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21 juillet 2025
"ON DOIT REMETTRE L'HUMAIN AU CENTRE DE TOUT"
Face aux défis de la mondialisation et aux questions engendrées par le terrorisme, les guerres et l’immigration, se pose, plus que jamais, estime Abdoulaye Elimane Kane, la nécessité de réfléchir sur le sens de notre existence au XXIe siècle
Professeur des universités à la retraite, Abdoulaye Élimane Kane, philosophe, romancier et ancien ministre de la Communication et de la Culture du Sénégal, vient de publier un ouvrage intitulé «Éloge des identités : De l’universel et du particulier» aux éditions l’Harmattan. Dans cet entretien, il jette un regard sur nos sociétés contemporaines en pleine mutation et justement confrontées aux questions des identités. Face aux promesses et aux performances de la technologie, aux défis de la mondialisation et aux questions engendrées par le terrorisme, les guerres et l’immigration, se pose, plus que jamais, estime le Pr Kane, la nécessité de réfléchir sur le sens de notre existence au XXIe siècle ? Selon le philosophe, on doit revenir à l’humain ; remettre l’humain au centre de tout. Mais non sans certains préalables à examiner.
Vous venez de publier votre dernier ouvrage «Éloge des identités». Pouvez-vous nous faire l’économie de cette production ?
Cet ouvrage, du point de vue même de son intitulé, pose problème : quelqu’un serait fondé à se demander comment une telle approche laudatrice peut se concevoir face à certaines pratiques et usages malveillants ou malintentionnés de ce concept d’identité ? Il s’agit pour moi de chercher un point d’équilibre et de me démarquer de tous les excès. Cette approche invite plus spécifiquement, comme l’indique le sous-titre, à débattre du rapport entre l’universel et le particulier, en saisissant ce dernier sous la forme concrète de trois figures de l’identité : le collectif local ; l’individu comme sujet actif soucieux de son autonomie et animé de la volonté de participer à la construction du vivre-ensemble ; l’humanité qui aborde une phase délicate de son odyssée millénaire et dont l’identité peut être menacée par ses propres inventions. Les sciences et les techniques les plus en pointe laissent entendre que c’est le défi que l’humanité doit relever au cours du XXIe siècle. Il s’agit d’indiquer comment ces trois aspects de l’identité participent à l’expression de l’universel. De suggérer que seule la prise en compte de tous ces trois aspects peut empêcher que l’universel se réduise à l’imposition d’une conception unilatérale et donc tronquée de l’humain. L’un des buts visés dans ce livre est de renvoyer dos à dos deux positions opposées et dangereuses pour la construction d’une civilisation plus humaine, plus juste et apte à accorder leur juste place aux raisons de vivre de chacun et de tous. Ces deux attitudes opposées sont, d’ une part, la phobie de l’universel et, d’ autre part, une sorte de sacralisation de l’universel. Avoir peur de l’universel est aussi absurde que de l’idolâtrer sans interroger les conditions de son effectivité. Si, à juste titre, la vocation de certaines institutions internationales est de travailler à faire advenir cet universel dans notre monde, il reste que la distance qui sépare le principe et la réalité est immense.
Mais il y a plus préoccupant : des pôles culturels et économiques dominants présentent leur position comme incarnation de l’universel et comme modèles à imiter, leurs vérités et leurs réalités à adopter et à reproduire. Autant la crainte et la méfiance à l’ endroit de l’universel est une conduite de cécité et un risque de régression, autant il faut considérer l’attitude opposée comme une simple idéologie au service d’un mode dominant de développement et de valeurs de civilisation. C’est pour cette raison que la première partie du livre accorde une place importante au débat sur les rapports entre le global et le local et suggère de s’inspirer des avis d’experts dans quatre domaines d’études pour tester une hypothèse de résilience à une telle dérive. En dépit de ses avancées technologiques qui touchent le monde entier et changent la vie de nos sociétés au quotidien, la mondialisation/globalisation n’a pas encore tenu ses promesses les plus fondamentales. Aux yeux de certains observateurs et militants, elle est en voie de devenir un paradigme ayant épuisé ses possibilités, appelant l’institution d’un nouveau paradigme. L’explication pourrait venir de ce que ce paradigme, aboutissement d’un long processus historique, ne parvient pas à incarner réellement l’idéal d’universalité susceptible de réconcilier l’homme avec lui-même.
Souvent, nous parlons de dialogue des cultures, de la diversité culturelle. Pensez- vous que ce dialogue et les identités diverses participent à forger l’universel, à s’ancrer dans ses racines et à s’ouvrir aux autres ?
Dans le livre, je ne parle pas de racine mais d’identité-relation, et cette précision est importante pour répondre à votre question. Le propre de l’homme, c’est d’apprendre à connaître l’autre, à coopérer et à échanger, dans des cercles restreints d’abord, puis dans d’autres de plus en plus larges. Cet essai insiste sur l’importance de l’image de soi et de l’estime de soi pour chaque identité (culture locale, individu et l’humanité par rapport aux machines). Mais c’est pour aussitôt après souligner la nécessaire compatibilité de ces identités avec la construction du vivre-ensemble à toutes les échelles. Pour expliquer ce double mouvement, un exemple parmi d’autres exprime des expériences vécues par les Sénégalais: la laïcité, valeur républicaine emblématique de deux principes majeurs pour le vivre- ensemble : l’égalité est la réciprocité. Dans l’allocution qu’il a prononcée à l’inauguration de la grande mosquée de Touba, en février 1963, le président L. S. Senghor magnifie l’inscription de la laïcité dans notre Constitution et la donne en exemple parmi les principes qui traduisent le mieux notre volonté de vivre-ensemble entre communautés et individus de religions différentes. L’exemple de la laïcité est un début de réponse à la question que vous posez, mais nous avons aussi dans le livre d’autres exemples qui montrent bien que les identités sont compatibles avec la création d’un espace de rencontres et d’échanges. Parmi les expériences les plus significatives à mes yeux, je mentionne volontiers le cas de la fraternisation. Le concept de fraternité dont est tiré celui de fraternisation est flou dans l’esprit de beaucoup de gens, et la pluralité de ses significations ne l’a pas aidé à figurer parmi les moyens les plus opérationnels de l’existence. La liberté, l’égalité et la justice ont eu un meilleur impact sur la conscience et les attentes de notre humanité d’aujourd’hui.
Pourtant, c’est une notion vitale qui fait l’objet d’expériences concrètes. J’insiste sur le fait que la fraternisation, plutôt que la fraternité, est l’une des expériences les plus significatives de la comptabilité entre identité et communication. Elle suppose la volonté de sortir de soi et de rencontre de l’autre caractérisée par le dépassement, l’absence de calcul, de recherche de gain ou de profit. Le seul motif compatible avec la fraternisation est la construction désintéressée et commune de situations valorisantes pour l’humain. Si la fraternisation a si longtemps été moins prégnante, c’est qu’on l’assimile à une forme d’angélisme, la projection d’un monde de pureté et de rêves abstraits. L’histoire prouve le contraire. Les sociétés traditionnelles africaines connaissent ces pratiques et notre époque, prise dans un tourbillon de crises incessantes, en fait l’expérience, hélas dans des conditions souvent dramatiques. Dans les deux cas, il s’agit de la conscience d’avoir une identité et d’éprouver la nécessité de partager des valeurs communes avec l’autre. Les traditions d’hospitalité, l’amitié, les pratiques d’entraide et de solidarité ont un trait : elles transcendent la fraternité biologique et l’appartenance à une communauté pour s’engager volontairement dans la construction d’un espace de rencontre et de partage. Prenons le cas des actes terroristes, l’une des plus grandes préoccupations des citoyens, des États et des pouvoirs publics. Le terrorisme a des implications économiques, politiques et sociétales. Les actes terroristes créent de vives émotions dans le monde entier. Depuis l’attentat du 11 septembre 2001, une nouvelle prise de conscience s’est faite : nous sommes vulnérables et cette vulnérabilité est à la fois individuelle et collective. La mort sous cette forme et avec de tels modes opératoires ne menace pas seulement les autres, potentiellement elle n’est censée épargner personne. Ces actes visent des institutions non accessibles directement, mais endeuillent sans distinction d’âge, de sexe, d’origine sociale ou de couleur des innocents dans les quartiers, les écoles, les églises et les mosquées. Ces attentats ne sont pas perpétrés par les seuls islamistes qui déclarent leur haine pour les sociétés occidentales. Le cas de l’acte terroriste de Christchurch en Australie avec l’attaque de deux mosquées faisant plusieurs dizaines de morts montre bien que le fondamentalisme peut se manifester partout. La société australienne a réagi et a condamné l’acte de ce Blanc prônant la supériorité de la civilisation occidentale et considérant les autres comme appartenant au monde de la barbarie. Comme l’avait fait l’opinion en France et dans le monde après l’attentat de Charlie Hebdo, en Australie, la Première ministre de ce pays et les autres composantes ont exprimé leur indignation et manifesté leur solidarité aux musulmans. C’est une preuve de la capacité d’avoir à la fois ces propres convictions, sa propre identité et reconnaître à d’autres le droit d’avoir les leurs car c’est l’une des conditions pour bâtir un monde commun de paix. Ce sont deux exemples parmi d’autres que j’évoque dans le livre.
La question que vous posez fait partie de celles qui, opportunément, nous rappellent qu’il serait fautif d’ignorer le caractère complexe et sensible de cette question d’identité. Il ne faut pas se voiler la face, c’est un problème qui comporte de nombreuses implications dont certaines sont dangereuses et contraires aux valeurs d’universalisme et d’humanisme. Mais la seule manière d’apprendre à juguler ses aspects négatifs est d’admettre que l’existence d’identités est aussi réelle et digne d’intérêt que la recherche et la construction de l’universel. Pour montrer que celui-ci doit inclure et dépasser les identités, j’ai recours, sans aucune intention de pédantisme, à une expression qui fait partie du jargon philosophique, et qui, malgré son apparence abstraite, est très imagée : le concept de transcendance horizontale. Sa traduction la plus simple est : ce qui est à la fois en nous et au-dessus de nos individualités. Par opposition à ce qui étant au-dessus de nos têtes reste inaccessible. L’égalité et la réciprocité en constituent aussi quelques-unes des meilleures illustrations.
Le nationalisme poussé dans certains pays n’est-il pas une menace pour cette civilisation dite de l’universel ?
Le nationalisme, une notion dont l’usage et la manipulation appellent précaution et analyse de situations concrètes. Le nationalisme est à un premier degré l’expression d’un sentiment patriotique, l’attachement à des valeurs qui fondent les liens historiques d’une communauté d’hommes. Ce sont des conditions historiques données, par exemple celles de la domination et de l’aliénation, qui poussent, au besoin, de fonder une nation, de restaurer une nation ou de se réclamer d’une nation. Les difficultés commencent lorsque, comme l’indique votre question, ce nationalisme «est poussé» à l’extrême. Il peut y avoir un nationalisme de nécessité, c’est à dire défensif mais ouvert et inclusif par opposition à un nationalisme qui prône systématiquement l’exclusion de l’autre.
À titre de comparaison au sein d’une même société nationale, la reconnaissance et le respect des ethnies n’est viable et soutenable que si on ne les manipule pas en les jetant les unes contre les autres. Or c’est ce qui arrive souvent avec les guerres civiles qui incitent à l’exacerbation du repli identitaire et engendrent parfois des génocides. Un nationalisme de bon aloi ne peut s’accommoder de telles croyances et pratiques. Le nationalisme étriqué est un danger. Il n’est pas compatible avec le dialogue des cultures, les relations internationales ; il empêche même le respect des institutions internationales auxquelles, pourtant, les États adhèrent librement pour assurer leur coopération et garantir la paix dans le monde. Mais il faut toujours regarder l’autre aspect de la question. Par exemple : qu’est-ce qui pousse parfois certaines sociétés à se replier sur des formes de nationalisme ? Les rapports entre nations qui se manifestent sous forme de domination, d’exploitation ou d’aliénation exacerbées engendrent des sortes d’anticorps si on me permet d’utiliser une analogie avec l’organisme vivant. Lorsque, sous prétexte de mondialisation ou de relations internationales ou de politiques commerciales internationales, des multinationales étouffent des sociétés, plongent les populations dans la pauvreté et attentent à leur dignité, il arrive que les nations et/ou leur avant-garde soient enclins à recourir à une forme de lutte revêtant, pour les besoins de résilience, la figure du nationalisme. Il est, par conséquent, possible de concevoir quelque chose comme une «déontologie» du nationalisme : a priori, on ne peut dire de celui-ci ni qu’il est bon ni qu’il est mauvais tant qu’on n’a pas examiné les circonstances et les situations qui le font se manifester et le rendent incontournable.
C’est le lien avec la question des identités qui vous fait poser cette question. Elle est pertinente et trouve sa réponse dans cette notion de «déontologie» qu’il faut manipuler avec beaucoup de prudence, pour éviter d’en faire un justificatif de l’opportunisme ou de tomber dans des extrapolations et des usages inappropriés.
Professeur, vous parlez de repli identitaire, source de conflits. Croyez-vous que notre société est devenue trop violente ? Ou bien ce sont les réseaux sociaux et Tic qui nous montrent une certaine violence qui existait déjà ?
La violence et la conflictualité sont hélas inhérentes à la vie sociale et notre condition d’humains. Leurs formes et les moyens par lesquelles elles s’exercent peuvent varier dans le temps et dans l’espace. Les réseaux sociaux ne les ont pas créées même si l’on est fondé à interroger leurs rapports à cette question. Les réseaux sociaux sont des moyens d’information, de formation et d’échange. Sous ce rapport, ils ont un rôle positif d’autonomisation et d’émancipation pour les individus et les groupes. Comme toutes les nouveautés technologiques en particulier, ils suscitent peur et méfiance. Mais tout progrès comporte un versant qui est la face négative de la médaille. La tendance à l’isolement, le recul des pratiques de communication sociale directes et vivantes sont constatés et cités parmi les effets pervers de ce changement à grande échelle. Mais il en est d’autres qui sont également graves de conséquences : la cybercriminalité et ses avatars que sont, entre autres, les «fake news», la banalisation de questions de mœurs jadis tabous ou contenu à un niveau de vie privée stricte. Se pose ici un problème qui n’est pas propre aux réseaux sociaux. Il appelle l’éducation à l’éthique.
Par éthique, il faut entendre la manière de se comporter en appréciant et en évaluant ses rapports avec les autres et avec les événements. Mais cette éducation n’est plus une simple inculcation de connaissances et d’automatismes. Elle suppose une forme nouvelle de pédagogie scolaire et sociale. Une pédagogie de la responsabilisation individuelle et collective qui doit s’adapter aux moyens et performances technologiques. À cette pédagogie, les adultes et les formateurs doivent eux-mêmes se former car, souvent, les plus jeunes ont une longueur d’avance quant à la maîtrise de l’outil technologique. Concilier la nécessité de profiter des bienfaits de ces technologies et celle d’une protection contre certaines formes d’addiction et d’usages malveillants des réseaux sociaux. Dans certaines familles déjà, les parents se montrent soucieux de trouver ces équilibres par un contrôle des agendas de leurs enfants et par des directives visant une certaine hygiène de vie. Mais il faut bien reconnaître qu’il n’est ni possible ni souhaitable de transformer les relations familiales, scolaires ou professionnelles en un univers de surveillance et de réflexes sécuritaires. Il n’est peut-être pas mauvais de regarder du côté de certaines bonnes pratiques d’antan dont le but était aussi d’émanciper, de préparer psychologiquement et intellectuellement les acteurs et usagers de nouvelles techniques pour leur donner les moyens de s’auto-protéger. Je songe en particulier au rôle que la pratique du ciné-club a joué au moment du grand essor du cinéma au milieu du siècle dernier. Ces ciné-clubs consistaient à regarder ensemble un film et à discuter des enseignements et des interprétations susceptibles d’en être tirés. La pédagogie nouvelle que notre situation appelle pourrait, sans aucun doute, tirer un grand bénéfice de la promotion des vertus de la discussion rationnelle. Socrate professait que l’un des plus puissants antidotes à la violence, c’est justement la discussion rationnelle. Votre question, c’est de savoir si, de nos jours, apparaît une forme de violence imputable à l’existence et à l’usage des technologies nouvelles dont les réseaux sociaux ne sont que des applications. Parmi les conséquences de la vitesse et de l’accessibilité de l’information figurent le partage, la banalisation et la propension à l’imitation de toute chose y compris différentes formes de conduites violentes. Reste à savoir pourquoi il y a le sentiment que cette violence s’accroît, qu’elle est plus fréquente que jamais et qu’elle est quasi quotidienne et n’épargne aucun pays ni aucune sphère de la vie sociale ? Est-ce simplement l’instinct de violence, ou bien y a-t-il des causes réelles, psychologiques, économiques, sociales, politiques, religieuses, individuelles, collectives ? Un sociologue américain avait forgé, il y a quelques années, le concept de «Vidéo-démocratie». Il pensait à des expériences comme cette «Révolution orange» qui vint à bout de l’une des dictatures qui sévissaient en Europe de l’Est. Des manifestations de rue d’abord timides étaient devenues progressivement et de plus en plus populaires et massives parce que relayées et diffusées par la télévision. Elles avaient fini par avoir raison du régime impopulaire. Il y a eu, depuis lors, d’autres «Révolution orange». Les réseaux sociaux ont montré une plus grande efficacité qui place les pouvoirs publics, les gouvernements notamment, devant l’obligation de concilier le respect des libertés et un minimum de sécurité pour les personnes et les biens. Sans compter la tentation de la censure à laquelle ont recours les États pour limiter ou empêcher l’effet d’entrainement de la communication sociale ? Tout cela montre, en effet, que si les réseaux sociaux n’ont pas inventé la violence et ne sont pas forcément la cause des actes de violence, leur rôle et leur puissance appelle une réflexion sur les moyens de lutter contre les dérives et les excès qu’ils engendrent.
Pour me résumer donc, incontestablement, notre vie au XXIe siècle avec le développement des nouvelles technologies nous porte à un niveau d’information et de communication beaucoup plus élevé. C’est peut-être cela, en partie, la mondialisation/globalisation. Mais celle-ci a également montré que jusqu’ici, ce qu’elle a privilégié et le mieux réussi, ce sont les stratégies de l’économie de marché, du gain, du profit et de l’accumulation. En revanche, l’idée que la perfectibilité est le propre de l’homme comparé à l’animal reste vraie, mais également bien timide sur les plans éthiques et politiques.
Vous évoquez plus haut le niveau d’éducation. Pensez-vous, comme certains, que l’enseignement de la philosophie a connu une certaine désaffection ou bien s’agit-il d’une baisse de niveau chez les élèves ou étudiants simplement ?
La baisse de niveau est un phénomène dont on parle beaucoup, et si l’on s’en préoccupe, à juste raison, ce n’est cependant pas spécifique au Sénégal. Des institutions spécialisées disposent des données plus ou moins précises sur les performances et contre-performances des apprenants, par matière, par niveau et par période. Les facteurs qui expliquent cette baisse de niveau sont multiples. Les difficultés liées à la maîtrise de la langue d’enseignement, le français en l’occurrence, sont souvent invoquées. Il s’y ajoute qu’apparemment, ce déficit ne se limite pas à l’usage écrit et parlé de cette langue, il s’étend à des questions de compréhension et de traitement pour les autres disciplines. Le français est une langue dont les moyens d’apprentissage et les opportunités d’utilisation sont variables d’une classe sociale à une autre, d’une école à une autre.
Aujourd’hui, les élèves ont d’autres moyens d’apprendre et de connaître qui ne se réduisent pas aux livres et qui sont indépendants de l’autorité et du savoir du maître. Les gens de ma génération, en dehors des savoirs transmis oralement, n’avaient d’autres moyens de s’informer que par le livre et les journaux écrits. C’est, peut-être, pour cela que nous étions plus attentifs à la langue, à la grammaire, à la syntaxe, etc. Des études faites dans certains pays ont prouvé que les enfants issus des milieux défavorisés qui aiment et pratiquent assidument la lecture parviennent à remonter leur handicap et même à exceller par rapport à leurs camarades issus de milieux aisés. Aujourd’hui, la radio, la télévision, les réseaux sociaux, les technologies nouvelles permettent aux élèves de s’informer et de se former largement, à la carte et continûment. Ce qui est d’ailleurs un couteau à double tranchant ; autant ils s’informent par ces moyens très performants, autant ils négligent d’autres aspects essentiels inhérents au sens de l’initiative, l’exercice de la mémoire voire une certaine forme de créativité. Certains pédagogues soutiennent que c’est ce qui explique la désaffection des élèves pour certains exercices comme le calcul mental. Avec la calculette, son utilité ne semble plus évidente alors que le calcul mental est, peut-être, important pour le développement de certains circuits du cerveau et l’acquisition de certains réflexes. Et dans les autres matières comme la grammaire ou la syntaxe, on constate les mêmes déficits. D’autres facteurs liés à la pauvreté, à l’environnement et aux difficultés d’accès aux outils d’information peuvent expliquer cette baisse.
S’agissant de la philosophie, j’ai enseigné cette discipline près de six ans avant d’aller poursuivre ma carrière à l’université. J’ai le sentiment que la philosophie a toujours intéressé la majorité des élèves. De la classe de Terminale à l’université, et aujourd’hui encore. À l’époque, elle était enseignée seulement en classe de Terminale. Maintenant, dans certains pays, les élèves y sont initiés à partir de la Première, voire de la Seconde. Ils découvrent une discipline ayant les caractéristiques suivantes : les questions qui sont traitées ne sont pas entièrement nouvelles, on les aborde différemment dans la littérature, dans les romans, la poésie, l’histoire, l’instruction civique, l’éducation religieuse. S’ajoutent à ces thèmes plus ou moins familiers quelques questions qui sont tout à fait nouvelles. Ce sont des questions de métaphysique, de psychologie et de logique un peu plus poussées. L’idée qu’on s’en fait généralement en l’abordant pour la première fois est très composite : celle d’une certaine érudition ; d’une technicité (pour ne pas dire d’un charabia) capable d’explorer les mondes mystérieux de l’existence et de l’esprit; celle d’une certaine désinvolture et d’une certaine inclination au non-conformisme, idée qui séduit certains et fait peur à d’autres. Dans certains milieux, la philosophie était assimilée à l’incroyance. Et les élèves ne l’ignorent pas. C’est ce que quelqu’un a voulu faire croire à mon père lorsqu’il a appris que je faisais des études de philosophie. Une telle interprétation relève de l’ignorance de l’histoire des idées et notamment l’ignorance de l’existence de grands philosophes adeptes des religions révélées. Ces réserves mises à part, j’ai gardé le souvenir d’élèves certes soucieux d’ abord de réussir leur épreuve de dissertation pour avoir le bac. Ce point à lui seul est déjà révélateur d’un certain rapport à la philosophie : comprendre les notions et s’exercer au raisonnement et à l’argumentaire pour construire un texte. La deuxième étape concerne ce que les notions étudiées peuvent leur apporter dans la vie quotidienne ; en quoi elles peuvent les préparer pour aborder l’acquisition d’autres connaissances et les armer dans la vie. Il est difficile de répondre avec précision à ces questions, mais on peut monter l’intérêt de les avoir posées. J’avais remarqué dans les classes de Terminales scientifiques où les matières dominantes étaient les Maths, la physique, la chimie et les sciences naturelles que certains élèves ne manifestaient pas beaucoup d’engouement pour la philo, plus soucieux qu’ils étaient de réussir dans ces disciplines scientifiques.
Mais j’ai souvent eu aussi de très bons élèves dans ces classes : ils réussissaient aussi bien en philo qu’en maths et physique. Cela se voyait bien qu’ils faisaient la différence entre leur pratique de ces disciplines et les questions que les philosophes, à travers des textes précis, posent aux scientifiques. L’histoire des idées leur apprend comment les mathématiques sont nées et qu’elles sont les principaux tournants de l’histoire de cette discipline liés à un environnement intellectuel, à des défis pratiques et souvent à des enjeux qui débordent la science et l’englobent. Ils apprennent à voir ce qui différencie la philosophie des sciences et des autres savoirs et pratiques. Elle n’est pas elle-même une science au sens où se conçoivent les disciplines énumérées plus haut, mais celles-ci comptent pour la philo comme la philo a capté pour elles aux commencements. La philosophie a comme vecteur principal de son activité la réflexion sur la signification des activités de l’homme et sur le sens de l’existence. Les sciences excellent dans leur pratique, étudient les régularités qui se retrouvent dans les phénomènes et élaborent des lois permettent de prévoir et d’agir efficacement. L’incidence de leur découverte sur la configuration des connaissances, sur l’homme et sur notre existence est l’une des questions que la philosophie pose de préférence.
Donc la philosophie attire toujours les étudiants…
S’agissant de l’éventualité d’une désaffection de la philosophie, bien que je sois à la retraite depuis un bon moment, il me semble que les effectifs au département de philo de l’Ucad suivent la progression du taux de scolarisation et du nombre de bacheliers. Quand j’étais étudiant à Dakar, nous étions une dizaine en licence. Actuellement, les amphithéâtres de Première année ont plusieurs centaines d’étudiants. Certains de ces étudiants vont finalement vers l’enseignement et d’autres empruntent d’autres voies. Il en est qui sont devenus des gradés dans la police et l’armée, beaucoup de vos collègues journalistes ont souvent la maîtrise de philosophie, d’autres diplômés en philo ont embrassé la carrière diplomatique, ou se sont mis au service d’institutions diverses ou encore font carrière dans la haute administration. Ma conviction est que la philosophie leur a été et leur sera toujours d’un grand apport.
Au siècle dernier, la montée en puissance de la pensée marxiste avait donné un regain d’intérêt à la philosophie. Jamais on n’avait autant débattu de politique, d’économie, de culture et de société, mais avec cette particularité d’en souligner les prises de partie idéologiques et philosophiques en termes d’avenir et de sens pour les démunis, les opprimés, les dominés, les aliénés victimes du capitalisme et de l’impérialisme. En ce début XXIe siècle, les questions fondamentales n’ont pas disparu, et la notion de crise est la plus récurrente dans le vocabulaire des experts, des politiques et des porteurs de revendications. Cela repose la question du sens de l’existence : si les crises persistent alors que l’humanité n’a jamais accumulé auparavant autant de savoir, de pouvoirs et de richesses, il y a comme un côté absurde de cette existence pour une bonne partie de l’humanité. Est-ce une fatalité ? Jusqu’ ici, la Banque mondiale, le Fmi, les institutions internationales n’ont pas apporté de solution décisive aux attentes du plus grand nombre d’humains dans le monde. On peut alors se demander quel est le sens de notre existence au XXIe siècle avec les technologies, le terrorisme, les questions d’environnement, de circulation des biens et des personnes qui ajoutent à la complexification de l’existence de nos sociétés. Le problème fondamental est le suivant : à quel devenir l’humanité est-elle appelée ? Comment remettre l’humain au centre de nos préoccupations, de nos projets et de nos décisions ? L’humain n’est pas seul au monde; sa vie et sa survie sont liées à celles des autres espèces qui se partagent la biodiversité. Mais il a un rôle capital à jouer et que lui seul peut jouer pour la construction d’un monde meilleur.
Vous avez été ministre de la Communication et de la Culture. Vous êtes témoin de l’évolution de la création artistique. Croyez-vous que celle-ci est moins féconde maintenant qu’avant ?
Il faut rappeler que nos sociétés ont toujours été créatives dans le passé précolonial, sous l’empire de la colonisation et aujourd’hui encore dans des conditions et sous des formes variées. Indépendamment de la musique traditionnelle et moderne dont la vitalité ne s’est jamais démentie, autour des années 1990, l’art plastique a été mis en orbite notamment à travers la technique dite de récupération. Celle-ci a inspiré beaucoup la création d’œuvres par la méthode de l’installation. Il y a là un vecteur qui remonte loin dans le passé Quand j’étais enfant, je me rappelle, à la Médina, à Dakar, il y avait des artisans appelés les «Baye diagal». Ils récupéraient dans les maisons toutes sortes d’objets et ils en faisaient des ustensiles de cuisine, des lits, des fers à repasser et d’autres commodités à la portée des bourses modestes. Ils avaient un niveau de créativité correspondant aux moyens dont ils disposaient. Ce qui est nouveau avec les indépendances, c’est l’interventionnisme étatique.
Les gouvernements indiquent dans les préambules des constitutions, traités et conventions qu’ils signent que la culture est l’alpha et l’oméga du développement en Afrique. Par leurs politiques culturelles, ils se donnent pour mission de promouvoir la création et à la créativité. Le premier président du Sénégal indépendant, L.S. Senghor prêtait une attention particulière à l’art et à la culture, étant lui-même poète et créateur. Son action peut être considérée comme un modèle d’interventionnisme étatique conscient et voulu. Il avait une conception de l’art qu’il professait et estimait qu’à l’aube de nos indépendances, il était de son devoir d’être à la fois un mécène, un guide quelque peu directif et un pédagogue pour aider à la promotion du secteur. Cette politique a donné naissance à des établissements de formation et de production soutenus par la volonté affichée de faire de la culture une vitrine du Sénégal. Avec des contextes économiques et des moyens différents, l’étape suivante a consisté à passer progressivement de l’action d’un État interventionniste à celle d’un État stratège.
La politique de la décentralisation de l’action culturelle entre dans ce cadre, à partir des années 1993-1995 avec la multiplication des centres culturels régionaux, la création de musées régionaux, l’essor de manifestations locales connues sous l’appellation de Journées culturelles et l’institution de rencontres périodiques nationales et internationales (Fesnac, Journées du patrimoine, Biennale de l’art plastique contemporain.) Les modes et sources de financements pour aider à la création se sont eux aussi diversifiés. Exemple : le fonds de soutien aux initiatives culturelles financé par l’Union européenne (Ue), géré par une structure autonome qui s’appuie sur des critères objectifs de sélection et qui réduit les procédures bureaucratiques au strict minimum. Ce phénomène concomitant de délégation de pouvoir, de décentralisation et également d’encouragement à des initiatives privées constitue une phase importante : celle où, sans renoncer à ses prérogatives régaliennes, l’État choisit délibérément de limiter son action à ceci : créer un environnement juridique favorable et soutenir la création et la créativité.
Cette deuxième phase est redevable à la précédente qui fut une sorte «d’âge d’or» non pas que tous les problèmes y fussent résolus mais parce que l’État avait assuré la prise en charge des premières infrastructures motivantes. Je pense au Musée dynamique, au Théâtre Sorano, aux Manufactures des arts décoratifs de Thiès notamment. Aujourd’hui, nous vivons une époque où l’État doit penser à conserver à la fois ces acquis, et en même temps transférer aux collectivités locales les missions permettant d’assurer un véritable développement à la base, condition sans laquelle un développement durable est impossible à réaliser. La culture est à la fois source, moyens et finalité du développement.
S’agissant plus précisément de la création, elle est marquée de nos jours par l’apparition et la possibilité d’accès à de nouvelles technologies (arts numériques) et à la diversification des espaces de production, de rencontres et d’échanges. Les artistes sénégalais voient ce qui se passe dans le monde. Ils participent à des rencontres internationales. La Biennale de l’art plastique contemporain attire plus de monde et de nouveaux partenaires à chaque édition tout en s’adaptant à la complexité du monde et aux nouveaux canons du marché de l’art. Le besoin de création est de plus en plus vif mais il se heurte à une difficulté que les artistes et les États africains n’ont pas encore résolue : le problème fondamental du rapport à l’économie culturelle. Comment faire en sorte que les entreprises culturelles se créent et prospèrent et que l’artiste puisse vivre décemment de son art ? Le marché de l’art est-il un marché où l’œuvre d’art doit être traitée comme une simple marchandise ? Est-ce qu’il faudrait des zones de spécificité pour permettre aux œuvres d’art de connaître un certain essor ? Cette créativité est cependant très vivante, il faut la saluer et l’encourager. Cependant, dans un domaine particulier, il me semble qu’elle a perdu son lustre d’antan : le théâtre. Et dans une moindre mesure le cinéma.
Justement, le cinéma semble connaître un regain de vitalité ces dernières années…
Le cinéma est en train de relever la tête. Mais, le fait que nous n’ayons pas de salles de cinéma, que les Sénégalais n’aient pas envie d’aller au cinéma comme autrefois, est très regrettable. Évidemment, c’est une longue chaîne de causes qui nous a conduits à cet état de choses.
Pour en revenir au théâtre, je n’ignore pas l’existence de troupes théâtrales avec des fortunes diverses à Dakar ou dans les régions. Mais, c’est, sans doute, la situation du Théâtre national Daniel Sorano qui est emblématique d’un certain recul et par effet d’entrainement l’estompage de l’image et de la valeur du théâtre compte tenu de ce qu’a représenté dans le passé cette institution presque mythique. Pour que le théâtre remplisse pleinement son office et qu’il impacte les comportements culturels, il faut qu’il puisse créer sa propre ligne de production d’œuvres qui, sans ignorer l’apport des autres disciplines, ne s’en distingue pas moins. Même dans le concept de théâtre total dont on crédite les techniques africaines et qui mêle danses, chants et jeux scéniques, la représentation théâtrale a un axe principal, celui du jeu, des personnages et d’un message central.
Sous ce rapport, notre Grand Théâtre ne me semble avoir du théâtre que le nom. Car je ne lui connais pas de ligne de créations théâtrales et d’œuvres théâtrales alors que Sorano nous laisse le souvenir de grandes prestations comme la Tragédie du roi Christophe, l’Os de Mor Lam, Gouverneur de la rosée (Abdou Anta Ka) les œuvres de Amadou Cissé Dia, Thierno Ba, Cheik Alioune Ndao, Alioune Badara Bèye et bien d’autres encore que je m’excuse de ne pouvoir citer toutes.
Ne faudra-t-il pas alors désigner le Grand Théâtre sous le vocable de Palais de la culture ?
J’ignore si à l’origine le Grand Théâtre avait été conçu pour être un théâtre au sens classique que j’ai évoqué ou si, dès l’origine, il était conçu pour répondre au besoin de disposer d’une salle de spectacles. L’éclaircissement de ce point permettrait de répondre à votre question et, sans doute, d’aller dans le sens de ce que vous suggérez si réellement il n’ y a pas de perspectives de redonner au théâtre ses lettres de noblesse dans ce bel édifice qui a effectivement une allure majestueuse de Palais de la culture. Il y a, me semble-t-il, quelque chose à faire et qui est du ressort, à la fois, des acteurs de ce domaine et des pouvoirs publics.
Pour le reste, la création et la créativité rencontrent encore en Afrique des difficultés inhérentes à différents facteurs. Elle est visible et se renouvelle en milieu urbain. C’est moins évident en milieu rural et de telles disparités doivent être corrigées, faute de quoi le concept développement durable risque d’en être considérablement affecté.
CORONAVIRUS, UN VIRUS PEU CONTAGIEUX ET DONT LA LÉTALITÉ EST RELATIVEMENT FAIBLE
Deux mois après le début de l’épidémie de coronavirus, on commence à en savoir plus : dans 80 % des cas, l’infection est bénigne et seuls environ 2 % des infections sont létales
Le Monde |
Pierre Breteau |
Publication 26/02/2020
Repéré en Chine et signalé à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) le 31 décembre 2019, le virus SARS-CoV-2 (qui cause la maladie Covid-19) a depuis infecté des dizaines de milliers de personnes (80 000 cas confirmés au 26 février 2020, pour 2 708
S’il est impossible de savoir exactement combien de personnes ont été infectées par le virus – dans 80 % des cas d’infection, elle est considérée comme bénigne – les études publiées courant février 2020 indiquent des chiffres différents mais qui vont dans le même sens :
le virus a un taux de létalité relativement bas (la maladie semble fatale pour 2 % des personnes infectées en moyenne, mais avec des écarts selon l’âge), soit entre 0,2 % et 3,6 % : en dessous de celui du SRAS de 2003,
l’indice de contagiosité du virus est lui aussi relativement faible (entre 1,5 et 3,5) : à titre de comparaison, la varicelle est à 8,5 et la rougeole à 9.
En revanche, ce n’est pas parce qu’un virus a un indice de reproduction faible et une létalité faible qu’il est inoffensif.
Pour vous y retrouver, nous avons représenté la « fourchette » de contagiosité (R0) et de létalité des personnes infectées par le SARS-CoV-2 sur ce tableau des maladies infectieuses avec d’autres virus ou bactéries courantes.
IBRAHIMA THIOUB, ENTRER DANS LA GRANDE NUIT DE L’HISTOIRE
EXCLUSIF SENEPLUS - C’est un historien reconnu sur la scène internationale, notamment grâce à ses travaux sur la traite et l’esclavage. Il se livre sur son parcours, les défis de l’université sénégalaise, mais aussi ses productions - INVENTAIRE DES IDOLES
Recteur de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar depuis 2014, Ibrahima Thioub est un historien reconnu sur la scène internationale, notamment grâce à ses travaux sur la traite et l’esclavage. Discret, il se livre sur son parcours, les défis de l’université sénégalaise, mais aussi ses productions qui ont un singulier écho avec les sujets forts du moment. Portrait.
A l’origine, c’était juste un serment d’amis. Le lot de ces paroles que l’on se confie au gré des confessions, dans la chaleur de la camaraderie. Ils sont alors une bande de huit jeunes Sénégalais, qui se fréquentent, à la fin des années 80, dans un foyer Sonacotra à Athis-Mons, dans l’Essonne, en France. Tous sont étudiants. Ils ont entre 25 et 30 ans. Pour contrer les rudes hivers, ils se retrouvent dans une chambre, souvent celle de Babacar Guèye, partagent le thé, dissertent sur tous les sujets. Des banquettes rustiques des rames délabrées du RER C, aux chambres exiguës du foyer, en passant par les salles de cours à Paris, la bande se raffermit, la complicité se noue, et très vite un des sujets qui émerge au cœur des discussions, c’est leur rôle, plus tard dans leur pays. Ils sont frappés, tous, par ce syndrome propre à l’immigré-étudiant, la nostalgie, que tente de corriger le surinvestissement dans l’édifice national. Bien avant eux, dans les années 1950, à la FEANF comme à Présence africaine, l’horizon, pour les intellectuels, c’est le pays d’origine. Et le réseau se tisse ainsi sur la base des amitiés et des affinités idéologiques. Dans la bande d’Athis-Mons, il y a de la suite dans les idées, et une certaine prime à la fidélité, voire au code d’honneur. Le serment devient vite ainsi « le pacte des 8 ». Promesse à soi, mais aussi défi personnel et collectif, les huit se jurent de rentrer au Sénégal après leur études, et de prouver qu’une « recherche rigoureuse pourrait s’épanouir à l’intérieur du pays, malgré les moyens disponibles ». Nul complexe, faire ses preuves intellectuelles, la présomption de la jeunesse combinée à un sens précoce du devoir, deviennent leur crédo et leur cri de ralliement. Pour ce faire, ils se laissent à peine griser par les tentations, les convoitises dont ils font l’objet. Le cap est clair : Dakar sera la terre promise.
Plus de trente ans après, quand Ibrahima Thioub se remémore ces instants fondateurs, une fierté enrobe sa voix. A l’historien, l’histoire fait des clins d’œil. Tous les piliers de la bande ont tenu promesse. Mary Teuw Niane est devenu ministre de l’Enseignement supérieur, Pierre Sarr lui est devenu doyen de la Faculté de Lettres, Babacar Guèye directeur de l’enseignement supérieur, Pape Gueye directeur de l’Anaq sup, Ibra Diène secrétaire général du Syndicat autonome de l’Enseignement supérieur, Mamadou Sarr… La réussite est insolente ; le symbole fort. Quand Mary Teuw Niane l’a sollicité, en 2014, pour lui confier la direction de l’université de Dakar, on imagine le sourire de connivence entre les vieux potes, et les projections anciennes dans ces étroites chambres de la Sonacotra, d’où au plus fort de leur rêve, il ne s’imaginait pas que le destin serait aussi à leur botte. La nomination ne réveille pas l’once d’un soupçon de copinage, car l’amitié est bien secondaire face à la légitimé académique et le mérite.
L’université en chantier : un diagnostic de l’intérieur
Tout n’est pas simple dans la nouvelle occupation. Le prestige du poste cache à peine l’immensité du travail, possiblement piégeur, qui attend le nouveau venu. Le souvenir fait vite place au défi. Ibrahima Thioub, qui a une riche carrière d’historien, le sait : il commence un nouveau virage délicat, avec des responsabilités nouvelles où il doit être le point d’équilibre entre l’ambition politique de l’enseignement supérieur, la vocation historique de creuset de l’université, et les demandes d’insertion professionnelle de plus en plus pressantes. Pour le chercheur, il faut sortir de la poussière des archives, des lectures, pour embrasser ce champ de la mission politique. L’homme doit gouverner une enclave de 80 000 étudiants, revendicatifs, réduits au cœur de la capitale dans une ville dans la ville, dans des conditions matérielles souvent compliquées. Quand il arrive à la tête de l’université, lui qui qui y enseigne depuis les années 90, l’UCAD a une image sérieusement écorchée. Son prestige historique est resté, mais sa surpopulation, et ses crises récurrentes, ont achevé de gangrener l’institution qui fait à peine rêver les nouveaux bacheliers. La mission devient un challenge. Une partie de la bande des 8 d’Athis-Mons, qui s’est retrouvée dans des postes de premier plan de l’enseignement supérieur, est à la tâche pour redorer l’image de l’université. Le plan est vaste. De l’intérieur, Ibrahima Thioub défend l’université mais n’est ni dupe, ni naïf, ni louangeur. Aux critiques – qu’il trouve parfois légitimes – sur le manque d’attractivité de l’université, il oppose le temps long, dans un diagnostic fin et exhaustif sur les causes de l’engorgement. Ce qu’il donne à voir, c’est une université qui a été victime de son succès et de sa solitude. Seule point sur la carte universitaire de l’Afrique francophone pendant longtemps, la multiplication des lycées dès les années 80 a drainé un afflux massif d’élèves sans que l’université ne soit préparée à les accueillir. Résultat des courses, baisse générale du niveau, effectifs pléthoriques, impact sur la qualité de la formation des enseignants qui forment les bacheliers. La demande croissante en personnel éducatifs, hors de la seule université, fait baisser les standards de recrutement. La vocation d’enseignement est dégradée, et le mal commence ainsi dès les petites classes. Si la carte universitaire a depuis été élargie, la courbe démographique, elle, n’a pas faibli. Le résultat reste, bon an mal an, le même. La faiblesse est à la racine. Au moment où Ibrahima Thioub entre à l’université Cheikh Anta Diop, le pays est frappé par les funestes programmes d’ajustements structurels et leur purge sociale. C’est un coup fatal porté à l’enseignement supérieur, avec la réorientation budgétaire. Plusieurs réformes ont été initiées pour l’université, aucune n’a réellement abouti depuis les années 80, note-il, pour mesurer la mission colossale qu’il a accepté de relever, dans ce plan qui vise un équilibre autour de 2035, selon les recommandations de la Concertation nationale sur l’Avenir de l’Enseignement supérieur (CNAES) de 2013, traduites en 11 directives issues de l’unique Conseil présidentiel jamais consacré à l’enseignement supérieur depuis l’indépendance du pays.
Autre point sur lequel son diagnostic revient très généreusement, ce sont les effets de la privatisation et de la libéralisation de l’enseignement qui sont, selon lui, l’autre saignée du personnel. Il évoque ainsi une vampirisation du privé sur le public, tandis que les objectifs ne sont pas les mêmes et les moyens non plus. L’université, qui reste le bastion des ressources humaines de qualité, doit partager ses meilleurs profils avec les écoles et instituts privés qui se développent de façon exponentielle dans la capitale. Un détournement des bourses « s’institue même au cœur de l’université pour financer des formations extérieures dans le privé ». Certains enseignants, rentiers de leur solde publique, participent à la culture du « xar matt » dans les écoles privées. Le sacré de l’institution subit de plein fouet toutes ces dévalorisations et cette relégation sur l’autel du gain rapide, au risque d’oublier la vocation sacerdotale de la transmission. Il en veut pour preuve les calendriers universitaires : la faculté de lettres, qui compte plus de 30000 étudiants, a un calendrier presque régulier alors que celles de sciences économiques et de gestion, celle de sciences juridiques et politiques, avec moitié moins d’étudiants, est frappée par des retards chroniques. Il attribue cette faille en partie à la demande des écoles privées en personnel dans ces filières, qui offrent plus de débouchées professionnels. L’absence de convention formelle, aux termes bien énoncés, entre le public et le privé, contribue à la fragilisation des acquis. Nul n’y gagne, et le sens de la mission publique en prend un sacré coup. Face à cette perdition, que les critiques extérieures ne soupçonnent pas, le recteur se sait seul au front. La CNAES, vaste entreprise de discussions transversales, a posé de bonnes bases pour une transformation qualitative. L’université se modernise. Cette « autoroute sans bretelles » comme l’appelle le recteur, ne permettait jusqu’ici que des sorties par accident aux étudiants dits cartouchards et ils sont majoritaires. « Nombre de ceux qui arrivent au bout de l’autoroute, tournent en rond autour du rond-point du chômage. Telle était la situation ! Maintenant l’enseignement supérieur propose des formations courtes, qualifiantes, pour essayer de coller aux exigences du marché ». Les instituts supérieurs d’enseignement professionnels se multiplient, couvrent le territoire, l’université virtuelle fait son chemin. Ibrahima Thioub, à la manière d’un politique, sans tomber dans des accents mystificateurs, liste les progrès, sans même en revendiquer le mérite.
Pour lui, le défi est clair. S’il a mis en sourdine ses recherches à temps plein, il a une vision du rôle de l’université : demeurer le phare des élites, former les travailleurs de demain, s’adapter à l’évolution de la société. « Combiner sur tous les fronts, l’excellence, la tradition et le pragmatisme ». Et ce travail n’est pas celui d’un jour. Le fils de paysan croit en l’école publique dont il se veut le symbole, par conséquent il se fait le semeur des graines de demain. Ce que le recteur donne à voir de l’université, c’est une longue négligence qui a conduit à une situation intenable, et ce dans une situation concurrentielle compte tenu des assauts du privé. Mais une énergie le fait tenir, comme boussole et devise : l’université doit rester le lieu de la méritocratie républicaine et le lieu de correction des inégalités. Ce souci, chevillé au corps, reste l’ossature qui structure tous les combats qu’il a menés dans sa carrière, pour faire de l’école un service public. Quand le Collège de France, avant de confier la chaire artistique à Alain Mabanckou, et ensuite les enseignements sur l’Afrique à François-Xavier Fauvelle, a voulu le débaucher, il a préféré le défi de rester à Dakar, comme en souvenir du pacte des 8 d’Athis-Mons. C’est un recteur qui voyage, discret, travailleur, qui œuvre à instituer au cœur de son instruction, la souplesse et la flexibilité nécessaire à la pérennité. Un diagnostic de l’intérieur, qui a l’atout d’être renseigné et le défaut peut-être d’être juge et partie.
La lutte contre les inégalités et la domination, une boussole précoce
Dans l’émouvant portrait itinérant que Valerie Nivelon et son émission lui ont consacré sur RFI, l’homme donne à voir l’esquisse de ce parcours iconoclaste, qui a fait de lui un penseur tellement à part. Peu bavard, courant peu les raouts intellectuels, il reste un initié dans le cadre des initiés et un père de famille attachant et généreux. C’est à Malicounda qu’il voit le jour. Formé d’abord à l’école coranique, il rejoint sur décision du père, l’école française. Excellent élève, il poursuit ses études à Mbour, et ensuite à Thiès. Le décès de son frère ainé est un épisode tragique qui le propulse précocement au-devant que la scène : il doit aider ses parents. Il devient instituteur, puis soutiendra plus tard un DEA qui lui donne droit à une bourse. S’ensuit une thèse où, comme une réminiscence de ce chemin de l’école qu’il arpentait « à dos de jument, conduit par ce frère », il s’intéresse à la question des « inégalités et de la domination ». Le jeune Ibrahima Thioub n’a jamais compris pourquoi les dominés acceptaient si docilement leur sort. Sa rébellion précoce contre cet ordre du monde devient une fibre de recherche. Il soutient sa thèse, sur la « marginalisation des autochtones et la domination des étrangers dans le monde des affaires à Dakar ». Un lieu symbolise la domination, plus que tous les autres : la prison. Comme Bourdieu ou Michel Foucault, il explore cette question dans les prisons, lieu de damnation par excellence, et symboles des déterminismes sociaux. Il commence alors un travail sur les « captifs », différents des « esclaves ». Tout chez Ibrahima Thioub concourt à rendre aux individus leurs « trajectoires historiques ». Les hommes ne sont pas réductibles à des enveloppes de races, mais sont des sujets historiques, à considérer en tant que tels.
C’est avec ce bagage, bien documenté, qu’il continue à creuser et se rend aux USA, à Boston, pour un colloque de chercheurs. Il est alors frappé par les expressions de la question raciale dans ce pays. Il raconte une anecdote : une serveuse afro-descendante lui glisse alors qu’elle est « fière d’avoir un des nôtres parmi eux ! ». Avec un sourire surpris, il s’étonne de cette assignation identitaire au nom de la couleur. « Tous les noirs ne sont pas mes frères » ose-t-il d’ailleurs. C’est bien une des premières fois où on le réduit à son enveloppe corporelle, en enjambant tout le reste, son statut, son histoire, la complexité de sa trajectoire. Il est bien plus proche du statut social de ses collègues « blancs » que de cette serveuse, et c’est tout son parcours, son vécu, son histoire personnelle, qu’on efface ainsi au profit de sa seule couleur de peau. La réappréciation des codes racistes des lois Jim Crow aux USA l’interpelle. La définition des êtres en fonction de leur race le bouleverse plus encore. Ce n’était pas son sujet à l’origine, mais ça le devient. Il commence à lire sur l’esclavage et ce qu’il découvre le laisse alors sans voix. Avec ce sujet sensible, c’est la fin de la tranquillité, il se retrouve bien coincé entre la nécessité de l’émancipation, et la recherche de toutes les vérités – au risque de profaner des thèses érigées comme sacrées alors qu’elles sont parfois fantasmées ou réécrites.
Une date symbolise alors un tournant dans sa carrière. Lors du congrès de l’Association des historiens africains à Bamako, le 11 septembre 2001, il fait une présentation sur les lectures africaines des traites et de l’esclavage, en montrant comment la traite a été une entreprise collégiale. « Aucune armée européenne n’était en mesure, au 17e siècle, d’expédier des esclaves au Mississipi » note-t-il. Il y a eu des relais africains, ayant un agenda autonome dans le trafic, des collaborations. La communication fait un tollé. Les réactions sont incrédules. C’est un pacte de silence qu’il vient de transgresser. Mais dans les coulisses, les collègues, viennent le voir : les « Noirs » sont d’accord sur ce qu’il dit, mais pensent qu’il ne faut pas le dire devant les « Blancs ». Les « Blancs » eux, viennent le féliciter en lui disant qu’ils avaient peur de défendre cette thèse, et de passer pour des racistes. Ibrahima Thioub vient d’entrer dans une zone de turbulence. Sans prêter le flanc à la récupération facile, comme l’est par exemple l’anthropologue Tidiane Ndiaye, il s’échine à affiner ses recherches, à planter ses observations au cœur de la vérité scientifique. Il s’élève contre « la naturalisation » des êtres, qui nie leur histoire. C’est un historien total, qui remonte à la source, examine les trajectoires, refuse les assignations et promeut la nécessité de cette « sociologie historique » pour contrer la tentation de réification du fait colonial, comme on l’observe actuellement. Ce qui le rapproche des travaux de de Jean-François Bayart.
Un regard iconoclaste
Dans le paysage intellectuel africain, Ibrahima Thioub apparait clairement comme un iconoclaste. D’ailleurs, quand on lui demande ses modèles, l’ancien élève de Cheikh Anta Diop n’est pas très disert. Il a très tôt développé un goût pour « les sentiers interdits », et ses domaines d’étude et de recherche, de la domination aux prisons en passant par la traite et l’esclavage, dessinent une cohérence dans le primat du fait historique et son interprétation critique. En s’émancipant de toutes les assignations identitaires, des idéologies militantes, il réinstitue la question de l’histoire et de l’historiographie au cœur de la problématique de la mémoire. D’ailleurs, il ne tarde pas à établir une convergence entre les arguments que déploient les discriminants, « la couleur de la peau pour les occidentaux, et le sang de l’esclave pour l’esclavagiste africain ». Tout cela concourt pour lui à une « construction idéologique » de la domination par la naturalisation du statut des acteurs. Par naturalisation, entendre presque la biologisation, et l’enfermement dans un trait identitaire. S’il peut comprendre que, sociologiquement et conjoncturellement, « cette communauté de fait » puisse s’établir – selon l’idée de Pap Ndiaye, auteur de La condition Noire – le conjoncturel ne doit pas, pour lui, être structurel et définitif. Cette intelligence lumineuse par la globalité de ce qu’elle saisit, par son esprit de nuance, sa volonté d’interroger le fait historique sans figer bourreaux et victimes, en ne renonçant pas à la rigueur critique, ont fait de Ibrahima Thioub un penseur reconnu à travers le monde, aux articles qui font autorité, contributeur régulier dans des ouvrages de référence, régulièrement sollicité pour des documentaires comme sur Arte et distingué par le titre de Docteur honoris causa des universités de Nantes, de Bordeaux-Montaigne et de Sciences Po Paris.
Tout un chemin pour ce petit garçon de Malicounda qui rêvait de devenir « médecin », qui qui ne soignera pas des âmes mais formera des esprits. Un jeune garçon, porté sur le sport, qui de son propre aveu avait « les pieds trop aveugles » pour jouer au football – il était néanmoins handballeur dans sa jeunesse et ceinture marron de karaté – et qui a encore aujourd’hui pour passion le jeu d’échec et l’agriculture, sans doute en hommage à son extraction familiale. Il se dégage de l’entretien qu’il nous a accordé, le profil exaltant d’un révolté qui ne fait pas de vagues, pétri de cette assurance qui n’a besoin ni de publicité ni d’effets de manche. Il tente, comme il peut, de raviver la flamme de lieux intellectuels majeurs à l’université, et en veut pour preuve la conférence donnée au sein de l’Université de Dakar par un prix Nobel de chimie, le biologiste américain Martin Chalfie ; un évènement venu étoffer un agenda universitaire mais qui n’a malheureusement pas suscité l’affluence des étudiants à hauteur de ses espérances – ces mêmes étudiants qui le lendemain, en l’honneur de la venue de Sadio Mané, étaient des milliers dans l’enceinte de l’université. Une anecdote que le recteur raconte avec un sourire dans la voix qui contient toute l’acrimonie face à cette relégation de la chose intellectuelle. Son dernier hommage va à une amie, mieux, une complice, la philosophe Aminata (Cissé) Diaw qui nous a quittés, elle qu’il appréciait particulièrement tant leurs pensées s’étaient accordées. Si Ibrahima Thioub a beaucoup apprécié le remarquable ouvrage d’Achille Mbembe Sortir de la grande nuit, lui nous aide à y pénétrer sans tabou, ni partialité, encore moins lamentations, comme un phare qui montre que pour bien en sortir il faut d’abord pleinement y entrer.
Dr Babacar Diop n’a pas été auditionné hier par le Doyen des juges d’instruction, comme annoncé. Le juge Samba Sall a soutenu ne pas être au courant d’une quelconque convocation.
Le Secrétaire général des Forces démocratiques du Sénégal (FDS), Dr Babacar Diop, a déféré hier à la convocation du Doyen des Juges d’Instruction (Dji) dans le cadre du dossier sur les brimades dont il a fait l’objet à la prison de Rebeuss. Mais il n’a pas été auditionné puisque le juge Samba Sall a soutenu ne pas être au courant de cette convocation. Remonté, il a dénoncé devant la presse cette attitude qu’il juge surprenante et inquiétante avant de se prononcer sur l'incarcération de Guy Marius Sagna.
Dr Babacar Diop n’a pas été auditionné hier par le Doyen des juges d’instruction, comme annoncé. Le juge Samba Sall a soutenu ne pas être au courant d’une quelconque convocation. Ce qui a rendu furieux le Secrétaire général des Forces Démocratiques du Sénégal (FDS) qui, à sa sortie du Tribunal, a pesté : « La justice de notre pays ne cesse de nous surprendre, de nous décevoir et de nous inquiéter. Pour un dossier qui a été programmé par son greffier lui-même qui en a informé les avocats qui m'ont informé depuis plus d'une semaine, le doyen des juges lui-même vient de nous dire qu'il n'a pas été informé.» Il trouve ainsi étonnant et bizarre que la justice étale au grand jour ses propres contradictions. «Ce sont des dysfonctionnements internes très inquiétants. Nous craignons autre chose. Il y a une pression sur la justice, il n’y a pas d'autres explications, parce que la meilleure manière de clarifier ce dossier, c’est d’ouvrir l’enquête. Une fois l’enquête ouverte, la justice doit faire son travail et les agents de l'administration pénitentiaire n'auront aucun moyen d'y échapper», martèle le leader des Fds. Et de rappeler : «La première fois que nous avons parlé de cette affaire, nous avons été voué aux gémonies par l'administration pénitentiaire qui a tenté de nous discréditer en publiant un communiqué de presse dont chaque mot, chaque phrase, chaque ligne, chaque paragraphe et la signature elle-même est l'expression du mensonge».
Pour Monsieur Diop, l’administration pénitentiaire a dépassé les limites du raisonnable et de l'entendement. «Dans son entreprise de construction du faux et du mensonge, elle est allée jusqu'à organiser dans une télévision de la place une foire du mensonge, basée sur une communication du mensonge, portée par des agents et des chefs qui possèdent une langue pleine de mensonge et une bouche de mensonge pour me discréditer et protéger les brigands, les agresseurs et les tortionnaires qui m’ont agressé. Je demande à la justice de faire son travail dans cette affaire. Nous ne reculerons pas. Pour nous, la bataille ne fait que commencer. Nous avons gagné la bataille morale en attirant l'attention de l'opinion publique sur la situation carcérale, sur la situation des prisonniers, en interpelant l'opinion publique et organisations de défense des droits de l'Homme sur les conditions abracadabrantesques que sont en train de vivre les prisonniers», clame Dr Diop avant de révéler : «Nous avons des faits contre nos agresseurs. Et ils n’ont aucun moyen d’échapper».
L’INCARCERATION DE GUY MARIUS SAGNA N'A RIEN A VOIR AVEC SA RELIGION
Revenant sur l’incarcération de Guy Marius Sagna, le leader des Fds souligne que cette affaire n’a rien à voir avec la religion. «Je ne saurais ni assumer, ni endosser de défendre l’idée que Guy Marius Sagna est en prison parce qu’il est catholique. Mais nous interpellons l’Eglise parce qu’elle a été toujours aux côtés des pauvres. Et aujourd’hui, le visage du pauvre s’appelle Guy Marius Sagna. Le pauvre au sens biblique, c’est l’élément humilié et dominé. Et Guy aujourd’hui est persécuté. Nous pensons que l’Eglise défendra Guy Marius Sagna», indique-t-il. Il estime dans la même veine que la situation carcérale de Guy Marius est inquiétante et fait craindre le pire. «Nous craignons le syndrome Omar Blondin Diop. Souvenez-vous de cet étudiant qui a été tué le 11 mai 1973 dans la prison de Gorée. Aujourd'hui, le syndrome de cet étudiant hante notre sommeil parce qu'un avocat de la place, un insulteur public, défenseur des causes perdues, a osé dire devant tout le monde que Guy Marius Sagna devait être abattu. Depuis lors, cet avocaillon n'a pas été entendu par le juge. C'est pourquoi nous craignons le pire et nous pensons que Guy Marius Sagna n'est pas en sécurité. Nous craignons pour son intégrité physique, son intégrité morale, et sa vie. Nous pensons que les gens doivent se mobiliser pour sauver le soldat Guy Marius Sagna», déclare Dr Babacar Diop.
BABACAR DIOP INVITE A PUBLIER SA LETTRE DE CONVOCATION POUR JUSTIFIER SES DIRES
On ne saurait qui dit la vérité dans l’affaire de la convocation ou pas de Dr Babacar Diop. Après la déclaration du secrétaire général des Forces démocratiques du Sénégal (FDS), qui soutient mordicus qu’il a été convoqué par le doyen des juges, les proches du juge Samba Sall battent en brèche ladite déclaration. Ils soutiennent qu’aucun greffier n’a notifié la convocation au leader des Fds. Si tel avait été le cas, expliquent-ils, ce sont les mis en cause qui allaient être entendus et non la partie civile. Et nos interlocuteurs de défier Dr Babacar Diop de publier sa convocation pour prouver ses dires
«ON NE PEUT PAS UTILISER DES FACTEURS IDENTITAIRES QUI DIVISENT POUR LE JEU POLITIQUE»
En marge de la cérémonie d’hommage rendu à Cheikh Hamidou Kane et son œuvre «L’Aventure ambiguë» organisée par le Centre Culturel Français de Dakar, Souleymane Bachir Diagne a mis en garde les hommes politiques sénégalais
En marge de la cérémonie d’hommage rendu à Cheikh Hamidou Kane et son œuvre «L’Aventure ambiguë» organisée par le Centre Culturel Français de Dakar, Pr Souleymane Bachir Diagne a mis en garde les hommes politiques sénégalais. Il leur a recommandé de ne pas utiliser les facteurs identitaires qui divisent et fragmentent pour le jeu politique.
Les appartenances ethniques et religieuses sont de plus en plus convoquées par les hommes politiques dans leurs discours. La dernière sortie du maire de Mermoz Barthelemy Dias confirme davantage cette assertion. C’est pourquoi, le philosophe Souleymane Bachir Diagne invite les hommes politiques à la vigilance. «Tout ce qui divise et fragmente est à éviter. La politique doit quand même viser à renforcer le vivre ensemble‘’, soutient Pr Diagne. L’enseignant à l’université de Columbia qui prenait part à la cérémonie d’hommage rendu à Cheikh Hamidou Kane a estimé qu’il faut que les acteurs politiques sachent que leur parole est importante et suivie d’effet. A l’en croire, ces derniers ne peuvent pas utiliser des facteurs identitaires qui divisent et fragmentent pour le jeu politique. Donc, préconise-t-il, il faut que les acteurs politiques sentent la responsabilité de maintenir absolument cette unité du vivre ensemble et éviter la fragmentation que pourraient amener les identités religieuses.
L’AVENTURE AMBIGÜE, UNE ŒUVRE QUI TRANSCENDE LES GENERATIONS
Devant un théâtre de Verdure du Centre culturel français plein à craquer, l’auteur de Comment philosopher en islam est revenu sur l’intemporalité de l’Aventure ambigüe. ‘’Son lectorat traverse les générations. L’Aventure ambigüe est un roman qui déploie des significations différentes à chaque relecture. Je l’ai lu et relu et pour moi, c’est à chaque fois un nouveau roman’’, indique le philosophe. Il rappelle que ce qui fait le caractère éternel de l’œuvre, c’est la manière dont il a posé la question de la rencontre et de l’ouverture des cultures le unes aux autres. La manière, renseigne-t-il, dont il a parlé de la construction d’une Afrique réellement indépendante, c'est-à dire d’une Afrique qui va construire dans la patience mais également avec détermination des rapports de forces plus favorables dans le monde où nous sommes.
Continuant à disséquer ce livre qui est devenu un classique de la littérature mondiale et traduit dans plusieurs langues, l’ancien élève de Louis Althusser a affirmé que ce sont des situations qui sont encore celles des Africains. ‘’L’autre enseignement qu’il faut tirer de ce livre, c’est la signification qu’il donne à la religion islamique. C'est-à-dire cette spiritualité à la fois exigeante et de grande pureté dont le personnage de Samba Diallo est l’incarnation dans le livre, et d’une ouverture avec un esprit de pluralisme qui doivent être aujourd’hui une leçon que les jeunes générations retiennent également du doyen Cheikh Hamidou Kane.
Devant les élèves de plusieurs lycées de Dakar qui étaient visiblement contents de rencontrer l’auteur pour la première fois, le professeur Cheikh Hamidou Kane a estimé que le livre est à la fois littéraire et philosophique. Il rappelle par ailleurs que c’est la nostalgie qui est une des grandes trames de l’Aventure ambigüe dont l’auteur fête ses 93 ans cette année.
BOUGANE DONNE LA FORMULE POUR FAIRE LIBÉRER GUY MARIUS
Le collectif «Noo Lank» a rencontré hier le patron du groupe D-Média, Bougane Guèye Dany, pour recueillir ses idées sur la démarche à suivre et l’informer dans le même sillage de la marche qu’il organise le 28 février prochain.
Le collectif «Noo Lank» a rencontré hier le patron du groupe D-Média, Bougane Guèye Dany, pour recueillir ses idées sur la démarche à suivre et l’informer dans le même sillage de la marche qu’il organise le 28 février prochain. Devant ses hôtes, Bougane Guèye Dany a demandé au Président Macky Sall de libérer Guy Marius Sagna.
«Si le patron Emmanuel Macron demande à Macky Sall de libérer Guy Marius Sagna, ce sera chose faite», a lancé Bougane Guèye Dany en recevant hier Aliou Sané et ses camarades du Collectif «Noo Lank». Selon le patron du groupe D-Média, Macron est une piste que «Noo Lank» doit explorer à fond pour obtenir la libération du leader de Frapp France Dégage qui, s’offusque-t-il, «est injustement incarcéré au Camp pénal dans des conditions inhumaines».
A l’en croire, le combat contre la hausse du prix de l’électricité et pour la libération de Guy Marius Sagna interpelle tous les Sénégalais. C’est pourquoi il ne tarit pas de félicitations à l’endroit des membres de «Noo Lank» pour la lutte qu’ils sont en train de mener. «Le collectif Noo Lank fait un excellent travail. C’est un combat pour tous les Sénégalais sachant que la hausse du prix de l’électricité interpelle tout le monde», indique Bougane Guèye Dany qui invitent les dirigeants à la raison en annulant la hausse du prix de l’électricité. Dans le même sillage, il a demandé à tous les Sénégalais de soutenir le collectif dans sa lutte. «Tous ceux qui sont épris de justice et qui aujourd’hui luttent pour que ce Sénégal soit bien géré doivent être de leurs côtés.»
Pour Aliou Sané, cette rencontre obéit à un besoin de mobiliser les forces politiques, sociales et les chefs religieux autour de leur lutte. «Nous sommes venus voir M. Bougane Guèye Dany qui est le président du mouvement «Geum Sa Bopp», pour discuter et échanger avec le collectif afin de recueillir ses conseils et ses idées sur la démarche, et surtout pouvoir aussi l’informer sur la prochaine marche que le collectif compte organiser le 28 février prochain», renseigne Aliou Sané.
Après avoir rappelé les différentes stratégies qu’ils ont mises en place pour faire fléchir le gouvernement, il informe qu’ils vont poursuivre leurs rencontres avec les leaders politiques et les chefs religieux. «Demain à 12 heures, nous allons rencontrer Pape Diop de Bokk Gis Gis. Nous comptons rencontrer d’autres chefs religieux comme le Khalife général des Mourides ainsi que Monseigneur Benjamin Ndiaye», dit Aliou Sané . Il estime d’ailleurs qu’ils vont rencontrer tous les citoyens qui le souhaiteront. Outre l’affaire Guy Marius Sagna, Bougane Guèye Dany a aussi interpellé Aliou Sané et ses compagnons sur la question des étudiants non orientés. «On se rend compte que c’est toute une génération qui risque d’être sacrifiée, puisqu’on parle 10 000 étudiants qui ne seraient pas orientés», signale-t-il.
LES HABITANTS DE NGUINTH ACCUSENT LE DG DE L’APROSI D’ACCAPARER LEURS TERRES
Suite à la démolition de leurs bornes de lotissement à Nguinth, dans la commune de Diamniadio, le collectif des habitants de ce site a fait savoir, hier, son mécontentement au DG de l’Agence d’Aménagement et de Promotion de Sites Industriels (APROSI)
Suite à la démolition de leurs bornes de lotissement à Nguinth, dans la commune de Diamniadio, le collectif des habitants de ce site a fait savoir, hier, son mécontentement au DG de l’Agence d’Aménagement et de Promotion de Sites Industriels (APROSI), Momath Ba. Le collectif l’accuse d’accaparer les terres de ses membres en se servant de la Direction de la Surveillance et du Contrôle des Sols (DESCOS).
Après plusieurs semaines de protestation sans obtenir gain de cause, les habitants de Nguinth ont reçu la visite des agents de la DESCOS. Lesquels, comme pour les narguer, ont détruit les bornes de leur lotissement. Très remonté, le collectif en appelle à l’arbitrage du président de la République dans le conflit qui l’oppose au DG de l’APROSI. « On a été surpris lundi par les gendarmes de DESCOS et les agent de la sous-préfecture. Ils sont venus démolir les bornes qu’on avait installées sur nos terrains. Ils ne nous ont montré aucun ordre de mission », s’indigne Sadio Bodian, un habitant de Nguinth.
Poursuivant, il explique que lui et ses voisins ont acquis ces terrains moyennant finances par le biais de la mairie et disposent de tous les documents administratifs qui peuvent le justifier. Et mieux, ils avaient un fichier y afférant et des frais de bornages fixés par la délibération numéro 2 du 14 avril 2006 par M. Mafall. Les membres du collectif soutiennent aussi être en possession de documents qui justifient leur propriété sur le site en question par acte de délibération numéro 13 du 17 janvier 2018 approuvé par le conseil municipal de Diamniadio
A en croire Sadio Bodian, c’est le directeur de l’APROSI qui a commandité la destruction des bornes de leurs terrains. Il tient sa certitude du fait qu’il y’a une semaine, M. Momath Ba était venu sur le terrain litigieux avec le préfet et le directeur général de la DESCOS. A l’occasion de cette visite, soutient-il, le collectif leur avait clairement dit que les terres en question appartiennent à la population de Diamniadio.
Pour prouver leur bonne foi, les membres du collectif indiquent que sur le site revendiqué par l’APROSI se trouve déjà des habitations et des fondements de maisons en train d’être construites. De ce fait, ils ne peuvent pas concevoir qu’on vienne un beau jour leur demander de quitter leurs terrains qu’ils ont obtenu dignement. Le collectif par la voix de M. Bodian lance un appel à l’endroit du chef de l’Etat et à toutes les autorités compétentes. « Nous interpellons directement le chef de l’Etat afin qu’il dise à Momath Ba d’arrêter d’accaparer nos terres ».
Le collectif s’interroge également sur une complicité qui existerait entre l’APROSI et la DESCOS. Et surtout comment M. Ba a-t-il pu se procurer les documents qui lui ont permis de démolir les bornes de lotissement du collectif.
LE GENERAL CHEIKH SENE, ANCIEN PATRON DES PANDORES, DOCTEUR EN DROIT !
Il décroche ce diplôme après avoir mobilisé ses troupes dans le processus de démocratisation de l’Etat de droit au Sénégal
« Implication des Forces de Sécurité et de Défense dans le processus de démocratisation de l’Etat de droit au Sénégal » : tel est le sujet de la thèse de doctorat que le désormais ex-Haut commandant de la Gendarmerie nationale, le général de corps d’armée (2 section) Cheikh Sène a soutenue à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad). Avec une mention très honorable, le général Cheikh Sène devient donc docteur en droit.
« Mon général » devient désormais Docteur en droit à l’issue d’un long cursus universitaire couronné par une soutenance de thèse sur le thème : « Implication des Forces de Sécurité et de Défense dans le processus de démocratisation de l’Etat de droit au Sénégal ». La cérémonie s’est déroulée, hier mardi 25 février 2020, à la faculté des sciences juridiques de l’Ucad.
Le président du jury, c’était le Professeur Seydou Nourou Tall entouré des Professeurs Frédéric Joël Aïvo (Université du Bénin), Meissa Diakhaté, Boubacar Ba ainsi que Professeur Ismaila Madior Fall, directeur de thèse. Outre les membres de sa famille et les invités de marque, ils étaient très nombreux les officiers-généraux, officiers, sous-officiers, gendarmes et militaires du rang à assister à cette grande cérémonie académique dont le héros du jour n’était autre que le général Cheikh Sène.
Pour présenter son sujet, l’impétrant a d’abord souligné l’intérêt qu’il porte à la démocratie qui devait être le point clé de ses recherches. Seulement, le choix d’y ajouter l’ « Etat de droit » s’est avéré nécessaire du fait du lien quasi fusionnel que cette notion entretient avec la démocratie. En introduction de son long exposé, Cheikh Sène a d’emblée expliqué que l’Etat de droit est un système politique dans lequel l’Etat est soumis au droit. Un champ de prédilection déserté…
Dans un Etat de droit, dit-il, toutes les institutions, politiques, administratives, judiciaires, militaires ont l’obligation de se conformer aux règles prescrites par les lois et règlements en vigueur. « Dans un tel Etat, les droits fondamentaux des citoyens sont garantis et protégés. En parlant d’implication des forces de sécurité et de défense, il est fait allusion ici à une participation de ces forces dans le processus de démocratisation » a expliqué avec beaucoup de pédagogie « l’étudiant » qui fut Haut commandant de la gendarmerie et directeur de la justice militaire.
Et comme « démocratisation » semble être le mot le plus utilisé dans son exposé, Cheikh Sene a donc jugé nécessaire de définir ce terme. « C’est un processus graduel aboutissant à l’émergence et à l’approfondissement d’une démocratie. L’utilisation du substantif processus (enchainement de phénomènes aboutissant à un résultat déterminé) n’est pas fortuite dans ce thème.
En effet, il met en relief le fait que la démocratie soit un idéal de mode de fonctionnement qui suit une évolution dans le but de toujours améliorer, parfaire, adapter l’appareil étatique aux différentes mutations sociales, culturelles et économiques des sociétés » a développé le « thésard » Cheikh Sène. Quant à l’expression « Forces de Sécurité et de Défense », l’ancien officier-général de la gendarmerie soutient que, bien que récente, elle désigne l’ensemble des corps militaires et paramilitaires qui assurent la sécurité à l’intérieur du pays et défendent l’intégrité du territoire national en cas d’agression venant de l’extérieur. « Donc, cette expression a la commodité d’être inclusive et globale » a jouté le chercheur du jour tout en relevant certaines nuances entre Sécurité et Défense. Pour convaincre les membres du jury, il a cité l’Amiral français Lacoste qui, en 1992, rappelait la nécessité de transiter « de la défense à la sécurité » dès lors que dans les schémas sécuritaires traditionnels, il s’agissait de se protéger contre une menace extérieure, localisée et plus ou moins symétrique.
Le mot « Sécurité » n’a pas été oublié dans l’exposé du général Sène qui le définit comme un état d’esprit, un sentiment d’absence de danger. En bordant l’intérêt du sujet, l’impétrant a déploré le fait que le domaine de la sécurité et de la défense au Sénégal n’est pas le champ de prédilection des chercheurs en général et des juristes en particulier. « Mis à part le côté passionnant de brasser en eaux peu fréquentées, c’est un souci de mettre sous prisme le rôle joué par les Forces de Sécurité et Défense dans la construction d’une République solide » a-t-il confessé pour justifier le choix du sujet.
Les forces de sécurité et de défense consolident l’Etat de droit
Quel est le niveau d’effectivité de l’implication des forces de Sécurité et Défense dans le processus de démocratisation de l’Etat de droit au Sénégal ? a demandé le Professeur Seydou Nourou Tall, président du jury. Une question qui a mis à l’aise l’ancien patron de la Maréchaussée dans notre pays. « Si l’effectivité de cette implication ne prête pas à controverse, force est de constater que bien des facteurs laissent penser qu’elle demeure fondamentalement limitée. Car, notre vécu professionnel nous a permis d’observer objectivement les forces de sécurité et de défense évoluer dans des postures républicaines, révélatrices de l’importance des « in put » qu’elles apportent à la consolidation de l’Etat de droit. Cet apport fécond est souvent diffus, parfois insuffisant mais toujours nécessaire » a assuré le général Cheikh Sène. Puis, il s’est attelé à montrer la faiblesse des politiques publiques de sécurité dont la fonction régalienne souvent soumise à la critique en vue de l’améliorer. Au regard de l’influence des forces de sécurité et défense dans le jeu démocratique, le nouveau Docteur a proposé dans ses recherches plusieurs voies pour une meilleure implication qui permettraient d’offrir des perspectives plus larges à notre démocratie.
L’usage des armes dans le maintien de l’ordre…
Selon l’ancien patron de la gendarmerie, les travaux de recherches effectués et les conclusions retenues ont mis en évidence le besoin, au niveau politico-stratégique, de définir une orientation de la posture des Forces de Sécurité et de Défense sur un horizon d’au moins dix ans. L’élaboration de cette vision stratégique, a-t-préconisé, pourrait emprunter une démarche inclusive regroupant tous les segments de l’Etat et toutes les composantes de la société civile. « Celle-ci (Ndlr, la vision stratégique) prendrait alors la forme d’une loi, laquelle se déclinerait, au moins à deux niveaux, sous forme réglementaire » a-t-il détaillé dans la présentation générale de son sujet. Sur le plan institutionnel, il a soutenu que ses résultats de recherches ont abouti à une préconisation de modification de la structure gouvernementale en vue d’une meilleure cohérence de la gestion de la sécurité nationale. C’est-à-dire ? « Une déconcentration plus poussée des pouvoirs de Police au profit des autorités administratives déconcentrées (Gouverneurs, Préfets, Sous-préfets).
Au niveau de la doctrine d’emploi des forces, le général passé à la deuxième section propose une redéfinition de la catégorisation et du rôle des forces de Police et Militaires au maintien de l’ordre ainsi qu’une consécration des principes de la non létalité, de l’anticipation et de la prévention, comme règles fondamentales de l’action des forces au maintien de l’ordre public ».mais attention, précise le général Cheikh Sène, la non létalité n’est pas un renoncement à la violence légitime wébérienne encore moins un renoncement à la violence légale. « Il s’agit plutôt de doter les forces de capacités non létales et d’encadrer, le cas échéant, l’usage des armes pour qu’il soit « l’Ultima ratio regum », « le dernier argument du prince », l’ultime recours » a ajouté « l’étudiant » pour mieux se faire comprendre par un jury composé de civils.
L’ancien patron des pandores confie que, tout au long de ses recherches, il a pu faire ressortir que l’anticipation et la prévention permettent aux forces de garder une posture proactive et de garantir une surveillance préventive du territoire et des populations mais aussi de montrer la force pour ne pas avoir à l’utiliser. Et dans ce cas alors, une consécration de la Police communautaire comme mode d’action de la Police administrative serait souhaitable. « Ce serait une mise en œuvre de la prévention de proximité. Elle permettrait l’implication des collectivités territoriales et des sociétés civiles locales dans la gestion de l’ordre public local. Ce serait une étape vers une territorialisation des politiques publiques de sécurité » a estimé l’ancien patron de la gendarmerie comme un clin d’œil à la territorialisation des politiques publiques si chère au président de la République, par ailleurs Chef suprême des Armées. Une chose est sûre : le général Cheikh Sene a brillamment survolé son sujet prouvant qu’il était bien dans son élément, lui qui a gravi tous les échelons avant de devenir officier-général et haut commandant de la gendarmerie. Après s’être retirés, les membres du jury ont décerné au terme de leurs délibérations le grade de docteur en droit avec la mention très honorable à l’impétrant Cheikh Sène. Une mention qui a suffi au désormais Dr Sène pour rendre grâce à Dieu et prier sur son Prophète Mohamed (Psl) avant de remercier ses défunts parents ainsi que son épouse Mme Sene élégamment installée aux premières loges de la salle. Docteur Cheikh Sène a confondu dans ses remerciements ses anciens camarades de la gendarmerie, ses frères d’arme de l’Armée, de la Police, des Sapeurs pompiers et autres qui ont eu à faire le déplacement. Le « Témoin » adresse au Général, pardon au Docteur Cheikh Sène, ses chaleureuses félicitations pour cette brillante thèse sanctionnée d’une étoile supplémentaire …
LE FRN ENGAGE EL HADJI AMADOU SALL POUR DÉFENDRE GUY MARIUS SAGNA
L'opposition, dans le cadre du dialogue national, estime que le moment est venu pour le président de promouvoir la décrispation politique de façon à ce que le parquet ne s'oppose pas, comme cela est de coutume, à la libération de l'activiste - COMMUNIQUE
SenePlus publie ci-dessous, le communiqué du FRN, daté du 25 février 2020, relatif à la situation de Guy Marius Sagna.
"Suite à la rencontre du lundi 17 février 2020 entre le Front de Résistance Nationale (FRN) et la plateforme Ñoo lànk, nous avons demandé à Maître El Hadji Amadou Sall, Avocat à la Cour, de prendre toutes les dispositions et initiatives nécessaires pour la libération de Guy Marius Sagna.
L'opposition, dans le cadre du dialogue national, estime que le moment est venu pour le Président de la République de promouvoir la décrispation politique de façon à ce que le parquet ne s'oppose pas, comme cela est de coutume, à la libération de Guy Marius Sagna dont la place n'est pas, encore une fois, la prison."
ALPHA CONDÉ, EX-OPPOSANT HISTORIQUE ACCUSÉ DE DÉRIVE AUTORITAIRE
Celui qui se réclame de la gauche, est un orateur érudit, sachant enthousiasmer son auditoire. Mais il goûte peu la contradiction et ses adversaires le décrivent comme un homme impulsif
Aux scrutins qui s'annoncent en Guinée, c'est avant tout de lui qu'il s'agit: Alpha Condé, l'opposant historique devenu président, accusé par ses adversaires de dérive autocratique au point de chercher à plier la Constitution à son ambition de troisième mandat.
Malgré la contestation et les manifestants tués, M. Condé, 82 ans la semaine prochaine, n'entend pas se laisser dévier de la voie qu'il s'est tracée: doter son pays d'une Constitution "moderne", soumise dimanche à un référendum le même jour que des législatives.Quant à briguer sa propre succession fin 2020, "ça, c'est le parti qui décidera", dit-il.
De longues années d'opposition en exil, la prison, une accession quasi miraculeuse au pouvoir et deux mandats présidentiels ont forgé le caractère de cet homme svelte qui boîte légèrement.
M. Condé, qui se réclame de la gauche, est un orateur érudit, sachant enthousiasmer son auditoire.Mais il goûte peu la contradiction et ses adversaires le décrivent comme un homme autoritaire et impulsif.
"Personne ne dicte à la Guinée ce qu'elle doit faire", a-t-il averti un parterre de diplomates en janvier.
"Condé a fait des choses importantes pour faire progresser la Guinée", convient Jim Wormington, de Human Rights Watch.Mais avec les violences policières des derniers mois, "il serait difficile d'en dresser un portrait positif.C'est ce qui rend les choses si tristes".
Né le 4 mars 1938 à Boké (ouest), M. Condé est issu de l'ethnie malinké, la deuxième du pays.
Il part en France dès l'âge de 15 ans et y obtient des diplômes en économie, droit et sociologie.Il enseigne ensuite à l'université parisienne de la Sorbonne.
- Condamné à mort -
Parallèlement, il dirige dans les années 1960 la Fédération des étudiants d'Afrique noire en France (FEANF) et anime des mouvements d'opposition au régime dictatorial d'Ahmed Sékou Touré, "père de l'indépendance" de la Guinée, colonie française jusqu'en 1958.
Sékou Touré le fait condamner à mort par contumace en 1970.
Il rentre au pays en 1991, sept ans après la mort de Sékou Touré, auquel a succédé l'officier Lansana Conté.Aux présidentielles de 1993 et 1998, ni libres ni transparentes, Condé est officiellement crédité de 27% et de 18% des voix.
Le fondateur du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG) inquiète Lansana Conté, qui le fait arrêter juste après la présidentielle de 1998.Il est condamné en 2000 à cinq ans de prison pour "atteintes à l'autorité de l'Etat et à l'intégrité du territoire national".Sous la pression internationale, il est gracié en 2001.
Il reste dans l'opposition après l'avènement de la junte du capitaine Moussa Dadis Camara en 2008.Mais en 2010, le "Professeur Alpha Condé" est enfin élu, au second tour, après avoir été très nettement distancé au premier par l'ex-Premier ministre Cellou Dalein Diallo.Il est réélu au premier tour en 2015.
Il a "tellement déçu", juge Cellou Dalein Diallo, actuel chef de file de l'opposition, selon qui M. Condé a instauré "une république bananière, une dictature qui ne dit pas son nom".
Sanguin, Alpha Condé l'est certainement.Un jour, il réprimande des étudiants qui lui réclament les tablettes informatiques promises pendant sa campagne."Vous êtes comme des cabris: +Tablettes, Tablettes!+", grince-t-il, sautant sur place à pieds joints.
- Appel à cogner -
Il se targue de son bilan: réalisation de barrages hydroélectriques, révision des contrats miniers et mise au pas de l'armée, le tout alors que le pays a fait face à une épidémie d'Ebola (fin 2013-2016).
La grande affaire de son deuxième mandat est son projet de doter la Guinée d'une Constitution "qui réponde aux besoins du monde d'aujourd'hui", dont la lutte contre les mutilations génitales des filles et les mariages précoces, ou un juste partage des richesses, dans un pays pauvre malgré ses ressources minières.
Depuis octobre, un collectif de partis, de syndicats et d'associations a fait descendre dans les rues des dizaines, voire des centaines de milliers de Guinéens pour s'opposer à la réforme.
Certes, le projet de réforme maintient à deux le nombre de mandats autorisé.Mais, pour l'opposition, la nouvelle Constitution servira à M. Condé de prétexte pour remettre son compteur présidentiel à zéro.
"Après s'être pris pour Mandela, il a décidé de devenir Bokassa", l'ancien empereur de Centrafrique, accuse le collectif.
La vague de protestations, durement réprimée à plusieurs reprises, a coûté la vie à au moins 30 civils et un gendarme depuis octobre, sans le faire plier.
L'opposition promet d'empêcher de voter dimanche.
"Quiconque viendra pour détruire les urnes, frappez-le!", a lancé le président à ses partisans.