’empressera à combler ces déficits, tant que l’incertitude persistera sur la conduite des affaires de l’Etat. L’UE, l’une des seules institutions à faire de l’aide budgétaire est de toute façon déjà passée à la caisse pour 21,6 milliards FCFA au mois de mai 2020 donnant ainsi une dernière bouffée d’oxygène au régime finissant d’IBK. Quant à s’adresser aux marchés financiers pour une rallonge budgétaire, il vaut mieux ne pas y penser. Car qui prêterait au Mali dans sa situation actuelle, sinon à des taux usuraires ?
Il est à parier que ces conditions ascétiques vont décourager beaucoup de « vocations » surtout si elles s’accompagnent d’une vigoureuse campagne contre la corruption, le trafic d’influence et les mille et une façons de tirer profit d’un poste de premier plan dans l’appareil d’Etat.
Il ne demeurera alors que ceux qui veulent vraiment se retrousser les manches pour le bien commun, sans rien attendre d’autre que la satisfaction du devoir accompli. Ceux-là sont les patriotes sincères dont le pays a tant besoin.
Il reste maintenant à proposer durant les journées de concertation sur la transition, cette méthode de sélection des futurs serviteurs de l’Etat, qui si elle était adoptée, créerait dans la population un véritable électrochoc qui commencera à convaincre les Maliens d’en bas que leurs concitoyens d’en haut sont capables de mettre leurs talents, leurs compétences et leur savoir-faire à leur service et à celui de toute la nation, sans escompter un bénéfice matériel et financier quelconque. Une première incontestablement.
MALI, LA CEDEAO INFLEXIBLE
Les voisins du Mali ont insisté mardi pour que la junte désormais au pouvoir à Bamako nomme rapidement des dirigeants civils de transition, faisant miroiter une levée possible dans quelques jours des sanctions imposées au pays
Les voisins du Mali ont insisté mardi pour que la junte désormais au pouvoir à Bamako nomme rapidement des dirigeants civils de transition, faisant miroiter une levée possible dans quelques jours des sanctions imposées au pays sahélien en crise.
Les dirigeants de la Communauté des Etats ouest-africains (Cédéao) ont tenu à Peduase (est du Ghana) un nouveau sommet sur la crise malienne, un mois après le coup d'Etat militaire qui a renversé le 18 août le président Ibrahim Boubacar Keïta, soutenu pendant des années par la communauté internationale dans le combat contre les jihadistes mais déstabilisé par des mois de contestation intérieure.
Réclamant depuis le début un retour rapide à l'ordre constitutionnel, la Cédéao avait donné aux nouveaux maîtres de Bamako jusqu'à mardi pour désigner un président et un Premier ministre de transition qui dirigeraient le pays jusqu'à un retour définitif des civils.Ces dirigeants temporaires doivent eux-mêmes être des civils, demande-t-elle, alors que le Mali se divise profondément sur cette question et beaucoup d'autres.
Les militaires qui ont fait le déplacement de Peduase derrière le chef de la junte, le colonel Assimi Goïta, n'ont rendu public aucun nom de président ou de Premier ministre à l'approche de l'expiration de l'ultimatum.
Le président ghanéen Nana Akufo-Addo a cependant émis des signes de progrès, au moins aux yeux des dirigeants de l'organisation ouest-africaine dont il assure la présidence tournante .
"La situation au Mali doit être résolue rapidement", a-t-il dit aux journalistes à l'issue de discussions qui semblent avoir duré plusieurs heures de plus que prévu."Pour nous, la transition doit être dirigée par des civils", a-t-il dit, "à la minute même où cette direction sera mise en place, les sanctions imposées au Mali seront levées par la Cédéao".
La Cédéao renverra un médiateur à Bamako la semaine prochaine et le président ghanéen a émis l'espoir que la junte aura accédé d'ici là aux exigences de la Cédéao, lui permettant de lever les sanctions.
"Nous espérons que nous parlons de jours et non de semaines", a-t-il ajouté.
La Cédéao s'inquiète d'un surcroît d'instabilité dans un Sahel gagné par la propagation jihadiste, et du mauvais exemple régional que donnerait une junte maintenue durablement au pouvoir.
Elle a infligé le 20 août au Mali un embargo sur les flux financiers et commerciaux.Ces mesures inquiètent dans un pays en proie à un profond marasme économique, en plus des agissements jihadistes et des violences intercommunutaires.
- Nouvelles consulations annoncées -
La junte, soucieuse d'une "refondation" de l'Etat, a promis de restituer les commandes aux civils à l'issue d'une période de transition.Depuis des semaines, les Maliens se divisent sur la durée de cette période et sur qui la dirigera, civil ou militaire.
Les colonels se sont rendus au Ghana avec une charte de la transition détaillant l'organisation de cette période.Ce document crucial prévoit une transition de 18 mois.Le président qui la conduirait serait un civil ou un militaire, mais il serait nommé par un collège installé par la junte.Le Premier ministre serait nommé par le président de la transition.
Le président serait flanqué d'un vice-président chargé des questions de défense et de sécurité, un poste volontiers considéré comme taillé sur mesure pour le chef de la junte, le colonel Assimi Goïta.
Les militaires ont validé cette charte à l'issue de concertations avec un certain nombre d'acteurs politiques et de la société civile la semaine passée.Mais le document est contesté comme un fait accompli par le Mouvement du 5-Juin.
Cette coalition hétéroclite a fait descendre des milliers de Maliens dans la rue pendant plusieurs mois contre le pouvoir en place, canalisant l'exaspération des Maliens.Des militaires ont fini par déposer l'ancien président Keïta le 18 août.Le M5 réclame d'être placé sur un pied d'égalité avec la junte à l'heure de la transition.
Mais les divisions dépassent largement la junte et le M5.
Les partisans d'une transition longue confiée aux militaires arguent du temps et de l'autorité nécessaires pour créer les conditions d'un redressement dans un pays au bord du gouffre.
La Cédéao avait jusqu'alors réclamé que la transition n'excède pas 12 mois.Le président ghanéen n'a pas explicitement reformulé cette demande devant les journalistes, mais a pris acte que les Maliens s'étaient entendus sur des processus de transition.
Le colonel Goïta a dit à ses interlocuteurs qu'il devait à présent "rentrer et consulter tous ceux à qui la décision appartient et obtenir leur accord", a dit le chef de l'Etat ghanéen. La junte n'a fait aucun commentaire public sur les discussions de Peduase.
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WASIS DIOP, POÈTE POP ET EXPLORATEUR MUSICAL
Chanteur et compositeur sénégalais installé à Paris, il est un musicien au style unique. Alors que son sixième album tout en français, « De la glace dans la gazelle », sortira début 2021, il revient sur son parcours, ses influences et sa philosophie
Chanteur et compositeur sénégalais installé à Paris, Wasis Diop est un musicien au style unique, qui a signé de nombreuses musiques de films. Alors que son sixième album tout en français, « De la glace dans la gazelle », sortira début 2021, Wasis Diop revient sur son parcours, ses influences et sa philosophie.
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SÉNÉGALAIS, PEUPLE LE PLUS AUTHENTIQUE D'AFRIQUE ?
Découverte du pays à travers sa culture, sa gastronomie, entre autres
Moussa Traoré, ancien dictateur à la tête du Mali de 1968 à 1991 avant d'être renversé par un coup d'Etat militaire, est décédé mardi à l'âge de 83 ans, a-t-on appris auprès de sa famille.
"Moussa Traoré est décédé ce jour à 12H05 chez lui à Bamako.Nous sommes vraiment en deuil", a dit à l'AFP son neveu Mohamed Traoré.Il n'a pas précisé les causes du décès de l'ancien général qui, condamné à mort à deux reprises après sa chute, avait dit être, en tant que militaire, "préparé à l'idée de ne pas mourir dans son lit".
Moussa Traoré, alors lieutenant, avait été le principal promoteur du coup d'Etat du 19 novembre 1968 qui avait renversé le président Modibo Keïta, au pouvoir depuis l'indépendance en 1960.Il était devenu président de la République un an plus tard et aura exercé un pouvoir quasiment sans partage pendant plus de 22 ans.
Son décès survient dix jours avant son 84ème anniversaire et sept jours avant celui de la proclamation de l'indépendance du Mali.Il survient aussi alors que son pays, plongé depuis des années dans une profonde crise sécuritaire, économique et politique, vient de connaître son quatrième coup d'Etat depuis l'indépendance et cherche à grand-peine les suites à donner au putsch du 18 août.
Ces dernières années, Moussa Traoré était devenu une sorte de vieux sage que les politiciens allaient consulter.
LA FEMME DE JAMMEH SANCTIONNÉE PAR LES ÉTATS-UNIS
Zineb Jammeh est désignée pour son rôle dans l'assistance matérielle, le soutien ou l'aide à son mari. Elle a utilisé une fondation caritative et des organismes de bienfaisance comme couverture pour faciliter le transfert illicite de fonds à son mari
Washington a annoncé mardi des sanctions économiques visant la femme de l'ancien président de Gambie Yahya Jammeh, accusé de corruption au cours de ses 22 ans de dictature et lui-même visé par des sanctions américaines, ont indiqué le département d'Etat et le Trésor.
"Zineb Jammeh est désignée pour son rôle dans l'assistance matérielle, le soutien ou l'aide à son mari. Elle a utilisé une fondation caritative et des organismes de bienfaisance comme couverture pour faciliter le transfert illicite de fonds à son mari", a détaillé le département d'Etat dans un communiqué. Zineb Jammeh est soupçonnée "de contrôler de nombreux avoirs à l'étranger de son mari", est-il précisé. Ceux qui sont détenus aux Etats-Unis sont donc bloqués, a souligné le Trésor américain dans un communiqué distinct.
Les Etats-Unis avaient, en 2018, interdit d'entrée sur leur territoire Yahya Jammeh, son épouse, et ses enfants, Mariam Jammeh et Muhammad Yahya Jammeh. Tous ont été placés sur la liste noire américaine des dirigeants étrangers impliqués dans des faits de corruption à large échelle ou dans de graves violations des droits humains.
La Gambie, petit pays anglophone d'Afrique de l'Ouest enclavé dans le Sénégal, a été dirigée sans partage pendant 22 ans par Yahya Jammeh jusqu'à sa défaite fin 2016 face à l'opposant Adama Barrow et son départ mouvementé en exil en janvier 2017. Des sanctions ont également été annoncées mardi à l'encontre de Nabah, une société "détenue ou contrôlée" par l'homme d'affaires saoudien Ashraf Al-Cardinal, et enregistrée au Royaume-Uni.Ashraf Al-Cardinal avait fait l'objet de sanctions américaines en octobre 2019 pour de la corruption liée à des passations de marchés "impliquant de hauts responsables du gouvernement sud-soudanais", a indiqué le secrétariat d'Etat."Lui et ses sociétés agissent en tant qu'intermédiaires, déposant et détenant d'importants montants de fonds pour les hauts fonctionnaires sud-soudanais en dehors du Soudan du Sud, dans le but d'éviter les sanctions", décrit encore l'administration.
LA COVID-19 FRAPPE L'ARMÉE
Plus de 200 soldats sénégalais de la force ouest-africaine en Gambie ont été testés positifs au coronavirus après leur mission dans ce pays
Plus de 200 soldats sénégalais de la force ouest-africaine en Gambie ont été testés positifs au coronavirus après leur mission dans ce pays, a-t-on appris mardi auprès de l'armée et du ministère sénégalais de la Santé. "La direction de la santé des armées nous a notifié 208 militaires de retour de mission testés positifs à la Covid-19", a affirmé le ministère de la Santé dans son communiqué quotidien. Un précédent bilan communiqué par l'armée il y a quelques jours faisait état d'une "centaine" de soldats touchés, sur un contingent de plus de 600 hommes qui étaient en Gambie.
Les soldats sont "tous à Guéréo", a indiqué à l'AFP un responsable de la direction des relations publiques de l'armée. Le village de Guéréo, situé sur la côte à une soixantaine de kilomètres au sud de Dakar, abrite "un hôtel" de l'armée, site retenu par le ministère de la Santé pour le suivi des patients asymptomatiques du Covid-19.
La Gambie, pays enclavé dans le Sénégal à l'exception de sa façade maritime, a déclaré 3.428 cas confirmés et 105 décès. Le Sénégal a lui déclaré 14.529 cas et 298 décès.La force de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'ouest en Gambie (Micega) avait été déployée en janvier 2017 pour contraindre l'ex-président gambien Yahya Jammeh (1994-2017) à céder le pouvoir à son successeur élu Adama Barrow.Majoritairement formée de militaires sénégalais, sa mission a depuis lors été prolongée par la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'ouest (Cédéao) à la demande de M. Barrow, malgré le départ le 21 janvier 2017 de Yahya Jammeh en exil en Guinée-équatoriale.
par Mamadou Ndiaye
REGARDS CROISÉS
En cherchant à capter les émotions pour les instrumentaliser à leur profit, certains leaders politiques ont cru devoir chausser les bottes, déchirer l’eau et prendre des selfies avec des victimes
Macky Sall est au défi. La conjoncture sociopolitique lui sourit très peu en cette période d’incertitudes et de troubles. Les facteurs aggravants s’accumulent. Si le coronavirus fait toujours des ravages, il se révèle toutefois moins virulent mais impacte encore et toujours de larges secteurs actifs. Les pluies diluviennes tombées la semaine dernière n’arrangent pas une situation déjà compliquée. Il s’y ajoute des inondations d’une toute autre ampleur à Dakar et dans les principales villes de l’intérieur.
Alors qu’un vif débat divise la classe politique à propos de la gestion des eaux envahissantes, deux ministres de la République, et pas des moindres, investissent les médias. Dans un mouvement presque synchronisé, ils rompent le silence pour annoncer au monde l’imminence d’une récession économique découlant de la crise sanitaire. L’un, Abdoulaye Daouda Diallo (Finances et Budget) met en cause la pandémie pour justifier, les contreperformances redoutées. L’autre, Amadou Hott (Economie et Coopération), s’appuie sur la même cause pour évoquer des prévisions en berne.
Ensemble, ils pronostiquent également la chute de la production intérieure, une croissance négative à terme et une baisse drastique des recettes fiscales. Ces sorties millimétrées ont-elles valeur d’avertissement sans frais ? Cela dit, l’étroitesse de l’assiette d’imposition ne s’explique plus dès lors qu’il y a la possibilité de l’élargir, d’accroitre l’efficacité de la collecte et de supprimer progressivement les avantages octroyés à des contribuables potentiels. Somme toute, la pression maximale a un coût. Les mêmes contribuables, sollicités ou ponctionnés inlassablement, finissent par manifester une moue de dédain synonyme de rejet de l’inquisition fiscale.
S’il ne paraît pas dépassé par les évènements, ce dont il faut se féliciter, le gouvernement use (sans en abuser) de subtilités de langage pour reconnaître la survenue de réelles difficultés dans un futur proche. Ils entrevoient une révision des perspectives. Un lien d’amitié et de loyauté unit les deux ministres à leur patron qui a pleinement confiance en eux. Le ministre Hott cherche l’argent quand son collègue du Budget garde la caisse avant de le dépenser judicieusement. Seulement ? Non : et efficacement… !
Les trois Mousquetaires le savent. Car le contexte de rareté se prête souvent au soupçon. Or les Ministres des Finances et de l’Economie, imbus de vertus et attachés à la probité, se soucient de l’avenir, de leur avenir en quelque sorte. Autrement dit, de la postérité, clé majeure pour qui veut entamer une carrière politique d’envergure. Soyons clair à cet égard : aucune intention de deviner leurs propres intentions ne nous anime. En revanche l’attentisme qui ronge le pays a besoin d’être secoué. A chacun d’être acteur de sa citoyenneté prouvée. Il faut même plus que de l’incantation pour assurer la cohésion du pays.
En cherchant à capter les émotions pour les instrumentaliser à leur profit, certains leaders politiques ont cru devoir chausser les bottes, déchirer l’eau et prendre des selfies avec des victimes. Mal leur en a pris. Puisque ces populations, excédées par ses effets de démonstrations sans lendemain, renvoient dos à dos ceux qui veulent des décors de légitimation. Point trop n’en faut ! Il ne s’agit pas de s’identifier à ces pauvres habitants des eaux. Plutôt, guettent-ils des solutions durables, quitte à ce qu’ils s’éloignent de ces marécages qui retrouvent de fait leur vraie vocation avec le retour des pluies. Une culture de l’engagement ? Personne ne serait contre.
En allant au charbon, les Ministres Diallo et Hott agissent dans l’intérêt du pays comme en son temps, à plus de vingt ans d’intervalles, un autre duo s’était rendu célèbre : Sakho & Loum investi alors pour redresser les comptes publics, assainir le système financier et re-crédibiliser la parole d’Etat et sa puissance de négociation face aux bailleurs de fonds aujourd’hui nommés partenaires techniques et financiers (PTF) ! Cela faisait beaucoup mais ils y étaient parvenus à la satisfaction du président Abdou Diouf.
Comparaison n’est pas raison. A peu de choses près, le tableau actuel, sous l’ère Macky Sall, présente de frappantes similitudes : aviser et alerter d’abord, puis réaffirmer le cap fixé dans l’agenda 2035 du PSE, privilégier des approches pédagogiques centrées sur l’exemplarité et se remettre au travail avec l’objectif de retrouver les niveaux de performances d’avant Covid-19. Le pouvoir en place ne doit en aucune manière minimiser les reproches de l’opposition qui dénonce les improvisations et l’inaptitude à changer le cours des choses.
Des efforts et de la sueur ? Sûrement oui ! Puisque la déprime rôde à nos portes. Pas de larmes ni du sang tout de même ! Si nous voulons conjurer cette hantise, alors au travail ! Sur les épaules des ministres susnommés repose l’espoir d’une nation abasourdie par la persistance d’un mal encore très mal connu. Néanmoins, les contours de la relance voulue par Macky Sall se dessinent : provoquer un déclic par un esprit de sursaut insufflé par les circonstances du moment. Dès lors pas de repli sur soi. En plus, le réalisme devra habiter toutes les forces vives dans une volonté d’atténuer les pressions, simplement parce que le contexte ne s’y prête pas.
Ce répit -disons cette pause- est à mettre au crédit du bon sens qui doit gouverner désormais tous les acteurs face justement aux menaces qui se précisent : l’exaspération sociale, l’étendue des inondations, le manque de coordination des secours à une plus grande échelle, et les bruits de bottes à nos frontières. Nos bonnes sociétés cherchent des liens et peinent à les trouver. Pourtant, les occasions ou les prétextes n’ont pas manqué : drames, tragédies catastrophes ont rythmé la marche du pays ces vingt dernières années sans pour autant déboucher sur un élan patriotique qui aurait pu souder la nation. Les Sénégalais « de raison » s’étonnent des rendez-vous manqués pour construire cette unité garante de la force dont doit se prévaloir cette même nation pour assurer sa cohésion. Il y a loin de la coupe aux lèvres...
LE CODE DE LA FAMILLE FAIT DÉBAT
Des militantes pour la défense des droits des femmes s'insurgent contre ce texte en vigueur depuis 1973. Les articles relatifs à la recherche de paternité et au droit parentaux sont vivement critiqués car ils semblent faire la part belle aux hommes
BBC Afrique |
Ndèye Khady Lo |
Publication 15/09/2020
Des activistes et universitaires appellent à la révision du code de la famille au Sénégal. Il semble exister une unanimité sur la nécessité de réformer le code de la famille. Mais conservateurs et progressistes ne s'entendent pas sur comment réformer ni sur quoi réformer.
Voici quelques articles jugés discriminatoires et injustes par beaucoup de défenseurs des droits des femmes.
Selon le présent code de la famille au Sénégal, seul un homme peut être reconnu comme chef de famille, décidant de quasiment tout. De l'endroit où vit la famille, à comment ou quand établir des documents administratifs à ses enfants, l'homme est le chef suprême de la famille. Il a aussi le choix de ne pas reconnaitre ses enfants, et la recherche de paternité est interdite. Et la femme qui a cotisé toute sa vie pour une retraite si elle décède, rien n'est reversé à sa famille, époux ou enfants mineurs.
Une pétition dénonçant ces disposition du code de 1972 comme une atteinte "discriminative contre les droits des femmes" réunit plus de 5000 signatures en ligne.
"Dans l'intérêt de préserver les droits de la Femme et de l'Enfant, cette pétition s'érige pour réclamer la révision du code de la famille concernant certains articles que nous considérons comme une atteinte discriminative basée sur le genre en défaveur de la femme", indique l'activiste des droits des femmes Bineta Ndiaye, l'initiatrice de la pétition.
Depuis plusieurs années, des militantes pour la défense des droits des femmes s'insurgent contre ce texte adopté en 1972 mais en vigueur depuis janvier 1973. Ces militants soulignent ce qu'elles considèrent comme son caractère dépassé et injuste pour les femmes. En effet, les articles relatifs à la recherche de paternité et au droit parentaux sont vivement critiqués car ils semblent faire la part belle aux hommes.
Le combat de l'Association des femmes juristes sénégalaises (AJS)
Dans le combat pour la révision du code de la famille, l'Association des femmes juristes sénégalaises joue un rôle de premier plan. L'association a siégé au ministère de la Justice dans la commission de révision des textes discriminatoires à l'égard de la femme et de l'enfant. Cette commission a passé en revue pratiquement tous les textes et particulièrement le code de la famille.
"Depuis plusieurs années l'AJS fait de la sensibilisation et du lobbying auprès des autorités et des populations pour la révision de certaines dispositions du code de la famille telles que le relèvement de l'âge du mariage de 16 à 18 ans pour être conforme au protocole additionnel de Maputo signé et ratifié par le Sénégal; mais également pour respecter les prescriptions scientifiques médicales sur l'âge normal du mariage", déclare à la BBC Aby Diallo, commissaire de police à la retraite et présidente de l'AJS.
L'association propose de réviser le Code de la famille en faisant des amendements aux dispositions jugées discriminatoires.
Mais cette volonté réformiste des féministes ne passera pas comme lettre à la poste. Les conservateurs religieux, principalement des musulmans ne voient pas les choses de la même façon.
"Le code de la famille est un code consensuel adopté après d'âpres discussions et de négociations entre l'Etat et les autorités religieuses et coutumières. Sa révision imposera la même procédure. Ensuite, malgré l'évolution de la société, l'influence de la religion est forte et il faudra forcément en tenir compte", relève Aby Diallo.
Le point de vue des religieux musulmans
Le Sénégal est un pays composé de près de 95% de musulmans. Dans les années 1970, des chefs religieux musulmans s'étaient impliqués dans l'élaboration du code de la famille, selon plusieurs sources. Quand le président Senghor a souhaité adopté un code de la famille différent de celui hérité de la colonisation, un regroupement de spécialistes du droit islamique a fait un plaidoyer pour l'adoption d'un code s'inspirant de la religion. Senghor n'approuvera pas cette démarche en raison du caractère laïc de l'Etat.
Le Sénégal fait partie des pays à mer les plus poissonneuses au monde. Pourtant, le panier de la ménagère n’en profite pas. Pêcheurs, mareyeurs, vendeurs de poissons sont tous unanimes : la denrée est en train de devenir un luxe
Le poisson se fait rare. Il coûte cher. Pêcheurs, mareyeurs, vendeurs de poissons sont tous unanimes : la denrée est en train de devenir un luxe et ce, pour plusieurs raisons.
Le Sénégal fait partie des pays à mer les plus poissonneuses au monde. Pourtant, le panier de la ménagère n’en profite pas. Au quai de pêche de Yarakh, en cette matinée du lundi 13 juillet, les vendeurs rivalisent de formule pour attirer la clientèle. Au large, quelques pirogues reviennent d’une nuit de dur labeur. Cheikh Ndiaye court sur la rive apporter à des femmes la caisse de poissons qu’il porte à l’épaule. L’homme est mareyeur depuis cinq ans. La discussion entre lui et les revendeuses s’éternise, les mines sont serrées. Ces dernières veulent acheter ses caisses de ‘’sompate’’ (daurade grise) à 6 000 F CFA, mais il n’est pas d’accord. C’est 10 000 F CFA ou rien.
‘’En ce moment, les affaires ne marchent pas vraiment. Les pêcheurs ne rapportent pas grand-chose. Donc, cela se répercute sur le prix d’achat des revendeuses. Ce n’est pas de notre faute’’, confie-t-il, en rangeant des billets de banque dans sa sacoche.
Derrière lui, les marchandages vont bon train. Les rares clients arborant un masque sont regardés de travers. Ici, cet outil de protection contre le coronavirus est absent. ‘’Il existe des périodes où le poisson se vend à bon prix et des moments où on ne gagne pratiquement rien. Par exemple, en cette période d’hivernage, ‘yaboye’ (sardinelle) se fait rare. En général, quand il pleut, il disparait. Le ‘yaboye’ est cher en ce moment. On achetait la caisse à 500 F ; maintenant, elle coûte 1 000 F. Lorsqu’il va commencer à pleuvoir sérieusement, le prix va varier entre 15 000 et 35 000 F CFA’’, explique le vieux Fallou Samb, vendeur de poisson.
Assis tranquillement face à son étal, il poursuit : ‘’Il y a du poisson, mais c’est le gouvernement qui nous complique la tâche. Si un bateau étranger vient prendre tout ce qu’on doit pêcher, finalement nous, on n’aura rien. Pire encore, leurs filets s’étendent sur un kilomètre. Il y a quelques années, on ne faisait même pas un kilomètre pour trouver du poisson. Qu’est-ce qu’on va avoir, après leur passage ? D’un autre côté, les premières pluies de l’hivernage ont accentué l’insalubrité habituelle des lieux. ‘’EnQuête’’ avait consacré, en 2018, à ce haut de commerce, un dossier intitulé : ‘’Deux ans après, rien n’a changé.’’
Les eaux des multiples canalisations sur le quai, d’autres en dessous des étables déversent leur contenu noirâtre, çà et là. Comme si cela ne suffisait pas, l’eau de mer reçoit le contenu du canal 6. Elle n’est plus bleue ou claire, mais noire. Sur le quai, il faut savoir où mettre les pieds, sinon c’est la glissade assurée. Ceci, sans compter, les tas d’ordures qui font office de décor. Une bonne partie est constituée de plastique et se trouve à deux doigts de la mer, puisqu’elle avance à grands pas.
Selon Fallou Samb, ‘’ces ordures, pour la plupart, proviennent de l’eau de mer de Thiaroye et Mbao. Mais les habitants du quartier déversent aussi leurs ordures ménagères. Ce qu’on ne prend pas en compte, c’est que cette saleté fait fuir les poissons’’.
De l’avis du président du quai de pêche, c’est la mentalité des Sénégalais qui pose problème. ‘’Le Sénégalais est sale. Il faut qu’on se le dise. Il porte de beaux habits propres, se parfume, mais reste indifférent face à la saleté de son environnement. J’ai moi-même pris des gens en flagrant délit. Ils ont été entendus à la brigade, on leur a collé une amende. Pourtant, certains continuent de déverser leurs ordures ici, la nuit, pendant que nos équipes de surveillance sont absentes’’, soutient Ibrahima Niang. A l’en croire, tous les dimanches, le quai est nettoyé et désinfecté. C’est pourquoi il déplore l’absence de projet durable en faveur de son assainissement.
‘’Il n’y en a eu qu’un seul (Sen Environnement) pour le nettoyage et le tri des déchets qui a été lancé en 2007. Il s’est terminé trois ans plus tard. Depuis lors, plus rien. Il y a un réel problème de continuité. Trois ans, ce n’est rien du tout. Actuellement, on attend le démarrage d’un autre projet, celui de la dépollution de la baie de Hann. On espère que ce n’est pas juste une annonce comme les autres et qu’il se déroulera effectivement’’, lance notre interlocuteur.
Riche d’une expérience de 25 ans de pêche, il ajoute : ‘’On a l’impression que nous sommes oubliés par l’Etat. Pourtant, la pêche est un grand pourvoyeur d’emplois. Elle fait entrer de grosses devises. Le principal problème, c’est qu’aujourd’hui, la réglementation fait défaut. Il n’y a aucune délimitation quant aux zones de pêche. Et les navires font la loi. Il y a à peu près dix ans, on pêchait tellement de poissons qu’on offrait des seaux pleins à des proches ou des voisins. Mais aujourd’hui l’activité est morose. Nous demandons à l’Etat de revoir la délimitation des espaces en mer’’.
Selon lui, les pêcheurs dépensent beaucoup d’argent dans l’achat de gasoil pour leurs pirogues. Les pêcheurs ont besoin de quatre ou cinq bidons (60 litres) de 33 000 F CFA chacun, pendant qu’un seul suffisait, il y a quelque temps. Le quai de pêche de Yarakh accueille également des pêcheurs sénégalais venant de la Guinée et de la Guinée-Bissau. Au mois de juillet, ceux de Saint-Louis y avaient aussi élu domicile. Afin de pouvoir satisfaire les besoins de leurs familles pour la Tabaski, ils avaient quitté les eaux pauvres en poisson de cette ville pour venir pêcher à Yarakh.
‘’Les bateaux sont notre plus grand cauchemar’’
12 h 30. La plage de Yoff Tonghor est plutôt calme. Sur le quai, les étals sont presque vides. Les vendeuses de poisson discutent entre elles. De jeunes garçons profitent de l’accalmie pour se baigner, en attendant le retour, vers 17 h, des pêcheurs.
Assis sur le sable, sous une pirogue, Omar Kébé semble perdu dans ses pensées. Sa cigarette lui tient compagnie. ‘’Je suis pêcheur et cet instant devait me trouver en mer. Mais la situation est tellement morose que, désormais, j’achète le poisson pour aller le revendre dans d’autres marchés. En fait, ici, après la campagne de décembre à mai, beaucoup de pêcheurs rentrent et la mer est plus ou moins vidée de ses poissons. Ce qui fait que la période qui suit, il y a peu de prises. Aussi, la quantité n’est pas fixe, car les poissons se déplacent d’un point à un autre, selon des paramètres que je ne maitrise pas. En période d’hivernage, on peut en avoir tout comme ne pas en avoir. La situation n’est pas figée ; tout dépend de la mobilité de la ressource. Actuellement, on ne trouve que les petits poissons, encore que pour les avoir, les pêcheurs vont jusqu’à Kayar. Il y en a qui passent la nuit’’.
Intéressé par le sujet, il a trouvé une bonne occasion de vider son sac : ‘’Les bateaux sont les premiers responsables de cette situation. Ils sont notre plus grand cauchemar. Vraiment, c’est de mal en pis. Les bateaux chinois et américains sont partout et quand tu te plains, ils te disent clairement qu’ils ont payé pour pêcher ici. L’Etat a tout vendu aux Occidentaux. Ce sont donc leurs navires qui pêchent les meilleurs poissons et les mailles de leurs filets ne sont pas assez larges, contrairement aux nôtres. Franchement, leur façon de pêcher laisse à désirer. Ils ramassent tout. Petits comme gros poissons. Ce sont eux qui tuent la pêche sénégalaise, parce qu’ils prennent des poissons qui sont encore en croissance et n’ont donc pas fini de se développer. Malheureusement, aujourd’hui, c’est ce que les pêcheurs sénégalais font aussi et quand ils accostent, ils n’arrivent pas à écouler ce stock de petits poissons. Ils sont obligés de les reverser dans la mer. Je pense que c’est à l’Etat de réglementer tout ça. Normalement, personne ne doit pêcher ces alevins’’.
Oumar Kébé ne manque pas de proposer des pistes de solution. ‘’En Mauritanie, les gens pêchent par période. Il y a un moment où on ferme la mer. Pendant trois mois, personne ne pêche. Or, au Sénégal, ce n’est pas le cas. Chaque jour, tout le monde va en mer, au même moment. On ne va pas s’en sortir. On devrait plutôt penser à alterner les temps de pêche. En Mauritanie, dès que vous accostez, les surveillants viennent regarder ce que vous avez pris. Si, par malheur, ils trouvent des alevins, on te colle une amende ou une interdiction de pêche’’. En ces lieux, la caisse de carpe et de daurade coûte entre 10 000 et 16 000 F CFA. Une quantité qui était vendu à 6 000, 8 000 ou au plus 11 000 F CFA. Une pirogue qui part en mer ne ramène pas plus de trois caisses.
Pendant notre échange, un mareyeur discute en aparté avec des revendeuses. ‘’Regarde par exemple le contenu de ces caisses, rien que de petits poissons !’’, lance-t-il dépité en les montrant de la main. ‘’Dans ce pays, chacun fait ce qu’il veut. Tu attrapes un poisson en pleine croissance qui doit grandir pour pouvoir se reproduire, tu sais qu’une fois sur la rive, tu ne pourras pas le vendre, pourquoi ne pas le rejeter immédiatement dans la mer ? Mais non, ils viennent jusqu’ici et ils renversent parfois même sur la plage ces poissons morts qui pourrissent ici. Ailleurs, ce genre de poissons (pourris) est amené dans une usine pour transformation. Il y a un véhicule spécial qui vient les ramasser et après leurs services nettoient la plage’’, poursuit-il.
Ce qui est sûr, c’est qu’il en veut aux navires étrangers, et pour une bonne raison. ‘’Dès qu’on approche de leur périmètre, leurs radars le leur signalent. Ils vous envoient une lumière forte. Ils te prennent, te font monter à bord, t’emmènent, te frappent et te collent une amende. C’est incroyable ! Aujourd’hui, on est obligé d’aller à Thiaroye ou à Yarakh acheter du poisson et le revendre. Pourtant, cette zone était la mieux nantie en poissons, il y a quelques années’’.
Réglementer le nombre de jours de pêche
Pour ce pêcheur, si on veut sauver la pêche sénégalaise, le nombre de jours de pêche doit être compté et clairement défini. De même que l’espace attribué à chacun. En ces lieux, l’eau de mer garde encore une certaine clarté. Mais l’insalubrité fait sa loi. Sachets plastiques, restes de repas, poissons pourris… Bref, dans les tas d’immondices, tout y est. On a l’impression, au Sénégal, que beaucoup ignorent l’impact du plastique sur la ressource halieutique.
Une étude parue dans la revue britannique ‘’Proceedings B of the Royal Society’’ a montré, en 2017, que le plastique colonisé par des bactéries et des algues produit des odeurs qui conduisent les poissons à les ingérer volontairement. Ainsi, ces derniers et d’autres mammifères de mer meurent, lorsque les fragments de plastique ingérés sont volumineux. Au cas contraire, l’homme mange, par leur intermédiaire, une partie des millions de tonnes de déchets plastiques dissous dans les fonds marins.
Selon Omar Kébé, ‘’la nuit, chacun déverse le contenu de sa poubelle dans la mer. Le service de nettoyage balaie, mais rien. Les riverains viennent verser les ordures ménagères, parfois même sur la plage. Ils ignorent que cette saleté fait fuir les poissons. Il faut que les responsables du quai assurent le suivi après un nettoyage. Au lieu de s’intéresser à cette insalubrité, c’est l’argent de la patente seulement qui les fait bouger. Tout le monde doit participer à la propreté de cet espace ; chacun doit jouer son rôle’’.
Un peu plus loin, sur la rive, le vieux Souleymane Fall, courbé sur le rebord de sa pirogue, prépare son filet. Le sujet de jour l’a quand même sorti de sa concentration. ‘’Le gouvernement n’a rien fait de ce qu’il nous avait promis. Il ne nous aide pas. C’est très difficile pour nous. Aujourd’hui, tout le monde a une licence et ils avaient dit qu’une fois qu’on a la licence, toute pirogue qui a un problème en mer sera secourue. Pourtant, depuis lors, ils n’ont pas bougé le petit doigt pour secourir toutes ces pirogues qui se sont perdues en mer.
Au contraire, elles n’ont bénéficié d’aucun soutien de la part de l’Etat. Ici à Yoff, c’est nous-mêmes qui allons les chercher et on peut soit les retrouver, soit ne jamais les revoir. L’Etat n’a pas respecté son engagement, alors que nous avons fait tout ce qu’il nous a demandé. Les bateaux détruisent nos effets, cognent nos pirogues. Mon propre frère a été emporté par une collision avec un bateau, avec trois de ses coéquipiers. Nous avons informé les autorités compétentes, elles ont retracé le déroulé de l’accident, mais le fautif n’a pas été interpellé.
Il n’y a eu aucune sanction. Tout ce qu’on demande, c’est que ces grands bateaux qui emportent tous nos poissons aillent plus loin, que leur espace de pêche soit délimité et qu’ils nous laissent notre petit territoire de pêche. Ils en ont déjà assez pris. Un navire ne peut pas se disputer cet espace avec de petites pirogues. Que le gouvernement nous aide en ce sens. Nous sommes pauvres et nous vivons de cette activité’’, explique-t-il la voix grave.
Sa prise de parole a créé un petit rassemblement. Certains n’ont pu s’empêcher d’applaudir. Dans le lot, mère Sarr veut s’exprimer : ‘’En période de campagne, le lieu est beaucoup plus animé. Mais, actuellement, c’est vraiment difficile, le poisson coûte cher. Des caisses qu’on achetait à 6 000 ou 7 000 F CFA, coûtent aujourd’hui 10 000 ou plus. Et le pire, c’est que cela va continuer jusqu’à la prochaine campagne, en décembre.’’