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27 juillet 2025
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CHEIKH TIDIANE GADIO MET EN GARDE CONTRE LE PIÈGE DU BILATÉRALISME DÉSORGANISÉ
L'ancien ministre craint que la prochaine rencontre entre Trump et certains pays africains ne soit transformée en une série de tête-à-tête séparés. Une méthode qu'il qualifie d'"interpellative comme si un père parlait à ses enfants"
L'ancien ministre des Affaires étrangères du Sénégal et actuel président de l'Institut panafricain de stratégies (IPS), Cheikh Tidiane Gadio, a exprimé ses préoccupations concernant la prochaine rencontre entre le président sénégalais et Donald Trump à Washington. "Le nouveau président des États-Unis dit que lui, il est cash, il fonctionne en transaction", souligne l'ancien diplomate, rappelant que Trump privilégie avant tout les intérêts américains.
Le cœur de l'inquiétude de Gadio réside dans l'approche que pourraient adopter les pays africains invités. "Le Sénégal seul devant Trump, la Sierra Leone ou la Guinée-Bissau seul devant Trump, c'est pas bien ça", affirme-t-il avec conviction.
Il met en garde contre le "piège du bilatéralisme désorganisé" qui consisterait à transformer cette rencontre multilatérale en une série de tête-à-tête séparés. Cette méthode, qu'il qualifie d'"interpellative comme si un père parlait à ses enfants", risque de fragiliser la position des pays africains face à l'administration Trump.
Sur la question du souverainisme, Gadio nuance le discours ambiant : "En tant que panafricaniste, je comprends le souverainisme africain. Je ne comprends pas le souverainisme à l'échelle individuelle de chaque petit pays." Il estime qu'un souverainisme sénégalais isolé n'a de sens que s'il est "combiné avec le souverainisme du Mali, du Burkina, du Niger, de la Guinée, de l'Afrique en général".
Concernant l'état actuel de la diplomatie sénégalaise, l'ancien ministre reconnaît que le pays "n'offre pas sa diplomatie dans sa splendeur habituelle", tout en restant optimiste : "Rien n'est encore joué, rien n'est perdu."
Il souligne la qualité exceptionnelle du personnel diplomatique sénégalais, décrivant les jeunes diplomates comme "brillantissimes" et rappelant que le Sénégal est reconnu comme une "petite grande puissance diplomatique" depuis 1960.
Pour Cheikh Tidiane Gadio, l'avenir du Sénégal et de l'Afrique passe par un repositionnement clair de la diplomatie, privilégiant la coordination régionale face aux grandes puissances plutôt que les démarches solitaires qui affaiblissent le continent.
QUI VA SAUVER AIR SÉNÉGAL ?
Quatre avions saisis, 1,8 milliard de F CFA bloqués par l'Iata, procès aux États-Unis : le transporteur national subit un véritable tsunami judiciaire. Le conflit avec le loueur américain Carlyle menace l'existence même de la compagnie
(SenePlus) - Air Sénégal traverse la crise la plus sévère de son histoire. Étouffée par une dette de plus de 100 milliards de F CFA, la compagnie nationale, lancée en 2017 sous l'impulsion de l'ancien président Macky Sall, fait face à une tempête judiciaire et financière qui menace son existence même.
Le pavillon sénégalais, dirigé depuis août 2024 par Tidiane Ndiaye, fait l'objet d'un audit gouvernemental depuis avril dernier, révélant l'ampleur des difficultés qui s'accumulent depuis des mois. Cette situation critique illustre les défis auxquels font face les compagnies aériennes africaines dans un secteur hautement concurrentiel et capitalistique.
Le principal feu que doit gérer Air Sénégal concerne son différend avec Carlyle Aviation Partners, l'un des plus grands opérateurs de leasing d'avions au monde. Ce conflit porte sur quatre appareils Airbus qu'Air Sénégal louait à deux sociétés irlandaises, par l'intermédiaire du groupe américain, depuis 2018 et 2019.
Selon les informations rapportées par Jeune Afrique, Carlyle accuse la compagnie sénégalaise d'avoir cessé de payer les loyers des appareils dès février 2024. Malgré des mises en demeure puis la résiliation des contrats en août 2024, Air Sénégal aurait continué à utiliser les avions jusqu'en juin 2025, poussant le loueur à porter l'affaire devant la justice sénégalaise puis américaine.
La justice sénégalaise a autorisé, mi-avril, la saisie des quatre avions concernés. Mais Air Sénégal a refusé de remettre les appareils ainsi que leurs documents administratifs, compliquant l'exécution des décisions judiciaires et déclenchant de nouveaux recours. La compagnie s'est finalement résolue à immobiliser les deux derniers appareils le 23 juin, selon Jeune Afrique.
Cette bataille juridique a également entraîné l'intervention de l'Association internationale du transport aérien (Iata), qui a saisi, début juin, 1,8 milliard F CFA d'Air Sénégal en application d'une ordonnance du tribunal de commerce de Dakar. Ces fonds, issus des ventes de billets et transitant par le système BSP (Billing and Settlement Plan), ont été bloqués dans une décision que la compagnie juge « injustifiée », accusant l'organisation d'« outrepasser ses prérogatives ».
Des Réclamations Financières Colossales
Comme l'a révélé Africa Business + et confirmé par Jeune Afrique, Carlyle Aviation Partners a également déposé une plainte devant la justice américaine. Cette action, initiée le 26 juin devant la Cour suprême de l'État de New York, voit le loueur américain réclamer 65,2 millions de dollars à Air Sénégal, soit 9,5 millions de dollars d'arriérés de loyers et 55,7 millions au titre de frais supplémentaires incluant la remise en état des avions, la maintenance, ainsi que des dommages et intérêts.
Air Sénégal conteste en bloc ces accusations. Dans une note explicative datée du 24 juin adressée à ses salariés et consultée par JA, la direction de la compagnie dénonce « la non-restitution à terme » dont l'accuse son loueur et les pénalités contractuelles réclamées. Elle précise que « des négociations avaient été entamées dès octobre 2024 » pour le rachat de deux des quatre Airbus et qu'un accord avait été trouvé. Cependant, Carlyle serait revenu sur cet accord, « faisant passer sa proposition de 32 à 54 millions de dollars ».
Le transporteur sénégalais réfute également le montant de la créance avancé par le loueur. Si Carlyle réclame 3,55 milliards F CFA (environ 6,3 millions de dollars), Air Sénégal estime que sa véritable dette, après déduction des montants contestés depuis décembre 2024, n'était que de 454 millions F CFA (environ 815 000 dollars).
Les conséquences opérationnelles de cette crise sont dramatiques. À la date du 2 juillet, hors avions Carlyle et locations temporaires, la flotte opérationnelle de la compagnie se résume à un Airbus A330-941 et un ATR 72-600, selon Jeune Afrique.
Pour se donner un peu de répit, Air Sénégal compte sur le retour en service, d'ici fin juillet 2025, d'un Airbus A330-900 Néo jusqu'ici indisponible. Mais l'appareil prendra avant tout le relais du premier gros-porteur de la compagnie, l'A330-941, qui doit à son tour être immobilisé ce mois-ci pour une révision moteur.
Face à cette situation critique, la compagnie a décidé, le 23 juin, de louer deux nouveaux Airbus A320 – une solution d'urgence qui risque de peser davantage sur les comptes déjà déficitaires de l'entreprise.
Les défis de la restructuration
Ces difficultés opérationnelles interviennent dans un contexte financier particulièrement préoccupant. Le gouvernement a commandé, début avril, un audit de la compagnie, qui a « enregistré des pertes successives de 89 milliards de F CFA en 2022 et 57 milliards de F CFA en 2023 », a rappelé le Premier ministre Ousmane Sonko, selon Jeune Afrique.
Malgré ce contexte budgétaire tendu, l'État sénégalais continue de soutenir sa compagnie nationale. Selon une déclaration de Cheikh Diba, le ministre des Finances et du Budget, au Parlement le 29 juin, 15 milliards de F CFA ont été décaissés entre avril et juin pour maintenir l'entreprise à flot.
Au terme de l'audit en cours, une réduction du plan de vol pourrait être annoncée. L'exécutif a en parallèle annoncé un plan de relance du pavillon prévoyant l'apurement des dettes, une réduction de flotte, la création d'Air Sénégal Express et un partenariat renforcé avec l'Aéroport international Blaise Diagne (AIBD).
Pour un spécialiste du secteur interrogé par Jeune Afrique, « l'exécutif et le nouveau directeur général ont une approche prudente de la situation et ils semblent décidés à sauver l'entreprise ». Selon cet expert, Air Sénégal « doit être restructurée et recentrée sur ses fondamentaux afin de corriger l'impact de décisions de gestion passées manquant de cohérence et qui ont abouti aux difficultés financières actuelles ».
Le défi principal sera d'adapter la taille des opérations d'Air Sénégal aux besoins réels du marché sénégalais et sous-régional. Cette situation reflète les difficultés structurelles que rencontrent de nombreuses compagnies aériennes africaines, prises entre des ambitions de prestige national et les réalités économiques d'un marché étroit et concurrentiel.
Un expert du secteur aérien africain, cité par Jeune Afrique, estime que Carlyle « a été particulièrement dur avec Air Sénégal ». Il précise qu'« en ce moment, les bailleurs sont en position de force car toutes les compagnies du monde cherchent des avions. Alors, face à un client de taille modeste qui paie mal, ils ne prennent pas de gants ».
L'avenir d'Air Sénégal dépendra largement des résultats de l'audit gouvernemental et de la capacité de ses dirigeants à négocier un accord viable avec ses créanciers, tout en préservant la connectivité aérienne du Sénégal avec le reste du monde.
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DES DÉFIS PERSISTENT POUR LES RESSORTISSANTS SÉNÉGALAIS ET MAURITANIENS
Si l'obtention de la carte de séjour devient dix fois moins chère grâce au nouvel accord, son renouvellement risque de poser problème aux milliers de travailleurs du secteur informel des deux pays
Un nouvel accord bilatéral entre la Mauritanie et le Sénégal révolutionne l'accès aux cartes de séjour pour les ressortissants des deux pays. Le coût du titre de séjour chute spectaculairement de 30 000 à 3 000 ouguiyas, soit une réduction de 90%.
Cette baisse significative répond à une demande de longue date de la diaspora sénégalaise en Mauritanie. La procédure reste simple : après trois mois de séjour, les candidats doivent présenter aux services de migration une photocopie de leur pièce d'identité biométrique et leur carte consulaire.
Malgré cette avancée, les représentants de la communauté sénégalaise expriment leurs préoccupations. Le renouvellement des cartes exige désormais des justificatifs de revenus, une condition problématique pour les nombreux travailleurs du secteur informel - maçons, femmes de ménage, menuisiers - qui constituent la majorité des migrants sénégalais.
Les leaders communautaires appellent les deux gouvernements à approfondir les négociations pour assouplir les conditions de renouvellement, soulignant que l'obtention facilitée du titre initial perdrait de son efficacité sans une procédure de renouvellement adaptée à la réalité économique des migrants.
L'accord, qui doit encore être validé par les Assemblées nationales des deux pays, marque une étape importante dans la facilitation de la mobilité entre les deux nations voisines.
CAN FÉMININE 2025, LE SÉNÉGAL DOMINE LA RDC
Grâce à des doublés de Mama Diop et Nguénar Ndiaye, les Lionnes prennent seules la tête du groupe A et confirment leurs ambitions dans la compétition.
Le Sénégal n’a pas tremblé pour son entrée en lice à la CAN Féminine 2025. Opposées à la République démocratique du Congo ce dimanche à Mohammedia, les Lionnes se sont imposées avec la manière sur le score sans appel de 4-0. Un succès net et sans bavure, acquis dès la première mi-temps.
Mama Diop, capitaine du jour en l’absence de Korka Fall, a rapidement montré la voie. Dès la 5e minute, elle ouvre le score d’un magnifique lobe. Nguénar Ndiaye lui emboîte le pas à la 14e, en profitant d’un long dégagement de la gardienne Adji Ndiaye pour inscrire le deuxième but sénégalais.
Les Lionnes dominent totalement la rencontre, multipliant les occasions. Mama Diop inscrit un second but plein de sang-froid à la 23e minute, devenant ainsi la première joueuse sénégalaise à signer un doublé en phase finale de CAN. Nguénar Ndiaye l’imite peu avant la pause, concluant une action qu’elle avait elle-même lancée (41e).
La RDC, dépassée, n’a que rarement inquiété les Sénégalaises. Seule alerte : un coup-franc dangereux dès la 3e minute, bien négocié par la gardienne Adji Ndiaye. Pour le reste, les joueuses de Mame Moussa Cissé ont maîtrisé tous les compartiments du jeu.
Avec cette brillante victoire et le nul entre le Maroc et la Zambie (0-0), le Sénégal prend seul la tête du groupe A. Un début idéal qui renforce la confiance et les ambitions d’une équipe bien décidée à marquer cette édition de la CAN.
Par Tout-à-coup Jazz
THIERNO ALASSANE SALL OU LE DEGRÉ ZÉRO DE LA POLITIQUE
EXCLUSIF SENEPLUS - Invoquer la menace djihadiste pour discréditer un adversaire politique relève de l’indignité. Faut-il vraiment instrumentaliser les larmes des peuples frères pour attaquer Sonko ?
Quand on n’a rien à dire qui honore les morts ni éclaire les vivants, le silence n’est pas seulement d’or. Il est salutaire. Mais il est des hommes publics dont la parole, au lieu d’éclairer, obscurcit l’intelligence collective. Thierno Alassane Sall, qui aime à se présenter en vigie solitaire, vient ainsi de franchir un seuil. Non pas celui du courage. Ni celui de la lucidité. Mais, plus inquiétant, celui du degré zéro de la politique.
Dans un tweet alambiqué, Thierno Alassane Sall passe sans sourciller du djihadisme malien aux propos du Premier ministre Ousmane Sonko. Du terrorisme transfrontalier à la critique institutionnelle, il franchit le pas d’un bond. Ce n’est pas un raccourci, c’est un effondrement logique. Non un viaduc rhétorique, mais une coulée de boue intellectuelle.
L’instrumentalisation cynique d’un drame régional
Invoquer la menace djihadiste pour discréditer un adversaire politique relève de l’indignité. Le Mali souffre, Kayes est menacée, les populations sahéliennes vivent sous la terreur. Face à ce drame, on choisit entre solidarité panafricaine et calcul politicien. Thierno Alassane Sall a opté pour le second. Faut-il vraiment instrumentaliser les larmes des peuples frères pour attaquer Sonko ? Jusqu’à l’assimiler aux djihadistes maliens ? Ce n’est plus du débat : c’est de la profanation.
En réalité, cette sortie n’est que le prolongement d’un tropisme bien connu de M. Sall : la critique sans risque. Déjà, dans ses propos sur la suppression du CESE et du HCCT, il s’était posé en gardien zélé de structures qu’il avait lui-même naguère dénoncées comme coûteuses et inutiles. Déjà, dans son refus obstiné de participer au dialogue national — au motif qu’il serait biaisé —, il avait préféré le confort de la solitude au tumulte du débat. On connaît la chanson : Thierno a toujours raison, surtout quand il a tort.
La politique du vide : une constance sans contenu
Ce qui frappe chez Thierno Alassane Sall, ce n’est pas tant l’incohérence que la vacuité. Il y a chez lui une obstination à parler sans jamais proposer, à dénoncer sans jamais construire, à accuser sans jamais s’engager. Il clame les « valeurs » de sa République, mais sans jamais les incarner autrement que dans des poses solennelles. Il brandit la morale, mais comme un glaive sans tranchant. Il fuit les compromis au nom de la pureté, oubliant que la démocratie se nourrit de frottements, de confrontations et de tentatives imparfaites.
Pire encore : au moment même où le Sénégal se relève d’une décennie de dérive autoritaire, où l’État cherche à redonner sens à la parole publique et à restaurer ses équilibres budgétaires après une saignée historique, Thierno Alassane Sall s’applique à semer le doute, à délégitimer l’effort de redressement, à caricaturer l’engagement de ceux qui, au moins, essaient. Que propose-t-il face à l’endettement massif, à l’effondrement du service public, au discrédit des institutions ? Rien ! Touss !
Par Alassane K. KITANE
SONKO ET SES DIATRIBES CONTRE LA JUSTICE, UNE PATHOLOGIE NON DIAGNOSTIQUEE ?
Mesurer l’efficacité ou la justesse de la Justice aux caprices d’un homme politique est la seule chose que Sonko a faite.
Mesurer l’efficacité ou la justesse de la Justice aux caprices d’un homme politique est la seule chose que Sonko a faite.
Il ne fait pas autre chose que ramener la complexité du monde à ses désidératas et autres chimères. La Justice sénégalaise n’est pas pire que celle américaine. Nous étions là quand la Cour suprême des Etats-Unis était prise dans un tourbillon juridique dans l’affaire Al Gore vs Bush. Aujourd’hui, Trump, comme tous les populistes, s’est permis les mêmes outrances que Sonko. La Justice n’est pas parfaite, mais elle n’est pas corruptrice comme la politique et certains politiciens.
Encourager Sonko dans cette aporie à la fois politique et morale, c’est affaiblir la République.
Les hommes politiques sont ceux qui critiquent le plus la Justice, et paradoxalement ce sont les seuls citoyens qui jouissent d’une clémence tacite de la Justice. Il y en a qui ont fait des crimes qui condamneraient n’importe quel autre citoyen à des peines infamantes ! Sonko ne fait que pousser le bouchon trop loin. Tous les hommes politiques commettent ce péché, mais certains sont plus modérés que d’autres. Qu’est-ce que Wade n’a pas dit de la Justice ? Sarkozy passe tout son temps à incriminer la Justice. Sonko n’est qu’un populiste qui fait ce que fait n’importe quel populiste : diaboliser les autres pour se présenter en rédempteur.
Le populiste a la configuration mentale d’un pervers narcissique. Il se croit spécial et rejette ses fautes sur ses propres victimes. Le pervers narcissique fait du chantage affectif, il soumet ses victimes à une dépendance affective qui fait qu’il est absout de tout. Il n’est jamais responsable de rien. Le monde se résume aux nerfs qui constituent le nœud de son nombril.
Celui qui prétend que la Justice ne dit pas la vérité ou qu’elle ne juge pas selon le Droit devrait commencer par nous dire quel est son rapport, à lui, avec la vérité. Or sur ce point, Sonko n’est pas un apôtre de la vérité. Qu’est-ce que la vérité ? Qui a la science infuse et infaillible de la vérité ? Qui a un rapport parfaitement objectif avec la vérité ? Il faut critiquer la Justice comme on critique les autres pouvoirs, mais il y a une ligne rouge à ne pas franchir. Fragiliser la Justice par des élucubrations, surtout de la part d’un homme d’Etat, c’est couper les racines de la République. On ne peut pas jeter la Justice en pâture, à la vindicte populaire, pour simplement se tirer d’affaire.
Comment la Justice pourrait-elle être parfaite si les lois sont humaines ? Rousseau a répondu à cette question en mettant en lumière la défaillance incurable de toute loi humaine : «Pour découvrir… les meilleures règles de société qui conviennent aux nations, il faudrait une intelligence supérieure qui vît toutes les passions des hommes, et qui n’en éprouvât aucune ; qui n’eût aucun rapport avec notre nature, et qui la connût à fond ; dont le bonheur fût indépendant de nous, et qui pourtant voulût bien s’occuper du nôtre ; enfin, qui, dans le progrès des temps se ménageant une gloire éloignée, pût travailler dans un siècle et jouir dans un autre. Il faudrait des dieux pour donner des lois aux hommes.»
Même les praticiens de la Justice les plus rompus à la tâche en conviennent : il arrive que la lecture et l’interprétation de la loi débouchent sur des antinomies. Pourquoi un individu devrait se croire l’incarnation infaillible du bien et du Droit ? C’est quoi cette manie à être juge de tout le monde sans pouvoir être jugé ? Est-ce de la normalité ?
Quand Ousmane Sonko en aura fini avec la Justice, tout le pays sera sous sa coupole, celle de Pastef. En Amérique latine comme en Allemagne, les populistes ont tout le temps cherché à apprivoiser la Justice et le Droit. Un populiste, c’està-dire un apprenti nazi, ne peut pas comprendre qu’il existe un monde parallèle ou étranger au sien. Hitler avait forgé un concept bâtard (juridiquement parlant) : politique de coordination de la Justice. Derrière ce bricolage conceptuel, il y avait le désir de mettre la Justice en conformité avec les idéaux diaboliques du troisième Reich. Carl Schmitt avait ouvertement théorisé la nazification de la Justice allemande : Pastef fait exactement la même chose, car il veut ses juges, une Justice à ses genoux. Si on laisse Ousmane Sonko satisfaire sa boulimie de pouvoir, nous débiterons une dette insolvable en termes de démocratie et de République pour les générations futures. Ce monsieur, n’ayant pas les moyens de tenir ses promesses démagogiques, n’est pas dans la logique de nous gouverner, il est dans une logique d’asservissement. Ça commence toujours comme ça : des réformes ambiguës et suffisamment sournoises pour assujettir la République.
Outré par l’acquittement (par la Cour suprême) des inculpés dans l’affaire de l’incendie de la Reichstag (nuit du 27 au 28 février 1933), Hitler avait tout bonnement institué le Tribunal populaire (avril 1934). Notre populiste en chef rêve de réformer la Justice, et pour ce faire, il fallait qu’il commence par la discréditer.
Alassane K. KITANE
Par Daouda DIOUF
FOYERS SOCIO-EDUCATIFS, CES FABRIQUES DE TALENTS DE PLUS EN PLUS DEVOYÉES
« Ce qui se passe actuellement n’a quasiment rien à voir avec la vocation des gouvernements scolaires », affirme Kaba Diakhaté consultant en éducation et ancien vice-président du Groupe Agora pour l’éducation à la citoyenneté (Gra-Redep).
À l’école, les journées culturelles étaient jadis l’apanage des Foyers socio-éducatifs (Fosco). Organisées de nos jours par les gouvernements scolaires, celles-ci sont de plus en plus dévoyées. Pour preuve, les récentes dérives ponctuées de danses obscènes qui ont émaillées les soirées festives par endroit dans des établissements scolaires. Un phénomène symptomatique lié notamment aux réalités socio-culturelles actuelles impactées de plus en plus par les réseaux sociaux.
« Ce qui se passe actuellement n’a quasiment rien à voir avec la vocation des gouvernements scolaires », affirme Kaba Diakhaté consultant en éducation et ancien vice-président du Groupe Agora pour l’éducation à la citoyenneté (Gra-Redep). M. Diakhaté fait allusion aux récents événements survenus lors des journées culturelles organisées dans des établissements scolaires. Des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montraient de jeunes filles exécutant des danses jugées obscènes à l’occasion d’une soirée culturelle dans un établissement scolaire dans le sud du pays. C’était en mai dernier. Le ministère de l’Éducation était monté au créneau pour décrier l’acte en exhortant les chefs d’établissement et les encadreurs des gouvernements scolaires à faire preuve de plus de vigilance et de rigueur. « Ces dérives sont symptomatiques d’un problème plus profond lié essentiellement à deux facteurs. La crise des valeurs que nous vivons dans tous les secteurs de la vie. Le manque de pudeur, du sens de la responsabilité. Des phénomènes qui sont devenus des tares », a expliqué Kaba Diakhaté.
Le deuxième facteur, dit-il, est lié à la démission des adultes. « Tout se passe comme si nous avions peur de nos enfants. Ces enfants qui s’adonnent à des danses obscènes appartiennent à des familles et font ces gestes horribles sous les yeux des enseignants », souligne-t-il. Il estime que le rôle des foyers socio-éducatifs a été dévoyé en un moment dans la vie scolaire. « Le président du foyer scolaire était respecté par ses camarades et avait un dessus psychologique sur eux. À son arrivée, souvent lors des cérémonies, ses camarades lui font une haie d’honneur ».
Il plaide en faveur d’un repositionnement des gouvernements scolaires dans les stratégies d’enseignements, apprentissages, car il demeure convaincu que « la vocation des gouvernements scolaires n’est pas différente de celle des foyers socioéducatifs. « Dans la Charte des foyers socioéducatifs, il était précisé qu’ils constituent des structures de coordination des activités sociales, culturelles et sportives de l’établissement », précise M. Diakhaté.
Compétences transversales
« Le gouvernement scolaire peut aider à améliorer la stratégie concernant l’encadrement des apprenants. Élaborez un plan d’action que le Gouvernement Scolaire mettra en œuvre pour lutter contre ces comportements », a indiqué M. Diakhaté. Le gouvernement scolaire, dit-il, peut inscrire dans son plan d’actions plusieurs activités que les curricula abordent théoriquement : la culture de la paix, la solidarité, le civisme, la civilité, etc. Selon lui, les autorités éducatives doivent mieux encadrer les gouvernements scolaires pour l’élaboration de plans d’actions intégrant des activités citoyennes et de promotion des valeurs ancestrales, civiques, universelles en plus des activités récréatives.
« Jadis, les Fosco accompagnaient les programmes liés à l’éducation, à la citoyenneté, au droit et à la paix. Ils n’avaient pas seulement des stations d’élaboration de plateformes revendicatives », a dit M. Diakhaté. Le Ministère de l’Éducation nationale doit instruire les Inspections d’académie (Ia) et les Inspections de l’éducation et de la formation (Ief) pour un renforcement des capacités sur l’utilité pédagogique des gouvernements scolaires. « Les bonnes pratiques doivent être partagées pour montrer aux sceptiques qu’il est possible de faire des actions utiles. La presse peut jouer un rôle important à ce niveau », selon notre interlocuteur. « Le foyer socio-éducatif devenu gouvernement scolaire a pour vocation d’être une structure d’éducation complémentaire aux enseignements prenant en charge les activités éducatives, culturelles et récréatives, un cadre d’épanouissement individuel et collectif pour les élèves, un cadre d’apprentissage de la vie en société, favorisant la solidarité et l’entraide », a rappelé Kaba Diakhaté.
Les gouvernements scolaires permettent aux élèves d’acquérir, de manière expérientielle, des compétences transversales très importantes. Créés en 2010 dans les collèges et lycées à la place des foyers socio-éducatifs, les gouvernements scolaires constituent des cadres d’apprentissage de la démocratie, de la citoyenneté, d’une culture de paix et de droits humains.
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UNE ÉCONOMIE EXOGÈNE QUI AMPLIFIE LES CHOCS
27% de chômage chez les moins de 25 ans, pouvoir d'achat en berne, exode vers l'Europe : l'économiste Daby Pouye tire la sonnette d'alarme sur une jeunesse sénégalaise sacrifiée par les choix économiques actuels
Dans une interview accordée dimanche 6 juillet 2025 à l'émission "Jour du Dimanche" d'iTV, Dr Daby Pouye, économiste et PDG du cabinet Cogent Finance SAS, n'a pas mâché ses mots concernant la situation économique du Sénégal sous le nouveau gouvernement.
Selon l'expert, le pays traverse une période économique difficile, accentuée par sa nature d'économie exogène qui amplifie les chocs extérieurs. Plus préoccupant encore, l'économiste confirme que le pays est "à l'arrêt" économiquement, notamment dans le secteur du bâtiment, en raison des audits en cours qui paralysent l'activité.
Dr Pouye pointe du doigt ce qu'il considère comme une contradiction majeure du nouveau régime : "On a espéré que le gouvernement de Sonko allait faire appel aux différentes forces vives de la nation pour s'en sortir. Or, jusqu'à présent, nous baignons dans ce clientélisme tant décrié par ce gouvernement".
L'économiste tire la sonnette d'alarme sur les finances publiques. Avec un taux d'endettement de 120%, qu'il qualifie d'"énormissime", le pays devient dépendant de l'étranger, compromettant ainsi la souveraineté revendiquée par l'équipe dirigeante.
Cette situation d'endettement crée un cercle vicieux : "L'effort qu'on mettra en place aujourd'hui au Sénégal pour avoir des recettes, ces recettes vont être utilisées pour rembourser", limitant drastiquement les marges de manœuvre budgétaires.
Malgré des chiffres de croissance annoncés entre 5,5% et 8%, l'économiste dénonce une réalité bien différente sur le terrain. "Une croissance économique n'a de sens que si elle arrive jusqu'au dernier village du Sénégal. Or aujourd'hui quand on discute avec le Sénégalais moyen, il est dans une véritable souffrance".
Les indicateurs sont alarmants : pouvoir d'achat en berne, prix immobiliers inaccessibles même pour les fonctionnaires de haut niveau, et un coût de la vie qui ne cesse d'augmenter.
Les hydrocarbures : loin de l'eldorado espéré
L'expert s'alarme particulièrement du sort réservé à la jeunesse sénégalaise. "Le taux de chômage des jeunes de moins de 25 ans va jusqu'à 27%, ce qui est inacceptable". Cette situation explique selon lui l'exode massif des jeunes vers l'étranger : "Ces jeunes qu'il pleuve ou qu'il vente, on ne peut pas les empêcher de partir à l'étranger. Ils vont se dire mourir pour mourir, autant mourir en mer avec l'espoir d'un lendemain meilleur".
Concernant les ressources pétrolières et gazières, Dr Pouye tempère les attentes. Les recettes estimées à 227 milliards de francs CFA sur trois ans sont jugées modestes, "loin de l'eldorado qu'on attendait". Il insiste sur l'importance d'une allocation intelligente de cette rente vers la formation des jeunes et le développement d'une agriculture durable.
L'économiste n'est pas que dans la critique. Il propose des solutions concrètes : développement de l'agriculture locale, industrialisation du pays, formations professionnalisantes courtes pour les jeunes, et surtout, adoption de ce qu'il appelle une "glocalisation" - penser global et agir local.
"Le développement du Sénégal passera par une économie endogène maîtrisée par les Sénégalais, pas par les étrangers", martèle-t-il, appelant à une véritable appropriation nationale des leviers économiques.
Malgré ce diagnostic sévère, Dr Pouye reste optimiste. "Le Sénégal a tout pour réussir. Le véritable problème aujourd'hui que nous avons, c'est un problème de gouvernance". Il appelle le gouvernement actuel à sortir de ce qu'il qualifie de "gestion clanique" pour mobiliser l'ensemble des compétences nationales, y compris la diaspora.
L'économiste, qui a récemment créé le mouvement politique SOP Sénégal (Souveraineté, Opportunité, Progrès), conclut sur une note d'espoir : "Notre développement, ce ne sont pas les autres qui le feront à notre place, c'est nous-mêmes qui ferons notre développement".
Par Mohamed GUEYE
FREE BACHIR FOFANA !
Le Quotidien ne présage pas de ce que sera ce délibéré, mais ce journal, dans lequel Bachir Fofana anime une chronique régulièrement suivie, a pris la décision de l’animer jusqu’à ce que nous soyons tous, y compris ses lecteurs, définitivement fixés
Depuis le mercredi 25 juin, Bachir Fofana est privé de liberté par la volonté du président de l’Assemblée nationale. M. Ndiaye poursuit notre confrère pour des propos relatifs au marché d’acquisition de véhicules destinés aux députés de l’actuelle législature. Il est, depuis cette date, enfermé et empêché d’exercer le métier qui le fait vivre et subvenir aux besoins de sa famille. Depuis cette date en effet, le procureur et les juges ont décidé de prolonger son calvaire, avant de prononcer un verdict définitif annoncé pour le 9 juillet. C’est mercredi prochain que nous saurons si ses proches auront le plaisir de le voir ailleurs qu’à travers les murs de la prison.
Le Quotidien ne présage pas de ce que sera ce délibéré, mais ce journal, dans lequel Bachir Fofana anime une chronique régulièrement suivie, a pris la décision de l’animer jusqu’à ce que nous soyons tous, y compris ses lecteurs, définitivement fixés. Bachir n’a pas sa place en prison, mais chez lui et dans les rédactions. Néanmoins, si les juges décident de priver sa famille de sa présence, ses lecteurs, au moins, pourront garder de lui le souffle de vérité qui anime sa plume depuis son arrivée dans le journal Le Quotidien.
Par ailleurs, il est assez ironique de voir la promptitude avec laquelle les autorités actuelles, qui promettaient une ère de liberté de parole et d’action à tous les citoyens, se montrent tellement réfractaires à toute opinion contraire. On peut se demander, si le marché d’acquisition des véhicules était si limpide, ce qui a empêché l’autorité contractante de rendre publiques les conditions de sa passation. D’autant plus que Bachir Fofana n’a pas été le premier à en parler. Deux concessionnaires sénégalais, parmi les plus importants, à savoir Serigne Mboup de Ccbm et Mbaye Guèye d’Emg, avaient dès la première sortie télévisée de El Malick Ndiaye, avant l’annonce officielle de l’attribution du marché, dénoncé avec véhémence le fait d’avoir été écartés dans des circonstances opaques, au bénéfice de deux étrangers, que El Malick n’avait pas hésité à nommer publiquement. A notre connaissance, ces concessionnaires n’ont fait l’objet d’aucune remontrance ou poursuite judiciaire.
Et de la manière dont évolue ce dossier, on se demande si la plainte contre Bachir Fofana n’allait pas au-delà de l’incrimination qui lui est faite. D’ailleurs, dès sa convocation, son avocat était sorti pour déclarer que la convocation de son client émanait du procureur de la République, «qui s’était autosaisi». Or, plusieurs personnes avaient déjà en main la plainte des avocats de El Malick contre les journalistes Bachir Fofana et Adama Gaye. Ce dernier, dans un post, a voulu faire croire qu’il n’était pas concerné, car le plaignant, à le lire, était son «goro». Il a toutefois tenu à prendre des mesures barrières et mettre une distance règlementaire entre lui et la force publique actionnée par son «parent par alliance». Et il n’a pas eu tort si l’on voit comment est traité le cas Bachir.
Il a fallu qu’il soit privé de liberté pour que l’on voie son plaignant bénéficier d’un temps d’antenne complaisant et lénifiant sur la télévision nationale pour le charger à volonté, sachant qu’il ne pouvait lui apporter la réplique. Tout cela nous conforte dans l’idée que, au-delà de Bachir Fofana ou Abdou Nguer, tous les moyens seront mis à contribution par les actuels dirigeants au pouvoir pour, comme le dit leur leader, «effacer» la presse et tout ce qui s’en approche. Cela ne nous surprend pas et ne nous affecte pas. Au journal Le Quotidien, nous n’avions pas d’a priori favorable quant à ce que nous pouvions attendre d’eux. Il suffirait, pour ceux qui avaient des doutes, de se rappeler ce qui s’est passé dans la nuit du 24 février 2019, lorsque les médias publiaient les résultats de la Présidentielle au fur et à mesure des dépouillements.
Croyant sans doute arrêter la mer avec ses bras, le candidat Ousmane Sonko, flanqué de Idrissa Seck, s’est permis de menacer les télévisions qui annonçaient un dépouillement qui présageait, progressivement, une victoire du Président sortant dès le premier. Accompagnés d’un journaliste servile, ces deux candidats mauvais perdants, hébergés sur les ondes d’un groupe médiatique important, ont clairement mis «devant leurs responsabilités» les journalistes qui se risqueraient à annoncer des résultats victorieux pour Macky Sall.
Ce n’était pas un accident de l’histoire. Le leader de Pastef a longtemps indiqué que tous les médias qui ne partageaient pas ses vues «étaient inféodés au pouvoir et à l’argent», selon son expression favorite. Même ses victoires électorales ultérieures, saluées par l’ensemble des médias, ne l’ont pas vraiment amadoué ou poussé à revoir ses positions. Est-ce cela qui l’a incité à privilégier ses «lives» télévisés au lieu de tenir des conférences de presse ? Et même quand cela lui arrivait, il sélectionnait ceux qui avaient le droit de recueillir sa parole bénie. A la Rts, des journalistes n’ont pas oublié quand il écartait le micro de leur chaîne, indigne de véhiculer ses déclarations. Les choses ont, heureusement, changé avec l’arrivée au pouvoir de sa majorité. Mais la presse ne trouvera jamais grâce à leurs yeux. Les misères que le ministère de la Communication fait aux médias ou même au gendarme de la presse, le Cored, permettent de ne pas se nourrir d’illusions.
La presse sénégalaise a toujours été le mouton noir de notre démocratie, qu’il faut sacrifier pour expier les péchés des politiciens. Abdoulaye Wade, à une époque, n’hésitait pas à clamer qu’il n’avait pas d’opposants dans ce pays, sa seule opposition étant, à l’entendre, la presse nationale. On ne compte pas le nombre de journalistes qui ont été convoqués pour des propos ne plaisant pas au chef de l’Etat. Mais là où il lui a fallu 12 ans, le pouvoir de Diomaye est en train de pulvériser tous les records en moins de deux ans. Macky Sall, quant à lui, avait une autre méthode.
Le prédécesseur de Diomaye avait pensé amadouer la presse en faisant ami-ami avec tous les patrons de presse. S’il a pu «neutraliser» certains d’entre eux, plusieurs autres dont notamment les reporters, n’ont jamais été liés par ces accointances, et les journalistes et leurs organes ont toujours gardé leur liberté de pensée. Ils ne se gênaient pas pour afficher leurs espérances envers le nouveau pouvoir. Après tout, ne sont-ils pas de libres citoyens d’un pays libre, et plus encore, des électeurs jouissant de leurs droits ?
Nous sommes donc convaincus que personne ne peut museler les Sénégalais, et leur presse encore moins. Le discrédit qui semble tomber sur les journalistes n’est pas du fait, mais des comportements de politiciens qui n’ont jamais aimé que des journalistes couchés. Comme Bachir Fofana et d’autres, nous ne sommes pas de cette espèce, et ceux qui pensent maintenant nous tenir en laisse finiront par s’en rendre compte. Il est de leur intérêt d’accepter, avant qu’il ne soit trop tard, que les journalistes et leurs organes ne sont pas leurs ennemis. Ils aiment la vérité plus que tout, sans invective, mais plus que leur liberté, si c’est le prix à payer.
Les belles feuilles de notre littérature par Amadou Elimane Kane
SOKHNA BENGA, UNE POÉSIE DÉLICATE ET BELLE
EXCLUSIF SENEPLUS - Avec Les cris fauves de ma ville, l'auteure inscrit sa signature dans la littérature africaine contemporaine. Sa plume se fait la voix des oubliés, des "visages exilés" et des "peuples sans nom"
Notre patrimoine littéraire est un espace dense de créativité et de beauté. La littérature est un art qui trouve sa place dans une époque, un contexte historique, un espace culturel, tout en révélant des vérités cachées de la réalité. La littérature est une alchimie entre esthétique et idées. C’est par la littérature que nous construisons notre récit qui s’inscrit dans la mémoire. Ainsi, la littérature africaine existe par sa singularité, son histoire et sa narration particulière. Les belles feuilles de notre littérature ont pour vocation de nous donner rendez-vous avec les créateurs du verbe et de leurs œuvres qui entrent en fusion avec nos talents et nos intelligences.
La poésie a la particularité de pouvoir posséder des teintes sonnantes qui éveillent nos sens, nous mettent en alerte, comme si la grande signification fondamentale reprenait sa place avec la magie des mots.
La poésie de Sokhna Benga est de cette nature-là, empreinte d’une simplicité esthétique rare, et on sait que l’épuration de la langue est sans doute l’exercice le plus difficile qui soit, mais surtout c’est une poésie profondément sensible et vibrante. Les mots de Sokhna Benga nous touchent là où l’espace s’est vidé de substance, comme si on avait oublié cet indispensable regard au monde. Ses « belles lettres » nous traversent tout en émotions.
Cette candeur littéraire est exceptionnellement juste car elle recèle bien plus d’éclat qu’un lyrisme artificiel qui ne serait pas la continuité de la main habile de Sokhna Benga.
La poésie de Sokhna Benga embrasse les êtres et les lieux, tous les êtres et tous les lieux, réhabilitant les figures fantômes, que l’on voudrait effacer. Elle se fait la voix des « visages exilés, des peuples sans nom » qui sont réduits au silence abscons de la terre, une terre qui continue de tourner malgré les drames, malgré les injustices cruelles qui sévissent un peu partout.
La voix de Sokhna Benga se fait entendre avec beaucoup de naturel, d’efficacité, d’évidence, de générosité, comme une musique douce qui apaise. Et puis il y a ces envolées métaphoriques qui creusent le langage poétique, source de vie, source de créativité, source primordiale du devenir des êtres. Comme si la poésie était l’alliée la plus sûre pour combattre l’inacceptable, le vide, ces couleurs fauves qui transforment la nuit en possible renaissance. Et de ce crépuscule poignant naît une aube triste probablement mais lumineuse par les mots revisités.
La voix de Sokhna Benga, c’est aussi une déclaration totale et totalisante à l’amour, un amour qui transcende les débris de l’humanité qui bute sur l’ignorance, la négligence, l’absolue indifférence des souffrances qui se taisent.
Ainsi elle réinvestit le sentiment amoureux au cœur de la vie, avec des poèmes troublants, talentueux, par un regard conquis pour l’être aimé. Cette proclamation amoureuse est d’une beauté renversante, tant la langue est inventive, une langue qui s’affole et qui se mêle à la fois au corps et au sacré.
Ainsi Les cris fauves de ma ville sont toutes les révoltes silencieuses qui s’étouffent dans les rues désertés, déshumanisées mais débordantes d’être fragiles et abandonnés à la marche du profit, « sous le feu des bombes que crache le ciel […] et des dictatures pernicieuses ».
Sokhna Benga possède une voix personnelle qui murmure une ponctuation vitale, celle de l’amour qui tient debout, qui éloigne le doute, qui seul peut apaiser la douloureuse réalité. Elle se fait la poétesse du discours amoureux, transformé en des prières suprêmes, comme des mélopées sensuelles et profondes.
Ainsi, à travers une langue épurée et raffinée, la poésie de Sokhna Benga propose un nouveau tourbillon esthétique qui trouve une place prépondérante dans le paysage littéraire africain contemporain.
Et il est à souhaiter que cette quête poétique, essentielle aux espoirs de la renaissance africaine, se poursuive pour allonger nos horizons et pour rendre plus triomphante encore la cosmogonie de nos terres sacrées et universelles. Assurément, Sokhna Benga détient un talent littéraire qui agrandit notre humanité plurielle.
Amadou Elimane Kane est écrivain, poète.
Les cris fauves de ma ville de Sokhna Benga, Poésie, éditions Lettres de Renaissances, collection Paroles arc-en-ciel, Paris, 2016.