La tenue de ces états généraux est une initiative de la faculté des sciences économiques et de gestion de l’université de Lomé. Elle a pour objectif de circonscrire les contours de la nouvelle monnaie et de voir dans quelle mesure elle crée ou non une séparation avec le franc CFA, dans quelle mesure elle embrasse les quinze Etats de la Cédéao et comment va se faire la transition du franc CFA à l’éco.
Le programme se fera en deux formats : un premier réunissant les économistes avec un modèle économétrique et un second sous forme de panel avec les sociétés civiles, les politiques et les faiseurs d’opinion.
Parmi les deux cents invités, on retrouve les anti-CFA, comme l’initiateur du colloque, Kako Nubukpo, qui, depuis vingt ans, estime que le franc CFA est une mauvaise monnaie trop forte, arrimée à l’euro, qui fonctionne comme une taxe sur les exportations, une subvention sur les importations entrainant une balance commerciale structurellement déficitaire. À côté de lui, on retrouve les soutiens du CFA parmi lesquels Lionel Zinsou du Bénin, Michel Khalif du Togo.
SenePlus publie ci-dessous, les nominations prononcées au Conseil des ministres du 26 mai 2021.
"AU TITRE DES MESURES INDIVIDUELLES
Le Président de la République a pris les décisions suivantes :
Monsieur El Hadji Ibou BOYE, Conseiller des Affaires étrangères, est nommé Secrétaire exécutif du Secrétariat permanent sénégalo-gambien, en remplacement de Monsieur Fodé SECK ;
Docteur Ousmane Issa CISSOKHO, Juriste, Expert en régulation des marchés des Télécommunications et Postes, précédemment Directeur de Cabinet du Ministre de l’Economie Numérique, est nommé Secrétaire général du Ministère de l’Economie numérique et des Télécommunications, en remplacement de Monsieur Yoro Moussa DIALLO, appelé à d’autres fonctions.
Monsieur Moustapha KA, Magistrat, est nommé Secrétaire général du Centre de Formation judiciaire (CFJ) ;
Docteur Amadou NDIAYE, Médecin-spécialiste, précédemment Chef du service des laboratoires au Centre Hospitalier Abass NDAO, est nommé Directeur du Centre hospitalier Abass NDAO, en remplacement de Docteur El Hadji Magatte SECK, appelé à d’autres fonctions ;
Docteur Ousmane GUEYE, Médecin, Economiste de la santé, précédemment Directeur du Service national de l’Education et de l’Information pour la Santé, est nommé Directeur du Centre hospitalier national de Pikine, en remplacement de Monsieur Mouhamed Abdallah GUEYE ;
Monsieur Ndiamé DIOP, titulaire d’une Maîtrise ès sciences économiques, option gestion des entreprises, précédemment Chef des services administratifs et financiers à l’Hôpital Aristide Le DANTEC, est nommé Directeur de l’Hôpital régional de Ziguinchor, en remplacement de Monsieur Martial Coly BOP ;
Monsieur Bara GAYE, titulaire d’un Master en communication des entreprises et autres organisations, est nommé Directeur du Service national de l’Education et de l’Information pour la Santé au Ministère de la Santé et de l’Action sociale, en remplacement de Docteur Ousmane GUEYE, appelé à d’autres fonctions ;
Monsieur Alioune Badara LY, Aménagiste, est nommé Directeur des Paysages et des Espaces publics au Ministère de l’Urbanisme, du Logement et l’Hygiène publique, en remplacement de Monsieur Mbaye DIOP, appelé à d’autres fonctions."
L'ÉLECTRIFICATION RURALE AU MENU DU CONSEIL DES MINISTRES
Le président signale l’impératif d’améliorer, de façon notable, le taux d’électrification rurale dans les régions de Kédougou, Sedhiou et Kolda, en veillant au raccordement urgent de l’ensemble des communes prioritaires - COMMUNIQUÉ
SenePlus publie ci-dessous, le communiqué du Conseil des ministres du 26 mai 2021.
"Le Président de la République, Son Excellence Macky SALL a présidé le Conseil des Ministres, ce mercredi 26 mai 2021, au Palais de la République.
A l’entame de sa communication, le Chef de l’Etat a adressé un message de félicitations et de solidarité à la communauté chrétienne, à l’occasion de la célébration de la Fête de Pentecôte, le dimanche 23 mai 2021.
Abordant son agenda diplomatique, le Président de la République a informé le Conseil de sa participation, comme Co-parrain, au Sommet de Paris sur le financement des économies africaines, le 18 mai 2021.
Le Chef de l’Etat a indiqué que son message a, entre autres, porté sur les contraintes qui pèsent sur les économies africaines, en termes d’accès aux ressources, de plafond d’endettement et de traitement de la dette, de seuil de déficit budgétaire et de perception du risque d’investissement en Afrique.
Le Président de la République a plaidé, lors de ce Sommet, pour la réallocation d’une partie des Droits de Tirage Spéciaux (DTS) des pays développés aux pays africains, en appui à leurs efforts de résilience et de relance, et pour la réforme des règles de gouvernance économique et financière mondiale.
Le Chef de l’Etat s’est réjoui des résultats de ce Sommet qui a confirmé les consensus déjà actés sur le moratoire de la dette, l’émission de Droits de Tirage Spéciaux (DTS) à hauteur de 650 milliards de dollars US dont 33 milliards comme quote part africaine, plus, potentiellement, 100 milliards supplémentaires au titre des réallocations selon les modalités à convenir.
Le Président de la République a également indiqué que le Sommet a lancé l’Alliance pour l’entreprenariat en Afrique (doté d’un financement d’un milliard de dollars Us en appui au secteur privé), et amplifié le plaidoyer pour l’accès universel au vaccin anti Covid-19 et sa production par certains pays africains qualifiés dont le Sénégal, pour faire passer le taux minimum de vaccination en Afrique de 20 à 40% d’ici fin 2021.
Le Chef de l’Etat a félicité le Ministre de l’Economie, du Plan et de la Coopération pour sa participation qualitative aux travaux préparatoires de ce Sommet.
Poursuivant sa communication, le Président de la République rappelle aux membres du Gouvernement, la nécessité d’un monitoring très rapproché et régulier de l’exécution des programmes et projets sectoriels.
Le Chef de l’Etat demande, au Gouvernement, dans le cadre de la doctrine de la Gestion axée sur les Résultats (GAR), de veiller à l’exécution (physique et financière) à bonne date des projets et programmes.
Le Président de la République demande, enfin, au Ministre des Finances et du Budget et au Ministre de l’Economie, du Plan et de la Coopération, de préparer avec le Ministre en charge du Suivi du PSE, la prochaine réunion présidentielle de suivi des programmes et projets, dans la dynamique d’accélération des réalisations et réformes sectorielles.
Abordant la question liée à sa tournée économique qu’il effectuera du 29 mai au 1er juin 2021, dans les régions de Kaffrine et Kédougou, pour inaugurer et lancer les travaux d’infrastructures publiques majeures, le Chef de l’Etat rappelle, au Conseil, l’importance primordiale qu’il accorde à l’aménagement et au développement durable de nos territoires.
Le Président de la République réaffirme, dans cette dynamique, sa volonté d’assurer, dans l’équité sociale et territoriale, la satisfaction des besoins des populations, afin de consolider la dynamique d’émergence du Sénégal.
Sur l’intensification de la mise en œuvre des programmes d’électrification rurale, le Président de la République rappelle que l’accès universel à l’électricité, reste une priorité de l’action gouvernementale et, à ce propos, les Ministres en charge des Energies et de l’Equité sociale et territoriale, devront accélérer le déploiement national du projet spécial d’électrification de 2000 villages, prévu dans le cadre de la phase II du Programme d’Urgence de Développement Communautaire (PUDC).
Le Chef de l’Etat signale l’impératif d’améliorer, de façon notable, le taux d’électrification rurale dans les régions de Kédougou, Sedhiou et Kolda, en veillant au raccordement urgent de l’ensemble des communes prioritaires.
Le Président de la République indique, par ailleurs, au Ministre du Pétrole et des Energies, la nécessité d’une répartition optimale des 115.000 nouveaux lampadaires solaires qui seront implantés principalement dans les zones rurales et périurbaines, selon un cahier des charges en matière d’entretien, bien défini avec les communes.
Sur le Climat social, la gestion et le suivi des affaires intérieures, le Chef de l’Etat a invité les Ministres concernés :
- À prendre les dispositions idoines pour un bon déroulement du Daaka de Médina Gounass, en mettant l’accent sur les aspects sécuritaires et sanitaires ;
- À assurer la gestion optimale du service public de l’eau potable en milieu urbain comme rural dans la perspective d’un accès universel à l’eau.
Le Président de la République a clos sa communication sur les points liés à la coopération et aux partenariats notamment sur la création du comité mixte paritaire sénégalo-gambien, destiné à lutter efficacement contre la coupe illicite de bois dans les forêts de la zone sud du Sénégal.
AU TITRE DES COMMUNICATIONS
– Le Ministre, Secrétaire général de la Présidence de la République a fait le point sur le suivi des directives présidentielles ;
– Le Ministre des Finances et du Budget a fait une communication sur la situation d’exécution budgétaire 2021 ;
– Le Ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur a fait une communication sur la situation internationale ;
– Le Ministre de l’Economie, du Plan et de la Coopération a fait une communication sur les conclusions du Sommet de Paris sur le Financement des Economie Africaines ;
– Le Ministre de la Santé et de l’Action sociale a fait une communication sur la situation épidémiologique (COVID 19) ;
– Le Ministre de l’Agriculture et de l’Equipement rural a fait une communication sur la préparation de la campagne agricole 2021-2022 ;
– Le Ministre auprès du Président de la République, en charge du suivi du Plan Sénégal Emergent a fait une communication sur l’exécution des projets et réformes phares du PSE.
AU TITRE DES TEXTES LEGISLATIFS ET REGLEMENTAIRES
Le Conseil a examiné et adopté :
– Le projet de loi portant Code de l’électricité ;
– Le projet de loi portant création, organisation et attributions de la Commission de Régulation du Secteur de l’Energie (CRSE).
AU TITRE DES MESURES INDIVIDUELLES
Le Président de la République a pris les décisions suivantes :
Monsieur El Hadji Ibou BOYE, Conseiller des Affaires étrangères, est nommé Secrétaire exécutif du Secrétariat permanent sénégalo-gambien, en remplacement de Monsieur Fodé SECK ;
Docteur Ousmane Issa CISSOKHO, Juriste, Expert en régulation des marchés des Télécommunications et Postes, précédemment Directeur de Cabinet du Ministre de l’Economie Numérique, est nommé Secrétaire général du Ministère de l’Economie numérique et des Télécommunications, en remplacement de Monsieur Yoro Moussa DIALLO, appelé à d’autres fonctions.
Monsieur Moustapha KA, Magistrat, est nommé Secrétaire général du Centre de Formation judiciaire (CFJ) ;
Docteur Amadou NDIAYE, Médecin-spécialiste, précédemment Chef du service des laboratoires au Centre Hospitalier Abass NDAO, est nommé Directeur du Centre hospitalier Abass NDAO, en remplacement de Docteur El Hadji Magatte SECK, appelé à d’autres fonctions ;
Docteur Ousmane GUEYE, Médecin, Economiste de la santé, précédemment Directeur du Service national de l’Education et de l’Information pour la Santé, est nommé Directeur du Centre hospitalier national de Pikine, en remplacement de Monsieur Mouhamed Abdallah GUEYE ;
Monsieur Ndiamé DIOP, titulaire d’une Maîtrise ès sciences économiques, option gestion des entreprises, précédemment Chef des services administratifs et financiers à l’Hôpital Aristide Le DANTEC, est nommé Directeur de l’Hôpital régional de Ziguinchor, en remplacement de Monsieur Martial Coly BOP ;
Monsieur Bara GAYE, titulaire d’un Master en communication des entreprises et autres organisations, est nommé Directeur du Service national de l’Education et de l’Information pour la Santé au Ministère de la Santé et de l’Action sociale, en remplacement de Docteur Ousmane GUEYE, appelé à d’autres fonctions ;
Monsieur Alioune Badara LY, Aménagiste, est nommé Directeur des Paysages et des Espaces publics au Ministère de l’Urbanisme, du Logement et l’Hygiène publique, en remplacement de Monsieur Mbaye DIOP, appelé à d’autres fonctions."
UN BATEAU CHARGÉ DE DÉCHETS INTERCEPTÉ PAR LA DOUANE
Le navire chargé de réexpédier les déchets plastiques a quitté le port de Dakar dimanche 23 mai, vers 23 h, « en toute discrétion »
Au Sénégal, demi-tour pour des centaines de tonnes de déchets plastiques. Un bateau du géant allemand du transport maritime Hapag-Lloyd avait été intercepté par les services des Douanes début mai tentant d'introduire frauduleusement la cargaison sur le territoire.
Le navire chargé de réexpédier les déchets plastiques a quitté le port de Dakar dimanche 23 mai, vers 23 h, « en toute discrétion », indique une source bien informée. À son bord, il y avait 25 conteneurs, « pour un poids total de 581 tonnes » de déchets, indique notre source précisant que la cargaison était initialement « en provenance d’Espagne ».
2 milliards de francs CFA d'amende pour l'armateur allemand
C’est donc l’épilogue après la saisie du porte-conteneurs « Hansa Neuburg » au port de Dakar. Après le déchargement des déchets, la compagnie maritime allemande Hapag-Lloyd avait accepté une transaction.
ÉLITES POLITIQUES, CORRUPTION ET STRATÉGIES D’ACCAPAREMENT AU SÉNÉGAL
EXCLUSIF SENEPLUS - La faillite de l’élite dirigeante est au cœur du débat sur les échecs du développement dans nos États, sur la crise des valeurs, sur la crise de l’école et la pauvreté systémique à laquelle nos populations sont confrontées
La problématique dont il question d’instruire dans cet article est de proposer une analyse trajectorielle des élites gouvernantes et leurs rapports au pouvoir. L’objectif est de mettre le doigt sur un point aveugle dans le management de nos États, celui relatif à l’usage pervers et pernicieux que les élites se font de leur situation positionnelle au sommet de l’appareil étatique. Il s’agit de montrer que, pour autant la morphologie sociale des élites n’a pas changé au Sénégal, pour autant leurs rapports au pouvoir n’ont pas du tout évolué. En me situant dans la posture de la sociologie des élites du politique, conçue à partir d’une analyse croisée d’un système de corruption et de stratégies d’accaparement portées par une élite de prébende, nous proposons une lecture de la réalité élitaire ancrée dans l’expérience empirique d’un pays malade de ses élites gouvernantes. Nos éléments d’analyse vont relier deux niveaux intrinsèquement liés dans les formes d’accaparement de l’État et de sa patrimonialisation dans le contexte sénégalais : il s’agit du lien constitutif entre élites et régime politique d’une part, et entre élites et État, d’autre part. Ce double regard se justifie par la configuration institutionnelle et la nature des pouvoirs politiques postcoloniaux en Afrique où les élites politiques peinent à établir des lignes de partage entre les appareils politiques partisans et les structures étatiques neutres, au point de fusionner l’espace institutionnel neutre et l’espace politique partisan. La complexité des configurations observables, la palette des pratiques considérées comme illicites, selon des critères établis (la petite corruption comme la grande, le népotisme, le trafic d’influence, les abus de biens sociaux, les marchés gré à gré, les 10%, le bradage foncier, etc.), renseignent sur les limites de mon article à révéler toutes les zones d’ombre qui entourent les dérives de la mal gouvernance de notre pays.
Contextualisation dela « gouvernementalité du ventre »
En substituant la notion d’élite au concept marxiste de classe dirigeante, les théoriciens de la sociologie politique ont voulu rompre avec une sociologie du pouvoir politique qui charge négativement les élites dirigeantes. La rupture sémantique, ainsi postulée, est impertinente dans le contexte de nos États postcoloniaux où l’élite gouvernante est, par excellence, une élite politico-affairiste qui entretient le système de prédation et ses multiples travers. La corruption dans la gouvernance de nos pays postcoloniaux relève de la logique de la rétribution où nos États sont « appropriés » et capturés par ceux qui sont dans une situation positionnelle privilégiée dans la gestion des institutions. Ce phénomène est consolidé par la culture de la transhumance et du recyclage des élites politiques perdantes au gré des calculs politiques.
Le Sénégal est un cas d’école, en ce sens qu’il offre, en dépit de deux alternances, une sédimentation de la « gouvernementalité du ventre » qui se traduit par une routinisation voire une banalisation des stratégies d’accaparement et d’enrichissement. Au cours des deux dernières alternances dans notre pays, la circulation des élites au pouvoir n’a pas conduit à une alternance alternative, porteuse de rupture paradigmatique dans les rapports entre élites et pouvoir. La récurrence de la corruption dans le contexte situationnel du Sénégal s’explique par la forte imbrication entre espace politique partisan (partis ou coalitions au pouvoir) et espace institutionnelle (structures étatiques), au point que l’État et le parti au pouvoir se confondent. Il s’y développe, par des stratégies de captation de biens publiques savamment mises en œuvre par des élites gouvernantes, la pratique de la mainmise sur les ressources publiques.
Mais, au- delà des éléments factuels qui renseignent sur le phénomène, il faudrait approcher les finalités de la pratique corruptive pour en comprendre les véritables déterminants. Le système de prédation, entretenu au Sénégal par les élites gouvernantes, a une triple finalité. La finalité première de la pratique corruptive est l’enrichissement personnel, à des fins de survie économique pour des hommes politiques qui n’ont pas, la plupart du temps, une assise financière ou une fonction bien rémunérée lors de leur entrée en politique. Elle a aussi comme but la dotation d’un trésor de guerre destiné à l’entretien d’une clientèle, à des fins de survie politique et sociale. La troisième finalité de la pratique corruptive se donne à voir par l’entretien des familles d’appartenance (biologique, ethnique, confrérique, etc.) : « ku falu faal saï mbook ». En effet, la forte implication des familles des élites gouvernantes dans les mécanismes de corruption a une explication socio-anthropologique. Elle s’explique par l’insertion des acteurs politiques dans des réseaux familiaux, ethniques, confrériques où l’obligation d’entraide s’est érigée en système défini sous la base d’un « échange généralisé de services mutualisés ». Il s’est construit dans la gouvernance de notre pays, à l’instar de la plus part des pays africains, « un clientélisme sociétal » qui favorise ce qu’Olivier Vallée appelle « la construction de la corruption ». Les réseaux familiaux, au sens large, sont souvent impliqués dans les rouages de la corruption, par l’octroi de marchés qui sont des incitateurs de concussion, par les 10 % que les congolais appellent « opération retour ». C’est dans ce cadre qu’on peut comprendre, en partie, les vrais déterminants de la transhumance politique au Sénégal. Le souci de privation des réseaux parentaux, des dividendes obtenus de par la posture situationnelle au sommet de l’État, se justifie par la forte pression que ces réseaux parentaux exercent sur la plupart des élites politiques. La transhumance, tant décriée, a donc une assise socio-anthropologique réelle, consubstantielle à l’accaparement des biens publics par une élite ventrue, investie à entretenir une clientèle politique. « La redistribution qui l’accompagne est essentielle à sa compréhension ».
En définitive, la pratique corruptive comme variable structurelle dans la gouvernance se lit à travers cette triple fonction. Elle a fini par générer dans le champ politique la culture du reniement (wax waxeet), de la trahison et la banalisation du mensonge. La corruption est plus qu’un fléau économique, elle est un levier de destruction, de délitement des valeurs. Son incrustation dans les habitudes sociales, a fini par déplacer les barrières de l’honneur, de la honte et de la dignité qui étaient des lignes rouges à ne point franchir, selon les valeurs fondatrices de l’éthique tiedo. Tel est le grand tort porté par l’ampleur endémique de la pratique corruptive dans la gouvernance de notre pays.
Élites politiques au pouvoir et avatars de la gouvernance d’accaparement
Au Sénégal, depuis les indépendances, nous n’avons pas affaire à une élite au sommet de la pyramide du pouvoir, conceptrice de véritables stratégies de développement et initiatrice de décisions économiques et politiques articulées à une vision porteuse de progrès. L’analyse de la trajectoire biographique de la plupart des acteurs visés dans mon texte révèle une élite ventrue. Elle excelle dans l’art de développer des stratégies de captation, d’accumulation de richesse, par divers truchements. En connivence avec des entrepreneurs affairistes et complices, qui sont devenus de véritables chasseurs de marchés d’État, une bonne partie de l’élite gouvernante profite des marchés publics, des entreprises et offices d’État et des aides extérieures, pour alimenter des mécanismes de détournement, par la corruption ou par la surfacturation. Au Sénégal, la position de pouvoir est assimilée à un droit de prébende. Le gré à gré, la surfacturation au niveau des marchés, leur exécution en deçà des normes acceptables, les commissions à divers intermédiaires 10 % ou plus, sont les pratiques édifiantes d’un système de corruption solidement ancré dans la gouvernance de notre pays. Avec le président Wade, la pratique a atteint des niveaux insoupçonnés pour être à son paroxysme pendant la seconde alternance. En attestent les centaines de milliards investis dans des projets inachevés ou au niveau de l’emploi et de l’employabilité des jeunes. Il est utile de rappeler ici les propos de Wade qui, en accédant au pouvoir après vingt-six années d’opposition, déclarait à son ancien protégé Idrissa Seck : « Maintenant nos problèmes d’argent sont terminés ». Une fois au pouvoir, les libéraux ont fait du Sénégal un butin à partager. On peut se rappeler, à propos, la déclaration de Wade président de la République qui se glorifiait d’avoir « fabriqué beaucoup de milliardaires artificiels au Sénégal ». Une déclaration triste de mémoire, rangée aux oubliettes, et dont la portée se lit dans une autre affirmation de Wade : « Si j’avais appliqué contre vous la loi, vous iriez tous en prison ».
Ce style managérial de l’État, essentiellement porté vers l’enrichissement et vers la propension au détournement de biens publiques, s’est reconstruit, renforcé par ceux qui étaient supposés venir au pouvoir en 2012 pour jeter les fondamentaux de la rupture. Et le paradoxe, c’est que la situation n’a guère changé, jusqu’à présent. On se désole de la scandaleuse impunité qui protège les élites des deux alternances, épinglées dans les rapports des corps de contrôle de l’État. Des contrats distribués en une journée, sans appels d’offres, qui se concluent par la cession de vastes concessions, sont dénoncés constamment par une presse engagée, mais sans suite. Que sont devenues les 25 personnalités du régime de Wade qui figuraient sur la liste de la CREI ? Macky Sal s’était pourtant identifié comme le chevalier blanc de la croisade anticorruption dont le leadership allait s’investir dans le projet d’instauration de l’État de droit, par l’émergence d’un modèle de gouvernance bâti sur un socle de valeurs, d’équité et de transparence. Avant de s’investir à construire les ponts et les routes, il avait promis de promouvoir de nouvelles valeurs éthiques de gouvernance, pour le triomphe d’un nouveau contrat social. Les belles promesses sont par la suite contredites par des actes. Hélas, durant la seconde alternance que de détournements de biens publics, que de politiciens épinglés par les corps de contrôle sans suite ! Le scandale Petrotim où le frère du président est fortement impliqué et les milliards du PRODAC, sont deux indices révélateurs de cette valse du pillage impuni des biens publics.
L’administration sénégalaise n’a pas la culture de reddition de compte. Il y a une routinisation de la pratique du détournement et du pillage des deniers politiques dont les auteurs sont toujours impunis quelle que soit, du reste, l’immensité des sommes détournées. Le sentiment le mieux partagé est que nos deniers publics n’ont jamais été gérés dans la transparence, et selon les normes requises. Les élites dirigeantes du passé comme celles du présent, ont fait de la pratique des détournements de deniers publics leur jeu favori. Même s’il existe au Sénégal toute une infrastructure judiciaire pour combattre et punir la corruption, les élites gouvernantes qui se sont succédées, jusque-là, ont reconduit les mêmes pratiques. C’est comme si on dirait qu’il y a l’institutionnalisation de la culture d’impunité, par la sociabilité de la pratique corruptive par les acteurs politiques au moyen de réseaux d’implication et de partage à grande échelle. L’autre travers de ce pillage des deniers publics est la tare congénitale d’une élite adepte de la consommation ostentatoire et improductive. Les modalités de détournement, de partage de la rente captée au niveau des marchés publics et des multinationales, ne favorisent guère des investissements dans des projets de développement, générateurs de plus-value. L’argent volé au peuple est réinvesti dans l’immobilier, mis dans les comptes bancaires des paradis fiscaux ou redistribué à une clientèle politique.
Les facteurs explicatifs de la prévalence de ce phénomène au sein de notre système politique sont divers, mais l’enrichissement personnel et l’entretien d’une clientèle politique en sont les deux déterminants. La seconde explication, relative à l’entretien d’une clientèle politique, relève de la logique de socialisation secondaire d’une population nécessiteuse, prisonnière du réflexe de la dépendance et du souci de la subsistance quotidienne, et entretenant des relations d’immersion par rapport aux élites gouvernantes.
La lecture qu’il convient alors de se faire de la transhumance, comme variable structurelle dans le paysage politique sénégalais, se situe dans les fondements politiques de la pratique du détournement. Elle est la stratégie de marchandage pour les vaincus avec les nouveaux élus, dans l’optique d’assumer la posture de pourvoyeurs de fonds dans l’élargissement des bases politiques du vainqueur d’aujourd’hui. Il y a une sorte de contrat dans la perversion de l’éthique politique où l’adhésion au nouveau régime se paie par un engagement financier et politique des transhumants dans l’entretien « du cheptel politique ». L’historien Ibrahima Thioub nous en livre la teneur dans son analyse sur le phénomène : « Quand un système politique est fondé sur la rétribution des soutiens mercenaires dans un contexte où l’État joue un rôle central dans la distribution des ressources économiques avec un ancrage historique fort dans une culture de prédation, il devient impossible d’asseoir l’adhésion politique sur une base idéologique ou programmatique ». Les pillards du régime de Wade sont aujourd’hui en alliance avec ceux de la seconde alternance, en route pour un troisième mandat. Ils sont en train de signer le pacte de la mise en variable factuelle du rêve de Wade, celui de voir « ses enfants » gouverner le Sénégal pendant un demi-siècle. Mais, rien n’est encore joué, au regard des tempêtes de mars, car la jeunesse du peuple a sonné l’alerte.
Elites politiques au Sénégal et crise de représentation
Les stratégies d’accaparement et de patrimonialisation sont porteuses de tares congénitales, de défiances, au point de renseigner sur deux choses : l’enlisement économique de notre pays et le niveau de délitement des valeurs éthiques fondatrices. Dans la gestion des biens publics, il est avéré que les fondamentaux de la République sont vivement menacés, tant au niveau de de l’éthique qu’au niveau du développement économique. Il subsiste à la fois une crise des valeurs et une crise du développement économique. Ces deux crises sont corrélées à la crise de la représentation, il s’agit de la crise entre le peuple et l’élite politique gouvernante. Par conséquent, la faillite de l’élite dirigeante est au cœur du débat sur les échecs du développement dans nos États, sur la crise des valeurs, sur la crise de l’école et de l’éducation, bref sur la pauvreté systémique et endémique à laquelle nos populations sont confrontées. Au nom des valeurs fondatrices de notre société, régies par le sentiment du respect du bien commun, les mobilisations quotidiennes des sénégalais font écho dans la dénonciation de la mal gouvernance endémique. Le malaise de la représentation se donne à voir dans l’imaginaire sénégalais, au prisme d’une image négative de la classe politique clouée au pilori par la conscience collective. L’appréciation du pareil au même, est le sentiment partagé qui range l’homme politique dans la catégorie des filous, porteurs de tort aux autres. En se situant au niveau de l’éthique fondatrice de la société sénégalaise, l’homme politique est vu comme un rapace qui se dévoile dans le jeu de la trahison et du reniement de ses propres engagements. La tromperie est synonyme de politique dans l’imaginaire de l’homo sénagalescus. Il y a une sorte de transgression permanente des valeurs référentielles à laquelle s’adonnent les politiques qui fait de l’acteur politique une anti-valeur par rapport au « domou soxna », le prototype de l’exemplarité de l’homo sénégalescus.
Réinterpréter les rapports élites et pouvoir : au-delà des impasses de l’élitisme
Dans « L’autre Afrique », un des ouvrages de Serge Latouche, l’auteur établit une dualité, au sens simélien, entre l’Afrique officielle, qui est en faillite, et l’Afrique par le bas, qui dessine en pointillé un avenir plein d’espoir. L’Afrique officielle, celle des élites, est, aux yeux de Latouche, le « versant occidentalisé de l’Afrique ». En marge de cette Afrique de la déréliction, il y a une autre Afrique, celle des peuples qui se construit par la décolonisation des mentalités et par les alternatives volontaristes et historiques. C’est au prisme de cette dualité que je conçois les signes de ruptures qui se conjuguent dans le dynamisme d’une élite du bas, porteuse d’une détermination de changement historique. C’est une relecture qui nous éloigne des lignes de sens de cette conception occidentaliste de l’élitisme intellectuel et politique dont l’Afrique est malade. Dans l’alphabet et la grammaire de ces nouvelles élites du peuple se formule une autre philosophie du progrès ; il s’y dessine un changement de regard qui se définit comme une leçon de vie aux élites dirigeantes. Si on procède à une archéologie du concept d’élite, on constate que les glissements de sens qu’il a connus permettent de comprendre que son usage relève parfois de l’arnaque. Du sens où le terme dérive du verbe latin eligere qui signifie choisir, le glissement de sens s’opère du choix à l’éminence. Les sciences sociales ont donné à ce concept un double sens : un sens fonctionnel pour désigner une catégorie d’individus, ayant une posture de gouvernance dans nos États modernes, et un sens qui présage une expertise avérée dans la gestion de la cité. Ramené au contexte du Sénégal, la notion d’élite prête à confusion. Elle est loin de traduire l’éminence, l’expertise dans la gouvernance, car la plupart de nos élites politiques sont de simples professionnels et entrepreneurs de la politique qui vivent de prébende et de corruption et non des cadres dotés d’une expertise avérée. Il y a une autre élite souvent oubliée, celle qui se construit dans la philosophie du changement de lexique, par la référence aux valeurs fondatrices de l’éthique tiedo. C’est une élite qui excelle dans l’informel et procède au bricolage structurel du social dans la sédimentation d’un nouveau modèle de réussite sociale. Héritiers du mythique personnage mbaye Demba waar, ils sont adeptes de la mystique du travail. Dans le paysage médiatique sénégalais et dans le parler jeune, des concepts-slogans, forgés par cette nouvelle élite, ont fini par faire corps avec le corpus langagier du commun des mortels et servent de slogans politiques, détruisant le mythe artificiellement construit autour de la figure élitiste. Ces concepts-slogans ont pour sonorité dans le langage populaire : « gëm sa bopp, Liggey,liggey, rekk ! , Jëf Jël, ñakh jareñu, pass pass , door waar ». Ces sonorités sont annonciatrices d’un ethos qui redéfinit la centralité du travail et l’effort quotidien dans la réussite et dans la reconstruction des identités individuelles et collectives. Cette philosophie de la confiance en soi, de la mystique du travail et l’abnégation, suppose à la fois le désir d’émancipation et la capacité d’innovation. Ces concepts-slogans renvoient à un détour de sens, révélateurs du renversement de perspective que ces nouvelles générations ont voulu établir entre la réussite sociale et la mystique du travail. Ils traduisent, dans l’ordre des valeurs et de l’éthique, l’étendue du divorce entre la pratique du détournement de biens publics par les élites dirigeantes, à des fins d’enrichissement personnel, et la philosophie de la débrouille, par l’entremise de l’effort et l’abnégation quotidiens pour l’acquisition licite de l’avoir. Cette philosophie de la réussite, par le travail, rien que par le travail (Liggey,liggey, rekk !) dont est porteuse cette nouvelle élite repose sur trois piliers fondamentaux : le travail, l’abnégation et l’acquisition licite de l’avoir. Elle renvoie à l’idéal de la gouvernance des valeurs. Ce qui est sous-jacent à ce projet se donne à analyser sous le registre de la rupture des « modes de dire » et des « modes de faire », pour l’émergence d’une autre philosophie de la réussite. A l’idée que « l’argent ça se débrouille », il ne peut être le fruit du travail (xalis nanu kooy lidianti », les élites du bas proposent le travail et l’abnégation dans l’effort comme les principes de base de la recherche du salut. L’on retient que les slogans sont, au-delà de leurs significations langagières, des concepts et des principes d’explication à un mouvement générationnel, construit dans les dynamiques d’hybridation, porteuses de prémices pour la reconstruction de l’éthique dans l’ordre du social et du politique. Pour cela, je les désigne par le néologisme de concepts-slogans. Ils renvoient à la notion d’idéal type, au sens wébérien. Ces concepts-slogans ont une étendue significative symbolique, car ils ont valeur de principes éthique dans le vécu des acteurs qui s’en réclament. Indépendamment du projet de reconstruction des identités individuelles et collectives, cette autre philosophie de la réussite dans l’acquisition licite de l’avoir prône ce que l’on peut appeler l’« endogénéisation de l’identité » individuelle et collective. Elle préfigure un ethos porteur de modèles alternatifs auxquels devraient s’inspirer les élites de tous bords, qu’elles soient politiques, intellectuelles ou religieuses. Pour la plupart de ces trois catégories d’élite, la règle de vie se réduit à officier comme chasseurs de primes, par la recherche du gain facile. Toutes les crises de notre pays se cristallisent autour de ces trois figures qui se considèrent comme l’épicentre de notre pays. Et pour autant, les élites politiques, intellectuelles ou religieuses sont en dehors des dynamiques productives de richesses, mais elles sont massivement présentes dans l’espace de la redistribution de ces richesses auxquelles elles n’ont d’aucun apport consistant.
Au-delà du symbolisme de la rupture par le bas, portée par une nouvelle élite, il s’agit de redéfinir la représentation de ce qu’est la fonction de l’élite, pour libérer le Sénégal des élites politico-intellectuelles au pouvoir (en connivence avec une certaine élite maraboutique) qui n’ont ni réalisé l’émergence, ni balisé les voies du changement et du développement. Au contraire, la « gouvernabilité du ventre », a contrarié le développement du Sénégal qui avait, pourtant une longueur d’avance sur des pays, cités aujourd’hui en exemples dans ce que l’on appelle le développement par l’émergence. La nouvelle philosophie incarnée par cette élite du peuple profond rappelle les principes sacrés de la gouvernance prônée par le toroodo Souleymane Baal, fondateur de la théocratie du Fouta Tooro au 18e siècle. Thierno recommandait, en matière du choix de l’imam et du chef de l’État, de se conformer au choix par le principe de l’incarnation des valeurs intellectuelles, religieuses et éthiques : « Choisissez un homme savant, pieux et honnête, qui n’accapare pas les richesses de ce bas monde pour son profit personnel ou pour celui de ses enfants. Détrônez tout imam dont vous verrez la fortune s’accroître, confisquez l’ensemble de ses biens, combattez-le et expulsez-le s’il s’entête ». L’impératif de la révolution toroodo nous invite à faire preuve de dextérité dans la gouvernance de nos pays. Il exhorte à épouser les valeurs de la probité morale, de l’équité dans la gestion partagée des biens publics. Il nous inspire à l’exigence d’une réinterprétation du rapport élites et pouvoir, en nous s’inspirer de ce qui nous est propre. Mais ce qu’il y a de pertinent dans le paradigme toroodo, c’est le refus de confiner la religion dans la seule dimension mystique pour en faire aussi un terreau de l’éthique et une source d’inspiration pour la gouvernance vertueuse de nos cités. Il nous propose d’avoir une posture de rupture : prospérer la créativité et l'initiative, en libérant notre pays des pouvoirs corrompus et bridés par l'infécondité intellectuelle de ses gouvernants. C’est en sens que l’éducation devient la centralité des initiatives porteuses pour des changements durables. Nous reviendrons, par le détour d’une lecture critique sur la crise de l’éducation et de l’école au Sénégal, sur le rôle du système éducatif à opérer les ruptures profondes pour refonder la gouvernance de notre État. Il est venu, dans l’ordre de la temporalité des expériences-leçons de vie, le moment où le débat sur la corruption soit posé comme une priorité dans les projets pour un Sénégal nouveau. Telle est la portée de mon article qui s’inscrit dans une série de réflexions critiques sur le Sénégal que j’ai voulue engager pour que la sociologie des haut-parleurs (pour reprendre l’expression de Bourdieu) cède la place à la sociologie scientifique.
Il murmure dans l’imaginaire populaire de l’homme sénégalais, du fait de la récurrence de l’accaparement des biens publics par les élites gouvernantes, un sentiment de résignation : « buur lekk ak naan, rangooñu badoolo mooy siim cere buur » : les royaux jouissent, les exclus trinquent ! C’est cette logique de la prédation qui irrigue les types de rapport que beaucoup de nos hommes politiques ont avec le pouvoir, par la propension à faire de l’État un bien personnel, clanique, ou d’en avoir une posture de légitimité de droit, et non le résultat d’un contrat social provisoire entre des élus et leur peuple. C’est cette tare congénitale contre laquelle il faudrait agir, dans l’optique de prospérer la gouvernance de rupture, par l’engagement du don de soi pour sa patrie. Il nous faut, dans la gestion de nos institutions, une élite profondément ancrée dans les valeurs cardiales de notre référentiel traditionnel qui a fini par faire corps avec les valeurs religieuses. La fabrique d’une telle élite passe inévitablement par la réforme de l’Ecole par la refondation de notre système éducatif.
Amadou Sarr Diop est sociologue, directeur du laboratoire Groupe Interdisciplinaire de Recherche sur l’Education et les Savoirs (GIRES) Université Cheikh Anta Diop
DJIBOUTI ENTRE MILITARISME INTERNATIONAL ET DICTATURE LOCALE
Le pouvoir est passé d’un oncle vieillissant à son neveu sécurocrate, ancien policier de l’administration coloniale. Si dans le discours, le régime politique djiboutien se réclame des principes de la démocratie, il n’est pas démocratique dans les faits
On attribue à Frantz Fanon cette description incisive : « l’Afrique à la forme d'un révolver dont la gâchette est placée au Zaïre ». Je pourrais, en filant la métaphore, ajouter que le canon est situé au cœur de la Corne de l’Afrique : à Djibouti. En France, du temps de la conscription, tout le monde connaissait l’ancien TFAI (Territoire Français des Afars et des Issas). Les militaires vénéraient son paysage rugueux, idéal pour les exercices d’aguerrissement ; les poètes, inspirés à la fois par Arthur Rimbaud et Haroun Tazieff, son vertige géologique. Adolescent, je n’étais pas peu sensible à l’intérêt porté au pays mien qui est aussi un petit écrin de 23.200 km2, peuplé d’environ un million d’habitants[1].
Arrivée sans carte d’invitation fin XIXème siècle, la France a, en décembre 1975, au plus fort de la pression indépendantiste, ‘’reconnu la vocation de Djibouti à l’indépendance’’. Nombreux sont ceux qui souviennent encore la voix inimitable de Valéry Giscard d’Estaing proclamant ces mots. Et voilà comment l’ex-TFAI est devenu la République de Djibouti le 27 juin 1977, sous la présidence de Hassan Gouled Aptidon, un maquignon de la politique coloniale. J’avais 12 ans, l’âge des angoisses métaphysiques. Mon enfance a été rythmé par les coups d’éclats des indépendantistes (mes héros, dont certains étaient de ma propre famille !) et les actions punitives de la Légion étrangère.
Vous avez compris que la République de Djibouti est située sur la rive africaine de la mer Rouge, à l’entrée sud de cette importante voie d’eau qui passe par le Canal de Suez, en Égypte. Vous savez à présent que ce minuscule état est niché entre l’Éthiopie et ses plus de 110 millions d’habitants, la Somalie en reconstruction et ses plus de 15 millions d’âmes et l’Érythrée avec ses plus de 6 millions d’habitants. Sur la carte, Djibouti est repérable à l’est de l’Éthiopie, au nord-ouest de la Somalie et au sud de l’Érythrée. Un œil de cyclone, disent les amateurs de romans d’espionnage !
Avec ces trois États dont les liens avec lui sont multiples (humains, culturels, économiques…), mon pays constitue un premier ensemble géopolitique dans la Corne de l’Afrique. Élargissez cet ensemble au Soudan, au Sud-Soudan, au Kenya et à l’Ouganda, et vous obtenez une plus grande configuration géopolitique qui s’est d’ailleurs constituée en une organisation régionale dénommée Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD en anglais). Un coup d’œil sur l’espace au-delà de l’IGAD, vers l’est, le centre et le nord de l’Afrique, ou encore vers la rive arabe de la Mer Rouge, conforte en vous le sentiment d’un pays certes de taille modeste mais géopolitiquement non-négligeable.
Si vous ne relâchez pas l’attention, vous constatez que Djibouti revêt une dimension stratégique singulière grâce à certains facteurs valorisants. Le pays est adossé à un vaste hinterland prometteur dont l’Éthiopie n’est pas le moindre élément. Il contrôle, avec le Yémen, le détroit de Bab-el-Mandab dont la largeur minimale est de 30 km et par où transite 10% du commerce mondial[2]. Près de 19000 navires l’ont emprunté en 2020. Le Bab-el-Mandab donne sur l’entrée du Golfe d’Aden et de l’Océan indien. Non loin, deux autres golfes, celui d’Oman et son homologue arabo-persique, reliés par un autre détroit, Ormuz, s’activent, fiers de leurs abondants hydrocarbures et de leur demande intérieure à haut pouvoir d’achat.
Vous comprenez maintenant pourquoi tant de puissances internationales ont installé à Djibouti des bases militaires. Après la France, puissance coloniale restée influente, y ont pris pied les États-Unis d’Amérique en 2002, suivis du Japon en 2011, puis de l’Italie en 2012. Dernière arrivée, droite sur sa route de la soie, la Chine a obtenu sa base en 2017. N‘oublions pas de la liste l’opération anti-piraterie Atalante de l’Union européenne qui est en place depuis 2008, ou encore les soldats allemands, espagnols et hollandais à qui le sol djiboutien n’est pas inconnu. Pour le Japon et la Chine, il s’agit de leur première base à l’étranger, tandis que celle des États-Unis est leur seule implantation militaire permanente en Afrique. Ces bases sont autant de sources de loyers et autres dépenses sur le marché local (locations de logements, achats dans le commerce, etc.). Le montant total annuel de la rente des bases varie selon les sources, signe d’une transparence insuffisante, mais il n’est pas inférieur à 128 millions de dollars[3], soit plus de 15% du budget de l’État.
On l’imagine, une telle position stratégique de Djibouti n’attire pas que des bases militaires. Elle retient aussi l’attention de certains opérateurs économiques. Ainsi, séduit par les perspectives portuaires du pays, devenu le principal corridor du trafic éthiopien depuis la guerre éthio-érythréenne de 1998, Dubaï Ports International rebaptisé Dubaï Ports World a noué des liens privilégiés avec le dictateur du coin, Ismail Omar Guelleh. L’opérateur émirati s’est vu confier, en 2000, la gestion de l’unique port et du non moins unique aéroport internationaux du pays. De ce partenariat, deux nouveaux ports sont nés, sur le site de Doraleh, à la périphérie de la capitale, Djibouti-ville : un terminal à conteneurs et un terminal pétrolier. Un dry port aussi, plus près du vieux port de Djibouti, aux abords du palais présidentiel. A succédé un autre partenariat privilégié, cette fois avec la Chine qui s’est montrée généreuse en prêts non-concessionnels à l’État. Des aménagements portuaires dont un port polyvalent à Doraleh pour remplacer le vieux port, la reconstruction de la portion djiboutienne du chemin de fer reliant la capitale à son homologue éthiopienne, Addis-Abeba, et une adduction d’eau potable depuis le territoire éthiopien, sont les principaux projets qui ont vu le jour avec la manne chinoise.
Assez de chiffres, assez de graphiques ! Quid alors de la vie des Djiboutiens ? Commençons par le commencement : la pratique du pouvoir d’État, laquelle préside à tout le reste. Depuis son indépendance de 1977, Djibouti n’a connu que deux présidents parents, Hassan Gouled Aptidon et Ismail Omar Guelleh. C’est en mai 1999 que celui-ci a succédé à celui-là[4], son oncle et mentor. Guelleh était le chef de cabinet de Gouled qui l’avait chargé de la sécurité nationale dès le lendemain de l’indépendance. Le pouvoir d’État est ainsi passé d’un oncle vieillissant à son neveu sécurocrate, ancien policier de l’administration coloniale. Cela vous dit quelque chose ? En tout cas, si, dans le discours, le régime politique djiboutien se réclame des valeurs et principes de la démocratie, du moins depuis la constitution du 15 septembre 1992, il n’est pas démocratique dans les faits. De 1977 à 1992, règne le système du parti unique dans les textes comme dans la pratique et, depuis 1992, cette situation continue dans les faits. Résultat (entre bien d’autres choses) : les élections n’ont jamais été libres, ni démocratiques. Pas plus que le scrutin de la succession du 9 avril 1999 et tous les autres, l’élection présidentielle du 9 avril 2021 n’a point répondu aux standards démocratiques de base. Cette fois encore, l’opposition boycottant le scrutin, Guelleh n’a même pas pu susciter des candidatures alibi, exception faite de celle d’un illustre inconnu que l’opinion publique a identifié comme un des membres de sa famille élargie. Il était donc face à lui-même et s’est fait proclamer vainqueur avec un score de 97,44%. Sans risque de se faire épingler par des médias indépendants puisqu’il n’en n’existe tout simplement pas au pays. Au classement 2020 de Reporters Sans Frontières, Djibouti a le rang peu glorieux de 176/180.
Pourtant, à 73 ans passés (son âge officiel) et en petite forme, après 22 ans de pouvoir sans partage, précédés de longues années d’influence notoire à l’ombre de son parent et prédécesseur, il aurait pu organiser une alternance démocratique pacifique. Il lui aurait suffi de respecter la constitution et ses propres engagements répétés d’ouverture démocratique. Plus concrètement, il aurait pu faire cesser les atteintes récurrentes aux droits humains et libertés publiques et mettre en place la commission électorale nationale indépendante paritaire (gouvernement-opposition) prévue par l’accord-cadre signé avec l’opposition le 30 décembre 2014. D’autant qu’un tel organisme est également prévu par la Charte africaine sur la démocratie, les élections et la gouvernance, signée et ratifiée par Djibouti et ayant de ce fait valeur constitutionnelle. L’élection se serait alors déroulée dans la transparence et la confiance pour départager de vrais candidats avec de vrais projets. Il a fait le choix d’une 5ème mascarade électorale et d’un 5ème mandat illégitime. Sa volonté de présidence à vie, est patente. Elle rassemble, trait pour trait, à celle d’Idriss Déby, soutenu par des lobbys militaristes.
Peut-il, au moins, mettre en avant un bilan globalement positif en termes de services à la population, lui qui, à chaque fin de mandat présidentiel, invoque un prétendu appel populaire à rester aux rênes ? La réponse est un non franc et massif, que ce soit sur le terrain ou dans les indicateurs officiels, notamment internationaux. Le chômage est massif qui frappe 60,5%[5] des 15-34 ans. La pauvreté ne l’est pas moins qui est passée de 41.1 % en 1996 à 79.4 % en 2012[6]. L’accès à l’eau courante et l’abonnement à l’électricité n’excèdent pas respectivement 40,6% et 57% des ménages[7]. Au plan éducatif, les murs se sont multipliés, tirant les inscriptions scolaires vers le haut, mais le mouvement ne s’est pas accompagné d’un saut qualitatif des apprentissages. Dans les structures sanitaires, le déficit de qualité est tel que la mort ne s’y morfond pas. Parmi ses alliés, la malnutrition, l’insalubrité urbaine et sa flopée de maladies (malaria, diarrhées cholériformes, fièvre chikungunya, etc.), le khat et ses effets nocifs, une eau potable qui ne l’est plus…ou encore la pandémie Covid-19. L’indice de développement humain (IDH), publié chaque année par les Nations-Unies, ne contredit pas cette situation : le pays est classé 171/189 pour 2018.
Alors, rareté de ressources ou problème de redistribution ? En août 2006, dans un rapport sur le pays, la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) relevait à juste titre : ‘’ Djibouti est un pays riche mais les Djiboutiens sont pauvres[8]’’. La redistribution des richesses n'intéresse pas Ismail Omar Guelleh qui lui préfère la gouvernance par la misère et le coup de force. Sa mainmise sur les ressources du pays n’a d’égal que son contrôle absolu sur le pouvoir d’État. Il a tant accaparé l’État de Djibouti et ses ressources qu’il en a fait un État néo-patrimonial, comme l’observe à son tour Sonia Le Gouriellec[9]. En 2004 déjà, une note de la mission diplomatique des États-Unis d’Amérique décrivait l’État de Djibouti : ‘’Djibouti est moins un pays qu’une Cité-État commerciale contrôlée par un homme, Ismail Omar Guelleh’’[10]. La corruption y règne[11]. Il n’est donc point étonnant que cet autocrate qui capte jusqu’aux dépenses locales des étrangers, soit devenu l’un des présidents les plus riches d’Afrique. Signe de richesse parmi tant d’autres, lorsqu’il est de passage en France, il séjourne au 91 Avenue Henry-Martin, dans le 16ème arrondissement de Paris, en un luxueux et spacieux appartement estimé à 8 millions d’euros. C’est une adresse connue des exilés politiques djiboutiens qui y protestent s’ils savent le dictateur présent.
Source connue d’enrichissement sans cause dans les pays mal gouvernés, l’endettement public se révèle massif à Djibouti. L’État doit à la Chine, en particulier à sa fameuse Exim Bank, pas moins d’un milliard et demi de dollars[12] : 580 millions pour les aménagements portuaires dont le port polyvalent de Djibouti, 492 millions de dollars pour le chemin de fer, 322 millions de dollars pour l’adduction d’eau potable, etc. Soit près de 70% du Produit intérieur brut (PIB) estimé à autour de 2 milliards de dollars américains. La Banque mondiale a estimé la dette publique et garantie par l’État à 89,7% du PIB à la fin de 2017[13]. Quant au Fonds monétaire international (FMI), il a tiré la sonnette en ces termes, dans un communiqué du 19 décembre 2018[14] : ‘’La dette publique et garantie par l’État devrait se situer autour de 104 pour cent du PIB à fin 2018’’. Certains des grands projets financés par la dette chinoise, comme par exemple l’adduction d’eau potable depuis l’Éthiopie, doivent moins à leur pertinence économique qu’à des considérations inavouables de prédation. Selon des experts djiboutiens crédibles, il y a, au problème de l’eau potable, des solutions bien moins onéreuses et à moindre distance.
Ce sombre tableau laisse-t-il de marbre les puissances mondiales présentes à Djibouti ? Le contraire est difficilement perceptible dans leurs rapports avec le régime. Pour nous appuyer sur l’actualité, observons que, en février 2021, à quelques semaines de sa 5ème mascarade électorale, Guelleh a effectué une visite officielle en France. Le président Macron, si prompt à se dire attaché à la démocratie et à la jeunesse africaines, l’a reçu comme un digne et légitime chef d’État.
Que reste-t-il alors à faire, particulièrement pour les Djiboutiens, face à Guelleh ? Il y a plus d’un signe suggérant que les Djiboutiens n’entendent pas se résigner au sort que leur inflige cet homme et ses affidés. Dans leur grande majorité souffrante, ils savent que le salut est entre leurs mains. Ils savent qu’un sursaut national s’impose pour y parvenir. Reste à franchir le pas de l’action concertée. Pour ce faire, les leçons d’expérience sont utiles. Les résistants ne manquent pas que la lutte a instruits. Ce sont autant de voix crédibles à écouter avec esprit de suite. ‘’L’espérance ne meurt pas, ne peut pas mourir’’. Ces mots, si simples et si profonds à la fois, j’apprends que, dans nos masures de Djibouti-ville et des régions intérieures, ils demeurent de moins en moins au stade des murmures... C’est une donnée que les puissants de ce monde, présents au pays, seraient bien inspirés de prendre en compte. D’autant que l’aspiration des Djiboutiens à un État pour tous et à une vie décente, n’exclut pas leurs intérêts. On peut défaire les liens mortifères entre militarisme international et népotisme local pour nouer d’autres plus solides et plus féconds. Une vraie République de Djibouti, démocratique, inclusive et prospère, est possible. Sans Guelleh, à coup sûr.
Abdourahman A. Waberi est né en 1965 dans l’actuelle République de Djibouti. Il vit entre Paris et les États-Unis où il enseigne les littératures française et francophone et la création littéraire à George Washington University à Washington DC. Poète, romancier, scénariste et essayiste, cet infatigable passeur est l’auteur, entre autres, du roman panafricain Aux Etats-Unis d’Afrique (J.-C. Lattès, 2006) et de la réflexion sur le génocide des Tutsis (Moisson de crânes, Le Serpent à plumes, 2000). En 2015 il a publié La Divine Chanson (Editions Zulma, prix Louis-Gilloux 2015), un roman amoureux en hommage au musicien africain-américain Gil Scott-Heron. En 2019, son roman Pourquoi tu danses quand tu marches ? (JC Lattès) a été finaliste du prix Théophraste Renaudot. En octobre 2020, il a produit sa première émission radiophonique (Looking for Mamadou Konté) sur l’inventeur de la world music de langue française pour France Culture. Interdit de séjour à Djibouti, Abdourahman Waberi se bat pour la dignité humaine en Afrique et dans le monde.
Ce texte a été initialement publié dans lemondeencommun.
[1]En 2009, année du 2ème recensement général de la population et de l’habitat depuis l’indépendance, la population de Djibouti est estimée à 818.159 habitants. Voir www. http://www.ministere-finances.dj
[2] Cf ‘’Le Canal de Suez bloqué à cause d’un cargo échoué en travers’’. Journal le Monde, article en ligne du 24 mars 2021 (https://www.lemonde.fr/economie)
[9]Dans son ouvrage ‘’Djibouti, une diplomatie de géant d’un petit État’’. Paris : Presses universitaires du Septentrion, 2020, la chercheuse française pointe le phénomène connu des Djiboutiens pour le subir depuis des années.
La bataille pour le contrôle de la capitale aux élections locales du 23 janvier 2022 a démarré au sein de l’Alliance pour la République. Analyse des forces et faiblesses en vue sur le terrain
La bataille pour le contrôle de Dakar refait surface au sein de l’Alliance pour la République à moins de sept mois des élections locales du 23 janvier 2022. Certains responsables « apéristes » du département de Dakar font tout pour se positionner en leader incontestable et espérer porter le capitanat au niveau de la capitale. Le Témoin tente d’analyser les forces et faiblesses des leaders les plus en vue sur le terrain…
A Dakar, la bataille pour le contrôle de la capitale, aux élections locales du 23 janvier 2022, a démarré depuis longtemps au sein de l’Alliance pour la République (APR). Chacun des potentiels chefs de file déploie dans la discrétion des stratégies pour espérer diriger la liste départementale, devenir de facto le prochain maire de la capitale et mettre fin aux 13ans de règne des Khalifistes qui trônent à la tête de la capitale depuis 2009. C’est donc le temps des grandes manœuvres.
Abdoulaye Diouf Sarr, un «capitaine légitime»
En 2014, Abdoulaye Diouf était le seul responsable apériste de Dakar à avoir su résister à la razzia opérée par Khalifa Sall et ses troupes. L’actuel ministre de la Santé avait, en son temps, évité à son leader une humiliation générale dans le département englobant la capitale de notre pays. Ce, en gagnant Yoff, seule commune remportée dans cette circonscription stratégique par l’Alliance pour la République et ses alliés de Benno Bokk Yaakar (Bby). Sa victoire à Yoff, qui compte près de 60.000 habitants, lui assure une certaine légitimité dans cette guerre des chefs. Son expérience politique et sa réputation de gestionnaire efficace joueront sans conteste en faveur du ministre auréolé par la manière dont il a géré la crise sanitaire du Covid-19. Par contre, son coup de force avorté contre Khalifa Sall à la veille des élections du Haut conseil des collectivités territoriales (Hcct) avait quelque peu terni le leadership d’Abdoulaye Diouf Sarr. Cette tentative de débaucher des conseillers municipaux de Taxawu Ndakaru s’était d’autant plus retournée contre lui qu’elle allait à l’encontre des directives de Macky Sall qui avait demandé de ne pas présenter de liste à Dakar. Le choix de confier à Mimi Touré l’animation et la redynamisation du parti dans la capitale était perçu comme un désaveu du maire de Yoff. Son ancrage dans la communauté Léboue ne lui garantit pas un succès à Dakar. Même si certains le considèrent comme un « monstre froid » et un « opportuniste » capable de tout pour arriver à ses fins, Abdoulaye Diouf Sarr a entretemps gagné des galons au niveau de son parti en devenant le coordonnateur de la Convergence des Cadres Républicains (CCR). Entré au gouvernement en 2012, Abdoulaye Diouf a occupé avant le département de la Santé, le portefeuille du du Tourisme et des Transports aériens, puis, en juin 2015, celui de ministre de la Gouvernance locale, du Développement et de l’Aménagement du territoire. En 2017, il remplace Eva Marie Coll Seck à la tête du ministère de la Santé et de l’Action Sociale. Des postes qui lui ont sans aucun doute possible permis d’avoir une assise financière et les moyens de sa politique. Il faut également souligner que le maire de Yoff a remporté toutes les élections qui se sont succédé depuis 2014 au niveau de sa commune en sus notamment des élections HCCT, il a fait gagner son parti aux législatives de 2017 et à la présidentielle de 2019 au niveau de sa commune. Il serait sans doute un bon capitaine pour l’APR lors des locales du 23 janvier 2022 au vu de ses performances politiques…
Amadou Ba, un leader charismatique aux moyens balèzes et qui peut porter l’équipe
Deux ans après sa nomination en 2013 comme ministre de l’Économie et des Finances, Amadou Ba s’est engagé en politique en rejoignant en 2015 l’Alliance pour la République. Il avait choisi les Parcelles Assainies comme sa base politique. Dans cette commune du département de Dakar, l’ancien ministre de l’Economie et des Finances s’est imposé jusqu’à « noyer » Mbaye Ndiaye, l’ancien ministre de l’Intérieur et membre fondateur de l’APR. Aux élections référendaires de 2016, législatives de 2017, l’ancien directeur général des Impôts et Domaines, qui est présenté par ses sympathisants comme le nouveau boss des apéristes de Dakar, a fortement pesé sur la victoire de la majorité présidentielle dans sa commune. En 2019, Amadou Ba, qui a été chargé par Macky Sall de conquérir Dakar pour les besoins de la présidentielle avec à ses cotés la première dame Marième Faye Sall, a permis à son leader de gagner la capitale après avoir fait basculer la commune de Mermoz de Barthélemy Diaz, la Médina de Bamba Fall et la zone de Grand-Yoff de Khalifa Ababacar Sall. Une performance qui lui a valu d’être surnommé par ses admirateurs le « nouveau patron de Dakar”, titre que lui contestent Yaķham Mbaye, Mame Mbaye Niang, Abdoulaye Diouf Sarr, Seydou Guèye, Mbaye Ndiaye, etc. Nommé au lendemain de la présidentielle de 2019 ministre des Affaires étrangères, ce qui était déjà une sanction, Amadou Bâ sera défenestré quelques mois plus tard, en 2020, exactement lors du remaniement de cette année-là. Mis au frigo, Amadou Ba est acculé de toutes parts par respectivement Abdoulaye Diouf Sarr, Mame Mbaye Niang, Mbaye Ndiaye entre autres responsables de l’APR qui sont en train de tout faire pour amoindrir ses chances de diriger la liste départementale de l’Apr. Toutefois, force est de reconnaître que l’ancien ministre des Finances réunit tous les atouts pour porter l’APR dans Dakar. Outre sa richesse fabuleuse, son image de technocrate compétent et sa grande popularité dans la capitale devraient lui permettre de s’imposer aisément comme le porte-drapeau naturel de la majorité présidentielle au cours de la « mère des batailles » que risquent d’être les élections locales de janvier prochain. Mais c’est peut-être justement cette popularité que craint le président de la République car, de maire d’une capitale à la magistrature suprême, il n’y a souvent qu’un grand pas à faire !…
Aboubacar Sedikh Bèye, le troisième larron ?
Inconnu dans le bataillon politique de Macky Sall, Aboubacar Sedikh Bèye a rejoint le Secrétariat exécutif national de l’Alliance pour la République. Discret et efficace, le sémillant directeur général du Port autonome de Dakar (PAD) a été nommé en 2018 adjoint de Mimi Touré lors du Sen qui avait validé la mise en place d’un dispositif cohérent de gestion de certains évènements dans la vie du parti durant toute cette année. Cerise sur le gâteau, Bèye avait été intégré dans la «Task force» qui animait le parti en préparation de la présidentielle de février 2019. Propulsé au-devant de la scène par sa nomination au Port autonome de Dakar, structure qui constitue un levier important de l’économie du pays, le 11 septembre 2017 en remplacement de Cheikh Kanté, l’ancien DG de l’Agence nationale de la Statistique et de la Démographie (Ansd) a déposé ses baluchons dans son fief de Dieuppeul Derklé. En 2018, il lance son mouvement Génération Sénégal émergent Ak Macky Sall pour œuvrer dans le social au profit des populations de Dieuppeul-Derklé. En 2019, Bèye a participé de manière décisive à la victoire de son « patron » dans la capitale. Dans sa commune, Aboubacar Sedikh a su s’imposer comme le leader incontestable de l’Apr. Ce, grâce à ses nombreuses actions en faveur des jeunes et des femmes. Sa proximité avec la famille présidentielle, notamment la Première Dame, est un atout décisif pour l’ancien chef du bureau économique de l’ambassade du Sénégal à Washington. Bèye. Au cas où ni Abdoulaye Diouf Sarr ni Amadou Ba ne dirigerait la liste du pouvoir à Dakar, l’ « Américain » pourrait espérer sur le soutien de l’amie de son épouse Ndeye Codé Ndiaye, Marième Faye Sall pour ne pas la citer, pour porter le capitanat et espérer devenir le futur maire de Dakar. D’ailleurs de fortes pressions pèsent sur le patron du Port autonome de Dakar pour qu’il se déclare candidat à la mairie de Dakar, mais surtout pour la mairie de Derklé Castors. Il jouit en tout cas d’un capital-sympathie énorme qui lui faciliterait le soutien de Dakarois qui n’ont jamais fait de la politique. Surtout que Dakar-Plateau ou Dakar-ville manque d’un leadership fort pour le parti présidentiel. Aboubacar Sédikh Bèye est attendu les prochains jours pour annoncer publiquement sa candidature à la mairie de Dakar ou celle de la commune de Dieuppeul englobant son quartier de naissance Castors Derklé.
Mbaye Ndiaye, Cheikh Ahmet Tidiane Ba, Seydou Guèye, Abdou Karim Fofana parmi les outsiders…
Responsable de l’APR aux Parcelles assainies, le ministre d’Etat auprès du président de la République — et compagnon de la première heure de ce dernier — Mbaye Ndiaye croit dur comme fer que la mairie de cette localité lui est déjà acquise. Une commune qui ne serait pour lui qu’un tremplin pour gagner la mairie de Dakar. D’ailleurs, il n’a jamais caché ses ambitions pour diriger la liste de son parti dans la capitale lors des prochaines échéances locales. Il marque à la culotte son camarade parti et ancien collègue dans le gouvernement, Amadou Ba, qu’il ne manque pas de critiquer à chaque opportunité. Le moindre de ses reproches, c’est de le juger « illégitime » c’est-à-dire d’avoir rejoint Macky Sall après la victoire ! Malgré son souhait de devenir le prochain maire de Dakar, beaucoup pensent que les chances de l’ancien maire des Parcelles Assainies de conduire la liste de l’APR pour la ville de Dakar sont minimes dans la mesure où Abdoulaye Diouf Sarr, Amadou Ba, Aboubacar Sedikh Bèye et même Cheikh Ahmet Tidiane Ba sont mieux placés et leurs actions politiques et sociales au niveau du département de Dakar plus visibles et importantes. Parmi ceux qui peuvent légitimement prétendre diriger la liste de l’APR — ou, plutôt, de Benno Bokk Yaakar (BBY) — à Dakar, on peut citer l’actuel directeur général de la Caisse des dépôts et des consignations. Cheikh Ahmed Tidiane Ba dit CATB, président de la Cellule d’Appui au Triomphe du Benno (CATB comme les initiales de son nom) et devenu le chouchou de beaucoup de Médinois pourrait faire partie de ceux qui vont diriger la liste de l’APR à Dakar si les ténors sont écartés.
A défaut de diriger cette liste, il pourrait se lancer l’assaut de Bamba Fall pour lui prendre la commune de la Médina. Comme Amadou Ba, c’est un ancien directeur général des Impôts et Domaines même si, lui, n’a pas encore eu la chance d’entrer eu gouvernement. Même s’il n’a pas le même prestige politique, ni le même charisme encore moins les mêmes moyens financiers que les autres personnalités de l’APR à Dakar, Seydou Guèye aimerait bien, lui aussi, diriger la capitale. Mais, selon beaucoup d’interlocuteurs, faire de Seydou Guèye la tête de liste de l’APR à Dakar serait synonyme pour la majorité présidentielle de perdre avant même 18 heures les élections le 23 janvier prochain. Disons qu’il lui manque les moyens financiers, en tout cas la générosité, pour conquérir les habitants de son quartier de naissance, la Médina rejettent. Son leadership dans le département, n’en parlons même pas. Seydou Gueye est un homme qui n’est jamais en contact avec les populations, sauf lorsqu’il y a des rendez-vous électoraux, selon beaucoup. Pire, il serait un homme politique difficile d’accès. Toutes choses qui font que s’il arriverait qu’il soit propulsé tête de file de Benno lors des prochaines locales, les gens n’hésiteraient sans doute pas à voter pour l’opposition. L’ancien ministre de l’Urbanisme fait également partie des outsiders. Abdou Karim Fofana qui milite au Point E a entre temps pris des galons. D’ailleurs beaucoup expliquaient son départ de l’Urbanisme et de l’Habitat par le fait qu’il commençait à gagner du terrain au niveau de la capitale… Façon d’enjoliver les véritables raisons de son limogeage du Gouvernement !