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23 juillet 2025
SERIGNE SALIOU MBACKÉ, UN FIN ÉDUCATEUR PARTI IL Y A 12 ANS
Il est sans doute l’un des dignes héritiers de Serigne Touba, parmi les plus connus de la jeunesse. Doté d’une sagesse “hors du commun”, ce dignitaire de Touba réussira à mener une vie remplie de bonnes œuvres
Serigne Saliou Mbacké est sans doute l’un des dignes héritiers de Serigne Touba, parmi les plus connus de la jeunesse. Doté d’une sagesse “hors du commun”, ce dignitaire de Touba réussira à mener une vie remplie de bonnes œuvres. Il consacrera notamment sa vie à veiller sur l’éducation des enfants.
De son vrai nom Salihou Ibn Ahmadou, Serigne Saliou Mbacké est venu au monde à Diourbel en 1915. Il devient le 5e Khalife des mourides, succédant à Serigne Abdou Khadre Mbacké en 1989. Il bénéficiait d’une grande aura dans cette communauté et dans le monde musulman.
Il participera fortement à la construction de la grande mosquée de France, dont le coût était estimé à 300 millions de F Cfa. Il sera également à l’origine de la refection de la grande mosquée de Touba entre 1995 et 1998. En plus de ces projets, Serigne Saliou Mbacké a fortement œuvré pour l’obtention du terrain qui abrite aujourd’hui la mosquée de Massalikoul Djinan.
Il a par ailleurs, mis en œuvre un plan de viabilisation des terrains d’environ 100.000 parcelles et un réseau d’électrification dans la ville de Touba. De même, des canalisations ont été construites pour une meilleure évacuation des eaux de pluie, dans la ville sainte de Touba.
Son influence dépasse largement le cadre religieux. Il s’est aussi fait sentir à travers différentes médiations dans le milieu politique, pour le maintien de la paix au Sénégal. D’ailleurs ses prêches et allocutions au cours des événements religieux laissent apparaitre en lui un homme de paix et de consensus. C’est d’ailleurs ce qui lui a valu le nom de “Borom Yeurmandé”.
Le culte du travail
Grand producteur sur l’échiquier national Serigne Saliou Mbacké possède des champs étendus: Ndiouroule , Ngott, Ndiapandal. En plus de ces surfaces, le saint homme était le propriétaire de Khelcom , qui est bâti sur une étendue de 45000 hectares. En effet, Khelcom est le plus grand périmètre champêtre qu’une personnalité religieuse ait jamais possédé au Sénégal. Cet espace accueille ainsi, chaque année des milliers de saisonniers, durant la campagne de récolte.
Serigne Saliou, un fin éducateur
L’éducation fut la principale occupation de Serigne Saliou Mbacke; en atteste ses sites ou les enfants étudient : Gott, Ndiouroul , Ndiapandal, Ndokaa, Khelcom. Dans ses écoles, l’enseignement du Coran et le travail (Tarbiya) étaient associés.L’apprentissage du travail chez les jeunes leur confère la conscience qui permet à l’homme de s’accomplir, d’être utile à lui même, et à la communauté. Quand à l’éducation, elle a pour but dans ces Daaras de faire connaître aux jeunes disciples le sens de la vie, les règles de comportement dans la société, les normes spirituelles et morales dont l’observation assure en chacun la sauvegarde de son humanité. L’accent est également mis sur les sciences religieuses car pour Serigne Saliou, la foi en Dieu est la principale dimension de l’homme.
Cette entreprise d’éducation qui s’adressait à des milliers d’élèves était entourée du plus grand soin de la part de Serigne Saliou qui y consacrait d’énormes ressources, donnant ainsi le signe d’un engagement personnel, profond.Serigne Saliou, l’ami des enfants disparu le 28 Décembre à Touba, à l’âge de 92, laissant le monde de l’éducation orphelin à jamais.
PAR Loup Viallet
POURQUOI L'ÉCO SERA PIRE QUE LE FCFA
Pour que la future monnaie unique soit réellement au service des économies africaines, il faut que la future union monétaire corresponde à un marché commun ouest-africain - Mais depuis 25 ans, l’intégration régionale s’est essoufflée
On dit que c’est une réforme historique. Annoncée samedi 21 décembre dernier depuis Abidjan par les présidents Français et Ivoirien, la création de l’éco dès l’année prochaine en remplacement du sulfureux franc CFA semble constituer un nouveau moment fort de la coopération monétaire franco-africaine. Soixante-quatorze ans après sa création sous la période coloniale et 25 ans après la dernière grande réforme de son fonctionnement, le franc CFA n’a pas suffi à sortir du sous-développement les économies qui l’ont en partage. Malgré bien des évolutions, sa permanence dans les relations franco-africaines depuis la colonisation alimente des ressentiments et des soupçons à l’endroit de l’ancienne métropole, en Afrique comme en France.
Au-delà du changement de nom de la monnaie africaine, la réforme de la coopération monétaire franco-africaine portant création de l’éco est-elle à la veille de transformer les relations entre la France et ses anciennes colonies ? Les mesures portées par Emmanuel Macron et Alassane Ouattara sont-elles de nature à accroître l’autonomie des États-membres de la future union monétaire ?
Pourquoi les décisions avancées par les présidents Macron et Ouattara ne permettront pas l’autonomie de la politique monétaire de la future zone éco.
D’abord, le rapatriement dans la Banque Centrale d’Afrique de l’Ouest des devises centralisées à Paris ne signifie pas qu’avec la création de l’éco, les autorités africaines vont pouvoir déterminer librement le taux de change de leur nouvelle monnaie. En réalité les États-membres de la future union monétaire seront encore très loin d’avoir parachevé leur autonomie financière.
En effet, le recouvrement de leurs devises placées en garantie à Paris (environ 5 milliards d’euros) ne correspond pas à une valeur telle qu’ils disposeront d’une capacité financière suffisante pour protéger leur nouvelle monnaie des variations fortes issues des diverses pressions que leurs économies traversent déjà, c’est-à-dire les conséquences du réchauffement climatique, l’appréciation ou la dépréciation du dollar, les crises politiques et militaires, la crise de la demande ou de l’offre. Ce sont d’ailleurs ces éléments qui rendent vulnérable et aléatoire la valeur des autres devises du continent africain, qui ne bénéficient pas d’un cours fixe accroché à celui d’une grande monnaie internationale.
Ensuite parce que le Conseil des Gouverneurs de la Banque centrale peut choisir de maintenir, en période de croissance forte, une politique monétaire restrictive et donc de ne pas utiliser cette nouvelle manne comme un moyen de relance mais plutôt comme une manière de maîtriser l’inflation. On observait déjà cette tendance à la thésaurisation en 2014, lorsque le niveau des réserves légales détenues par la BCEAO était de 30% supérieur à celui exigé par les traités. Il y a donc fort à parier que cet afflux (limité) de devises dans les comptes d’opérations de la Banque Centrale des États d’Afrique de l’Ouest n’aura pas un effet substantiel sur le financement des économies de la zone éco. De ce point de vue, le problème en Afrique subsaharienne ne se situe d’ailleurs pas tant du côté de la monnaie ou des réserves disponibles que du côté de la solvabilité des demandeurs de prêts et du manque de confiance des institutions financières à leur égard, ce que la réforme éco ne réglera pas.
Au même titre que la centralisation d’une partie des réserves en devises des États de la zone franc dans les livres de comptes du trésor français, la présence de représentants français dans les conseils d’administrations de la monnaie africaine constitue une contrepartie à la garantie de convertibilité du franc CFA en euros par la France dans le système actuel. Cette participation, sans pouvoir de veto pour les représentants français depuis la réforme de 2010, pouvait être perçue comme un héritage colonial, mais aussi comme un gage de crédibilité et de transparence. La réforme de l’éco entend les supprimer définitivement plutôt que d’accroître la présence d’experts internationaux (et pas seulement Français) dans les institutions monétaires africaines ainsi que le proposait récemment le président Béninois Patrice Talon.
Pourquoi la création de l’éco ne constitue pas le meilleur chemin pour faire progresser l’autonomie financière et l’autonomie politique des États d’Afrique de l’Ouest.
Le système de l’éco va donc accorder une autonomie factice à la nouvelle monnaie africaine puisque, malgré la disparition du compte d’opérations, la stabilité de l’éco sera encore assurée par l’extérieur. Cependant, cette fois, la garantie française sera accordée sans contreparties du côté africain. Le nouveau système monétaire ne permettra donc pas de régler l’un des plus grands défauts du système précédent, soit la « servitude volontaire » (NUBUKPO) ou « l’état d’esprit de facilité et d’irresponsabilité » (DIARRA) de certains décideurs de la zone franc, qui se reposent sur l’assurance de convertibilité illimitée de leur monnaie pour ne pas chercher à équilibrer leurs balances extérieures ou conduire les réformes nécessaires au parachèvement de leur intégration économique régionale.
Or, pour que la future monnaie commune « éco » soit réellement un instrument au service des économies africaines, il faut que la future union monétaire corresponde à un marché commun ouest-africain. C’était le projet de l’UEMOA, fondée en 1994 entre les huit pays d’Afrique de l’Ouest concernés aujourd’hui par l’éco, sur le constat qu’il fallait doubler l’union monétaire ouest-africaine d’une union économique qui permette la création d’un marché commun unifié dans lequel la monnaie pourrait agir comme moteur. Mais force est de constater que depuis vingt-cinq ans, la construction de l’UEMOA a montré ses limites et l’intégration régionale s’est essoufflée considérablement pendant la dernière décennie : son budget communautaire et ses politiques régionales sont en baisse, sa TVA régionale est un échec, son union douanière a été remplacée par celle de la CEDEAO, ses échanges intra-communautaires stagnent en volume et en valeur. Dans ce contexte, la perspective d’un élargissement de la zone monétaire actuelle à d’autres États-membres, présentée comme une condition de la création de l’éco, risque de compromettre sérieusement un processus d’intégration déjà à la peine à huit États.
Une réforme précipitée, qui supprime les symboles de la contestation du système actuel mais en amplifie les défauts ;
La garantie française peut constituer un avantage comparatif si elle permet aux États qui en bénéficient de l’utiliser comme une assurance de stabilité monétaire et de sécurité économique le temps de construire leur propre autonomie financière, jusqu’à pouvoir enfin s’en passer. Ce n’est pas la direction que prend la coopération franco-africaine avec la création de l’éco, qui plutôt que de renforcer leur unité, va accélérer le morcellement économique des États d’Afrique de l’Ouest, tout en développant leur dépendance financière envers la France, qui se trouvera plus que jamais garante de leurs déficits et soupçonnée de contribuer à nouveau à l’affaiblissement d’une partie de l’Afrique.
Les présidents Français et Ivoirien pensent peut-être tenir, avec la réforme de l’éco, une victoire politique à même de servir leurs intérêts respectifs. D’un côté, cette annonce pourrait constituer un argument électoral massif pour le président Ouattara à dix mois des élections présidentielles ivoiriennes. De l’autre, le président Macron veut sans doute réussir la double prouesse de faire tomber un symbole anti-Français sans rompre la coopération monétaire franco-africaine. Il semble pourtant que la création de l’éco ne soit pas la meilleure réponse possible et constitue même un compromis pire que le précédent : la disparition des symboles gênants liés au franc CFA ne suffira pas à combler les graves défauts de la nouvelle coopération monétaire. La victoire sera de courte durée.
Loup Viallet est spécialiste de l'économie politique de l'Afrique contemporaine. Rédacteur du blog "Questions africaines" : https://questionsafricaines.wordpress.com.Il contribue régulièrement dans Les Echos, Mondafrique, Les Yeux du Monde, Conflits. Ses analyses ont donné lieu à des conférences en France (à l'ESSEC) et en Côte d'Ivoire (à l'École Supérieure de Commerce et des Affaires de Côte d'Ivoire ainsi qu'à l'Institut de Formation Sainte-Marie d'Abidjan).
PAR Jean-Baptiste Placca
LE FRANC CFA VEUT-IL SURVIVRE PAR L'ÉCO ?
Très sincèrement, il est aussi vain que prétentieux d’espérer qu’un pays comme le Nigeria viendrait se ranger sous cette bannière d’un CFA réaménagé. Le Ghana n’accepterait pas davantage de se mettre derrière un eco « made in Uemoa »
Alors que l'Afrique de l'Ouest attend sa monnaie commune, la disparition annoncée du franc CFA sème la confusion. Comme si la zone franc cherchait une planche de salut à travers l'eco.
Présentateur : Samedi dernier, le 21 décembre, vous évoquiez les « certitudes d’espérance » par rapport à l’avenir de l’Afrique. Et quelques heures plus tard, à Abidjan, le chef de l’État ivoirien, aux côtés de son homologue français, annonçait la fin du franc CFA et la naissance de l'eco, la monnaie ouest-africaine. On parle là d'une revendication de l’opinion publique africaine. Peut-on dire qu’une espérance vient d’être comblée ?
Non, hélas ! Non. Et c’est d’autant plus regrettable que la phase dans laquelle on semble s’engager donne une désagréable impression de précipitation, comme si l’on avait voulu court-circuiter la naissance du véritable eco. Les fondements de cet eco semblaient clairs, pourtant, et les peuples commençaient même à intégrer son avènement dans leurs rêves de sursaut de l'Afrique.
Lancer un eco arrimé à l’euro, avec une garantie de la France, n’était, en rien, le projet ouest-africain annoncé par lequel les peuples de la sous-région, particulièrement ceux de l’actuelle zone franc, espéraient renouer avec leur destin et le vivre pleinement. Très sincèrement, il est aussi vain que prétentieux d’espérer qu’un pays comme le Nigeria viendrait se ranger sous cette bannière d’un CFA réaménagé. Le Ghana n’accepterait pas davantage de se mettre derrière un eco « made in Uemoa » (Union économique et monétaire ouest-africaine).
Mais c'est chez les « francophones » - appelons-les ainsi - que l’on entend de plus en plus de voix s’élever contre l’annonce d'Abidjan pour souhaiter que les chefs d'État de la Cédéao reprennent rapidement l’initiative, pour enrayer une cacophonie qui pourrait s’avérer néfaste. Le continent est prêt pour des avancées audacieuses. Et il serait coupable de briser cet élan, par manque de cohésion. C’est de l’avenir des peuples qu’il s’agit.
Il n’empêche, l'Uemoa est la seule zone organisée, le seul modèle possible pour l’eco.
Construire un modèle de sérieux, de rigueur monétaire, n’est pas au-dessus de la sous-région. Le Ghana a des cadres extrêmement compétents. Le Nigeria aussi, et ils sont nombreux au plus haut niveau, aux États-Unis et ailleurs. La Côte d’Ivoire compte des cadres formés dans les meilleures universités et écoles de France, des États-Unis et d’ailleurs, et il en est de même dans chacun des autres États.
Nul ne peut donc faire à l’Afrique l’affront d’imaginer qu’elle manque de profils pointus pour tous les compartiments, toutes les spécialités que requiert une monnaie crédible. Mais pour avancer sur des bases saines, il faut démarrer dans la clarté. Abidjan, pour tout dire, a été un faux-pas, fâcheux, mais pas irréversible. Et ce n’est pas avec des annonces comme celle-là que l’on fera taire les critiques contre le franc CFA, ou un quelconque succédané qu’on en extrairait.
Le dirigeant ivoirien était pourtant dans son rôle. Est-ce bien sérieux de lui demander de renoncer à ses prérogatives ?
Les enjeux actuels portent sur le destin de quelque 350 millions d’âmes et dépassent les considérations personnelles. La Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest ronronnait et semblait avoir atteint ses limites. Cet eco, nom tiré de la moitié du sigle anglais « ecowas » de la Cédéao, était une occasion rêvée. Le leadership véritable tient à la capacité de chacun à ne pas gâcher cette opportunité historique.
Un analyste ouest-africain (francophone) a résumé les enjeux en des termes on ne peut plus clairs : « L’intégration est notre seule chance, dit-il. Elle est très, très importante. Il ne faut pas laisser les intérêts politiques du moment de quelques chefs d’État, ou même de quelques États, saper sa marche vers l’intégration, qui est la seule opportunité pour les pays de l’Afrique de l’Ouest, comme de l’Afrique centrale, et des autres régions, pour constituer une masse critique d’expertises, au plan économique, et mutualiser les forces, les énergies et les ressources, pour peser sur l’échiquier international. »
L’Afrique a 60 ans, dans trois jours. On ne peut plus se permettre de rater des rendez-vous avec l’histoire. Car cette monnaie peut être une étape cruciale vers une refondation du panafricanisme. L’Afrique de l’Est créera sa monnaie. L’Afrique australe se rangera derrière l’Afrique du Sud et son rand. Même l’Afrique centrale pourrait nous surprendre.
Il ne faut pas oublier que dans le compte d’opération jusqu’ici logé dans les livres du Trésor français, cette zone de l’ancienne Afrique équatoriale française représentait les deux tiers, et l’Afrique de l’Ouest n’abondait que pour un tiers.
Même au sein de l’Uemoa, les Africains avaient observé, ces dernières semaines, quelques dissonances entre Alassane Ouattara et Mahammadou Issoufou.
Le chef de l’État nigérien est sans doute le plus au fait de ce qu’est censé être l’eco, puisque depuis plus de cinq ans, c’est à lui et à son homologue ghanéen, John Dramani Mahama, que les chefs d’État de la Cédéao avaient confié la charge de réfléchir à cette monnaie commune. On ne peut plus tergiverser à une étape aussi cruciale.
Les dirigeants du Syndicat autonome des enseignants du Moyen secondaire (Saems) se veulent clairs et limpides. ils ont tenu à souligner que l’agenda du Dialogue national ne lie pas leur organisation syndicale. Ils ont fait cette précision hier, lors de leur point de presse qui s’inscrit dans le cadre du calendrier trimestriel du Bureau exécutif national du Saems.
Même s’il a salué la participation de son « camarade » Mamadou Lamine Dianté au Dialogue national, il n’en demeure pas moins que Saourou Sène se veut sans équivoque sur l’attitude du syndicat qu’il dirige par rapport à cette question. « Nous attendons le rapport qui sera issu de ce Dialogue national qui, il faut le reconnaître, est plus un dialogue politique », affirme le Secrétaire général du Saems. Raison pour laquelle il précise que l’agenda de cette rencontre ne lie pas les membres du Saems.
Et de rappeler que son organisation a déposé, depuis le 2 décembre, un préavis qui expire le 2 janvier. « A partir de ce moment, si le gouvernement ne réoriente pas son orientation, nous risquons d’aller en lutte et le Bureau Exécutif National prendra les décisions qui s’imposent. On a des questions de bonne gouvernance qui ne devraient pas nécessiter des luttes, parce que le gouvernement sait très bien que par rapport au corps PCMG en EPS, il doit prendre le décret qui date de 2012. Sur la question de la surimposition des salaires et le rappel, le contrôleur du budget a reconnu le caractère défectueux du logiciel utilisé pour les impôts », explique M. Sène qui estime qu’aucun agent de l’Etat ne peut dire actuellement combien il perçoit. Connu pour son franc-parler pour toutes les questions relevant de la bonne gouvernance, il se montre particulièrement critique à l’endroit du gouvernement.
D’autant que, soutient-il, l’Etat refuse d’avancer sur la question du système de rémunération alors que toute l’étude a été faite et les résolutions remises au chef de l’Etat. « C’est le président de la République qui a pris l’engagement, devant les organisations syndicales et devant le Premier ministre de l’époque, de faire changer le système des agents de l’Etat. L’autre question aussi qui n’a pas avancé, c’est le corps des administrateurs scolaires alors qu’on a eu l’accord. Mais jusqu’à présent, on en est aux travaux d’atelier ; aucune proposition n’est faite.
Dans cette situation, qui est responsable s’il y a grève ?» se demande Saourou Sène qui accuse le gouvernement de faire du dilatoire. A propos du Dialogue national, il soutient que les acteurs de l’éducation n’ont pas été consultés pour participer à la rencontre qui, pourtant, a la prétention d’être inclusive. N’empêche, il ne récuse pas le choix fait sur Mamadou Lamine Dianté pour représenter les enseignants. Ce dernier, assure-t-il, représente à ce dialogue tous les acteurs de l’éducation et va parler des questions de l’éducation qu’il connaît parfaitement bien.
EIFFAGE DANS TOUS SES ECLATS
« Inventer un avenir à taille humaine », telle semble bien coller à l’idée que se fixe le top management de Eiffage.
Amadou BA (Envoyé spécial à Paris) |
Publication 28/12/2019
Le géant français Eiffage déploie ses ailes. Présente en Europe et en Afrique depuis plusieurs décennies, elle toise le monde à travers ses nombreuses filiales dans 50 pays des cinq continents. Au Sénégal, Eiffage Construction y opère depuis près d’un siècle. Mais c’est surtout Eiffage Sénégal avec sa filiale Senac Sa, gestionnaire de l’Autoroute de l’Avenir, qui cristallise le débat et déchaîne des passions. Eiffage, ce n’est pas que cela. Elle est dans l’énergie, dans le gaz, mais aussi dans la construction du canal de Keur Momar Sarr 3, un projet qui devrait régler définitivement le problème d’eau dans la capitale. Dans un voyage organisé au mois de novembre dernier par Eiffage Sénégal, un groupe de journalistes sénégalais, conduit par le Dga de Eiffage Alioune Badiane et la chargée de communication Maïmouna Dème, a visité les différents chantiers du groupe tant à Dijon, Lyon qu’à Paris où l’entreprise est au cœur de l’organisation des Jeux Olympiques de Paris 2024.
« Inventer un avenir à taille humaine », telle semble bien coller à l’idée que se fixe le top management de Eiffage. En cette fin d’automne 2019, le froid installe son quartier dans la capitale française. Sous une pluie fine signe d’un automne finissant, une délégation de journalistes sénégalais débarque à Paris. Une visite sur des chapeaux de roues de 48 heures, ponctuée de visites de chantiers, de pèlerinage à l’hôpital de Dieu de Lyon, de balade à bord de la navette autonome (Mia), un véhicule intelligent, sans conducteur, servant de transports aux employés ; de visites de la radio Autoroute info, du siège de Eiffage avant de boucler la boucle par les grands chantiers sur Aulnay sous bois, où l’entreprise expose sa force de frappe tant financière que technique. Sans oublier bien sûr la soirée Eiffage-Rail au Musée d’Orsay.
Tantôt l’entreprise se mue en Aprr pour gérer la concession de plusieurs kilomètres en France, tantôt elle se trouve un complément du nom : Effage concession, Eiffage Energie système, Effage Génie Civil ou encore Adelac. A Lyon et Dijon, le visiteur est surtout sublimé par l’architecture de l’hôtel de Dieu. Une bâtisse imposante chargée d’histoires que le grand groupe français a réhabilité tout en lui laissant les atours et les symboles des hauts faits et l’art culinaire du 16ème siècle. Le bâtiment est millénaire et son architecture le renseigne à suffisance, mais il n’en donne pas l’air totalement. Il reste imposant par ses excroissances et les derniers coups de pinceau lui donnent une nouvelle vie. C’est que, d’après la chargée de communication de ce musée, une dame passionnée, Eiffage et ses partenaires ont cassé leur tirelire. Partout, l’accueil était convivial. Tout est réglé comme une montre. On ne perd pas de temps. Avec nos hôtes, toutes les questions sont autorisées y compris celles relatives à l’Autoroute de l’avenir générée par Senac Sa qu’une bonne frange de l’opinion sénégalaise voue aux gémonies à tort ou à raison : elle considère qu’elle symbolise la cupidité de l’entreprise française.
AUCUNE CLAUSE NE PREVOIT LA RENEGOCIATION DU CONTRAT DU PEAGE
Eiffage Concessions via Senac Sa exploite les 42 km de cette autoroute reliant Dakar à l’aéroport international de Diass communément appelée l’Autoroute de l’Avenir. Elle en a pour 30 ans, jusqu’en 2039 en l’occurrence. Que de bruit autour de la concession ! « Il faut donc un équilibre économique à une concession. C’est l’investissement qu’on fait initialement. Si l’Etat ne met pas d’argent, il faut naturellement payer plus cher la concession ou faire une durée plus longue. C’est un choix de la personne publique de faire varier les paramètres.
En face d’une durée de concession, il y a le tarif, ou pas de subvention », a expliqué Loïc Dorbec, de Eiffage Concessions qui nous a reçu au siège du groupe à Vélizy-Villacoublay au deuxième jour de la visite. D’après notre hôte, une clause de partage des fruits est également incluse dans le contrat, mais aucune clause de renégociation entre le Sénégal et Eiffage n’existe. Qu’à cela ne tienne, par fait du prince, le Sénégal a procédé à la baisse du prix. En revanche, faut-il le souligner, le Sénégal peut jouer sur le partage des fruits ou sur la durée de la concession pour juguler la cherté tant réprouvée du prix du péage. « Aujourd’hui, les Sénégalais prennent l’Autoroute et considèrent que c’est normal. On n’était pas nombreux à parier sur la capacité de s’inscrire à 20-25-30 ans. La dernière autoroute de 92 km qu’on a gagnée, la Route Centre Europe Atlantique (Rcea), est de 48 ans. Si vous donnez une durée plus longue aux concessionnaires, vous n’avez pas besoin de subventions, vous payez moins cher », poursuit M. Dorbec qui précise que « la relation dans la durée est très compliquée ». « Mais on s’entend bien avec les autorités concédantes », précise Christian Cassayre de la Fondation Eiffage qui rappelle que la compagnie est présente au Sénégal depuis plus de 90 ans. «Le principal risque de la concession est la stabilité politique. Mais on pense être légitime au Sénégal », poursuit-il.
Alioune Badiane Eiffage Sénégal, en service dans ce groupe depuis trois décennies, ne dit pas le contraire. « C’était une première dans le pays. Personne ne savait comment les usagers sénégalais allaient réagir au projet. Le risque trafic était pris par Eiffage car l’État a clairement dit que ce n’était pas son problème », a rappelé le Dga de Eiffage plus enclin à parler de cette affaire. « Aujourd’hui, il y a Diamniadio qui n’était pas prévu. C’est une opportunité dont il faut tenir compte. De ce fait, on a ouvert l’échangeur du Cicad sans péage », renseigne-til. « Une bretelle est prévue pour ceux qui veulent quitter le Cicad et se rendre à l’aéroport de Diass. Nous avons un projet d’avenant. Nous nous sommes mis d’accord en début d’année 2018 avec l’Apix sur un avenant au contrat pour la réalisation de cette bretelle et d’autres aménagements. Nous attendons que l’Apix transmette le projet d’avenant au Ministère des Finances pour valider », explique Loïc Dorbec. Eiffage, ce n’est pas que la gestion du péage. Le géant français s’occupe aussi de la pose de la canalisation de KMS 3. Il s’agit d’un projet de sept lots dont Eiffage Sénégal et Génie civil sont adjudicataires du lot 2. « L’objectif premier est certes d’alimenter Dakar, mais à terme, c’est aussi d’alimenter une partie des villes situées à côté de ces canalisations, le long du tracé. Un projet de 22,2 milliards hors taxes. Les travaux ont démarré en avril 2018 et la pose complète des 38 km devrait avoir lieu à la fin de ce mois de novembre », explique pour sa part Alain Poloni d’Eiffage-Afrique. Tout indique que la compagnie devrait avoir fini en avril 2020, la date butoir, contrairement aux concessionnaires des autres lots confrontés à une problématique de libération d’emprise.
EIFFAGE DANS LE GAZ A GRAND TORTUE AHMEYIM
Présent dans les infrastructures, dans l’exploitation du péage, Eiffage n’entend pas rater le tournant historique du Sénégal qui devient un pays pétrolier et gazier avec les énormes gisements de gaz découverts au large de nos côtes. En effet, l’entreprise française va s’occuper des caissons qui serviront à la construction du brise-lames du terminal Gnl (gaz naturel liquéfié) offshore pour le major britannique Bp au niveau du projet gazier Grand Tortue Ahmeyim (Gta). Un chantier qui devrait générer des centaines d’emplois. « Le chantier est presque terminé. Pour en donner une idée, on va créer 600 emplois en pointe à Dakar, et à peu près la même chose en Mauritanie. Ce qui est le plus important. On va commencer la production en janvier 2020. On compte mettre une quarantaine de jours pour la confection du premier caisson. Après, ce sera un process industriel et on va aller un peu plus vite. Une dizaine de jours pour produire chaque caisson », a martelé avec assurance le directeur du développement d’Eiffage Génie Civil Marine, Alexis Replumaz. La digue brise-lames est censée protéger les installations du major britannique, notamment les navires qui devront stocker et transporter le gaz. « On va être à Saint-Louis à 10 km des côtes. Il fallait concevoir un ouvrage qui soit capable de protéger les deux bateaux quand ils sont en accostage », fait savoir le directeur du Développement d’Eiffage. « Dans un premier temps, certains caissons seront en attente de pose car on a une fenêtre de temps assez réduite compte tenu des conditions assez sévères en Atlantique. On aura la possibilité d’avoir jusqu’à sept caissons en attente. Après, on pourra avoir la possibilité si les conditions le permettent. On va élargir la ceinture et avoir deux fronts de travail parallèles. Ces opérations de pose seront impressionnantes. La digue de protection sera sur la frontière entre les deux pays », a ajouté M. Replumaz. Le groupe, qui a inclus les préoccupations relatives au développement durable dans ses stratégies de développement, avance également que ces 21 caissons quadrilobés qui doivent couvrir une zone marine de 1 km 150 est un « ouvrage qui, en termes de béton, fait économiser 40% ». Deux millions de tonnes et demi de matériaux de carrière sont requis pour créer la digue sousmarine sur laquelle reposeront les caissons béton (54m de long, 28 de large, 32 de hauteur et un poids de 16 mille tonnes) qui seront produits, transportés et chargés à partir de la Mauritanie. C’est d’ailleurs l’un des moyens que le groupe français a trouvé pour se conformer aux exigences du contenu local dans son schéma d’exécution : le yard de construction des caissons au Port autonome de Dakar, et la production des matériaux de construction en Mauritanie. « Côté mauritanien, on a trouvé des carrières, on a commencé à s’installer. On va commencer à produire le mois prochain. Au Sénégal, on s’est établi au Pad et fait les « Réclamations », c’est-àdire faire intervenir un dragueur pour créer de la terre là où il n’y en avait pas pour avoir 12 hectares », a fait savoir Alexis Replumaz.
«LE VIOL ET LA PEDOPHILIE SERONT ENTIEREMENT CRIMINALISES DANS LA DERNIERE VERSION»
En 2019, ce sont 14 femmes qui ont été tuées suite à un viol et 3 femmes sont des mineures, les deux étaient en état de grossesse », s’émeut Fatou Ndiaye Dème.
Mame Diarra DiEnG et Abou Sy |
Publication 28/12/2019
En partenariat avec le ministère de la Justice, le Collectif des femmes parlementaires a organisé hier un atelier pour cerner les innovations du projet de loi criminalisant le viol et la pédophilie.
Suite aux évènements malheureux de mai 2019 caractérisés par les meurtres de Coumba Yade et Bineta Camara et la vaste mobilisation des acteurs de défense des droits de la femme, le président de la République avait annoncé, le 3 juin, l’introduction d’un projet de loi portant criminalisation du viol et de la pédophilie. Un texte qui serait très prochainement soumis à l’Assemblée nationale. C’est pour s’imprégner des grandes lignes de ce texte que les femmes parlementaires et le ministère de la Justice ont organisé hier un atelier sur la criminalisation du viol et de la pédophilie. Occasion saisie par le garde des Sceaux, ministre de la Justice, Me Malick Sall, pour soutenir que le viol et la pédophilie seront entièrement criminalisés dans la dernière version du projet de loi. « Les femmes pourront faire des propositions pour modifier en mieux le contenu du texte. Après cela, elles porteront cette loi parce que ce texte deviendra une loi à partir de lundi prochain.
Les femmes parlementaires sont les mieux indiquées, étant les victimes premières pour porter effectivement cette loi, pour la vulgariser, non seulement au niveau national mais également, au niveau international pour qu’elle puisse servir d’exemple en Afrique et partout dans le monde », affirme le garde des Sceaux qui précise que l’initiative gouvernementale a prévu de renforcer les sanctions. « Dans le cadre de ce projet de loi, il est prévu de criminaliser le viol et la pédophilie. Cela signifie que certains auteurs d’actes particulièrement horribles pourraient être condamnés à perpétuité. Cela signifie qu’ils resteront en prison toute leur vie dans une cellule de prison », dit-il avant d’ajouter : « Quand on définit ou qu’on propose une loi, on espère surtout qu’elle soit dissuasive mais également qu’elle soit appliquée dans toute sa rigueur dans le cas où les gens ne seraient pas sensibles à la dissuasion et passeraient à l’acte. »
DIOR FALL SOW, PRESIDENTE D’HONNEUR DE L’AJS «NOS PREOCCUPATIONS ONT ETES PRISES EN COMPTE»
Les femmes juristes ont affiché leur satisfaction hier à l’annonce faite par le ministre de la Justice de criminaliser le viol et la pédophilie. « Nous avons été associées à plusieurs réunions sur ce projet de loi portant criminalisation du viol et de la pédophilie. Je peux dire aujourd’hui qu’après la pluie, c’est le beau temps. Cela veut dire que nos préoccupations ont effectivement été prises en compte. A l’heure actuelle, il y a effectivement dans le projet de loi une criminalisation du viol et de la pédophilie ; maintenant, reste à voir quelques modifications ou amendements que l’on pourrait apporter à ce projet de loi pour qu’une lecture beaucoup plus facile et beaucoup plus cohérente puisse se faire au niveau de l’Assemblée nationale », a soutenu Dior Fall Sow, présidente d’honneur de l’Association des Juristes du Sénégal (Ajs).
LE VIOL EN CHIFFRE
La directrice de la Famille, Fatou Ndiaye Dème, est revenue sur les chiffres effrayants du viol sur les 3 dernières années. «Selon l’Ajs, sur les 6 289 cas de violence en 2018, les 1 321 portent sur des cas de viol. Et dans la période 2017-2018, 565 dossiers sont liés aux infractions sexuelles. Le Comité de lutte révèle que rien qu’entre 2017- 2018, ce sont 706 femmes et filles qui ont été victimes de viol au Sénégal. Pire, il souligne que la plupart des viols sont suivis de meurtres. En 2019, ce sont 14 femmes qui ont été tuées suite à un viol et 3 femmes sont des mineures, les deux étaient en état de grossesse », s’émeut Fatou Ndiaye Dème.
Par Haoua Moussa Dan Malam
L’ECO, UNE REFORME DU FCFA TOUJOURS AU BENEFICE DES MULTINATIONALES ETRANGERES
L’ECO est appelé à remplacer le CFA en juin 2020. Dans la vision légitime des Africains, cela doit pouvoir conduire à une émancipation économique de l’Afrique, comme pendant attendu de longue date de l’indépendance politique conquise dans les années 1960.
L’ECO est appelé à remplacer le CFA en juin 2020. Dans la vision légitime des Africains, cela doit pouvoir conduire à une émancipation économique de l’Afrique, comme pendant attendu de longue date de l’indépendance politique conquise dans les années 1960. Mais la concrétisation du rêve des panafricanistes partisans de l’abandon du franc CFA, à travers l’adoption de la future monnaie unique ouest-africaine, fait face à de nombreux obstacles et manœuvres de l’ancien colonisateur. Ce qui nous amène à nous demander qu’est-ce que l’Eco ? Est-il une sortie de la Françafrique ou un subterfuge pour annihiler la contestation du CFA ? En quoi va-t-elle consister? Dans quelles mesures va-t-elle être économiquement viable pour permettre enfin l’indépendance vis-à-vis des multinationales étrangères? Répondre à ces questions amène à revisiter l’histoire de la monétarisation en Afrique et à se positionner sur la réforme économique en cours, afin de faire des propositions constructives. Dans cette optique, l’ossature du présent article s’articuler en cinq partie : la première évoquera le contexte de la création du CFA, la seconde, celui de l’Eco, la troisième partie traitera de la politique monétaire de la CEDEAO dans l’optique de l’ECO ; la quatrième partie portera sur les critiques de l’Eco et enfin la cinquième partie s’appesantira sur les perspectives de l’Eco.
LE CONTEXTE DE LA CREATION DU CFA
Après la lutte pour les indépendances de 1960, les Leaders Panafricanistes ont procédé à la création de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) en 1963, comme outil d’intégration politique et économique à l’échelle du Continent. Deux idéologies antagonistes ont caractérisé le modèle de l’Unité Africaine, d’une part le groupe de Monrovia ( du 08 au 12 Mai 1961) sous le leadership du Président ivoirien Felix Houphouët-Boigny qui prônait le panafricanisme minimaliste basé sur l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation et la non-ingérence dans les affaires des pays membres (nationalistes). D’autre par le groupe de Casablanca (du 03 au 7 janvier 1961), conduit par le Président ghanéen Kwame Nkrumah, qui prônait les États-Unis d’Afrique à travers le fédéralisme[1].
Ainsi, l’OUA visait un double objectif, d’une part la décolonisation totale du Continent et d’autre part le développement économique de l’Afrique à travers son intégration. Le premier objectif fut atteint avant les années 70, tandis que le second étant un processus devait d’abord passé par plusieurs étapes. La nécessité impérieuse d’encourager, de stimuler et d’accélérer le processus de développement économique et social des États membres en vue d’améliorer les conditions de vie des populations, a conduit, le 28 Mai 1975, les Chefs d’États et de gouvernements de l’Afrique de l’Ouest à signer un accord multilatéral à Lagos (Nigeria), instituant la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)[2]. Mais la récession économique mondiale des années 80 viendra bouleverser les plans de la CEDEAO à travers les programmes d’ajustement structurel imposés le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale à ses États.
Certains Chefs d’États se sont montrés très critiques envers l’OUA à cause de son incapacité à protéger les pays africains de la crise économique et des crises socio-politiques. Partant des principes et objectifs énoncés par la Charte de l’Organisation de l’Unité Africaine, diverses résolutions et déclarations ont été adoptées à Alger et à Addis-Abeba (Algérie 1968 et Éthiopie 1970, 1973), pour réitérer leur engagement de développer toutes les ressources humaines et naturelles du Continent. Ainsi, l’intégration économique est une condition essentielle pour la réalisation de leurs objectifs.
C’est dans ce cadre que le 03 juin 1991, un traité instituant la Communauté Économique Africaine fut signé et l’Afrique devient désormais le premier Continent à regrouper l’ensemble de ses États en une zone économique composée de huit (8) communautés économiques régionales (CERs), comme pilier de l’intégration économique, géographiquement réparties[3] : l’Union du Maghreb Arabe (UMA), la Communauté de Développement de l’Afrique Australe (SADC), la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE), la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC), la Communauté des États Sahélo Sahariens (CEN-SAD), l’Autorité Intergouvernementale sur le Développement (IGAD) et le Marché Commun de l’Afrique Orientale et Australe (COMESA). Malgré toutes ces réformes de l’OUA, l’institution panafricaine peine à assurer son rôle, en ce sens qu’au lieu d’unifier l’Afrique, les disparités politique, économique et sociale ne font que s’amplifier. Ce qui a conduit inéluctablement à sa dissolution le 9 juillet 2002 (en application de la déclaration de Syrte du 09 Septembre 1999[4]) et aboutit à la création de l’Union Africaine (UA) le même jour[5].
Tout au long de son existence, l’OUA a essayé la première idéologie mais s’est fourvoyée avec. Ce qui a été un cuisant échec et conduit à sa dissolution en 2002. Depuis sa création, l’UA est dans la mise en œuvre laborieuse de l’intégration régionale en Afrique. Sa réalisation serait la forme la plus aboutie du fédéralisme. En effet, selon Béla Balassa, l’un des grands théoriciens ayant schématisé le modèle d’intégration régionale européenne, l’intégration régionale consiste en un mouvement de rapprochement économique, politique et/ou social qui engage plusieurs pays au sein d’un espace donné[6].
Ainsi, pour lui, l’intégration régionale a six (6) niveaux :
1)la Zone de Libre-Échange (élimination des droits de douane et des restrictions quantitatives à l’importation);
2) l’Union Douanière (zone de libre-échange avec une politique commerciale commune et tarif extérieur commun);
3) le Marché Commun (union douanière avec libéralisation des facteurs de production);
4) l’Union Économique (marché commun assorti d’une harmonisation des politiques économiques) ; 5) l’Union Monétaire (union économique avec monnaie ainsi que politique monétaire commune) et 6) l’Union Politique (ultime étape avec cession de souveraineté des États en matière de politiques économiques, sociales, etc.).
Cependant, on constate que la CEDEAO est en avance sur les autres zones en matière d’intégration et qu’à l’heure actuelle, elle se trouve être à l’avant dernière étape avant l’intégration globale ou politique de sa région. L’union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) dans l’espace CEDEAO ne couvre que 8 pays (à savoir : le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo) qui utilisent officiellement le Franc de la Communauté Financière Africaine (FCFA), qui est une monnaie commune héritée de la colonisation française en Afrique de l’Ouest[7].
Toutefois, le FCFA est géré par la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) de 1945 à nos jours mais la Banque de France est le deuxième acteur de ce système monétaire. Le franc CFA est arrimé à l’euro selon une parité fixe garantie par la France. En contrepartie, les pays de la zone franc ont l’obligation de déposer 50 % de leurs réserves de change au Trésor français sur un compte rémunéré. Tous les ans, la Banque de France reverse les intérêts obligataires de leurs réserves aux pays africains. C’est aussi en France que sont imprimés les billets de francs CFA[8].
Le système garantit aux pays africains concernés la possibilité de convertir le franc dans n’importe quelle autre devise ainsi que la stabilité de la monnaie. Comme le franc CFA est indexé sur l’euro, de brusques dévaluations ne sont pas possibles. De plus, le système permet des transferts de capitaux à l’intérieur de la zone monétaire libres et gratuits[9].
Perçu comme l’un des vestiges de la Françafrique, le FCFA suscite depuis quelques années des vagues de protestations qui appellent à un détachement catégorique de la monnaie africaine du trésor français pour une nouvelle monnaie qui sera indépendante et propre aux pays d’Afrique de l’Ouest. Le mot dévaluation est longtemps resté tabou. Mais, en 1994, Paris va imposer de façon unilatérale, sous la pression conjointe du FMI et de la Banque Mondiale, une dévaluation du FCFA qui lui a fait perdre la moitié de sa valeur).
Quant à la question de l’avenir de la zone franc, elle n’était abordée que dans les cercles restreints des économistes africains et des africanistes parisiens. Mais ces dernières années, les opinions ouest-africaines ont changé la donne, en même temps que la CEDEAO relançait son vieux projet monétaire datant des années 1980.[10] Car ce qui n’était qu’une perspective lointaine est devenu une actualité brûlante en fin 2017, lors du sommet de la CEDEAO à Abuja. Le communiqué final du sommet précise ceci : « les chefs d’État et de gouvernement ont réitéré leur ferme volonté à œuvrer à l’atteinte des objectifs des Pères fondateurs de la CEDEAO de doter la région d’une union monétaire en vue d’accélérer la construction d’un espace de prospérité et de solidarité.
À cet égard, ils ont exhorté les États membres à prendre les mesures nécessaires pour le respect des principaux critères de convergence nécessaire à la mise en place d’une union monétaire viable et crédible. » La task force mise en place pour définir les mécanismes et les modalités de cette future monnaie est priée d’accélérer la cadence, ce qu’elle fait depuis lors, jusqu’à l’adoption début juillet 2019, du nom de la monnaie. Ce sera l’«ECO» la nouvelle monnaie de la CEDEAO avec un taux de change qui sera flexible [11].
Étant donné que la monnaie est un instrument essentiel de l’union monétaire que les États dotent à leur communauté pour atteindre les objectifs de l’intégration régionale, une union monétaire doit remplir un certain nombre de critères pour être viable.
CONTEXTE HISTORIQUE DE L’ECO
Avant de se lancer dans l’analyse de la reforme autour du Franc CFA, il est important de s’imprégner de son contexte historique et de ses évolutions progressives depuis sa création, en 1945. Nous dressons ici une brève historique de cette monnaie.
En effet, le Franc CFA est né de deux nécessités économiques, celle de contrôler le flux de capitaux circulant dans l’empire colonial français, et celle de “rationaliser” l’émission de monnaie dans les colonies françaises, qui a été progressivement confiée à des instituts d’émission privés et locaux voire laissée en jachère pendant la première moitié du XXème siècle et que les deux guerres ont fortement opacifiée.
En signant les accords de Bretton Woods le 26 décembre 1945, la France instaure le Franc des Colonies Françaises d’Afrique comme seule et unique monnaie légale des colonies en effectuant sa première déclaration de parité fixe (1 Franc CFA = 1.7 Francs Français) et restaure du même coup son autorité monétaire (via la Caisse Centrale de la France d’Outre-Mer)[12]. Entre 1980-1990, de grandes réformes de l’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA) sont effectuées.
D’une part un élargissement géographique (avec la réintégration du Mali en 1984, l’inclusion de la Guinée Équatoriale en 1985, et celle de la Guinée-Bissau en 1997) et d’autre part, la dévaluation du FCFA de moitié en 1994. L’UMOA est reformée et affiche désormais des objectifs de coopération économique et de développement et devient l’UEMOA (Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine). En 1999 lors de la création de l’Union Européenne et avec le passage systématique à l’Euro, la France place la nouvelle parité fixe à 656 Francs CFA pour 1 Euro.
Dans cette nouvelle réforme, la limitation de l’inflation annuelle est de 3 %, la dette publique à 70 % du P.I.B dans le seul but d’homogénéiser la richesse produite dans la zone Franc. Assez paradoxalement, c’est dans la même période de rapprochement institutionnel et économique que les contestations se concentrent. Celles-ci atteignent un pic en 2015, lorsque deux hauts responsables politiques d’États africains critiquent ouvertement le Franc CFA et ses institutions jugées dépassées : Kako Nubukpo, alors ministre togolais chargé de la prospective et de l’évaluation des politiques publiques, et le Président tchadien Idriss Déby[13].
Les grognes sociales ne font que monter. Il a fallu fin 2017, lors du sommet de la CEDEAO à Abuja pour que les Chefs d’État et de gouvernement de l’Afrique de l’Ouest prennent leur destin en main en initiant une réforme pour le passage à l’échelle de l’UEMOA et du FCFA (L’ECO a été adopté comme le nom de la monnaie unique de la CEDEAO).
L'Eco vient de ECOWAS qui signifie: Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest CEDEAO. En Anglais, ça donne, Economic Community of African Startes (ECOWAS), on prend ECO et on laisse WAS ». Eco a devancé au choix, deux autres propositions Afri et Kola, sur l’ensemble des 13 propositions qui ont été présentées aux ministres. Son choix reposait sur les critères préalablement définis lors de l’appel à projet, lancé il y a plusieurs mois : l’identité de la CEDEAO (40%), la signification (25%), la facilité de prononciation (20%) et la créativité (15%)[14].
Sa mise en place est prévue en 2020 en remplacement du franc CFA (UEMOA) dans les huit États membres de l'Union économique et monétaire ouest-africaine. Elle devrait aboutir à la fusion de deux zones monétaires actuelles, la Zone monétaire ouest africaine, initiatrice du projet et utilisatrice de monnaies nationales, et l'Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine, utilisatrice d'un des deux francs CFA et qui a rejoint la démarche en 2013. Ce projet est concurrencé par celui de l'extension du Franc CFA (UEMOA) au Nigeria et à toute la région, franc CFA qui deviendrait donc une monnaie commune et stable pour l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest[15]. Selon certains analystes, la création d’une monnaie unique apparaît comme prématurée et aurait des conséquences incertaines. «Ce serait se lancer dans le vide »[16].
De son côté, Abdourahmane Sarr, ancien expert monétaire au FMI (Fonds Monétaire International), estime qu’il « s’agit d’un choix politique » avec « les conséquences à subir par les générations futures[17] ». Les experts sont divisés sur l'impact que cela aurait sur l'économie de la région, en particulier dans les huit États membres qui utilisent le franc CFA.
LA REFORME DU CFA CONDUITE PAR L’UEMOA
L’UEMOA s’est donnée comme échéance la date du 1er juillet 2020 pour l’entrée en vigueur de l’Eco. Elle sera une monnaie flexible adossée à l’Euro et arrimée à un panier de devises. En effet, le 21 Décembre 2019, le Président en exercice de l’UEMOA, SEM Alassane Ouattara a annoncé que la réforme du FCFA concernera que trois changements majeur, à savoir :
· Le Changement de nom (du FCFA à ECO). En juillet 2020, le FCFA deviendra ECO, qui est le nom choisi pour la future monnaie unique des 15 pays de la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO).
· L’arrêt de la centralisation de 50% des réserves des pays concernés au Trésor français. Deuxième point majeur de la réforme, la Banque Centrale des États d'Afrique de l'Ouest (BCEAO) ne devra plus déposer la moitié de ses réserves de change auprès de la Banque de France, une obligation qui était perçue comme une dépendance humiliante vis-à-vis de la France par les détracteurs du FCFA. La BCEAO "n’aura à l’avenir plus d’obligation particulière concernant le placement de ses réserves de change". "Elle sera libre de placer ses avoirs dans les actifs de son choix", selon la présidence française[18].
· Le retrait de la France des instances de gouvernance dans lesquelles elle était présente. La France ne nommera plus aucun représentant au Conseil d’administration et au Comité de politique monétaire de la BCEAO, ni à la Commission bancaire de l’UMOA, a expliqué l'Élysée [19].
On constate que la parité restera fixe entre l’Eco et l’Euro, comme cela a été le cas avec le FCFA (1 euro = 655,96 francs CFA). Il s'agit d'éviter les risques d'inflation (présente dans d'autres pays d'Afrique) a expliqué le président ivoirien Alassane Ouattara. Certains Ces économistes plaident pour la fin de la parité fixe avec l'euro et l'indexation sur un panier des principales devises mondiales, le dollar, l'euro et le yuan chinois, correspondant aux principaux partenaires économiques de l'Afrique. On note également que la France conservera son rôle de garant financier pour les huit pays de l'UEMOA.
Selon le Président Macron, si la BCEAO fait face à un manque de disponibilités pour couvrir ses engagements en devises, elle pourra se procurer les euros nécessaires auprès de la France. Cette garantie prendra la forme d'une ligne de crédit. « Cette garantie évitera la spéculation et la fuite des capitaux », a justifié Alassane Ouattara.
CRITIQUES DE L’ECO.
De la parité fixe de l’ECO La parité d’une monnaie ou taux de change est le coût(autrement dit le prix) de cette devise par rapport à une autre. Le taux d’échange est fixe lorsqu’il est constant par rapport à une monnaie de référence (à l’Euro pour le cas du FCFA/Eco), par décision de l’État qui émet cette monnaie (France), quel qu’en soit l’état réel de l’économie. On ne peut pas avoir quelque chose qui est fixe dans un monde qui bouge.
En effet, l’UEMOA à travers son Président en exercice Monsieur Alassane Ouattara vient d’avorter l’ECO avant sa création. Si les populations ont tant dénoncé le FCFA, il faudrait connaître les éléments qui constituent leurs revendications. Nous constatons à ce niveau que le problème du FCFA se situe d’abord au niveau de la parité fixe. L’un des arguments défendus par la France est le fait que la fixité permet d'éviter les risques d'inflation (présente dans d'autres pays d'Afrique)[20]. Cette parité fixe est pourtant l'une des caractéristiques du FCFA les plus critiquées par des économistes africains, selon lesquels l'arrimage à l'euro, monnaie forte, pose problème pour les économies de la région, beaucoup moins compétitives, qui ont besoin de donner la priorité à la croissance économique et à l'emploi plutôt que de lutter contre l'inflation.
L’ECO va certainement profiter plus aux multinationales françaises si la réforme de l’UEMOA ne s’arrête qu’au niveau des trois points cités plus haut. En effet, selon le rapport de l’Enquête filiales DREE de 2002, il y’a 1260 filiales d’entreprises françaises implantées en Afrique Subsaharienne, soit 731 implantées en zone franc[21]. Parce que celles-ci sont dans un océan tranquille, sans aucune contrainte, chaque année, elles peuvent faire leur planification parce qu'elles savent que la valeur de cette monnaie ne changera pas. Les multinationales savent qu'elles vont gagner tant qu'elles rapatrient leurs capitaux sans qu'il n'y ait de perturbation dans leur bilan.
Par ailleurs, elles ne sont pas dans l'obligation d'investir localement pour relever le niveau l’économie de la région puisque la monnaie utilisée n'a aucun problème et restera fixe quel qu’en soit les crises économiques auxquels l’espace CEDEAO serait confronté. Cela représente un réel problème pour l'économie des pays qui utilisent une monnaie fixe. C’est en ce sens que cette situation bénéficie plus aux entreprises étrangères qui sont mieux structurées et qui ont plus de capitaux que les entreprises locales. Ce qui permet bien évidemment à ces entreprises de tirer pleinement profit parce qu'elles sont dans un océan tranquille et que leur bénéfice tel qu'il est calculé sera réalisé sans aucun problème.
DE LA PARITE SEMI-FLEXIBLE
Une Parité est semi-flexible ou flottante lorsqu’elle est déterminée à chaque transaction par l’équilibre entre l’offre et la demande sur les marchés des changes. En ce sens que, si la demande dépasse l’offre, le cours augmente (sa valeur augmente). Une monnaie doit produire un effet yo-yo. C'est-à-dire qui monte et descend en fonction de l’offre et de la demande. Par exemple, lorsqu’on observe de près la monnaie nigériane (le Naira), qui perd et gagne de la valeur en fonction du marché, on constate que l’économie nigériane est très dynamique et est en bonne santé. La semi-flexibilité force les entreprises étrangères qui sont installées dans l’espace monétaire en question à respecter les standards du marché et les oblige à réinvestir une partie de leurs bénéfices dans le développement local pour que la monnaie ne puisse pas connaître une chute (une dépréciation). Mais à partir du moment où vous avez une monnaie qui est fixe, les multinationales ne prendront pas de risques comme elles engrangent le maximum de bénéfices (même en détériorant l’économie avec des mauvaises pratiques commerciales) malgré la crise économique. En effet, les accords de libéralisation permettent de transférer les bénéfices (capitaux) vers leurs pays d'origine (Europe, Amérique et Asie) sans aucune redevabilité envers la zone économique
PERSPECTIVES POUR L’ECO
Pour remédier à cette situation qui a trop perduré et qui retarde en grande partie, l'amorce du développement de la CEDEAO, la première solution serait de rendre la monnaie semi flexible à l'image de l'économie et ensuite multiplier les comptes de réserve. La monnaie est l’un des principaux indicateurs d’appréciation d’une économie. En effet le CFA qui va bientôt devenir Eco, a la même valeur partout dans l’espace UEMOA ce, même dans les pays qui ont une croissance économique négative. En effet, sur les seize (16) États composant la CEDEAO seuls six (6) pays (Cote d’Ivoire, Sénégal, Burkina Faso, Ghana, Bénin et Guinée) ont une perspective de croissance économique en 2019. Celle-ci doit être analysée en prenant en compte le poids économique du Nigéria qui représente environ 70% du PIB régional et tire le bilan vers le bas à cause de la baisse significative des revenus pétrolier[22]. Parce qu'il se trouve que le CFA est fixe et masque la performance des États Membres. Alors que la monnaie reflète la dynamique de l'économie d'un pays. Donc si on adopte une monnaie commune dans une zone de libre-échange, il faudrait la laisser flottante dans un intervalle semi-flexible. Par exemple la maintenir entre 500 et 700, et à partir de ce moment, elle ne doit pas fléchir en deçà de 500 ni monter au-delà de 700. Cela va nous permettre de rendre nos produits compétitifs et à ce moment les entreprises étrangères qui sont en train de maximiser leurs bénéfices sans grands efforts, se mettront dans la marche du développement local et s'occuperont de l'économie locale en réinvestissant pour que la monnaie ne puisse pas connaitre une dépréciation. C’est ce qu'il faut adresser lorsqu'on se met dans une démarche d'adoption d'une nouvelle monnaie.
En effet, la seconde perspective que nous proposons serait la multiplication des comptes de réserves en devises étrangères, principalement auprès des pays avec lesquels la CEDEAO échange le plus. Pour être plus explicite par rapport au compte de réserve en devise, cela veut dire que nous devons avoir par exemple auprès de la Chine un compte de réserve en yen, un compte de réserve en dollars américains aux États Unis, auprès de l'Europe et de ses pays membres, un compte de réserve en euros, et ainsi de suite avec les autres partenaires. Cela permettra de réduire les pertes de change en devise lorsque les États membre de la CEDEAO voudront effectuer des transactions. Comme ces derniers importent plus des pays hors Afrique, en ce qui concerne la nourriture, les médicaments, les matériaux de constructions, etc., cela est plus rentable. Les pays de la zone CEDEAO pourront directement acheter chez leurs partenaires étrangers sans pour autant subir les pertes en termes de conversion de devise de l’Eco à l’euro, au dollar, au Yen...
Pour démontrer l'ampleur des échanges et les pertes que les États africains accourent, il faut observer les statistiques de l'Organisation Mondiale du Commerce. En effet, les échanges intra-africains ne représentent que 8,7% tandis que les échanges commerciaux globaux qui concernent le niveau global des pays africains avec le reste du monde est à plus de 90%[23].
CONCLUSION
L’union monétaire constitue l’un des plus audacieux paris économiques et politiques de la CEDEAO. Pourtant, plusieurs obstacles entravent sa réalisation, dont entre autre le lourd passé colonial des États de l’Afrique de l’Ouest et leurs dépendances maintenues vis-à-vis du système monétaire français qui est le garant du FCFA. En effet, le FCFA est considéré comme un vestige de la colonisation et suscite depuis les années 90 des farouches protestations par les africains qui considèrent qu’il est à la base de leur sous-développement. Cependant, depuis 2017, les États membres de la CEDEAO ont ramené les questions du FCFA comme point important de discussions lors de leurs Sommet.
Par ailleurs, celui de juin 2019 fut décisif en ce qui concerne le projet de l’union monétaire et l’abandon du FCFA. Les Chefs d’états et de gouvernements de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest ont retenu « Eco » comme nom de la monnaie unique, avec 2020 comme année de mise en circulation. Dans ce même élan l’UEMOA, qui est la principale union monétaire de l’Afrique de l’Ouest s’est lancée dans une réforme du FCFA avec trois éléments qui vont concerner son abandon au détriment de l’Eco. De ce point de vue, les principaux effets attendus de la monnaie unique ouest africaine et de l’abandon du FCFA s’inscrivent dans les perspectives de renforcer la coopération régionale, la croissance des échanges inter-régionaux et, partant, la transformation structurelle (développement) à travers l’amélioration des conditions de vie des populations. Sur ce plan, la réforme monétaire engagée par l’UEMOA se base essentiellement sur l’aspect commercial de l’union monétaire et non sur l’aspect économique.
En gardant la même parité fixe, l’Eco héritera des mêmes avantages et inconvénients du FCFA. Ainsi, il ne faut pas reformer le système monétaire juste pour calmer les grognes sociales en occultant les efforts de développement économique à fournir. Il existe de bonnes perspectives à offrir à la nouvelle monnaie de la CEDEAO dans le sens d’une plus grande indépendance monétaire vis-à-vis de la France. Ceci, à travers une réforme monétaire structurelle qui va concerner le développement d’industries compétitives capables de booster l’économie ouest africaine, la multiplication des comptes de réserve afin de réduire les coûts de transactions liés aux différences de monnaie et l’intensification les échanges inter-régionaux. Toutefois, il est important de garder la parité semi-flexible (flottante) en fonction de l’inflation, avec un modèle fédéral de Banque Centrale et des mécanismes incitatifs pour le respect des critères de convergence macro-économique.
Haoua Moussa Dan Malam
Specialist in Governance and Regional Integration
Msc student at Pan-African University
BABACAR DIOP PORTE PLAINTE LA SEMAINE PROCHAINE
Face à la presse, hier, Dr Babacar Diop a raconté tout ce qu’il a vécu derrière les barreaux. A l’en croire, il a subi la violence des gardes pénitentiaires à deux reprises
Fraichement sorti de prison où il a été violenté par des gardes pénitentiaires, Dr Babacar Diop a décidé de porter plainte dès la semaine prochaine. L’opposant qui s’autoproclame aujourd’hui porte-parole des prisonniers appelle vivement à revoir les conditions de vie carcérale.
Face à la presse, hier, Dr Babacar Diop a raconté tout ce qu’il a vécu derrière les barreaux. A l’en croire, il a subi la violence des gardes pénitentiaires à deux reprises. «Arrêtés le vendredi 29 novembre 2019, nous avons été placés sous mandat de dépôt le mercredi 04 décembre 2019. Je suis arrivé à la maison d’arrêt de Rebeuss vers 19 h 30 mn. J’ai été agressé par deux agents de l’administration pénitentiaire qui m’ont accueilli en disant‘’ Ici c’est Rebeuss, toi tu passes ton temps à télé. Tu parles trop. Tu vas voir !’’ », a confié le Secrétaire général des FDS.
Poursuivant, il soutient que le vendredi 20 décembre, vers 10 h 30 mn, il a été agressé de manière «lâche et sauvage» par quatre gardes pénitentiaires dont il connait trois noms parmi les quatre. Avant de regretter le fait que l’administration pénitentiaire ait tenté d’étouffer l’affaire en vain. «J’ai lu le communiqué de presse de l’administration pénitentiaire, et je vous dis clairement que c’est un tissu de mensonges et de contre-vérités. Autrement, pourquoi attendre 5 jours après les évènements pour apporter un démenti ? Également, pourquoi m’ont-ils envoyé à l’infirmerie si je n’étais pas roué de coups et blessé ?
En ce moment où je vous parle, j’ai bien identifié les agresseurs et je tiens à ce que justice soit rendue, pour que de telles pratiques disparaissent à jamais dans ce pays», a expliqué l’universitaire et farouche opposant de Macky Sall. Il affirme d’ailleurs que des personnes témoins des faits sont prêtes à témoigner et qu’une plainte sera déposée par ses avocats dès la semaine prochaine. Par ailleurs, Dr Diop qui se fait porte-parole des prisonniers a fait savoir, hier, qu’il faut lutter pour réformer la justice.
En plus de construire des prisons aux normes pour alléger la souffrance des détenus, il soutient qu’une solution doit être trouvée concernant les mandats de dépôt illimités qui dépassent l’entendement. Il propose ainsi la mise en place d’une commission nationale composée de parlementaires, de membres de la société civile et de magistrats, pour faire une enquête exhaustive sur l’état des prisons au Sénégal. Il révèle d’ailleurs qu’à la Maison d’arrêt de Rebeuss, les prisonniers ne sont pas d’égale dignité. «C’est une société hautement hiérarchisée.
Les bandits qui pillent les ressources du pays et qui fabriquent des faux billets y sont traités avec tous les égards. Ils sont souvent conduits au Pavillon spécial sur la base d’une maladie imaginaire tandis que ceux de situation modeste y purgent leur peine dans les conditions les plus inhumaines du monde », a-t-il déploré en définitive faisant allusion à Seydina Fall Boughazelli pour une affaire de faux monnayage depuis pratiquement un mois.
LA CÔTE D'IVOIRE PRISONNIÈRE DE SES CHEFS
Les accusations de complot portées contre l’opposant Guillaume Soro rappellent que le logiciel politique ivoirien n’a guère évolué depuis vingt ans
Le Monde |
Cyril Bensimon |
Publication 28/12/2019
Triste Côte d’Ivoire. C’était il y a vingt ans tout juste. Le 24 décembre 1999, un « père Noël en treillis » faisait irruption dans la vie des Ivoiriens. Le général Robert Gueï, un officier ayant poussé dans l’ombre du père de la nation, Félix Houphouët-Boigny, venait de chasser du pouvoir Henri Konan Bédié, un autre héritier du « Vieux ». Une mutinerie de soldats mécontents s’était transformée en coup d’Etat. A Abidjan, on dansa le mapouka malgré les trois cents morts du putsch et les pillages. Les leaders de l’opposition d’alors, Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo, exclus des dernières élections, se félicitèrent plus ou moins ouvertement de la chute d’un régime dont la trace principale avait été la promotion de l’ivoirité, une forme de préférence nationale appliquée au contexte si particulier de ce pays.
Vingt ans et une guerre de près d’une décennie plus tard (2002-2011), la Côte d’Ivoire n’en a pas fini avec les complots réels ou supposés, les petites manœuvres en coulisses pour prendre ou conserver le pouvoir et une vie politique confisquée, peu ou prou, par les mêmes personnalités qui ont mené le pays vers l’abîme. A dix mois de la présidentielle d’octobre 2020, les jeux ne sont pas faits mais les cartes à disposition n’ont guère changé, chacune espérant trouver l’association qui lui permettra de remporter la mise.
Fréquentations infréquentables
Dans cette partie où l’expérience a montré que toutes les alliances sont possibles, Guillaume Soro, « le nouveau venu », pensait être le plus habile. N’est-ce pas lui qui fut le premier artisan de la chute de Laurent Gbagbo, lorsque le plus roublard des politiciens de la place utilisait tous les stratagèmes pour conserver son fauteuil présidentiel après l’élection perdue de 2010 ? S’il n’a que 47 ans, l’ancien chef rebelle s’est tracé à la hache un parcours au sein des institutions ivoiriennes : premier ministre de Laurent Gbagbo puis d’Alassane Ouattara, président de l’Assemblée nationale. De quoi vanter dans le même temps l’expérience et la jeunesse lorsque l’on se déclare candidat à la magistrature suprême. Mais voilà, Guillaume Soro ne semble pouvoir s’empêcher d’envisager des coups tordus, de s’entourer de fréquentations infréquentables.
Après la publication d’écoutes téléphoniques en 2015 qui le mettaient en cause dans la tentative de coup d’Etat ratée quelques semaines plus tôt au Burkina Faso, son vrai faux retour à Abidjan, quatre ans plus tard, vendredi 23 décembre, a été l’occasion, pour le pouvoir ivoirien, de sortir un autre enregistrement compromettant. M. Soro y assure auprès de ses interlocuteurs avoir ses hommes « positionnés un peu partout » en vue de profiter d’« une insurrection populaire ». Dans le tourbillon des accusations, Afoussiata Bamba, l’une de ses proches, reconnaît que ces propos ont bien été échangés avec Francis Perez, un patron de salles de jeux en Afrique et « une barbouze »française, mais que la bande a été coupée et remonte à 2017. L’aveu est destiné à prouver que les accusations du pouvoir sont purement opportunistes et n’ont pour seul but que d’« écarter Guillaume Soro de la course à la présidence ». Il renseigne néanmoins les Ivoiriens sur les méthodes que le mis en cause est prêt à employer pour satisfaire son ambition depuis qu’il a compris qu’Alassane Ouattara ne lui offrira pas sa succession.
« S’il y va, j’y vais »
L’affaire ne grandit pas non plus le pouvoir en place. Avant son élection en 2010, Alassane Ouattara avait promis de restaurer l’indépendance de la justice. Le mandat d’arrêt international lancé contre Guillaume Soro pour « complot contre l’autorité de l’Etat » le 23 décembre, les accusations de « détournement de fonds publics » concernant l’achat de la villa qu’il occupait depuis près de dix ans, les incarcérations d’une quinzaine de ses proches, dont des députés, ne peuvent cependant que renforcer le sentiment que le pouvoir judiciaire exécute la volonté du palais. « Qui est fou ? », comme il se dit à Abidjan, pour croire que le procureur de la République n’avait d’autre choix que de lancer ces poursuites. Dans le petit jeu des accusations mutuelles, l’ex-chef de la rébellion a d’ailleurs fait savoir qu’il « ne reconnaît qu’une seule déstabilisation, celle du 19 septembre 2002 pour le compte de l’actuel président de la République, M. Alassane Dramane Ouattara ». Il avait jusqu’ici toujours déclaré le contraire, mais la vérité du moment est la meilleure à entendre et revenir sur sa parole ne semble plus être un motif de disqualification.
Il en va de même pour le président Ouattara qui, à la veille de sa réélection en 2015, avait exclu toute possibilité de briguer un troisième mandat du fait de la révision constitutionnelle qu’il venait de faire adopter. Mais aujourd’hui, « pour empêcher ceux qui ont détruit le pays de revenir au pouvoir » comme le dit une source à la présidence, le chef de l’Etat laisse poindre la possibilité de concourir en 2020. Il aura alors 78 ans. Soit huit ans de moins qu’Henri Konan Bédié, « un jeune comme les autres » selon sa propre appréciation, avec lequel il semble avoir noué un étrange pacte négatif : « S’il y va, j’y vais. »
La candidature du « Sphinx de Daoukro » n’est pas encore formelle mais vingt ans après sa chute, celui-ci n’a jamais fait le deuil du fauteuil que tous ses successeurs se sont montrés « indignes » d’occuper. Dans les instances de son parti, la relève attend depuis longtemps et se prépare à attendre encore. « Nous sommes pris en otages, mais, dans lacommunauté Akan où un chef ne désigne pas son successeur et où la base de notre électorat est communautaire, il est suicidaire de contester Bédié », explique un jeune plus si jeune d’un ancien parti unique, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), où « les cordons de la bourse restent entre les mains du patron ».
Nostalgie amnésique
Dans les rangs du parti de Laurent Gbagbo, le Front populaire ivoirien (FPI), gare également à celui qui ose contester la figure du chef. L’avenir de l’ancien président, aujourd’hui en résidence surveillée à Bruxelles, est jalonné de points d’interrogation : en aura-t-il fini de ses affaires judiciaires devant la Cour pénale internationale (CPI) avant la fin juillet, date limite du dépôt des candidatures ? A-t-il le souhait, la santé, la volonté de se lancer dans une nouvelle bataille électorale ? Une chose est sûre : l’homme continue de faire l’unanimité chez ses partisans et de créer la peur chez ses adversaires. « S’il le peut et s’il le veut, il sera notre candidat naturel », dit Laurent Akoun, le vice-président du FPI, tout en reconnaissant « cette tendance mortifère à l’hyperpersonnalisation de la vie politique ». « Dans la conscience collective, il a développé une sympathie de martyr. Qu’il soit candidat ou pas, il demeure une menace bien plus grande qu’Henri Konan Bédié. Un mot d’ordre de sa part représentera 20 % de l’électorat », se désole un responsable important du parti au pouvoir (RHDP).
Près de neuf ans après son transfert devant la CPI, « la popularité de Laurent Gbagbo reste intacte, même si ses années de pouvoir ont été catastrophiques. Son populisme lui a permis de construire un lien fusionnel avec le peuple », constate le sociologue Francis Akindès. Le souvenir de la brutalité de ses sbires, de l’ultranationalisme brandit comme un étendard au motif que la guerre avait été « imposée de l’extérieur » s’est dissous dans une nostalgie amnésique.
« La société ivoirienne a peur de revivre ce qu’elle a vécu, mais elle n’a pas renouvelé son logiciel politique. Ouattara, Bédié et Gbagbo sont des icônes communautaires. Or nous sommes toujours sur une rhétorique tribale et dans un système “grand-frériste” qui vassalise les jeunes et les empêche d’afficher une ambition. Cependant, il existe désormais une très grande fracture avec la classe dirigeante qui sait qu’elle doit partir, mais ne sait pas trouver les modalités d’un bon départ », analyse M. Akindès, pointant pour preuve de cette désaffection grandissante les moins de 4 % d’inscrits sur les listes électorales parmi les 18-24 ans.
« On est l’un des seuls pays de la région à n’avoir jamais connu de transition démocratique et pacifique, reconnaît piteusement une figure politique ivoirienne. C’est à la fois une frustration pour notre génération et une humiliation pour notre pays. »
L'AFRIQUE TOUJOURS EN QUÊTE DE SON MODÈLE DE DÉVELOPPEMENT
Près de soixante ans après la grande vague des indépendances de 1960, où en est l'Afrique subsaharienne ? Démographie, croissance, pauvreté, inégalités...Le continent reste à la recherche de son modèle de développement
Près de soixante ans après la grande vague des indépendances de 1960, où en est l'Afrique subsaharienne ? Démographie, croissance, pauvreté, inégalités...Le continent reste à la recherche de son modèle de développement, crucial pour répondre aux besoins d'une jeunesse avide d'avenir.
Mais comment mesurer le chemin parcouru?Les experts soulignent la difficulté de décrire avec précision l'évolution d'un continent qui demeure un "désert statistique".
Par exemple, "huit pays africains seulement disposent d'un système d'enregistrement des naissances couvrant au minimum 90% de la population, et trois seulement d'un système d'enregistrement des décès couvrant au minimum 90% de la population", relève la Fondation Mo Ibrahim dans son rapport 2019 sur la gouvernance en Afrique.
Puisés dans les bases de données des grandes institutions internationales, quelques indicateurs, forcément partiels, permettent toutefois d'esquisser un tableau.
UN MILLIARD D'HABITANTS
Portée par les progrès de la médecine, en dépit des épidémies de sida, du paludisme et de la tuberculose, l'espérance de vie en Afrique subsaharienne a progressé de 20 ans ces soixante dernières années, selon la Banque mondiale (BM).Sa population s'est envolée: 227 millions d'habitants en 1960, plus d'un milliard en 2018, le double en 2050, selon les projections.Nigeria, Ethiopie et République démocratique du Congo (RDC) forment le trio de tête.
C'est aussi le continent le plus jeune au monde.En 2015, plus de 60% des Nigériens avaient moins de 20 ans, selon les Nations unies.
Depuis les années 60, "le changement le plus spectaculaire est l'irruption d'une jeunesse désoeuvrée", explique à l'AFP le sociologue camerounais Francis Nyamnjoh."Une population jeune, prête à exploser à tout moment parce qu'elle a faim de libertés politiques, faim d'opportunités économiques et d'accomplissement social".
Une jeunesse en déshérence qui peut constituer une proie facile pour les groupes armés, notamment jihadistes, quand elle ne tente pas une émigration clandestine souvent mortelle, vers l'Europe en particulier.
PAUVRETÉ ET INÉGALITÉS
La part de la population vivant sous le seuil de pauvreté (moins de 1,90 dollar US par jour) est passée de 54,7% de la population en 1990 à 41,4% en 2015, selon les dernières données disponibles de la Banque mondiale.
Mais cette moyenne masque d'énormes écarts d'un pays à l'autre, entre le Gabon (3,4% de la population en 2017) et Madagascar (77,6% en 2012).
"Les inégalités inter-pays sont aussi élevées qu'en Asie et les inégalités intra-pays aussi élevées qu'en Amérique latine, où des paysans sans terre coexistent avec d'énormes propriétaires fonciers", estime l'économiste togolais Kako Nubukpo.
Pour Christophe Cottet, économiste de l'Agence française de développement (AFD), "on mesure très mal les inégalités.Il n'y a notamment aucune donnée sur les inégalités de patrimoine, alors que c'est fondamental en Afrique".
MÉGALOPOLES ET CAMPAGNES
Lagos, Kinshasa...Les dernières décennies ont vu pousser les mégalopoles africaines, souvent ceinturées de bidonvilles d'une pauvreté extrême, mais aussi de très nombreuses villes moyennes.
Plus de 40% des Africains vivent désormais en zone urbaine, contre 14,6% en 1960 (BM).En 1960, seules deux métropoles africaines - Le Caire et Johannesburg - comptaient plus d'un million d'habitants.D'ici 2030, il y en aura une centaine, selon le cabinet McKinsey.Deux fois plus qu'en Amérique latine.
Mais cette urbanisation ne rime pas forcément avec exode rural.
"La part de la population urbaine continue à croître mais ça ne veut pas dire que les campagnes se dépeuplent, c'est l'Afrique entière qui se peuple.Les villes à un rythme un peu plus élevé que les campagnes.Il y a aussi un problème de chômage en ville en Afrique donc les gens n'ont pas tellement intérêt à migrer vers les villes", juge Christophe Cottet.
ECONOMIE : "20 ANS DE PERDUS"
L'économie du continent a connu une phase d'expansion jusqu'au début des années 80, puis une période de crise de deux décennies (crise de la dette, politiques d'ajustements structurels…), avant une "renaissance" dans les années 2000.
En témoigne l'évolution en dents de scie du Produit intérieur brut (PIB) par habitant en dollars constants: 1.112 USD en 1960, 1.531 en 1974, 1.166 en 1994 et 1.657 en 2018 (BM).
Des statistiques à nuancer, car elles "couvrent le secteur enregistré, officiel" et non "l'économie réelle", largement informelle, souligne l'économiste Jean-Joseph Boillot, chercheur associé à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).
"Si on fait le bilan sur 60 ans, il s'est passé quelque chose de grave en Afrique: on a perdu 20 ans. Mais il ne faut pas nier ce qui est en train de se passer maintenant qui est plus positif", observe Christophe Cottet.
"En mettant l'accent sur le court terme au détriment des investissements en matière d'éducation, de santé, de formation, les programmes d'ajustements structurels du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale ont cassé la dynamique de développement", déplore aussi Kako Nubukpo, auteur de "L'urgence africaine, changeons le modèle de croissance".
UN MODÈLE À INVENTER
Faiblement industrialisée, avec un secteur agricole prédominant et une récente émergence du tertiaire, l'Afrique cherche donc encore son modèle de développement.
"On n'est pas sortis du modèle colonial.Au fond, l'Afrique reste productrice et exportatrice de matières premières", du cacao à l'uranium."Et elle importe ses propres matières premières transformées", épingle Kako Nubukpo."C'est patent sur le coton: 97% de la fibre de coton africaine est exportée sans transformation.Or, c'est au moment de la transformation de la matière première que se créent la valeur et les emplois".
Pour Jean-Joseph Boillot, "l'Afrique est encore en phase de recherche d'un modèle économique de développement".
"Il y a très peu de développement d'industries locales.Cela ne peut se faire que par une protection industrielle très forte du continent, mais il est taraudé par les grandes puissances pour continuer le libre-échange.Les Chinois, les Indiens et les Occidentaux veulent pouvoir continuer d'y déverser leurs produits", juge l'auteur de "Chindiafrique, la Chine, l'Inde et l'Afrique feront le monde de demain".
GOUVERNANCE
"Nos responsables politiques doivent faire beaucoup plus pour défendre les intérêts des Africains, pour s'affirmer dans leurs relations au reste du monde", estime Francis Nyamnjoh.
Pour Kako Nubukpo, "l'Afrique ne se développe pas parce qu'elle est prise au piège des rentes et les premiers rentiers, ce sont les dirigeants africains.Il faut promouvoir la démocratie, des élections libres et transparentes pour avoir des dirigeants légitimes qui aient à cœur l'intérêt général, ce qu'on n'a absolument pas".
Parmi les quarante pays jugés les plus corrompus au monde en 2018, 20 étaient en Afrique subsaharienne, selon l'indice de perception de la corruption de Transparency international.