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8 juin 2025
Les belles feuilles de notre littérature par Amadou Elimane Kane
ABDOULAYE SADJI, ALLIANCE PLURIELLE ET RENAISSANCE
EXCLUSIF SENEPLUS - Le roman "Nini mulâtresse du Sénégal" permet de ne pas oublier qu’il faut se méfier des préjugés éhontés, des représentations qui résistent à la modernité, de l’aliénation qui peut saisir à tout moment les êtres
Notre patrimoine littéraire est un espace dense de créativité et de beauté. La littérature est un art qui trouve sa place dans une époque, un contexte historique, un espace culturel, tout en révélant des vérités cachées de la réalité. La littérature est une alchimie entre esthétique et idées. C’est par la littérature que nous construisons notre récit qui s’inscrit dans la mémoire. Ainsi, la littérature africaine existe par sa singularité, son histoire et sa narration particulière. Les belles feuilles de notre littérature ont pour vocation de nous donner rendez-vous avec les créateurs du verbe et de leurs œuvres qui entrent en fusion avec nos talents et nos intelligences.
Nini mulâtresse du Sénégal d’Abdoulaye Sadji est un roman bien singulier dans la littérature sénégalaise.
L’histoire de Nini se déroule à Saint-Louis durant la période coloniale. Rien de mieux pour camper la problématique du métissage et éveiller la mémoire d’une histoire douloureuse. Même si l’interculturalité a beaucoup évolué tout au long des dernières décennies, le questionnement de la double appartenance reste un sujet entièrement d’actualité par ses aspects complexes et irrésolus.
Pour les besoins du récit, les situations décrites dans Nini sont légèrement décalées en raison du contexte colonial de l’époque mais l’ambigüité de l’esprit de l’héroïne est d’une grande justesse et peut parfois se poser encore en ces termes aujourd’hui.
En effet, Nini, jeune femme de vingt deux ans employée de bureau pour une entreprise française, possède un idéal destructeur : celui du monde blanc occidental dont elle se réclame car son apparence physique s’en approche au plus près. Or, elle est une mulâtresse et possède du sang noir pour lequel elle n’a que mépris. Nini veut désespérément appartenir à la race blanche alors que celle-ci la relègue à sa négritude. De l’autre côté du miroir falsifié, les Noirs à la peau « ébène » la raillent à cause de son travestissement.
Nini est comme une apatride car finalement elle n’appartient ni au monde blanc qui la méprise ni à l’univers de ses racines africaines qu’elle cherche par tous les moyens à effacer. Nini est entre deux races, entre deux couleurs, écartelée entre deux cultures, exacerbées dans le récit par l’histoire coloniale.
Pour autant ce type de distinction n’a-t-il plus court aujourd’hui ? Bien sûr et malheureusement oui ! Même si les lois de ségrégation cruelles et dévastatrices ont disparu, la hiérarchisation des races, hélas, existent encore dans la mémoire collective. Les sentiments confus de supériorité de race au sein de la société occidentale, l’ombre de subordination attribuée aux anciens esclaves, coexistent encore, d’une manière parfois inconsciente, comme un passé lourdement enfoui qui peut surgir à tout moment.
En cette période de mutation socioculturelle, des phénomènes de mondialisation, des schémas nouveaux de transculturalité, le métissage est en vedette dans la destinée humaine. Et c’est une excellente chose.
Le roman d’Abdoulaye Sadji permet de ne pas oublier qu’il faut se méfier des préjugés éhontés, des représentations qui résistent à la modernité, de l’aliénation qui peut saisir à tout moment les êtres, de la méfiance qui naît devant la différence alors que le regard ne peut que s’enrichir de la singularité de chacun.
Car c’est là tout le paradoxe, la destinée humaine est universelle mais la personnalité culturelle est à sauvegarder pour s’affirmer dans la connaissance de soi, sans pour autant s’enfermer dans les carcans d’une société qui retracerait d’elle-même des frontières artificielles, inutiles et arbitraires.
Le style du roman d’Abdoulaye Sadji est en cela très éclairant, voire pédagogique. L’auteur ne ménage aucune communauté. Avec une forme directe, il fait apparaître les défauts de chacun, sans les juger pourtant, comme un observateur avisé et attentif aux frémissements de sa société.
La tendresse qu’il éprouve pour son héroïne est évidente. La complexité qu’il construit autour du personnage de Nini est d’une grande pertinence, il porte son regard sur la nature humaine qui rêve, qui s’illusionne et qui lutte avec les armes dont elle dispose.
Le roman d’Abdoulaye Sadji est comme un tableau historique qui raconte des vies qui se cachent derrière le mensonge. Il pourchasse les causes, relate des faits et analyse les conséquences dont on peut encore tirer des leçons.
L’union interraciale ne doit plus être celle de la dépendance de l’un ou de l’autre, pour fuir une communauté, pour échapper à la misère ou pour alimenter le fantasme de la représentation de l’autre de manière erronée.
Le métissage est une communion magique qui doit laisser vivre les belles différences humaines sans renier les fondements des racines socioculturelles et laisser la place à un idéal pluriel pour une civilisation renouvelée.
Amadou Elimane Kane est écrivain, poète.
Nini mulâtresse du Sénégal, Abdoulaye Sadji, Présence Africaine, Paris, 1988.
FOOTBALL, LE CAPITAINE DE L’US OUAKAM DÉCÈDE APRÈS UN MALAISE
Fadiouf Ndiaye, jouer de l’Union Sportive de Ouakam, est décédé samedi 17 mai 2025 après avoir été victime d’un malaise dans les vestiaires, à la mi-temps du match face à OSLO.
Le football sénégalais est frappé par une terrible perte. Fadiouf Ndiaye, capitaine emblématique de l’Union Sportive de Ouakam, est décédé ce samedi 17 mai 2025 à la suite d’un malaise survenu au stade Biram Ly des Parcelles assainies.
Le drame s’est produit en marge de la 24e journée de la Ligue 1 sénégalaise, remporté 2-0 par les « Lébous » devant OSLO. Mais cette victoire, aussi précieuse soit-elle sur le plan comptable — elle permet à l’USO de se hisser à la troisième place du classement avec 37 points, à quatre longueurs du leader Jaraaf (41 points) — restera à jamais entachée par la disparition tragique de son capitaine.
Présent au stade, le journaliste Demba Varore de Dsport, spécialiste de la Ligue 1, revient sur le drame : « Fadiouf a joué l’intégralité de la première période. Il a eu un télescopage durant le match avec un adversaire mais a poursuivi le match jusqu’à la pause. En regagnant les vestiaires, il ne s’est pas arrêté en zone mixte. il a confié qu’il ne se sentait pas bien. Après du haut des tribunes, on a remarqué qu’il n’est pas revenu sur le terrain pour la seconde période, remplacé par Mamadou Sylla. Personne ne doutait de rien sur son état de santé. Un quart d’heure après la reprise, on a vu le médecin de l’US Ouakam, Issa Mboup, monter précipitamment en tribune pour appeler un dirigeant. Lui qui est habituellement très calme semblait gagner par l’émotion…et c’est sûrement pendant ces moments que le drame s’est produit probablement dans le vestiaire», a raconté le journaliste.
Fadiouf Ndiaye aurait été victime d’un malaise dans les vestiaires. Transporté en urgence au centre de santé Abdoul Aziz Sy des Parcelles Assainies, son décès y a été constaté. Depuis l’instauration du professionnalisme en 2008, jamais un joueur n’était décédé ainsi en lien direct avec une rencontre officielle. Selon des sources proches du club ouakamois, Fadiouf Ndiaye ne présentait aucun antécédent cardiaque connu.
Communiqué de la Ligue pro
À l’annonce de la nouvelle, la stupeur a saisi le stade. Les joueurs de l’US Ouakam, qui n’étaient pas informés pendant la rencontre du drame, ont terminé le match. Mais au coup de sifflet final, la nouvelle est tombée. Les scènes de joie attendues ont été remplacées par des cris et des pleurs. La victoire n’avait plus de sens : leur capitaine venait de les quitter à jamais.
La Ligue Sénégalaise de Football Professionnel (LSFP) a publié un communiqué dans la soirée pour officialiser le décès et présenter ses condoléances : « La LSFP a le profond regret d’annoncer le décès de Fadiouf Ndiaye, capitaine de l’Union Sportive de Ouakam, survenu ce jour à la suite d’un malaise. En cette douloureuse circonstance, la Ligue Professionnelle présente ses sincères condoléances à la famille du défunt, au Président Alfred Bathily, ainsi qu’à toute la population de Ouakam. », a déclaré le directeur exécutif de l’instance.
En signe de deuil et de solidarité, les matchs initialement prévus dimanche et lundi ont été reportés aux mardi 20, mercredi 21 et jeudi 22 mai par la LSFP. Une nouvelle programmation sera communiquée dans les meilleurs délais. Fadiouf Ndiaye laisse derrière lui le souvenir d’un joueur engagé, d’un leader respecté et d’un homme profondément attaché à son club.
Que la terre lui soit légère.
MOUSTAPHA DIAKHATÉ, LE LION QUI FAIT TREMBLER LA CAGE
Quatre combats, quatre victoires, quatre TKO. En moins d’un an, Diakhaté s’est imposé comme l’un des combattants les plus redoutables de la scène européenne.
Quatre combats, quatre victoires, quatre TKO. En moins d’un an, Moustapha Diakhaté s’est imposé comme l’un des combattants les plus redoutables de la scène européenne. À seulement 25 ans, ce pur produit du Sénégal est en train de se faire un nom dans la cage, coup de poing après coup de poing.
Un début de carrière sans pitié
Chaque fois qu’il entre dans la cage, c’est un carnage maîtrisé. Jordan Nandor, sa dernière victime, a été stoppée net au Ares FC 30, ce vendredi à Paris. Une démonstration de puissance qui porte son bilan à 4 TKO en 4 sorties professionnelles.
Il ne laisse aucune chance à ses adversaires. Ses combats sont courts, brutaux, et toujours spectaculaires. Diakhaté ne combat pas : il impose sa loi.
Des rues de Dakar à la cage d’Ares
Né au Sénégal, il a appris à se battre dans la rue bien avant de mettre un pied dans une salle. Son premier coach ? Sa tante. Une femme qui a vu en lui une énergie à canaliser, un instinct à affûter.
Ce sont ses racines, sa lutte, sa terre, qui forgent aujourd’hui ce monstre de concentration et de puissance. Installé en Belgique au sein du Team Valon, il s’est entouré des meilleurs pour travailler sa technique, sa défense, et devenir un combattant complet et dangereux.
Un style explosif
Ce qui impressionne chez lui, ce n’est pas seulement la victoire. C’est comment il l’obtient. Il frappe vite, fort, juste. Il prend l’espace, impose le rythme, et termine le combat avant même que son adversaire n’entre dans le sien.
C’est ce style agressif, tranchant, sans bavure, qui commence à faire trembler les futurs adversaires et attirer les regards des plus grandes organisations.
L’UFC en ligne de mire
L’objectif est clair : intégrer l’UFC, la ligue reine, et porter haut les couleurs du Sénégal dans la cage la plus médiatisée du monde. Mais Diakhaté ne se précipite pas. Il veut bâtir. Devenir solide. Grandir étape par étape. Et quand le moment viendra, frapper encore plus fort.
PAR CHEIKH TIDIANE MBAYE
POURQUOI LE SUCCÈS DES CONFRÉRIES AU SÉNÉGAL ?
Faire la sociologie du pouvoir maraboutique au Sénégal revient à interroger les conditions sociales de son émergence, les facteurs ayant favorisé son enracinement et les logiques qui ont contribué à sa légitimation durable.
Faire la sociologie du pouvoir maraboutique au Sénégal revient à interroger les conditions sociales de son émergence, les facteurs ayant favorisé son enracinement et les logiques qui ont contribué à sa légitimation durable. Depuis le XVIIe siècle, l’islam a été perçu par des populations opprimées comme une voie d’émancipation. Sa condamnation de l’esclavage, sa promesse d’égalité et de justice en ont fait une force d’espérance face aux pouvoirs locaux et aux conquêtes coloniales.
L’islamisation s’est d’abord faite sous l’impulsion de marabouts peuls, toucouleurs ou maures, animés par des logiques de résistance et de réforme. Ces figures, souvent mal comprises aujourd’hui, ont pourtant préparé le terrain à l’émergence des grandes confréries qui parachèveront l’islamisation des masses. Dès le XIXe siècle, l’implantation confrérique se structure autour de figures charismatiques dont le message mystique et la réputation de sainteté rencontrent un écho favorable dans la société.
Trois logiques majeures peuvent expliquer la réussite du modèle confrérique sénégalais :
1. Une opportunité historique et politique
La colonisation a mis fin aux royaumes traditionnels, provoquant un vide politique et symbolique. Ce contexte a favorisé l’émergence de nouvelles figures de légitimité : les marabouts. Proposant un cadre alternatif d’autorité spirituelle et sociale, ceux-ci ont su se rendre utiles dans un environnement marqué par l’incertitude. La transposition de certains éléments de la monarchie dans l’univers confrérique — notamment la filiation, la hiérarchie, la mise en scène du pouvoir — a facilité cette transition.
2. Une souplesse religieuse et une proximité affective
Contrairement à un islam plus juridique et dogmatique, l’islam confrérique valorise l’intercession, le compagnonnage et la grâce divine transmise par le guide. Ce modèle rend possible une conciliation entre engagement spirituel et vie quotidienne. Le salut n’est pas perçu comme uniquement lié à la stricte observance rituelle, mais aussi à la fidélité au cheikh. Cette proximité affective avec le guide a renforcé les logiques d’allégeance durable, souvent transmises de génération en génération.
3. Une continuité avec l’univers religieux africain
Le soufisme, cœur du modèle confrérique, est empreint de mysticisme, de croyance aux forces invisibles, à la protection spirituelle et aux symboles. Cette approche trouve un terrain favorable dans une société africaine déjà marquée par la croyance en l’au-delà, la force des ancêtres, la parole efficace et les rituels protecteurs. Les marabouts, à bien des égards, ont remplacé les anciens détenteurs du sacré, tout en islamisant leur fonction.
Les fondateurs de confréries ont également su adapter leur message à leur territoire. Ahmadou Bamba a structuré un modèle rural basé sur le travail et la soumission. El Hadji Malick Sy a développé un modèle plus intellectuel et urbain. La division du travail confrérique (Tijaniyya dans les villes, Mouridiyya dans les campagnes, Layènes chez les Lebous, etc.) a permis une insertion différenciée mais complémentaire des confréries dans le tissu social.
Des perspectives : un modèle sous tension générationnelle
Cependant, il serait sociologiquement imprudent de considérer le modèle confrérique comme figé ou inébranlable. Aujourd’hui, le prestige des marabouts tend à s’effriter à mesure que l’on avance dans les générations. L’hérédité biologique, longtemps perçue comme un gage de sainteté, ne suffit plus à elle seule à produire de la légitimité sociale. De plus en plus, l’opinion publique, notamment les jeunes, exige des figures religieuses compétentes, cultivées, humbles et en phase avec les enjeux du monde contemporain.
Les confréries ont donc intérêt à analyser en profondeur les causes de cette perte progressive de légitimité « biologique » : baisse du charisme, distance avec les préoccupations sociales, manque de formation, ou gestion paternaliste des relations avec les fidèles. Pour rester influentes et utiles, elles doivent se doter de structures internes modernes, d’une gouvernance plus inclusive, et d’une vision éthique plus affirmée. Il est également impératif de mieux préparer les descendants à leur rôle, à travers une formation spirituelle, intellectuelle, mais aussi sociale.
Autrement dit, le marabout du futur ne peut plus être seulement héritier de sang : il doit être formé, incarné et responsable. Faute de quoi, le modèle confrérique risque de perdre son pouvoir d’attraction, et de céder la place à d’autres formes de religiosité ou à des logiques marchandes du sacré, déjà visibles dans certaines dérives actuelles.
LES ROUTES DU PÉTROLE SÉNÉGALAIS
La Chine est devenue le principal client de l'or noir de Sangomar, engloutissant jusqu'à 103 000 barils par jour, soit davantage que la capacité théorique de production du pays. Une situation qui s'explique par l'insatiable appétit énergétique de Pékin
Malgré la distance, la Chine a déployé les gros moyens pour se payer le pétrole sénégalais de Sangomar, dont elle reste la principale destination. Pour certains mois, elle s'est même payée plus de 100 000 barils par jour, soit la quasi-totalité de la production sénégalaise.
Le déficit commercial du Sénégal envers la Chine s'est considérablement réduit, depuis l'avènement du pétrole et du gaz. Même si les principaux exploitants sont des compagnies issues de l'Occident, la principale destination du brut sénégalais reste la Chine. Pour donner une idée, au mois de février dernier, ce n'est pas moins de 2 901 583 de barils qui ont été expédiés vers l'empire du Milieu, soit en moyenne plus de 103 000 barils par jour, pour une valeur de 220 702 277 de dollars US. Pour les chiffres du mois de mars, on parle de 1 940 959, soit une valeur marchande de 145 184 384 US dollars.
Journaliste espagnol spécialisé sur les questions économiques, Jaume Portell analyse : “Si l'on tient compte du fait que le Sénégal produit environ 100 000 barils par jour, on peut voir que Pékin est le principal marché du pétrole sénégalais. Ces données montrent qu'au mois de février, ils ont acheté plus de 100 000 barils par jour. Selon les données de Woodside Energy, les autres marchés sont l'Espagne, les États-Unis et les autres pays européens.”
Les mêmes tendances sont observées depuis le démarrage de l'exploitation, au mois de juin 2024. Quelques chiffres illustrent parfaitement cette mainmise de la Chine sur le pétrole de Sangomar. En septembre 2024, 921 461 barils ont été vendus à la Chine pour une valeur de 75 729 351 US dollars. En octobre, c'était autour de 1 674 324 pour 126 675 968 US dollars ; en novembre 3 055 593 barils pour 231 581 958 de dollars ; enfin en décembre, 2 889 820 barils ont été expédiés vers la Chine pour une valeur de 218 642 533 US dollars. Selon des chiffres publiés par le ministère de l'Énergie du pétrole et des mines en début d'année, pour l'année 2024, la production annuelle s'est élevée à environ 16,9 millions de barils, dépassant ainsi l'objectif initial de 11,7 millions. En moyenne, on était donc autour de 80.000 barils par jour. À l'époque déjà, les exportations vers la Chine se chiffraient en moyenne entre 50.000 et 90.000 barils, avec des pics de plus de 100.000 barils au mois de novembre.
Évolution des importations vers la Chine
Mais pourquoi donc le marché chinois, deux fois plus éloigné que New York, plus de trois fois plus loin que certains grands marchés européens ? Selon cet expert, c'est les lois du marché qui gouvernent. “La distance est certes un élément important, mais il n'y a pas que cet aspect. On peut trouver dans un pays plus éloigné un prix plus rémunérateur que dans des pays voisins. Ce sont des aspects à prendre en considération”, explique une source à ‘’EnQuête’’. Elle ajoute : “C'est dire que le seul argument de la distance ne suffit pas. Il y a le prix, mais il y a aussi le fait que certains pays qui sont plus proches peuvent avoir leurs fournisseurs. Du coup, ils peuvent ne pas être trop intéressés.”
Aussi, note Jaume Portell, il y a la demande qui joue un rôle très important. “Il faut comprendre que la Chine ‘mange’ chaque jour 15 millions de barils de pétrole, alors qu'ils en produisent seulement 4 millions. Il leur faut alors importer 11 millions de barils supplémentaires par jour. C'est une demande très importante qu'il faut aller chercher”, analyse le journaliste spécialiste qui souligne la modicité des exportations sénégalaises par rapport à la demande chinoise. “Le Sénégal produit 100 000 barils par jour ; c'est globalement petit. Cela fait 3 millions le mois, alors que la Chine a besoin de 330 millions de barils par mois, si l'on considère qu'elle importe 11 millions par jour.
À titre d'exemple, il cite l'Espagne qui consomme 1,2 million de barils par jour. Le pays aurait importé, selon Portell, un million de barils du pétrole sénégalais en août 2024 ; un autre million en janvier 2025. Outre l'Espagne et la Chine, il y a aussi les États-Unis, les Pays-Bas, la Corée du Sud et l'Allemagne qui sont sur la liste des acheteurs. “L'autre pays qui consomme le plus de barils, c'est les États-Unis, avec 20 millions de barils par jour. Les deux pays accaparent 35 % de la consommation qui est de 100 000 barils par jour. Vient ensuite l'Union européenne, si on l'on considère ensemble les demandes de la France, de l'Allemagne, de l'Espagne, de l'Italie...”, explique le journaliste espagnol.
La Chine paie un prix jugé juste par rapport à ce qu'elle paie au Niger
Avant l'arrivée du pétrole sénégalais, la Chine, pour faire face à sa demande importante, s'approvisionnait dans plusieurs pays, dont le Niger en Afrique de l'Ouest. Dans ce pays en proie à l'instabilité, elle a dû faire des investissements très importants pour accéder à la ressource, compte tenu de l'enclavement du pays. Après la découverte d'importantes réserves de pétrole sur le site d'Agadem, au nord-est du Niger, en coopération avec le Bénin et la Chine, il a été entrepris la construction d'un oléoduc de près de 2 000 km, pour rallier le port de Seme Kpodji, dans le sud du Bénin, avec neuf stations de réservoirs le long du parcours. “Les travaux ont été financés et réalisés par la China National Petroleum Corporation (CNPC), l'une des principales compagnies pétrolières nationales de Chine, avec un coût estimé à 4,5 milliards d'USD. L'oléoduc a été opérationnel depuis le début de l'année 2024 et CNPC transporte actuellement environ 90 000 barils par jour, ayant des objectifs d'augmenter la production à 110 000 barils par jour”, informe le média ‘’Global Voice’’.
Au-delà de l'approvisionnement dans cette ressource précieuse, il faut noter que c'est aussi une question d'influence pour la Chine, qui a inscrit le projet dans le cadre de son projet ‘’Les routes de la soie’’. “Grâce à cet investissement, la Chine gagne sur plusieurs fronts, notamment l'accès à une grande réserve de ressources pétrolières, des revenus substantiels et une présence économique plus forte en Afrique”, renchérit le média. Néanmoins, elle doit faire face à un contexte géopolitique instable, marqué par la menace terroriste et des coups d'État militaires.
Pour Jaume Portell, ce business s'avère très lucratif pour l'empire du Milieu. Cela lui rappelle un peu ce qui est arrivé aux paysans sénégalais à l'époque coloniale. “On leur imposait des taux d'intérêt très élevés par le biais d'intermédiaires. À la fin de l'année, les Français avaient des arachides bon marché ; les Libanais percevaient les intérêts ; les Sénégalais se retrouvaient sans rien après avoir travaillé dur toute l'année. Et c'est le retour à la case départ”, caricature-t-il. “Dans le cas d'espèce, la Chine prête au Niger à 7 %. Ils paient avec ce qu'ils gagnent dans le pétrole”, a ajouté le spécialiste, qui estime que les Chinois disposent ainsi d'un pétrole bon marché. “Ils paient le pétrole nigérien à 65 dollars le baril - un prix bien en deçà de celui qu'ils paient au Nigeria ou au Tchad. Ensuite, ils récupèrent l'argent de leurs prêts. Ils ont également retenu la construction de l'oléoduc, qui a été réalisé par une entreprise chinoise”, souligne M. Portell. Finalement, “le Niger dispose d'une infrastructure lui permettant d'exporter du pétrole, mais à quoi cela va servir si l'argent qu'ils gagnent ne sert qu'à rembourser le prêt ?”, s'interroge le spécialiste des questions économiques.
EXPORTATION PÉTROLE
Une réduction drastique du déficit de la balance commerciale
En l’espace de douze mois, les exportations sénégalaises vers la Chine ont connu une hausse de 386 %, atteignant 306 millions de dollars en mars 2025, contre seulement 63 millions à la même période en 2024. “Cette progression est essentiellement portée par les ventes de pétrole brut, passées de 0 à 290 millions de dollars”, renseignent certaines sources, non sans rappeler les perspectives encore très prometteuses avec des prévisions de plus de 30 millions de barils pour l'année 2025.
Malgré cette embellie, la balance reste assez déficitaire avec des importations qui ne cessent de croitre. “Les importations suivent également la même courbe, quoique de manière plus modérée (+24,4 %). En mars 2025, Dakar a importé pour 444 millions de dollars de produits chinois : fer semi-fini (20,7 millions de dollars), barres de fer laminées à chaud (19,7 millions de dollars), chaussures en caoutchouc (14,6 millions de dollars), mais aussi costumes pour femmes non tricotés, en hausse de 308 %”, informent toujours les sources.
En dehors du pétrole, les exportations sénégalaises vers la Chine restent faibles. Il s'agit principalement de l'huile d’arachide : 6,78 millions de dollars, des minerais de niobium, tantale, vanadium, zirconium : 3,83 millions de dollars... Globalement, en mars 2025, le Sénégal a exporté 306 millions de dollars et importé 444 millions de dollars de la Chine , “ce qui a entraîné une balance commerciale négative de 138 millions de dollars”.
PAR Birane DIOP
GAZA COMME MÉTAPHORE
EXCLUSIF SENEPLUS - Cette destruction des Gazaouis nous enseigne ceci : au-delà du détricotage du droit international, nous assistons à une faillite morale de la communauté internationale
À l’heure où j’écris ces lignes, me reviennent en mémoire les mots poignants du regretté pape François, prononcés le samedi 21 décembre 2024, à la veille de la fête de la Nativité, face au drame de l’humanité qui se joue à Gaza : « Hier, des enfants ont été bombardés. C’est de la cruauté. Ce n’est pas la guerre. Je tiens à le dire parce que cela touche le cœur. »
À l’instar de cette grande figure de paix, désormais entrée dans le pays sans fin, je suis profondément préoccupé par la situation à Gaza. Mais, dans la même veine, je demeure sans les mots justes pour décrire la tragédie qui touche les Gazaouis.
Depuis l’attaque terroriste orchestrée par le Hamas le 7 octobre 2023 dans le sud d’Israël, causant la mort de 1 200 Israéliens et la prise en otage de 251 personnes, l’armée israélienne réplique de façon disproportionnée, en ciblant les civils palestiniens vivant dans le petit territoire de Gaza. Dans l’important livre Gaza, une guerre coloniale, paru aux éditions Actes Sud le 14 mai 2025, des anthropologues, historiens, sociologues et politistes spécialistes du Proche-Orient décrivent l’assaut dévastateur mené par Tsahal après l’opération Déluge d’Al-Aqsa. Selon ces spécialistes, la reprise des bombardements après l’accord de cessez-le-feu du 19 janvier 2025, rompu par le gouvernement de Benyamin Netanyahou le 18 mars, a conduit à la mort de plus de 50 144 Palestiniens. Dans le même sillage, plus de 113 704 personnes ont été blessées.
Pour celles et ceux qui l’ignorent, la bande de Gaza est un territoire minuscule. Nichée entre l’Égypte et Israël, elle couvre une superficie totale de 365 km², dans une enclave de 41 km de long et de 6 à 12 km de large, avec 2,3 millions d’habitants.
Presque tous les chercheurs, journalistes et intellectuels, etc. qui documentent le terrible quotidien des Gazaouis depuis plus de cinq décennies emploient le même mot bouleversant : une tragédie est en cours à Gaza. À l’aune de ce constat politique et humain, on peut inscrire les propos de la présidente de Médecins sans Frontières, Isabelle Defourny : « On assiste à une éradication des Palestiniens. »
Quel esprit doté de raison, lucide et foncièrement humain, peut réfuter ces dires ? Le mardi 6 mars 2025, le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, a affirmé sans ambages sa volonté de déporter la population de Gaza vers le Sinaï. Voici ci-après les paroles glaçantes du ministre d’extrême droite du gouvernement de Benyamin Netanyahou, chef du parti Sionisme religieux – Mafdal : « Gaza sera totalement détruite. »
Je ne parle même pas des propos irresponsables de Donald Trump sur son projet de « Riviera du Proche-Orient ». Le but de ces gens sans morale ni humanité, par-dessus tout nés avant la honte, n’est pas de vaincre le Hamas — au regard des faits — mais plutôt d’effacer un peuple.
Je ne cesserai de le répéter : les massacres du 7 octobre et les prises d’otages sont inacceptables, mais rien ne saurait justifier une telle brutalité. Deux millions d’âmes sont privées de nourriture, d’électricité et d’eau, et risquent d’être déplacées. Il y a quelques jours, Madame Cindy McCain, directrice exécutive du Programme alimentaire mondial, alertait l’opinion publique ainsi que les dirigeants du monde à travers ces mots : « Les familles de Gaza meurent de faim alors que la nourriture dont elles ont besoin est bloquée à la frontière. Nous ne pouvons pas leur fournir cette assistance vitale en raison de la reprise du conflit et de l’interdiction totale de l’aide humanitaire imposée début mars. »
Je puis le dire sans réserve : notre humanité commune est en train de mourir à Gaza. Je vis loin des bombardements, loin des enfants, des femmes et des hommes tués, mais toute cette violence gratuite me hante.
Cette destruction des Gazaouis nous enseigne ceci : au-delà du détricotage du droit international, nous assistons à une faillite morale de la communauté internationale. Face à cette dépossession et à la douleur infligées aux Palestiniens, mes pensées vont à Mahmoud Darwich, poète intemporel.
Tous ceux qui ont l’humanité et l’humanisme chevillés au corps, et qui croient fondamentalement à l’altérité, doivent élever la voix avant que la catastrophe totale n’advienne.
Indignons-nous !
LE SÉNÉGAL, UNE SOCIÉTÉ HIÉRARCHISÉE
Fatou Sow dénonce le recul de la représentation des femmes au sein du nouveau gouvernement et pointe du doigt un système patriarcal toujours aussi puissant et l'influence du pouvoir religieux, malgré les lois
(SenePlus) - La sociologue sénégalaise de 84 ans, militante féministe reconnue pour ses travaux sur les droits des femmes en Afrique, dresse un constat alarmant sur l'état de la parité au Sénégal, dans un entretien accordé au journal Le Monde. Malgré une loi instaurant la « parité absolue » entre les sexes dans toutes les institutions électives, la représentation des femmes au sein des instances décisionnelles recule sous le nouveau gouvernement de Bassirou Diomaye Faye et d'Ousmane Sonko.
Honorée le 15 mai dernier à Dakar lors d'un symposium sur la « démocratie au féminin », Fatou Sow, ancienne enseignante-chercheuse à l'université Paris-Diderot et à l'université Cheikh-Anta-Diop de Dakar, déplore le manque de volonté politique du nouveau gouvernement sénégalais en matière de parité. Malgré les promesses de changement, le gouvernement d'Ousmane Sonko ne compte que quatre femmes, soit 13% des ministres.
« Alors qu'on avait gagné quelques batailles, on constate que tout recule. Qui aurait pu imaginer qu'avec des dirigeants aussi jeunes, nous aurions aussi peu de femmes au gouvernement ? », s'interroge la sociologue dans les colonnes du quotidien français.
Ce recul est d'autant plus paradoxal que la loi sur la parité, votée sous la présidence d'Abdoulaye Wade (2000-2012), avait permis d'atteindre 44% de femmes élues au Parlement en 2022. Ce chiffre est tombé à 40% lors des dernières législatives de novembre 2024, selon les informations rapportées par Le Monde.
Un système patriarcal ancré dans la société
Pour Fatou Sow, l'explication est claire : « C'est une question de volonté politique. Aujourd'hui, sous la pression de cette loi sur la parité, il est difficile pour le pouvoir de ne pas nommer de femmes. Alors on saupoudre le gouvernement et les institutions publiques de quelques femmes, mais le gros du pouvoir revient toujours aux hommes. »
La sociologue pointe du doigt un « système patriarcal très fort, très marqué par les religions musulmane et chrétienne » qui maintient les femmes à l'écart des sphères de décision. Ce constat est d'autant plus frappant que, dans les domaines techniques comme la médecine, l'ingénierie et même l'armée, les femmes occupent de plus en plus de postes à responsabilité « non pas à la faveur d'une loi sur la parité, mais parce qu'elles ont des compétences », souligne-t-elle.
L'interview aborde également la polygamie, pratique ouvertement assumée par les nouveaux dirigeants sénégalais. Pour Fatou Sow, ce phénomène reflète une évolution paradoxale de la société sénégalaise.
« Beaucoup d'hommes avec un niveau d'études poussées et qui occupent aujourd'hui des postes clés à l'université, en politique ou dans les milieux économiques, se revendiquent polygames, alors que l'on penserait que ce n'est pas un modèle pour eux étant donné qu'il était perçu comme rétrograde par les premières élites du pays post-indépendance », observe-t-elle.
Si la polygamie est acceptée par une grande partie de la population, c'est aussi parce que « les femmes sénégalaises veulent être mariées, parce que le mariage donne un statut social», explique la sociologue. Néanmoins, elle précise que « l'approbation des femmes ne traduit pas pour autant une société paritaire. La société sénégalaise reste une société hiérarchisée par sexe, par âge, par caste, par ethnie. »
Des pratiques traditionnelles persistantes
Malgré les avancées législatives, certaines pratiques traditionnelles néfastes perdurent au Sénégal. Évoquant l'excision et d'autres formes de violences basées sur le genre, Fatou Sow affirme que « ces pratiques existent toujours en 2025 et engendrent encore beaucoup de souffrance pour le corps des femmes. »
Elle déplore l'inefficacité de la loi de 1999 contre les violences basées sur le genre, estimant que « si ces pratiques existent toujours, c'est parce qu'il n'y a pas la volonté politique de les faire cesser face à un pouvoir religieux qui les soutient. »
La sociologue rejette fermement les critiques qui présentent le féminisme comme un produit occidental incompatible avec les « valeurs africaines ». « C'est insultant d'entendre les hommes africains dire des féministes africaines qu'elles copient les Occidentales, tandis qu'eux peuvent parler de Marx et Bourdieu sans que personne ne leur reproche d'être occidentalisés », dénonce-t-elle.
Pour Fatou Sow, le féminisme n'est pas une importation occidentale mais « une lutte multiforme des femmes contre l'oppression ». Elle souligne que les droits défendus par les féministes africaines sont aujourd'hui menacés par une offensive conservatrice mondiale.
« Il faut se souvenir de la loi votée par l'administration de Ronald Reagan en 1984, la Global Gag Rule », rappelle-t-elle, faisant référence à cette législation qui a interdit aux ONG étrangères de recevoir des fonds du gouvernement américain si elles travaillaient sur les questions d'avortement. Selon elle, cette offensive continue aujourd'hui avec le retour au pouvoir de Donald Trump, à travers « le démantèlement de l'Agence des États-Unis pour le développement international (Usaid) et son retrait de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ».
Sa conclusion est sans appel : « Aujourd'hui, je dirais que les droits défendus par les féministes africaines sont aussi menacés que ceux des Américaines. »
PAR Nioxor Tine
DIALOGUE ET RUPTURES
EXCLUSIF SENEPLUS - Nos nouvelles autorités font parfois preuve d’un conformisme consternant. Qu’est-ce qui peut donc expliquer cette méfiance maladive à l’endroit du processus de refondation institutionnelle ?
Le moins qu’on puisse dire, c’est que nos nouvelles autorités, dont on attend, qu’elles opèrent des ruptures décisives dans la manière de conduire les affaires de l’Etat, font parfois preuve d’un conformisme consternant. C’est dire que la tenue prochaine du dialogue appelle des remarques sur la forme et le fond.
Le 28 mai, journée de dialogue ou de duperie ?
Quelle idée saugrenue de confirmer la date du 28 mai comme journée du dialogue national !
Instaurée par l’ex-président Macky Sall, cette journée prétendument dédiée au dialogue politique n’a servi qu’à entériner les forfaitures de son défunt régime.
Il faut rappeler que cette journée du dialogue national avait été instituée en 2016, au lendemain du référendum du 20 mars 2016, qui correspond au tournant, à partir duquel, on peut acter le renoncement, par l’ancien président, de tous les engagements, qu’il avait pris devant le peuple des Assises. Il s’agit, en premier lieu de la promesse de réduction de la durée de son septennat de deux ans, qu’il avait claironnée, à travers toutes les grandes capitales occidentales, mais aussi et surtout de toutes les dispositions en faveur de la séparation et de l’équilibre des principales Institutions.
Il faut dire que son projet de réforme constitutionnelle, voté par 62,54% des électeurs et ne contenant essentiellement que des modifications insignifiantes voire pernicieuses, n’avait été approuvé que par moins d’un sénégalais sur quatre, en raison du faible taux de participation.
Depuis cette période, le pouvoir de Benno Bokk Yakaar devenu minoritaire ne s’est maintenu au pouvoir, que grâce à des combines et stratagèmes avalisés par ces fameux dialogues. On a ainsi procédé à des tripatouillages systématiques du code électoral et/ou de la charte fondamentale, pour diverses raisons, dont l’éviction ou la réhabilitation de leaders politiques de l’opposition, en leur déniant (ou leur restituant) leur qualité d’électeur ou l’adoption d’une loi sur le parrainage, déclarée illégale par la cour de justice de la CEDEAO.
Enfin, cerise sur le gâteau, le dialogue de Diamniadio, summum de l’illégalité et de la défiance envers la loi, a entériné le report de l’élection présidentielle du 25 février 2024, montrant, de manière caricaturale, à la face du monde, la nature anti-démocratique du régime de Macky Sall.
En définitive, les pseudo-dialogues de l’ère Benno Bokk Yakaar étaient plus un piège à cons ou un marché de dupes, permettant à certains politiciens véreux de rejoindre les prairies beige-marron ou d’être admis au banquet électoral, au prix de compromissions douteuses.
Un dialogue confiné aux questions électorales
À examiner les termes de référence du dialogue national sur le système démocratique, on se rend compte, que même dans le fond, ce dialogue ne diffère pas foncièrement des précédents, qui avaient essentiellement pour vocation d’insuffler un nouvel élan à un système décadent. On se rappelle, que devant des Assisards impatients de voir le nouveau projet de constitution de la Commission Nationale de Réformes des Institutions (CNRI) soumis à référendum, le ministre-conseiller juridique du président Sall avait rétorqué que le vénérable Amadou Mahtar Mbow et son équipe avaient outrepassé leurs prérogatives. Et M. Ismaila Madior Fall, de poursuivre, occultant les révoltes citoyennes de 2011-2012, que « le Sénégal n’est pas dans une situation de crise, de rupture ou de révolution nécessitant une refondation de l’Etat et de l’ordre constitutionnel ».
Comment se fait-il que plus de 13 ans après, au lendemain de ce qui est généralement admis comme étant une révolution démocratique consécutive à des actions quasi-insurrectionnelles, où l’ancien système moribond doit céder la place à l’anti-système, on retrouve la même logique, qui avait inspiré le précédent régime ?
Qu’est-ce qui peut donc expliquer cette méfiance maladive à l’endroit du processus de refondation institutionnelle ?
Le camp patriotique et ses alliés ont tout à gagner en changeant de paradigme, en sortant de la logique « électoraliste » qui transparaît, de bout en bout, dans le document des termes de référence.
Il ne s’agit plus simplement de réanimer une démocratie électorale agonisante, mais d’instaurer une thérapie de choc pour éradiquer les causes réelles et profondes du « mal-être démocratique », qui bien qu’universel, a une résonance particulière dans nos pays.
Renouer avec l’esprit des Assises
Et pourtant, le duo Diomaye-Sonko semble conscient de la nécessité et de l’urgence de mettre en œuvre des réformes institutionnelles. Dès leur installation, ils se sont attaqués au secteur de la Justice, en organisant des Assises. Ils semblent maintenant vouloir confiner le dialogue national sur le système politique au processus électoral, en essayant de juguler les signes externes de dysfonctionnement, tout en occultant les causes profondes.
Avec une approche aussi fragmentaire, il sera difficile pour les nouvelles autorités de mener à bien la noble entreprise de refondation institutionnelle figurant, depuis plus de 25 ans, en première place de l’agenda politique des patriotes et démocrates de notre pays.
Quid de la question des droits et libertés, dont l’opposition semble vouloir faire un fonds de commerce, précisément, parce que sentant que c’est le talon d’Achille du nouveau régime, préférant parfois rester dans l’illusoire zone de confort d’une violence d’Etat légitime ? Sinon, qu’est-ce qui les empêche d’abroger les lois liberticides, de protéger les libertés de manifestation et d’expression, de traiter le secteur de la presse avec la même bienveillance que le secteur religieux, de s’attaquer à l’hyper-présidentialisme, de revoir le mode de scrutin majoritaire à un tour (raw gaddu), de promouvoir la démocratie participative…
Toutes ces questions ont un début de réponse dans le projet de constitution et les recommandations de la CNRI repris par le pacte de bonne gouvernance démocratique signé par au moins douze des dix-neuf candidats de la dernière présidentielle, dont Bassirou Diomaye Diakhar Faye.
En somme, toute la question est de savoir s'il s'agit d'un dialogue de rupture ou de rafistolage.
ETE CHAUD TOUT SHOW POUR LES DIGNITAIRES DU REGIME SALL
Le temps va se figer pour les 5 ministres mis en accusation et qui seront auditionnés à partir de lundi par la Commission d’instruction de la Haute cour de justice, entrée désormais dans sa phase active.
Le temps va se figer pour les 5 ministres mis en accusation et qui seront auditionnés à partir de lundi par la Commission d’instruction de la Haute cour de justice, entrée désormais dans sa phase active. Passée cette étape, les dossiers de 4 autres ministères cités dans le rapport de la Cour des comptes sur la gestion du Fonds Covid-19 vont être activés. Un été show s’annonce pour les dignitaires de l’ancien régime.
Le temps de la Justice pour les anciens ministres du régime Sall est arrivé. Après la mise en accusation de cinq exministres, la Haute cour de justice entre dans sa phase d’instruction, avec la notification des mandats de comparution aux mis en cause et le lancement des ordres de conduite. Entre le lundi et le 26 mai, tous les concernés seront entendus a priori par la Commission d’instruction de la Haute cour de justice. Inculpés ou pas ? Sous mandat de dépôt ou en liberté provisoire en cautionnant, comme la plupart des Directeurs de l’administration générale et de l’équipement (Dage) ou des fournisseurs ou bénéficiaires de deniers publics durant cette période ? Wait and see !
Les anciens ministres Mansour Faye, Sophie Gladima, Ndèye Saly Diop, Moustapha Diop et Ismaïla Madior Fall vont ouvrir le bal, qui risque de durer assez longtemps. Car d’autres dossiers liés au Fonds Covid-19 sont en train d’être épluchés par le Parquet de Dakar, qui soulage le Parquet judicaire financier surchargé de dossiers à milliards de francs Cfa.
4 autres ministres en attente
Pour l’instant, il y a encore 4 ministères dont les dossiers sont dans le circuit judiciaire. Hormis Ismaïla Madior Fall dont les poursuites sont hors Covid-19, mais pour une affaire de corruption présumée, il n’y a que les ministres de la Famille, de l’Industrie, du Développement communautaire et des Mines dont les responsables bénéficient de privilèges de juridiction, qui sont poursuivis. Les dossiers des ministères de la Jeunesse, des Sports, de la Santé, de la Culture et de la communication dont les Dage ont dû cautionner pour échapper à la prison sont à un temps de latence, qui ne sera pas long. Une attente liée à une stratégie «pour éviter» de surcharger la Commission d’instruction et la Haute cour de justice, qui est une juridiction d’exception.
LE SAES DÉNONCE LES DÉRIVES DU RECTEUR DE L'UIDT
L’Université Iba Der Thiam de Thiès est à l’arrêt du 16 au 19 mai 2025. C’est le mot d’ordre décrété par le Saes du Campus de Thiès, en concertation avec le Sudes, face à l’agression «inacceptable» d’un de ses membres.
72 heures de grève non renouvelables, du vendredi 16 au lundi 19 mai 2025, avec une Assemblée générale convoquée ce même jour. C’est le mot d’ordre décrété par la Coordination du Syndicat autonome de l’enseignement supérieur (Saes) du Campus de Thiès, en concertation avec le Sudes, face à l’agression «inacceptable» d’un de ses membres.
L’Université Iba Der Thiam de Thiès (Uidt) est à l’arrêt du 16 au 19 mai. La Coordination Saes-Thiès, qui dénonce «la mise en œuvre d’une fouille systématique humiliante et dangereuse du personnel (Per et Pats) à l’entrée du campus», trouve «cette mesure attentatoire à la liberté individuelle et à la dignité du personnel, inacceptable dans un lieu de savoir». Elle propose «une alternative respectueuse : présentation de la carte professionnelle, mise en place de macarons et installation de caméras de surveillance». Dr Moussa Dia, membre du Saes-Campus Thiès, explique : «Ce mercredi 14 mai 2025, la ligne rouge a été franchie : un camarade chargé des revendications a été violemment agressé par les vigiles du Recteur à la descente du travail, sous l’œil complice de la direction.» Il exige une élucidation complète et transparente des faits, ainsi que le retrait immédiat des personnes mises en cause de l’espace universitaire.
Saes-Campus de Thiès dénonce les dérives à l’Uidt et exige des mesures immédiates
Il y a quatre (4) ans, se rappelle la Coordination Saes du Campus de Thiès, «l’Isfar quittait l’université Iba Der Thiam de Thiès pour intégrer l’Uadb, en laissant l’intégralité de son budget à l’Uidt. A l’époque, sous la coordination du camarade Mamadou Babacar Ndiaye - aujourd’hui Recteur de l’Uidt-, le Saes s’était battu pour que ces postes libérés soient réattribués. Une lutte similaire s’impose aujourd’hui». Et de poursuivre : «Depuis le 1er janvier 2024, l’Ensa a quitté l’Uidt en laissant dans son sillage un budget conséquent, représentant 31 postes d’enseignant-chercheur et 47 postes de Pats. A ce jour, aucun recrutement n’a été effectué, en dépit de l’urgence académique et institutionnelle.»
La Coordination SaesCampus de Thiès exige «la répartition immédiate des postes laissés par l’Ensa dans les différentes institutions de l’Uidt», dénonce «l’état catastrophique des infrastructures pédagogiques et administratives, notamment aux Ufr Santé, Ses et Set, et exige un plan Marshall d’investissement», «un audit indépendant sur l’utilisation réelle du budget transféré par l’Ensa».
Création d’une Ufr hors la loi
La coordination s’insurge contre «la tentative unilatérale du Recteur de créer une nouvelle Ufr des Sciences agronomiques, agroalimentaires et environnementales, sans validation du Conseil académique, comme l’exige l’article 20 du décret n°2021- 1504». Cette décision, dit-elle, est «illégale, nulle et non avenue, tant qu’elle ne respecte pas les procédures de gouvernance universitaire».
Des pratiques managériales autoritaires et arbitraires
La coordination condamne «la prolongation illégale de Pats à la retraite, alors que de nombreux jeunes qualifiés attendent un emploi», s’oppose «fermement à la coupure arbitraire des primes d’encadrement pour les assistants, jamais versées pour certains depuis leur recrutement, et exige leur paiement rétroactif», rejette «la suppression progressive des avantages sociaux acquis, notamment le carburant et les cartes téléphoniques alloués aux collègues assumant des responsabilités administratives, sous prétexte de décisions opaques du Conseil d’administration».
Appel solennel au Mesri
La coordination tient «le Recteur pour responsable de la dégradation du climat social à l’Uidt», interpelle le Mesri sur «ses responsabilités face à ces dérives répétées», exige «la régularisation immédiate de la situation illégale de la direction de l’Ensa, en fin de mandat depuis sept mois»
Le Saes-Campus de Thiès, qui décide de continuer le combat, se réserve le droit d’user de tous les moyens légaux et syndicaux pour «restaurer la dignité de nos membres et garantir un fonctionnement universitaire conforme aux textes et à l’éthique républicaine».