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8 juin 2025
EN CASAMANCE, LA PAIX CÉLÉBRÉE, MAIS TOUJOURS EN SURSIS
Deux ans après l'accord avec la faction de Diakaye, la commémoration du dépôt des armes se déroule dans un contexte paradoxal : d'un côté une volonté de paix affichée, de l'autre des zones encore minées, des déplacés qui hésitent à rentrer...
C’est dans un contexte de recrudescence de la violence dans une partie du département de Bignona et où un militaire de l’armée sénégalaise est toujours porté disparu que le deuxième anniversaire de dépôt des armes est célébré à Ziguinchor.
Deux ans après le dépôt des armes parla faction de Diakaye du MFDC, une célébration symbolique s’est tenue en Casamance. Pour certains, l’événement incarne un tournant décisif dans la quête de paix dans cette région meurtrie. Pour d’autres, il sonne comme une dissonance, une cérémonie trop tôt programmée dans une atmosphère encore marquée par l’écho des fusils. Car, pendant que l’on brandit le flambeau de la paix à Ziguinchor, certaines zones du département de Bignona vivent sous la menace persistante, théâtre d’opérations militaires déclenchées il y a bientôt un mois pour sécuriser les populations.
Les organisateurs de cette commémoration, quiy voient un moment de réflexion et de sensibilisation sur les perspectives du processus de paix, lancent un appel aux autres factions rebelles pour emboîter le pas à Diakaye. Mais, leurs détracteurs s’interrogent : est-il pertinent de marcher pour la paix à Ziguinchor, ville calme et éloignée des foyers de tensions, alors que les localités comme Djignaky ou la zone des Palmiers, elles, restent soupçonnées d’abriter des éléments armés ?
Si certains se réjouissent des accords signés avec Diakaye, d’autres jugent prématuré de célébrer une paix encore incomplète. Pour ces sceptiques, l’heure doit être à la lucidité. Le souvenir d’autres proclamations similaires, comme celle de décembre 2014 ou encore la « journée de la paix » décrétée après une rencontre avec l’abbé Diamacoune Senghor, rappelle que les symboles n’ont pas suffi à enrayer la reprise des hostilités. La paix, insistent-ils, se vérifie sur le terrain, pas dans les discours, ni les défilés. Et sur le terrain, la situation reste tendue. Certaines zones du Fogny et de la frontière avec la Guinée-Bissau, comme Santhiaba Manjack, sont encore truffées de mines. Le retour des déplacés est lent, la peur omniprésente, et l’hivernage approchant fait ressurgir l’angoisse des agriculteurs de ne pas pouvoir cultiver leurs terres. Le CNAMS est interpellé sur le rythme du déminage, condition essentielle à la reprise de la vie dans ces localités.
Autre inquiétude : la présence résiduelle d’éléments armés. Où sont les hommes de Salif Sadio ? Que sont devenues les factions du Sud ou du camp de Comapass ? Les récentes attaques à Djignaky, survenues précisément dans une zone censée être pacifiée, interrogent sur l’identité des assaillants. Factions dissidentes ? Nouveaux combattants ? La question reste ouverte, tout comme celle du militaire sénégalais capturé à Santhiaba Manjack, que des sources annoncent en vie.
Les acteurs de la société civile, réunis sous la bannière de la COSCPAC, estiment cependant que cette célébration est l’occasion de faire le point sur les avancées enregistrées. Mais d’autres voix rappellent l’urgence de regarder en face les défis restants. L’avion de reconnaissance qui survole encore la zone illustre une vérité simple : la tension est loin d’avoir disparu. Et la jonction évoquée entre différentes factions du MFDC pourrait bien faire reculer encore davantage les espoirs de paix.
La volonté affichée par une partie des combattants du MFDC de rompre avec la lutte armée est à saluer. Mais élargir ce processus à l’ensemble des composantes de la rébellion demeure un défi immense. Tant que certaines zones resteront inaccessibles, tant que les mines menaceront les champs, tant que les armes tonneront à proximité des villages, la paix ne pourra être qu’un projet, pas une réalité.
Célébrer l’an 2 du dépôt des armes n’est pas vain. Cela témoigne d’une volonté. Mais dans une Casamance encore marquée par les incertitudes, l’énigme demeure entière : quand la paix viendra-t-elle vraiment ? Et surtout, comment ?
JARAAF SE SAUVE A PIKINE, US GOREE AUX TALONS
Le Jaraaf s’est bien tiré de son déplacement en concédant le nul au stade Alassane Djigo où il affrontait l’As Pikine pour le compte de la 23eme journée de Ligue 1.
Le Jaraaf s’est bien tiré de son déplacement en concédant le nul au stade Alassane Djigo où il affrontait l’As Pikine pour le compte de la 23eme journée de Ligue 1. Ce point du nul, maintient les « Vert et Blanc » à la tête du classement (41 points+10) mais réduise l’écart qui le sépare à sa dauphine l’Us Gorée à égalité (41 points+10) après le succès obtenu face à Génération foot. Au bas du tableau, Jamono Fatick cède la place de lanterne rouge aux Académiciens d’Oslo.
Pour conforter sa première place le derby s’annonçait périlleux pour le Jaraaf qui affrontait ce dimanche, au stade Alassane Djigo, l’As Pikine pour le compte de la 23e journée de Ligue 1. Mais les «Vert et Blanc» ont réussi le minimum en décrochant le match nul face à des Pikinois (8e ; 30 points) qui semble prendre des couleurs depuis l’entame de la phase aller après avoir enchaîné trois victoires depuis l’entame des matchs retour. Ce point permet aux «Vert et Blanc» de garder encore les commandes de la Ligue 1 (41 points+12). Mais l’avance est désormais assez minime puisque son dauphin l’Us Gorée s’est imposée. Le club insulaire a profité samedi de la réception de Génération foot (5e, 32 points) pour s’imposer (2-1) et rejoindre du coup le leader à la tête du classement avec une différence de deux buts (41 points+ 10).
Les promus du Waly Daan de Thiès restent quant à eux à deux points du podium (3e ; 37) malgré la défaite concédée ce samedi à domicile devant le Casa Sports (0-1).
Ce succès vient au bon moment pour les Ziguinchorois. Menacés de la relégation, ils en profitaient pour quitter la 14ème et première place de non relégable pour la 13ème place (24 points). Pour les autres rencontres, l’Us Ouakam ne bougera pas et reste à la 5e place (34 points) suite au partage de points (0-0) obtenu sur sa pelouse face l’AJEL de Rufisque (4e ;36 points).
Neutralisée sur sa pelouse par Dakar sacré cœur (11e 28 points), l’équipe de l’ ASC HLM a perdu un rang et se positionne à la 14e place et à deux points de la lanterne rouge.
Les promus de Oslo Football Académie restent à la 16e et dernière place du classement après la défaite (0-1) enregistrée sur leur pelouse contre l’équipe de Guédiawaye F (9e, 30 points).
A 9 journées de la fin du marathon, la lutte pour le maintien est sans doute relancé de plus belle aussi bien en haut qu’au bas du tableau où les équipes se tiennent de prés.
La 23e journée sera clôturée ce lundi 12 mai par le duel qui opposera au stade Ely Manel Fall, la Sonacos de Diourbel (12e ; 26 points) à la Linguère de Saint-Louis (7e ; 30 points).
LES LIONCEAUX DEFIENT LES FLYINGS EAGLES POUR UNE PLACE AU MONDIAL
Les Lionceaux du Sénégal, champions d’Afrique en titre, affronteront le Nigeria ce lundi 12 mai à 12 h 00, au stade de Suez à Ismaila (Egypte) en quarts de finale de la Coupe d’Afrique des nations U20 2025.
Les Lionceaux du Sénégal, champions d’Afrique en titre, affronteront le Nigeria ce lundi 12 mai à 12 h 00, au stade de Suez à Ismaila (Egypte) en quarts de finale de la Coupe d’Afrique des nations U20 2025. Les Lions défendront crânement leurs chances face à l’équipe détentrice de record des trophées dans cette catégorie junior. Mais il s’agit surtout de se hisser en demi-finale et assurer une qualification à la Coupe du monde de la catégorie.
Sénégal-Nigeria : un choc au sommet entre les champions en titre et les septuples vainqueurs de la compétition. Après une entame laborieuse où elle a frisé l’élimination en phase de poule, l’équipe du Sénégal poursuit sa marche dans la CAN U-20 en affrontant ce lundi 12 mai au nouveau stade de Suez d’Egypte, celle du Nigéria dans le cadre des quart de finales.
Sortie deuxièmes du groupe C grâce à leur victoire face à la République Démocratique du Congo (2-0), les Lionceaux, tenants du titre, ontréussi à tenir leur rang en se qualifiant au second tour.
Ce sera ainsi la 5e qualification consécutive qu’une équipe U20 du Sénégal au second tour après celle de 2015 au Sénégal, celles de 2017, 2019 et 2023 en Egypte conclue par un premier sacre. « Notre statut ne nous permettait pas de sortir prématurément de la compétition », a déclaré Serigne Saliou Dia. Toutefois, le sélectionneur national est conscient que c’est une autre compétition qui s’ouvre.
Ses Lionceaux vont aborder un tournant crucial et devront hausser le niveau pour venir au bout de ces Flying Eagles considérés comme l’ogre continentale dans cette catégorie. Le Nigeria est en effet la sélection la plus titrée de l’histoire de la compétition avec sept couronnes. En phase poule, les juniors du Nigéria ont ainsi terminé deuxième du groupe B avec une victoire et deux matchs nuls (5 points).
En cas de succès le Sénégal fera un grand pas dans la conquête d’une deuxième étoile. Ce match servira également de barrage pour la Coupe du monde de la catégories. Le vainqueur de cette confrontation décrochera non seulement son billet pour les demi-finales, mais validera également sa qualification pour la prochaine Coupe du Monde U20.
LE SENEGAL DESIGNE PAYS HOTE DU PROCHAIN CONGRÈS DES EXPERTS COMPTABLES
À l’issue de la 8eme édition du Congrès Africain des Experts-Comptables (ACOA), tenue du 6 au 9 mai 2025 à Kigali, la République du Sénégal a été officiellement choisie pour accueillir la prochaine édition prévue en 2027
À l’issue de la 8eme édition du Congrès Africain des Experts-Comptables (ACOA), tenue du 6 au 9 mai 2025 à Kigali, la République du Sénégal a été officiellement choisie pour accueillir la prochaine édition prévue en 2027.
L’annonce a été faite lors de la cérémonie de clôture, en présence de 2.500 délégués venus des cinq continents, ainsi que des plus hautes instances internationales de la profession, notamment la Fédération Internationale des Experts-Comptables (IFAC). Selon un communiqué publié hier, dimanche 11 mai 2025, cette désignation constitue une reconnaissance éloquente du leadership de l’Ordre National des Experts-Comptables et Comptables Agréés (ONECCA) du Sénégal, ainsi que de la qualité de l’expertise nationale.
Au-delà des considérations professionnelles, ce choix témoigne également de la stabilité politique du pays et des engagements clairs pris par les nouvelles autorités en matière de transparence, de bonne gouvernance et de lutte contre les flux financiers illicites.
Mor Dieng, président de l’ONECCA et actuel président de l’Association of Accountancy Bodies in West Africa (ABWA), a exprimé la fierté du Sénégal et son engagement à faire de l’édition 2027 un événement d’envergure continentale et internationale. Ce congrès sera placé sous l’égide des plus hautes autorités sénégalaises, en partenariat avec l’ONECCA, la PAFA (Pan African Federation of Accountants), l’ABWA et la FIDEF (Fédération Internationale des Experts-Comptables Francophones).
Rappelant que la PAFA a été fondée à Dakar en 2011, Mor Dieng a salué le retour de cette organisation panafricaine sur le sol sénégalais, y voyant une portée symbolique majeure. Il a par ailleurs souligné que toutes les parties prenantes, nationales comme internationales, seront pleinement mobilisées pour faire de l’ACOA 2027 une véritable vitrine de l’excellence sénégalaise, notamment dans les domaines de la gouvernance financière et de l’expertise comptable
Enfin, il a insisté sur l’impact économique significatif que ce congrès, organisé pour la première fois au Sénégal, pourrait générer à travers plusieurs secteurs clés de l’économie nationale.
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AMETH NDIAYE PRESSE LE GOUVERNEMENT À PROPOS DE LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE
Invité de l’émission Objection sur Sud FM, dimanche 11 mai, il a aussi rappelé que la réédition des comptes est une exigence normale dans l’espace UEMOA.
Selon le professeur assimilé Ameth Ndiaye, macroéconomiste à l’UCAD, l’État devrait faire voter sans délai la nouvelle Loi de Finances pour redéfinir son cap économique, après la découverte d'une dette cachée estimée à 99 % du PIB par le régime sortant de Macky Sall. Invité de l’émission Objection sur Sud FM, dimanche 11 mai, il a aussi rappelé que la réédition des comptes est une exigence normale dans l’espace UEMOA.
Le professeur assimilé Ameth Ndiaye, spécialiste en macroéconomie au département d’analyse et de politique économique de la Faculté des Sciences Économiques et de Gestion de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, exhorte le régime du président Diomaye à adopter une loi de finances rectificative.
Invité de l’émission Objection sur la radio Sud FM hier, dimanche 11 mai, l’économiste, tout en saluant la dynamique de réduction du déficit budgétaire enclenchée parles nouvelles autorités après la découverte d’une dette cachée par l’ancien régime du président Macky Sall, a souligné que l’État gagnerait à faire voter rapidement une nouvelle loi de finances pour redéfinir le cap économique.
Et pour cause, explique-t-il, la loi de finances initiale, adoptée sans débat le 28 décembre 2024, à la suite de l’invocation de l’article 86 de la Constitution par le Premier ministre engageant ainsi la responsabilité de son gouvernement est devenue caduque à la lumière de la découverte de cette dette cachée.
Ainsi, il recommande donc l’adoption urgente d’une loi de finances rectificative. « Il faut une nouvelle loi de finances. Cela permet de dire clairement aux bailleurs de fonds et aux investisseurs : “Voilà où je vais” », at-il martelé, avant d’ajouter: « Il semblerait que le FMI insiste pour que le diagnostic des comptes soit approfondi. »
Par ailleurs, Interpellé par notre confrère Baye Oumar Gueye sur la signification économique de la reddition des comptes, un sujet au cœur de l’actualité depuis l’ouverture, par le Pool judiciaire financier, de plusieurs procédures contre des responsables de l’ancien régime, le professeur Ndiaye a précisé que cette démarche (réédition des comptes) est une exigence normale dans l’espace UEMOA, notamment en raison de la dette cachée confirmée par la Cour des comptes. « La reddition des comptes est une exigence normale dans la gestion de toute entité économique ou financière. À la fin de chaque exercice, il est impératif de faire un bilan, qu’il s’agisse d’une entreprise privée ou de l’État. Ce dernier doit également rendre des comptes. C’est une exigence de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) », a-t-il expliqué non sans préciser que cette procédure est encadrée dans l’espace communautaire :
« Lorsqu’un État est membre de cet espace d’intégration, la reddition des comptes suit un calendrier précis. Le 28 février, le comptable principal de chaque organe doté d’une autonomie de gestion financière établit et présente ses comptes à la Commission de l’UEMOA. Et au 31 mars, le comptable principal de la Commission établit et présente un compte de gestion consolidé pour l’ensemble de l’Union. » a-t-il expliqué avant d’ajouter au sujet de la découverte de cette dette cachée, estimée à 99 % du PIB que cela représente un lourd fardeau pour le nouveau régime, créant une situation imprévue à laquelle il doit désormais faire face avec rigueur et transparence.
par Demba Moussa Dembélé
CRITIQUE DE LA LIBERTÉ ÉCONOMIQUE
Sous couvert de « liberté économique », un récent rapport du ministère de l'Économie prône un retour aux politiques néolibérales qui ont pourtant montré leurs limites au Sénégal. Une contradiction avec les promesses de rupture économique du pays
Le document publié par le ministère de l'Economie, du Plan et de la Coopération (MEPC) soulève de très sérieuses interrogations et surtout de vives inquiétudes quant à l'orientation des politiques économiques du gouvernement. En effet, le document se situe carrément dans une perspective néolibérale extrême, vu les fondements idéologiques et surtout les sources des indicateurs de la « liberté économique ».
Les fondements idéologiques de la « liberté économique »
La revue de la littérature montre que la « liberté économique » n'est rien d'autre que la version moderne de la « main invisible » d'Adam Smith, précurseur de l'économie classique au 18e siècle. Cette théorie a été développée de façon outrancière par les théoriciens du néolibéralisme débridé, comme Milton Friedman, Friedrich Hayek et leurs héritiers.
« Promu par des penseurs comme Adam Smith et John Stuart Mill, le libéralisme classique met l'accent sur la primauté de la liberté individuelle, de la propriété privée et du libre marché... Les principaux auteurs qui ont influencé la notion de liberté économique sont Adam Smith, John Stuart Mill, Friedrich Hayek et Milton Friedman. Si les deux premiers cités sont du courant du libéralisme classique, le troisième est un défenseur du néo-libéralisme et du capitalisme de marché alors que le quatrième est partisan du libéralisme économique. » (p. 11)
Dans cette citation, le document cherche à faire croire qu'il y a des différences entre « libéralisme classique », « néolibéralisme » et « libéralisme économique ». En vérité, il n'y a aucune différence entre eux. Tous défendent la primauté absolue du marché, considéré comme un démiurge et un rôle minimal pour l'Etat, comme protecteur des droits propriété des acteurs du marché. Adam Smith est considéré comme le précurseur de ce paradigme, avec sa théorie de la « main invisible ». Tous les économistes néoclassiques ont développé leurs théories à partir du travail pionnier d'Adam Smith. Quant à Friedrich Hayek et Milton Friedman, les deux hérauts du néolibéralisme débridé, il n'existe aucune différence entre eux.
Cependant, le document rappelle les critiques émises par plusieurs éminents économistes contre ces auteurs. Parmi eux, le document cite des lauréats du prix Nobel, tels que Joseph Stiglitz et Amartya Sen ainsi que l'économiste britannique John Maynard Keynes. Malgré l'évocation de ces critiques, le document a décidé de choisir le camp des partisans de la « main invisible » et du néolibéralisme. Un choix conforté par celui des indicateurs de la « liberté économique ».
Les indicateurs de la « liberté économique »
Le choix de ces indicateurs est encore plus inquiétant, quand on découvre que leurs sources sont l'Institut Fraser au Canada et la Heritage Foundation aux Etats-Unis, tous deux associés aux milieux de droite, voire d'extrême-droite, dans leurs pays.
1) L'Institut Fraser
L'Institut Fraser, fondé en 1974, est un think tank canadien décrit comme politiquement conservateur et de droite, qui s'est spécialisé dans l'économie, la société et l'éducation. L'Institut Fraser est partisan du libre marché et défend des politiques économiques néolibérales par le biais de ses recherches internes et de ses analyses distillées dans les médias. Au Canada, il est connu pour ses positions visant à l'abolition du salaire minimum, à la privatisation de l'enseignement public et à l'affaiblissement du rôle politique des organisations de défense des droits des travailleurs, comme les syndicats.
L'indice de l'Institut Fraser a été publié pour la première fois en 1996. Il mesure le degré de liberté économique dans 5 domaines principaux :
- Taille de l'État (niveau des dépenses publiques, nombre d'entreprises publiques, etc.)
- Système juridique, (Etat de droit, sécurité des droits de propriété, indépendance de la justice; exécution juridique des contrats)
- « Santé » de la monnaie (masse monétaire, taux d'inflation, taux d'intérêt, etc.)
- Liberté du commerce international (tarifs douaniers, quotas, circulation des capitaux, etc.)
- Réglementation (liberté du marché du travail, liberté du crédit, etc.)
L'indice comprend 26 composantes dans ces cinq domaines principaux. Nombre de ces composantes sont elles-mêmes composées de plusieurs sous-composantes. Au total, l'indice comprend 44 variables distinctes.
2) Heritage Foundation
C'est un laboratoire d'idées fondé en 1973 et lié étroitement au Parti républicain, surtout à l'aile extrémiste de celui-ci. Dans les années 1980, la Heritage Foundation avait joué des rôles très importants dans les politiques intérieures et extérieures des présidents Ronald Reagan et George Bush-père. Elle avait notamment influencé l'intervention militaire des Etats-Unis contre l'Irak, appelée Tempête du Désert. Sous la présidence de Bush-fils, la Heritage Foundation avait également joué un rôle déterminant dans l'invasion de l'Irak, qui a conduit à la chute du régime de Saddam Hussein, à la destruction du pays et au massacre de centaines de milliers d'Irakiens.
La Heritage Foundation est très liée à Donald Trump, dont elle avait défini l'agenda durant son premier mandat. Le président actuel de la Fondation, Kevin Roberts, considère son organisation comme une « institutionnalisation du trumpisme ». La Heritage Foundation a publié en 2023, le Projet 2025, un document de plus de 900 pages, dont les principaux auteurs sont des personnes qui avaient servi pendant le premier mandat de Trump. Selon les observateurs, Donald Trump et Elan Musk sont en train d'exécuter les objectifs contenus dans le Projet 2025, avec notamment le démantèlement de la Fonction publique au niveau fédéral et la dissolution de plusieurs agences fédérales, parmi lesquelles l'USAID.
Le Projet 2025 définit également la politique étrangère de Donald Trump. Comme les guerres commerciales déclenchées contre le monde entier, y compris contre des alliés, ainsi que le soutien inconditionnel au régime génocidaire israélien et les menaces d'intervention militaire contre l'Iran et ses alliés au Proche-Orient.
C'est en 1995 qu'a commencé la publication de l'indice de « liberté économique » de la Heritage Foundation, Actuellement, l'indice est publié en partenariat avec le *Wall Street Journal*, le quotidien de la Bourse de New York. L'indice utilise 12 facteurs quantitatifs et qualitatifs, regroupés en quatre grandes catégories, ou piliers :
- État de droit (droits de propriété, justice indépendante, exécution des contrats, etc.)
- Taille de l'État (dépenses publiques, pression fiscale, santé budgétaire)
- Efficacité réglementaire (liberté du secteur privé, liberté du travail, liberté monétaire)
- Marchés ouverts (libre commerce, liberté d'investissement, de circulation des capitaux)
Beaucoup de personnes, qui ont lu le document du ministère, ont dû se demander pourquoi le choix porté sur ces deux organisations, liées aux milieux d'extrême-droite dans leurs pays, comme références pour mesurer la « liberté économique » du Sénégal ! Surtout le choix de la Heritage Foundation ! Est-ce un choix basé sur une affinité idéologique ? Quelle que soit la réponse, un tel choix est plus qu'inquiétant.
Liberté des puissants, oppression des faibles
Vu la nature des deux organisations, il était évident de deviner que leurs indicateurs sont basés sur la défense inconditionnelle des droits de propriété, la croyance aveugle dans la « supériorité » du marché et une intervention minimale de l'Etat. En fait, leur objectif est de mettre l'Etat au service du marché ! Par conséquent, la « liberté économique », telle que mesurée par les critères des deux organisations, ne peut être que la liberté pour les puissants, notamment les multinationales, au détriment des plus faibles. En effet, de quelle « liberté économique » peuvent bénéficier les petites et moyennes entreprises (PME), qui constituent 97% du tissu économique du Sénégal, et qui ont du mal à accéder au crédit bancaire, comparées aux multinationales ayant de puissants moyens financiers et logistiques?
Dès lors quand dans son avant-propos, le ministre Abdourahmane Sarr parle de « l'égalité des chances », ou de « la transparence des règles du jeu économique », cela n'a rien à voir avec la réalité. En vérité, la « liberté économique » c'est la voie royale vers l'asphyxie économique et financière des petites et moyennes entreprises et la marginalisation du secteur privé national au profit des investisseurs étrangers. C'est le moyen le plus sûr pour un contrôle accru des ressources naturelles des pays faibles par les multinationales. On en voit plusieurs exemples ici au Sénégal. Les entreprises étrangères qui exploitent le secteur minier se comportent comme bon leur semble face à un Etat faible et à des populations impuissantes. Le résultat c'est l'accumulation de richesses pour ces multinationales qui ne réservent que des miettes à l'Etat et aux collectivités locales et surtout la misère pour les populations.
Cela a été confirmé par le Directeur général de la SOMISEN qui a dit que le Sénégal ne gagne presque rien de l'exploitation de ses ressources minières. Selon lui, ce secteur contribue à seulement 4% au produit intérieur brut (PIB) du pays, à 9% au budget de l'Etat et à…0,16% à la création d'emploi !² Il a cité un autre exemple, avec la sortie massive de quantités d'or du Sénégal pendant des années à l'insu de l'Etat. Entre 2013 et 2022, la valeur de cet or était estimée à 2,7 milliards de dollars, ou 1500 milliards de francs CFA !³
A propos de l'exploitation du zircon, selon le Directeur portefeuille de la SOMISEN, la multinationale GCO qui exploite le zircon au Sénégal depuis 10 ans, engrange en moyenne 29 milliards de FCFA de bénéfices annuels. Mais malgré ses 10 % de parts, l'État du Sénégal n'a jamais perçu de dividendes, à cause d'un montage financier opaque permettant une distribution anticipée des dividendes !
La « liberté économique » prônée par le document du ministère va aggraver les flux financiers illicites, les fraudes et évasions fiscales. En fait, la « liberté économique » acquise par les multinationales dans le secteur minier fait de celui-ci une des principales sources de fuite des capitaux sous forme de flux financiers illicites, en Afrique, selon plusieurs études. On peut citer celles de la Banque africaine de développement (BAD), en 2013, de la Commission économique des Nations-Unies pour l'Afrique (CEA), en 2015, et celle de la Conférence des Nations-Unies pour le commerce et le développement (CNUCED), en 2020. Malgré ces constatations, les gouvernements africains continuent d'offrir des incitations très coûteuses pour attirer des investissements directs étrangers dans ce secteur.
Le caractère idéologique des indicateurs
Selon le document: « *L'indice de liberté économique publié par l'institut Fraser à l'avantage d'être politiquement plus neutre que celui de la fondation Heritage. Il couvre, de même, un plus grand domaine et une plus longue période*. » (p. 18)
Nous ne voyons aucune différence entre les indices publiés par les deux organisations. Il n'y a aucune « neutralité » de l'indice de Fraser. Ce que reconnait d'ailleurs le document quand il souligne « *Toutefois, les résultats des deux indicateurs sont assez similaires, en termes de mesure du bien-être et de classement des pays* » (p. 19)
En fait, ils ont le même socle idéologique et visent essentiellement à promouvoir la protection des droits de propriété ; le libre marché ; la libre circulation des capitaux, la libéralisation du commerce extérieur et surtout une intervention minimale de l'Etat. La Heritage Foundation et l'Institut Fraser font partie des instruments destinés à la défense du capitalisme mondialisé et la domination des pays occidentaux sur les pays du Sud et leurs ressources naturelles. En fait, l'objectif réel de ces deux institutions est la propagation à l'échelle mondiale de ce que le Pr. Samir Amin, appelait le « virus libéral ».⁴
Dans l'indice Fraser de 2021, le document du ministère se lamente que le Sénégal soit « mal classé » en occupant le 110e rang. Il a « oublié » de dire que juste derrière le Sénégal, se trouve … la Chine, qui se classe 111e avec un score de 6,18 ! Ainsi donc, le Sénégal et plusieurs pays africains sont-ils mieux classés que la Chine dans cet indice. On note la même chose avec l'indice de la Heritage Foundation, dans lequel, tous les pays africains, à l'exception de quelques-uns, ont des indices de « liberté économique » supérieurs à celui de la Chine.
Et pourtant, la Chine n'est comparable à aucun pays africain, en termes de développement économique et social. A la fin de 2023, ses réserves de change, évaluées à 3238 milliards de dollars, étaient supérieures au produit intérieur brut (PIB) de toute l'Afrique sub-saharienne, estimé à 3100 milliards de dollars en 2023! La Chine est virtuellement la première puissance économique du monde, en termes de parité des pouvoirs d'achat. Rappelons qu'elle est le seul pays à avoir un système industriel complet.
A la lumière de ces observations, on voit clairement que les classements, établis par la Héritage Foundation et l'Institut Fraser, ont très peu à voir avec la santé économique d'un pays. Ils cherchent plutôt à mesurer son degré d'adhésion aux normes définies par le capitalisme mondialisé. Si le Sénégal, ou bien la Gambie, ou encore la Guinée-Bissau et le Bénin, pour ne citer que ces pays, ont des indices de « liberté économique » supérieurs à celui de la Chine, cela ressemble fort à une farce grotesque et montre le caractère idéologique de tels classements !
Analyse des résultats du Sénégal en termes de « liberté économique »
Selon le document, les critères de Fraser montrent que « *Le score de liberté économique du pays est inférieur à la moyenne mondiale et supérieur à celle de l'Afrique subsaharienne* » (p.26). Néanmoins, « *Les performances du Sénégal dans les cinq (5) domaines de l'indicateur de liberté économique de l'Institut Fraser sont globalement insuffisantes. Seule sa performance relative à la « taille du gouvernement » dépasse la moyenne mondiale et celle régionale* » (p.27)
Commentant la « performance » relative à la taille du gouvernement, le document souligne que « Les performances du Sénégal dans les composantes, « consommation gouvernementale » et « transferts et subventions », traduisent les faiblesses respectives de la part de la consommation publique (17,55% en 2021) dans la consommation totale et des transferts du gouvernement vers les ménages dans le PIB nominal (4,51% en 2021). Pour leurs parts, les bonnes notes du pays dans les composantes « entreprises gouvernementales et investissements » (22,38% en 2021) et « propriété des actifs par l'Etat » reflètent la faible contribution de l'Etat dans la création de richesse. » (p. 27).
Ce passage se passe de commentaire. Aux yeux du ministère, la marginalisation de l'Etat dans la création de richesse est considérée comme une « performance » !! En fait, partout où les politiques du Sénégal respectent scrupuleusement les critères néolibéraux, le document les considère comme des « performances ». Par contre, là où elles s'écartent un tant soit peu de ces critères, elles sont considérées comme des contre-performances !!
Après analyse des « performances » du pays, le document va les comparer à celles d'autres pays africains et même asiatiques, comme… la Corée du Sud, Singapour et la Malaisie. On pourrait même dire comment ose-t-on comparer le Sénégal à ces pays-là ? Faut-il le rappeler, leur développement fulgurant n'a rien à voir avec la « liberté économique ». Ils se sont hissés au niveau où ils sont grâce au rôle central joué par l'Etat.
Prenons l'exemple de la Corée du Sud. Dans ce pays, entre 1962 et la fin des années 1970, c'est l'Etat qui définissait les orientations stratégiques de la croissance, à travers plusieurs plans quinquennaux. L'Etat a dominé le système bancaire, avec la Banque centrale qui avait pris des parts dans des banques commerciales et créé plusieurs banques publiques spécialisées. L'Etat intervenait dans la construction navale, la pétrochimie, l'industrie électronique, l'industrie lourde, etc. C'est l'Etat qui a favorisé le développement des grands groupes industriels, tels que Samsung, Hyundai et Daewoo, entre autres. L'Etat utilisa la politique monétaire (crédits bon marché), fiscale (exonérations d'impôts) et d'autres avantages, pour favoriser ces groupes.
On trouve la même trajectoire dans le développement des autres pays asiatiques.
Vendre la « liberté économique » à tout prix
Par des affirmations gratuites, des contre-vérités et des artifices graphiques, le document tente de parer la « liberté économique » de toutes les vertus imaginables, dans le but de la faire mieux accepter. Comme dit l'adage « la route de l'enfer est pavée de bonnes intentions ». On ose même affirmer qu'il y aurait corrélation positive entre « liberté économique » et « indice de développement humain » ! Un mensonge éhonté ! Dans l'indice de Fraser, plusieurs pays, mieux classés que le Sénégal ont des indices de développement humain inférieurs à celui de notre pays. On peut multiplier les exemples qui contredisent l'affirmation du document du ministère.
Dans le passage ci-dessous, on énonce une autre « vertu » de la « liberté économique » :
« Une plus grande liberté économique favorise un espace de gouvernance efficace et démocratique. Le graphique 9 suggère une corrélation positive entre liberté économique et démocratie. En particulier, la liberté économique permet aux populations d'exercer un plus grand contrôle sur la gestion de la cité. Elle permet, également, d'acquérir les ressources économiques nécessaires à la conquête des pouvoirs politiques et à la promotion d'une société pluraliste. Par ailleurs, la liberté économique favorise le développement de la classe moyenne et permet l'émancipation des individus défavorisés » (p. 24).
Une telle déclaration relève de la provocation. C'est un mensonge cousu de fil blanc ! L'histoire réelle des peuples enseigne que les inégalités économiques et sociales sont intrinsèquement liées aux mécanismes du « libre marché », aux politiques de « laissez-faire » que propose la théorie de la « main invisible ». Ces politiques, qui caractérisent la « liberté économique », sont la source principale des inégalités à l'intérieur des pays et entre pays. Les rapports annuels d'Oxfam International le montrent très clairement, comme on le verra plus loin. Les résultats des politiques d'ajustement structurel de la Banque mondiale et du FMI sont là pour le prouver. Après avoir été pendant 20 ans un de leurs « meilleurs élèves », le Sénégal avait fini par atterrir sur la liste des « pays les moins avancés » en 2001. C'était un exemple éloquent de la relation étroite entre le néolibéralisme ou « liberté économique » et la détérioration des indicateurs de développement humain du pays.
En outre, en donnant le pouvoir aux plus puissants, la « liberté économique » va saper les bases de la démocratie pour lui substituer un système oligarchique. On le voit aujourd'hui dans plusieurs pays occidentaux où ce sont les puissances d'argent et les élites qui gouvernent de fait contre la volonté du peuple. L'élection de Donald Trump aux Etats-Unis a fini d'installer la ploutocratie dans ce pays, champion de la « liberté économique » !
Dans des pays où l'Etat a des capacités limitées par rapport aux multinationales et où les populations vivent dans des conditions précaires, comment peut-on favoriser la démocratie en instaurant la « liberté économique »? C'est le contraire qui va se produire, comme l'ont démontré les programmes d'ajustement structurel, qui ont imposé des « démocraties sans choix » aux pays africains, selon la fameuse formule de feu le professeur Thandika Mkandawire, ancien Secrétaire exécutif du CODESRIA. Combien de fois a-t-on vu ou entendu des opposants, une fois au pouvoir, dire qu'ils ne pouvaient pas changer les politiques économiques de leurs prédécesseurs à cause des accords signés avec la Banque mondiale et le FMI et les autres « partenaires au développement »! Où est la démocratie ?
Selon encore le document, la « liberté économique » favoriserait la protection de l'environnement : « Ensemble, la capacité d'innovation et le degré de liberté économique garantissent une plus grande capacité à faire face aux défis environnementaux » (p. 24).
Comment est-ce possible si l'Etat est laissé de côté, confiné seulement à la protection des droits de propriété et au rôle de chien de garde des intérêts des multinationales? Allez demander aux populations des pays où ces multinationales jouissent de la « liberté économique » si leur environnement est devenu meilleur ! Allez demander aux citoyens nigérians, habitants du Delta du Niger, qui luttent depuis des décennies contre le géant du pétrole Shell, qui a dévasté leur environnement ! Allez demander aux mouvements écologistes et citoyens qui luttent un peu partout dans le monde contre les géants du pétrole, comme Total, Chevron, Exxon Mobil, Shell, qui détruisent l'environnement partout où elles interviennent ! Allez demander aux populations de Kédougou exposées à la dégradation de leur environnement par les compagnies minières qui exploitent l'or au Sénégal !
Une autre contre-vérité est énoncée ci-dessous :
« Le score de l'indice d'innovation est deux fois plus important dans les pays économiquement « libres » que dans les pays « non libres ». La liberté économique est un puissant catalyseur de l'innovation en ce sens qu'elle encourage les entrepreneurs à améliorer leur productivité et leur efficacité » (p. 24).
Il a peut-être échappé aux rédacteurs du document que le pays à la pointe de l'innovation technologique dans le monde est …la Chine, un pays « non-libre » économiquement, selon l'Institut Fraser et la Heritage Foundation !! DeepSeek, Tik Tok, Huawei, ça ne vous dit rien ?
Deux autres contre-vérités, en fait de gros mensonges, sont énoncées ci-dessous :
La première : « Les indicateurs montrent également que les pays qui ont une plus grande liberté économique sont plus égalitaires, le coefficient de GINI étant plus faible (0,33) dans le quartile le plus libre que dans les autres.. » (p. 22) !
La seconde : « Un renforcement de la liberté économique peut conduire à une amélioration de la qualité de vie des populations et à une diminution de l'inégalité des revenus entre les riches et les pauvres » (p. 25) !
Apparemment, les rédacteurs du document ne sont pas au courant des rapports annuels de l'ONG britannique Oxfam International sur les inégalités dans le monde.
Les rapports accablants d'Oxfam International
Chaque année Oxfam publie un rapport sur l'état des inégalités dans le monde. Ce rapport est présenté lors de la réunion du Forum économique mondial (FEM) de Davos (Suisse) pour alerter sur les conséquences dévastatrices des politiques néolibérales. Les chiffres fournis par ces rapports dévoilent le vrai visage de la « liberté économique » : des multinationales de plus en plus riches et puissantes et une masse grandissante de citoyens de plus en plus pauvres!
Dans le rapport de 2024, intitulé multinationales et inégalités multiples, rendu public le 15 janvier 2024, Oxfam observe que malgré les crises successives qui secouent le monde, les milliardaires continuent de prospérer. Les chiffres-clés dans le monde sont tout simplement accablants :
Entre 2020 et 2024, la fortune des cinq (5) hommes les plus riches a doublé.
Durant la même période, la richesse cumulée de 5 milliards de personnes a baissé.
La fortune des milliardaires a augmenté de 3 300 milliards de dollars depuis 2020.
Les 1 % les plus riches possèdent 48 % de tous les actifs financiers mondiaux.
Sept des dix plus grandes entreprises mondiales sont dirigées par un/une milliardaire.
Le rapport donne l'exemple de la France, où l'on observe la même tendance :
Les quatre milliardaires français les plus riches et leurs familles ont vu leur fortune augmenter de 87 % entre 2020 et 2024.
Durant la même période, les 42 milliardaires français ont gagné 230 milliards d'euros.
Alors que la richesse cumulée de 90% des Français a baissé au cours de la même période.
Les 1 % les plus riches détiennent 36 % du patrimoine financier total en France.
Au vu de ces inégalités choquantes, Oxfam lance un grand cri d'alarme teinté d'indignation :
Jamais auparavant dans l'histoire de l'humanité si peu de personnes n'avaient détenu autant de richesses.
Jamais les inégalités de revenus et de richesses n'avaient été si marquées.
Jamais la propriété n'avait été si concentrée aux mains d'une telle minorité.
Tel est le visage hideux de la « liberté économique » qui accentue la polarisation entre riches et pauvres et favorise l'explosion des inégalités à un niveau sans précédent dans le monde. Si ce que décrit le rapport d'Oxfam se passe dans des pays dits développés, imaginez ce qui ce passe dans des pays dits « pauvres ».
Le fétichisme du marché
Les mensonges et autres contre-vérités distillés dans le document ont pour seul et unique but la justification de la prétendue supériorité du marché par rapport à l'Etat, comme le confirme cet autre gros mensonge :
« Plusieurs auteurs ont soutenu que les pays qui ont les plus élevés niveaux de liberté économique enregistrent les taux de croissance les plus importants, en rapport avec une efficacité accrue des marchés, une meilleure allocation des ressources et une incitation à l'innovation et à l'investissement. » (p.15)
Cela montre bien, comme indiqué plus haut, que la « liberté économique » n'est rien d'autre que la version moderne de la théorie de la « main invisible » d'Adam Smith, le précurseur de l'économie classique, déjà cité. Selon cette théorie, la recherche des intérêts individuels peut aboutir à l'intérêt général, grâce à l'efficacité du marché.
Cependant, cette théorie fut discréditée lors de la crise économique de 1929, qui avait donné lieu à la Grande Dépression du milieu des années 1930. Notamment par le grand économiste britannique John Maynard Keynes dans son ouvrage devenu un classique.⁵ Les Etats-Unis, sous Franklin Delanoe Roosevelt, s'étaient inspirés des idées de Keynes, dans les politiques du « New Deal » qui leur avaient permis de sortir de la Dépression. Les idées de Keynes avaient également influencé les politiques de Reconstruction de l'Europe occidentale à la fin de la seconde guerre mondiale, avec l'Etat au centre de cette Reconstruction.
Mais la théorie de « la main invisible » avait été ressuscitée, notamment par la contre-révolution monétariste, menée par Milton Friedman et ses adeptes à l'Université de Chicago. Avec eux, la théorie prit la forme d'un néolibéralisme effréné ou fondamentalisme de marché. Cependant, la crise financière internationale de 2008 lui porta un coup presque fatal. En effet, cette crise avait remis en cause bien des certitudes sur les théories néolibérales, au point que des représentants éminents du système dominant en étaient venus à émettre des critiques ouvertes à l'égard de ces théories et des modèles que l'on considérait comme « infaillibles ». Comme l'illustrent les extraits du discours mémorable de l'ancien président de la Banque mondiale, Robert B. Zoellick, prononcé en septembre 2010 à l'Université Georgetown à Washington, dans lequel il soulignait:
« Déjà avant la crise, les paradigmes prédominants étaient remis en question et il semblait nécessaire de repenser l'économie du développement. La crise n'a fait que renforcer ce sentiment*... Lorsque l'on analyse les causes et le déroulement de la crise la plus grave qui ait ébranlé l'économie mondiale depuis la Grande Dépression, on est en droit de se demander *si l'on a péché par manque de conclusions ou par excès de certitudes... Le prix Nobel d'économie a été attribué à de nombreux lauréats éminents*, *mais aussi à des personnes dont la fascination pour les modèles mathématiques reposait sur des hypothèses hasardeuses et irréalistes au sujet de l'humanité. »⁶
C'est cette fascination avec les modèles mathématiques mais aussi l'excès de « certitudes » et d'arrogance de certains économistes néolibéraux qu'avait dénoncés Paul Krugman, prix Nobel d'économie et éditorialiste du New York Times. Il fustigea l'attitude de ces économistes, qui tendaient à confondre la « beauté » de leurs modèles avec la réalité. Il adressa des critiques assassines aux héritiers de Milton Friedman à l'Université de Chicago !⁷
Mais ce qui est encore plus révélateur du grand désarroi dans les rangs des tenants de l'orthodoxie, c'est l'opinion de l'un des porte-drapeaux le plus influent et le plus fanatique de la pensée néolibérale, l'hebdomadaire The Economist, publié en Angleterre, qui s'interroge sur l'avenir du paradigme néolibéral, à la lumière des leçons tirées de la pandémie de la Covid-19. Après une longue analyse des conséquences de cette pandémie, l'article concluait ainsi :
« Ce qui est clair, c'est que l'ancien paradigme économique semble fatigué. D'une manière ou d'une autre, le changement est en marche. »⁸
Ces différentes déclarations confirment l'ampleur du discrédit qui frappe le mythe de la « main invisible ». De nos jours, l'un de ses piliers, le « libre-échange », est foulé aux pieds par presque tous les pays. Les guerres commerciales déclenchées par Donald Trump contre le monde entier en sont une parfaite illustration.
Malgré les exemples ci-dessus, on se demande comment certains continuent encore de croire au mythe de la « main invisible », camouflée sous le nom de « liberté économique ». Celle-ci ressemble à la loi de la jungle dans laquelle les plus forts dévorent les plus faibles, les riches s'enrichissent davantage et les pauvres s'appauvrissent davantage, sous le regard d'un Etat réduit au rôle de protecteur des droits de propriété des puissants. C'est pourquoi la « liberté économique » est incompatible avec la souveraineté économique.
La « liberté économique » contre la souveraineté économique
En effet, il ne peut y avoir de souveraineté économique sans un Etat développementiste, c'est-à-dire un Etat actif et engagé dans la transformation économique et sociale. L'expérience des programmes d'ajustement structurel de la Banque mondiale et du FMI a montré que marginaliser l'Etat, c'est ouvrir la voie à l'explosion de la pauvreté à une grande échelle et à la détérioration des indicateurs de développement d'un pays, Le marché, laissé à lui-même mène irrémédiablement à un tel résultat, surtout dans des pays comme les nôtres.
En 2011, dans son rapport sur la situation économique du continent, la Commission économique des Nations-Unies pour l'Afrique (CEA), avait souligné que la diminution du rôle de l'Etat dans la sphère économique, imposée par les plans d'ajustement structurel, était responsable de l'explosion de la pauvreté en Afrique. A la lumière de cette constatation, le Rapport souligne avec force que « L'Etat a un rôle central à jouer dans la transformation structurelle des économies des pays en voie de développement ».⁹ Autrement dit, il ne peut avoir de développement sans un Etat actif et engagé.
C'est pourquoi les institutions du système des Nations-Unies ont appelé à la reconstruction d'Etats développementistes en Afrique. La Conférence des Nations-Unies pour le commerce et le développement (CNUCED) était l'une des premières institutions à recommander cette reconstruction, en faisant un parallèle avec le rôle joué par l'Etat dans les pays d'Asie du Sud Est.¹⁰ C'est grâce à l'implication active de l'Etat que ces pays ont pu accomplir des performances économiques remarquables qui les ont mis sur la rampe du développement.
L'effondrement du fondamentalisme de marché, consécutif à la crise financière internationale de 2008, rappelée plus haut, a donné un plus grand écho à ces appels à réhabiliter l'Etat comme un acteur indispensable du processus de développement en Afrique. La crise du paradigme néolibéral a donc permis de libérer les esprits de l'emprise de la pensée unique et de stimuler le débat sur le rôle de l'Etat dans la transformation économique et sociale. Ainsi, dans son rapport annuel de 2014 sur l'Afrique, la CEA souligne :
« Le temps est maintenant venu de reconnaître, à nouveau, que le soutien des États est capital pour surmonter les défaillances du marché et stimuler l'industrialisation – et d'institutionnaliser la politique industrielle dans les stratégies de développement national et régional aux échelons les plus élevés du gouvernement ».¹¹
Les économistes du CODESRIA avaient également fait de grandes contributions à ce débat. Feu Thandika Mkandawire, ancien Secrétaire exécutif, avait publié une contribution remarquable sur le sujet.¹² Un autre ancien Secrétaire exécutif, le Professeur Adebayo Olukoshi, souligne que « *la restauration de l'Etat comme un acteur légitime dans l'économie et la société est un impératif à la fois démocratique et développementiste*. »
Le message est donc clair: les Etats développementistes sont indispensables pour redresser les économies africaines et les engager dans la voie de l'industrialisation, sans laquelle il ne peut y avoir de développement. On ne peut parler de souveraineté sans un Etat fort et engagé. Voilà pourquoi, on assiste partout au retour en force de l'Etat et de la planification après le désastre provoqué par les politiques néolibérales de la Banque mondiale et du FMI. Il est dès lors incompréhensible, et même inacceptable, de voir un ministre proposer le retour en force de ces politiques, camouflées sous le nom de « liberté économique ».
Le document du ministère de l'Economie, du Plan et de la Coopération (MEPC) semble sortir tout droit des laboratoires où se forgent les politiques visant à inoculer le virus néolibéral aux pays du Sud en général, et aux pays africains en particulier. En essayant de vendre un néolibéralisme outrancier, camouflé sous le nom de « liberté économique », le document cherche à embarquer le Sénégal dans une voie sans issue, qu'il a déjà empruntée sous la forme des programmes d'ajustement structurel de la Banque mondiale et du FMI, avec les conséquences économiques et sociales désastreuses que l'on connait.
C'est pourquoi c'est très inquiétant de lire dans l'avant-propos du ministre Abdourahmane Sarr que « La liberté économique constitue l'un des piliers fondamentaux de notre politique de développement national. » Ce qui est encore plus inquiétant, c'est la référence à des institutions, liées aux milieux d'extrême-droite au Canada et aux Etats-Unis, pour mesurer la « liberté économique » du Sénégal. La référence à la Heritage Foundation, architecte de la politique de Donald Trump, est particulièrement choquante. Il est inadmissible de voir dans un document d'un gouvernement, qui se veut progressiste, une telle référence.
Malgré ces inquiétudes, le document du ministère semble être en porte-à-faux par rapport aux positions du président Bassirou Diomaye Faye et du Premier ministre Ousmane Sonko. Tous deux n'ont cessé de réaffirmer la nécessité de la souveraineté économique et de la mobilisation des ressources internes pour la transformation structurelle de l'économie du pays par l'industrialisation. Ce qui implique un changement de paradigme de développement.
Tout le contraire de la « liberté économique » qui cherche plutôt à enfoncer davantage le Sénégal dans le paradigme néolibéral essoufflé et discrédité. C'est pourquoi il va à l'encontre des ruptures et de la souveraineté économique, promises par le Projet !!
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REVUE DE PRESSE DU LUNDI 12 MAI 2025
La presse sénégalaise de ce 12 mai 2024 reflète une nation en pleine mutation, entre remous politiques, attentes sociales, affaires judiciaires et exploits sportifs.
(SenePlus) En ce lundi 12 mai 2025, les quotidiens sénégalais livrent un panorama riche et contrasté de l’actualité nationale. De la scène politique en pleine recomposition aux scandales judiciaires retentissants, en passant par des performances sportives qui font vibrer ou pleurer, la presse sénégalaise reflète un pays en pleine effervescence.
POLITIQUE : RUPTURES, TENSIONS ET RETOUR EN SCENE
La fracture au sein de l’opposition sénégalaise occupe le devant de la scène. Les Échos titre de manière tranchante : « Barth - Khalifa : le divorce politique », révélant un profond désaccord entre les deux figures majeures de Taxawu Sénégal. Cette tension est également abordée par Point Actu, qui annonce que « Barth et Khalifa affichent leurs désaccords », dans un contexte où les stratégies pour 2024-2025 se clarifient peu à peu.
Dans L’Évidence, c’est le dialogue entre l’État et le secteur de l’éducation qui s’enlise, avec une une explicite : « Dialogue en eaux troubles avec le ministère ». Une illustration de plus du climat tendu entre certains corps sociaux et les autorités gouvernementales.
EnQuête signale pour sa part un retour discret mais symbolique : « Diomaye sort de l’enfermement », indiquant un possible regain d’activité ou de prise de parole de la part du président fraîchement élu, après une période d’observation et de retrait.
Quant à WalfQuotidien, il tire la sonnette d’alarme sur la gestion des finances publiques avec un titre évocateur : « Ces gouffres à milliards », pointant des sociétés nationales comme le Soleil, la Poste, la SONEES ou SOPASEL, dont les finances suscitent l’inquiétude.
Enfin, Le Soleil met en lumière une actualité économique positive avec « 583 milliards de FCFA de la SFI au Sénégal », un soutien de la Société Financière Internationale destiné à dynamiser l’investissement privé dans plusieurs secteurs stratégiques.
ÉCONOMIE : ALERTES ET CONTROVERSES
La situation économique suscite également débats et préoccupations. Dans L’Info, les divergences sur les chiffres de la dette publique alimentent une « controverse entre experts », au moment où les enjeux budgétaires et les partenariats internationaux prennent une importance croissante.
Rewmi Quotidien, de son côté, évoque une « soirée d’étoiles à son apogée », illustrant les efforts diplomatiques et économiques dans une mise en scène protocolaire de haut niveau.
JUSTICE ET AFFAIRES : DES SCANDALES QUI SECOUENT
L’actualité judiciaire s’impose dans plusieurs unes. Direct News dévoile que « Abdoulaye Dia, Moustapha Ndiaye et Abdoul Karim Diop traînés en justice », une affaire qui éclabousse des personnalités influentes du monde des affaires.
L’Observateur fait sa une sur Birima Mangara, ancien ministre du Budget, visé par un scandale de 10 milliards FCFA. L’intéressé clame : « Je ne me vois pas en prison », dans un entretien exclusif.
Libération parle d’un « présumé scandale de 182 millions FCFA », qui touche le réseau informel des « pousse-pousse à café », autrefois florissant mais aujourd’hui à l’agonie. Une autre affaire met en cause une bande de faux policiers opérant à Bamboula.
Tribune revient sur un fait divers choquant : le suicide d’un homosexuel, Tiwalé Loïcadj, dans un immeuble effondré à Ngor, interpellant sur la situation des minorités. Le journal critique aussi une justice à deux vitesses, se demandant : « Quelle justice pour le corrupteur et l’intermédiaire ? »
Yoor-Yoor signe un hommage à Omar Blondin Diop, militant panafricaniste mort en détention le 11 mai 1973, titrant : « Un émoi d’État qui perdure ».
PAIX ET SECURITE : LA CASAMANCE EN SURSIS
Sud Quotidien consacre sa une à la Casamance avec un titre qui résume bien l’incertitude persistante : « La paix, toujours en sursis ». Deux ans après le dépôt des armes par certains groupes armés, la situation reste fragile et les populations locales s’interrogent sur la durabilité du processus.
SPORT : ENTRE DECEPTIONS ET FIERTES NATIONALES
Sur le front sportif, les nouvelles sont contrastées. Record se félicite de la belle performance des Lionceaux U17, titrant : « Les Lionceaux pour le carré et le Mondial », après leur qualification pour les demi-finales de la CAN U17.
Mais en Beach Soccer, Point Actu Sport rapporte une contre-performance : « Le Sénégal craque et laisse filer la médaille de bronze face au Portugal », une défaite amère pour les supporters.
Stades revient sur le championnat national : « Le Jaraaf ramène un point de Pikine et reprend le fauteuil », malgré un climat tendu marqué par « des actes de violences et un choc évité ».
À l’international, Rewmi Sports+ annonce que Chelsea perd Nicolas Jackson pour la fin de saison, tandis que le Barça inflige une lourde défaite au Real Madrid, relançant la rivalité éternelle des deux géants espagnols.
À LOMÉ, L'AFRIQUE VEUT REPRENDRE SON DESTIN FINANCIER
L'Union africaine organise du 12 au 14 mai dans la capitale togolaise une conférence inédite sur la dette publique africaine. Objectif : définir une voix commune pour le continent face à un fardeau qui menace son développement
(SenePlus) - Un événement inédit et historique va se tenir du 12 au 14 mai dans la capitale togolaise. La conférence de haut niveau sur la dette, organisée par l'Union africaine (UA), vise à établir une position commune face à un fardeau financier qui touche de nombreux pays du continent.
Selon les informations rapportées par Jeune Afrique, près de 500 acteurs des systèmes financier et politique sont attendus à ce sommet placé sous le thème « Agenda de gestion de la dette publique en Afrique : restaurer et préserver la viabilité de la dette ».
Faure Essozimna Gnassingbé, président togolais et hôte de la conférence, sera entouré de personnalités de premier plan, notamment John Dramani Mahama, président du Ghana, et Tiémoko Meyliet Koné, vice-président de la Côte d'Ivoire. Mahmoud Ali Youssouf, président de la commission de l'UA, est également attendu parmi les intervenants majeurs.
Le sommet réunira également de nombreux ministres des Finances africains, dont Cassiel Ato Forson (Ghana), Adama Coulibaly (Côte d'Ivoire), Cheikh Diba (Sénégal), Vera Esperança dos Santos Daves De Sousa (Angola) et Enoch Godongwana (Afrique du Sud).
Des responsables d'institutions financières participeront aux discussions, notamment Serge Ekué, président de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), Michel Dzombala, vice-gouverneur de la BEAC, Kevin Chika Urama, économiste en chef de la Banque africaine de développement (BAD), et Tapsoba Sampawende, économiste en chef adjoint d'Afreximbank.
D'après JA, « le moment fort de la conférence sera la Déclaration de Lomé, qui devrait acter un consensus sur les réformes à engager pour renforcer la viabilité de la dette, améliorer la transparence budgétaire et proposer une refonte partielle des mécanismes internationaux de restructuration de la dette ».
Cette déclaration résultera du dialogue entre chefs d'État, ministres, partenaires financiers et gouverneurs de banques centrales et de développement. L'objectif est clair : parvenir à une stratégie commune de gestion de la dette dans un contexte où les pressions budgétaires s'intensifient et les ressources financières se raréfient.
Le contexte justifie l'urgence d'une telle initiative. L'Afrique subsaharienne affiche en moyenne une dette extérieure équivalant à 60% du PIB en 2025. Plus alarmant encore, entre 2012 et 2024, le nombre de pays en situation de détresse liée à la dette est passé de 9 à 25, selon le Cadre de viabilité de la dette (CVD) récemment publié par le FMI et la Banque mondiale.
Cette conférence s'inscrit dans la continuité d'initiatives précédentes. En février dernier, une dizaine d'anciens présidents africains, dont le Sénégalais Macky Sall et le Nigérian Olusegun Obasanjo, avaient signé la Déclaration du Cap. Ce document militait en faveur « d'un plan global d'allègement de la dette pour l'Afrique et les pays en développement » et proposait « une restructuration équitable et inclusive, impliquant tous les créanciers, assortie de mécanismes de suspension de la dette pour libérer des marges budgétaires ».
AMINATA LY, PETITE MONNAIE, GRANDE HISTOIRE
Depuis 25 ans, cette numismate au tarif fixe de 100 FCfa rend un service essentiel aux commerçants et pêcheurs confrontés au défi de la petite monnaie dans une économie où circulent des billets de plus en plus gros
À la même place depuis 25 ans, Fatoumata Ly officie au marché Soumbédioune. Elle possède toutes les pièces de monnaie et petites coupures en circulation dans la zone Uemoa. Son travail : faire de la monnaie contre un tarif fixe de 100 FCfa par billet de banque. Elle est numismate, en wolof on l’appelle « wécci-kat ».
Il est compliqué d’avoir de la petite monnaie avec un billet de 10.000 FCfa alors que des rumeurs font état que la Bceao s’apprêterait à mettre en circulation un billet de 25.000 FCfa. Évidemment, il s’agit d’une fausse information. Cependant, cela aurait tellement plu à Fatoumata Ly ! Cette dame de 67 ans fait partie des rares personnes dont le travail, depuis plus de 20 ans, consiste à faire de la monnaie aux clients du village artisanal de Soumbédioune et aux pêcheurs. Elle vous évite les longues marches et les achats inutiles à la recherche de menus billets, contre 100 FCfa. Nous parlons bien d’une numismate. À ses côtés, se dégage une senteur. C’est cette odeur caractéristique des vieux billets flasques passés par toutes les mains du monde. Désagréable à l’odorat, mais ô combien rassurante ! Ce paradoxe est incarné par Aminata Ly. Derrière son vieux wax, éprouvé par les solutions basiques de lessive et le soleil, se cache une femme au sens aigu des affaires. Beaucoup la confondrait avec celles qui font la manche, mais il n’en est rien. Elle fait la petite monnaie aux commerçants du village artisanal de Soumbédioune et aux pêcheurs souhaitant se partager leur butin après le débarquement. Le principe de travail d’Aminata Ly est simple : elle fait la monnaie contre 100 FCfa, quelle que soit la somme initiale. Ce tarif est inchangé depuis plus de 20 ans, et le service qu’elle propose est toujours utile.
Native de la Médina, Aminata a très tôt détecté les opportunités découlant de la difficulté qu’ont les artisans à rendre la monnaie à leurs clients. En général, ces derniers sont des touristes fraîchement sortis des bureaux de change.
Initiée par un pionnier
La plupart ne disposent pas de petites coupures. Ils viennent généralement avec des billets de 5.000 voire 10.000 FCfa pour acheter des articles parfois pas coûteux. Perspicace, Aminata Ly a vite abandonné son ancien travail pour devenir numismate. Nous sommes en 2000. « Comme j’habitais à la Rue 23 de la Médina, je venais au village artisanal pour vendre du jus et des beignets. Au fur et à mesure que je fréquentais les lieux, j’ai compris qu’il y avait là une opportunité de travail », raconte Aminata Ly, d’une voix posée et pleine de courtoisie. Mais la question est : où cette dame trouve-t-elle les pièces de monnaie et les petites coupures ? Eh bien, c’est elle-même qui les recherche, parfois jusque dans les institutions bancaires. « Pour faire mon travail, je dois avoir de la monnaie, c’est mon outil de travail. C’est pour cela que je la cherche partout où je pense en trouver. Avant de déménager de la Médina, j’allais dans les banques de la place pour avoir de la monnaie, mais maintenant que j’habite Yeumbeul Benn Barack, c’est devenu un peu plus compliqué pour moi », explique-t-elle. Aminata explique que c’est en 2000 qu’elle a décidé de changer de travail. « J’étais avec un vieil homme qu’on appelait Diop. Il fut le premier à faire ce travail et était originaire de Saint-Louis. C’est lui qui m’a initiée à cette activité. Lui et moi étions les seuls à proposer le service de la monnaie en pièces ou en petites coupures », confie-t-elle, avec beaucoup de reconnaissance envers cet homme. Pleine de gratitude, elle se rappelle son maître décédé. A 67 ans, Aminata Ly est la seule numismate du village artisanal de Soumbédioune. « Il s’asseyait là, juste à ma droite. Mais il est décédé, et depuis je suis seule », ajoute-t-elle.
Dépendante du tourisme et des bonnes marées
Néanmoins, l’activité de numismate s’est beaucoup développée entre-temps. Enfin, pas techniquement, mais en termes de nombre de personnes qui la pratiquent. Aminata confie que d’autres personnes proposent le même service. « Au début, il n’y avait que moi et mon mentor, le vieux Diop. Mais depuis quelques années, d’autres personnes se sont intéressées à l’activité, notamment du côté du débarcadère de Soumbédioune. Évidemment, je gagne moins », dit la doyenne sans rancune, malgré le manque à gagner.
Malgré la baisse de ses gains, Aminata Ly tient toujours à son activité. Ce travail lui permet de subvenir à ses besoins, malgré la conjoncture économique difficile. Aminata Ly confie que ses activités ont connu un ralentissement depuis quelques années. Vu son positionnement entre le village artisanal et le quai de pêche de Soumbédioune, ses gains dépendent de l’affluence des touristes et de l’abondance des ressources halieutiques. Ces gains ont drastiquement baissé comparativement à ses débuts, en 2000.
Elle explique, sans volonté de se plaindre, qu’il y avait beaucoup plus de touristes au village artisanal de Soumbédioune. « Ils sont moins nombreux et ceux qui viennent font de moins en moins des achats. Nous qui dépendons du tourisme, subissons directement les effets de la conjoncture économique. Il y a aussi d’autres villages artisanaux un peu partout dans le pays. Soumbédioune a perdu son monopole, et nous aussi par la même occasion », argumente-t-elle. Aminata se souvient de l’époques où elle pouvait gagner beaucoup d’argent grâce à son travail et à la générosité des touristes. « Maintenant, il arrive souvent que je gagne juste de quoi payer mon transport de Dakar à Yeumbeul. Vous pouvez le constater vous-même : cela fait plus de 30 minutes que vous êtes là, et je n’ai eu que trois clients, soit 300 FCfa. Mais je rends grâce à Dieu car j’arrive au moins à subvenir à mes besoins et à entretenir ma famille », informe-t-elle. Depuis qu’elle exerce ce métier, Aminata en a vu des vertes et des pas mûres. Entre les épieurs malintentionnés tapis dans l’ombre, à la quête d’une proie facile, et les escrocs, la dame fait appel à son intelligence et à son expérience pour ne pas se faire avoir. Assise devant une petite boutique, Aminata dispose d’une chaise en fer forgé, d’une table en bois sur laquelle est posé un seau de 20 litres incliné vers elle.
Une activité à risque
Ce vieux récipient apparaît comme une relique de son ancienne vie de vendeuse de crème et de beignet. C’est là que se déroulent les opérations financières. Le récipient contient l’argent. Tous les billets et toutes les pièces y sont. Après chaque client, Aminata referme le sac dans lequel se trouve son outil de travail. Elle sait se faire discrète. Le regard alerte, elle veille sur ses fonds, à l’affût de toute tentative d’escroquerie. Et à ce propos, elle en a des anecdotes. « Une fois, un inconnu m’a remis la somme de 30.000 FCfa pour que je lui fasse de la petite monnaie. Je ne me suis pas rendu compte que c’étaient de faux billets. C’est la seule fois où je me suis fait avoir », rigole-t-elle, laissant entrevoir discrètement un joli diastème. Aminata garde par devers elle ces faux billets et a su, depuis ce jour, les distinguer des vrais rien qu’en les touchant. Cependant, elle reste toujours sur ses gardes et veille à ne pas tomber dans les pièges des agresseurs à la tombée de la nuit.
En effet, Aminata Ly quitte chaque jour son lieu de travail au crépuscule pour rallier la banlieue de Dakar. « J’ai un itinéraire sûr pour ne pas me faire dépouiller. Et même si cela arrive, les bandits rentreront bredouilles, car je ne me promène pas avec une certaine somme d’argent. Je les laisse en lieu sûr », prévient Aminata.