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13 septembre 2025
HARO SUR MACRON DANS LE MONDE ARABE !
Boycott des produits français, appels à manifester en Libye, attaques d’Erdogan, condamnations du Premier ministre pakistanais : le torchon brûle entre la France et le Proche-Orient après les propos du président français sur les caricatures de Mahomet
Boycott des produits français, appels à manifester en Libye, attaques d’Erdogan, condamnations du Premier ministre pakistanais : le torchon brûle entre la France et le Proche-Orient après les propos d’Emmanuel Macron sur les caricatures de Mahomet. Ce dimanche, Erdogan a réitéré ses propos, malgré le rappel de l’ambassadeur français en Turquie et les condamnations du chef de la diplomatie européenne.
« Nous ne renoncerons pas aux caricatures, aux dessins, même si d’autres reculent », avait déclaré le président français lors de l’hommage national à Samuel Paty mercredi 21 octobre.
« Il est regrettable qu’il ait choisi d’encourager l’islamophobie »
« Le président Macron aurait pu jouer l’apaisement et refuser l’espace aux extrémistes plutôt que de créer une polarisation et une marginalisation supplémentaires qui conduisent inévitablement à la radicalisation », a écrit Imran Khan sur Twitter.
« Il est regrettable qu’il ait choisi d’encourager l’islamophobie en s’attaquant à l’Islam plutôt qu’aux terroristes qui pratiquent la violence, qu’il s’agisse de musulmans, de tenants de la suprématie blanche ou d’idéologues nazis », a poursuivi le Premier ministre pakistanais.
Appels à manifester en Libye
Les propos d’Emmanuel Macron ont créé une vague d’émoi dans des pays du Proche-Orient. Des appels à manifester se sont multipliés ce dimanche en Libye. Le mouvement a surtout pris de l’ampleur sur les réseaux sociaux avec des internautes appelant à manifester dimanche après-midi sur la grande Place des Martyrs, dans le centre-ville de Tripoli. Côté médias, la chaîne de télévision religieuse « al-Tanasuh », porte-voix du mufti Sadek al-Ghariani, a relayé cet appel sur le bandeau d’information en bas de l’écran.
Ce chef religieux controversé, qui dirige Dar al-Ifta – plus haute autorité religieuse du pays —, avait déjà réagi aux propos du président français début octobre sur le « séparatisme islamique » en affirmant que « si un dirigeant musulman tenait envers l’Occident les mêmes propos et déclarations racistes et hostiles que ceux de Macron envers l’islam, il lui aurait été reproché d’être extrémiste, raciste et terroriste ! »
« Diaboliser l’islam et les musulmans n’aide pas la paix sociale en France »
Des petits groupes ont déjà protesté samedi dans plusieurs villes libyennes, brandissant des pancartes reprenant le hashtag « Tout sauf le prophète »,« le prophète est une ligne rouge » ainsi que des portraits du président français barrés d’une croix rouge.
Ammari Zayed, membre du Conseil présidentiel chapeautant le Gouvernement d’union basé à Tripoli et ministre par intérim de l’Education nationale, a fustigé les propos d’Emmanuel Macron, dénonçant « le mépris que ces déclarations constituent à l’encontre du plus grand symbole pour tous les musulmans ».
« Nous condamnons fermement les déclarations du président français et l’insulte intentionnelle envers l’islam et son saint prophète », a-t-il écrit samedi sur Facebook.
« En tant que musulmans, il est de notre devoir de respecter tous les prophètes alors nous exigeons de même de la part de toutes les autres religions », a indiqué à l’AFP Fatima Mahmoud, une habitante de Tripoli ayant l’intention d’aller manifester dans l’après-midi.
L’absence maternelle n’esseula pas l’orphelin de treize ans qui avait déjà récité l’intégralité du Coran sous la guidée de son grand-père Tafsir Mbacké Ndoumbé, avant d’être confié à son oncle
Le destin ne lui a pas laissé le choix : il devait être un grand homme.
Né de l’union des Mbacké et des Bousso, deux grandes familles originaires du Fouta et réputées pour leur érudition dans l’enseignement du Coran et des sciences religieuses, le deuxième enfant de Mame Marième Bousso et de Mame Mor Anta Saly a vu le jour vers 1853 à Mbacké Baol[i], village créé cinquante-sept ans plus tôt par son arrière-grand-père, Mame Maarame.
Déjà, au moment de rejoindre le domicile conjugal, sa mère, surnommée Diarratoullah (ou la voisine de Dieu), se soumettant à la Volonté divine, signalait : « N’était le Décret faisant de Mouhammad (PSL) le sceau de la prophétie, je mettrais au monde un prophète[ii]. »
À défaut d’enfanter ce prophète, elle l’aura éduqué comme tel, le berçant avec les exploits des grandes figures religieuses qui devinrent aussitôt les modèles de Cheikh Ahmadou Bamba. N’a-t-il pas commencé, dès le bas-âge, à priver son corps de sommeil et à l’habituer aux génuflexions nocturnes ?
L’assassinat de son oncle paternel Abdou Khadir par des Thiédos et l’enlèvement de sa petite sœur, Sokhna Faty Mbacké, par des chasseurs d’esclaves, dans la période de 1863/64[iii] ; puis le décès, à trente-trois ans, de sa mère, affectèrent Cheikh Ahmadou Bamba. Mame Marième Bousso repose à Porokhane, près du Nioro du Rip où l’Almamy Maba Diakhou Ba, dans sa guerre sainte entamée en 1861 sur recommandation d’El Hadj Omar Tall, avait fait venir autour de lui de nombreuses familles religieuses du Baol et du Djolof.
L’absence maternelle n’esseula pas l’orphelin de treize ans qui avait déjà récité l’intégralité du Coran sous la guidée de son grand-père Tafsir Mbacké Ndoumbé, avant d’être confié à son oncle Mouhammad Bousso et de revenir entre les mains de son père[iv].
Maba tué en 1867 à la bataille de Somb, Lat Dior qui était venu chercher renfort au Nioro décida de rentrer au Cayor. Rétabli sur le trône en 1871, il fit venir auprès de lui, un an après, Mame Mor Anta Saly à qui il demanda d’être son Cadi (jurisconsulte). « L’Imam des savants[v] » ira s’installer à Patar, près de Keur Ahmadou Yala, la capitale de Lat Dior, tandis que Cheikh Ahmadou Bamba resta au Saloum avec son oncle Mouhammad Bousso. Il y fut confié à un autre oncle, Serigne Samba Toucouleur Ka, qui l’initia aux différentes disciplines de la théologie islamique[vi].
Venu rejoindre son père à Patar, l’étudiant se voit confier des missions de plus en plus importantes au sein du Daara paternel où il poursuit sa formation, tout en allant s’abreuver à d’autres éminentes sources de science. L’intime de son père, le Cadi Madiakhaté Kala, maître de la belle poésie, lui transmit son art. Mouhammad Ibn Mouhammad al-Karim, mieux connu sous le nom de Muhammad el-Yadâlî sous nos cieux, lui enseigna, quant à lui, la rhétorique à Ndiagne, à cinq kilomètres, où il se rendait à pied.
Ne se contentant pas de maîtriser les enseignements reçus, Cheikh Ahmadou Bamba entreprit de les rendre plus accessibles aux autres apprenants. Ainsi versifia-t-il Kubra, le grand traité de théologie d’al-Sanûsî ; Bidaya al-Hidaya de l’Imam al-Gazâlî (devenu Mulayyin es-Sudûr, puis Munawwir al-Sudûr) ; le traité de rituel d’al-Akhdari (devenu Al-Djawhar al-Nafîs). Il composa, en outre, Djahbatou Sighar. Et Mame Mor Anta Saly fut le premier à utiliser les travaux de son fils pour former ses autres étudiants.
Après le transfert de la capitale de Lat Dior à Souguère, Mame Mor Anta Saly fonda à côté, en 1880/81[vii], le village de Mbacké Kadior. Il y rendit l’âme deux ans plus tard, à 61 ans, et fut enterré à Dékheulé. Son décès marqua un tournant dans la trajectoire de Cheikh Ahmadou Bamba qui déclina l’offre, que lui a faite Serigne Taïba Mouhammad Ndoumbé Maar Syll[viii], d’aller prendre les fonctions étatiques de son père auprès de Lat Dior.
L’affirmation de sa volonté de dédier sa vie exclusivement à Dieu et à Son prophète Mouhammad, sans proximité avec les hommes politiques, fut prise pour de la folie. Incompris, Cheikh Ahmadou Bamba se confia dans ces vers adressés au Cadi Madiakhaté Kala :
Penche vers les portes des sultans, m’ont-ils dit
Afin d’obtenir des dons qui te suffiraient pour toujours
Dieu me suffit, ai-je répondu, et je me contente de lui
Rien ne me satisfait hormis la science et la religion
(…)
Ô toi qui me blâmes, ne va pas loin, cesse de me blâmer !
Car mon abandon des futilités de cette vie ne m’attriste point
Si mon seul défaut est ma renonciation aux biens des rois
C’est là un précieux défaut qui ne me déshonore point[ix].
La contestation par Cheikh Ahmadou Bamba de la jurisprudence rendue à l’issue de la bataille de Samba Sadio en 1875, où les hommes de Lat Dior et les Français ont tué Ahmadou Cheikhou Ba (accusé de s’être proclamé prophète) et réduit les partisans de celui-ci en esclaves, n’aura pas aidé à le rapprocher des princes du Cayor. Il finit par quitter Mbacké Kadior et s’installer dans son Mbacké Baol natal en 1884, après que la plupart des étudiants de son père l’ont quitté lorsqu’il leur a annoncé ne plus se limiter à une instruction livresque ; le prophète l’ayant chargé d’assurer également leur formation spirituelle[x].
Cheikh Ahmadou Bamba et le groupe de disciples l’ayant suivi à Mbacké Baol y restèrent quatre ans, au cours desquels il leur apprit les textes religieux et la maîtrise de leur âme. À ses Mourides (les Aspirants), il rappelle les obstacles sur la voie de Dieu identifiés par ses prédécesseurs soufis et les éloigne de la procrastination, considérant que « le travail fait partie de la religion » :
Il existe six obstacles
Que doit franchir celui qui cherche à atteindre Dieu
Ce sont : manger à l’excès, boire à l’excès
L’excès de fréquentation, le bavardage, l’excès de sommeil
Et se distraire de la mention du Nom de notre Seigneur pacifique
Référez-vous à Jawâhir al-Macâni
Un ouvrage de notre vénérable Cheikh Ahmad al-Tijâni
(…)
Le vrai adepte mystique est celui
Qui fait un bon usage de son temps
Celui qui ne reporte aucun travail
Car le report entrave souvent l’accomplissement des devoirs
Référez-vous à Jounnatoul Mourîd
Un ouvrage de notre Cheikh, le Calife bien-guidé (Sîdi Moukhtâr al-Kountî)[xi]
Ses disciples, qui vécurent des exactions de toutes sortes à travers le pays (agressions, violences verbales « Xana jeeg, disait-on alors, lu mu bon bon mën a jur ab Murit », expulsions, spoliation…), virent leur nombre s’accroître significativement lorsqu’il quitta Mbacké Baol pour fonder Darou Salam en novembre 1886. Il aura auparavant effectué un long voyage à travers le pays, l’ayant conduit jusqu’en Mauritanie ; et écrit Masâlik al-Jinân (Les Itinéraires du Paradis), une versification du Khatimat al-Tasawuf de Muhammad ibn al-Mutkhtar al-Yaddâli, ainsi que Mawâhib al-Quddûs (Les Grâces de l’Éternel), une versification de Umm al-Barâhîn d’al-Sanûsî.
Cheikh Ahmadou Bamba ne resta qu’un an à Darou Salam, rejoignant Touba, sa terre sainte qu’il n’avait cessé de chercher. Ce village qui naquit en 1887 refusa vite du monde : esclaves, paysans, gens de castes et de l’aristocratie, princes déchus par la nouvelle tyrannie coloniale, religieux en quête de précellence, se regroupèrent autour de celui qui constitua un repère stable dans un Sénégal, une Afrique, en plein bouleversement.
C’est là que l’oppression coloniale, orientée vers la conquête territoriale entamée en 1855 par Faidherbe et reprise sous l’impulsion des républicains de Jules Ferry à partir de 1880, écrivit le premier rapport connu à son propos[xii]. Le nommé Tautain du bureau des Affaires politiques de Saint-Louis somme, le 19 mars 1889, l’administrateur du Cayor de vérifier si Cheikh Ahmadou Bamba est installé à Touba qui serait « une position légèrement suspecte, car elle serait fort bien choisie pour grouper peu à peu un certain nombre d’adhérents et se livrer, sans trop attirer l’attention, à la prédication. » Ordre est également donné à l’administrateur du Cayor « d’exercer sur l’individu une surveillance constante, quoique prudente, pour ne pas le poser en martyre de sa foi… »
Cette paranoïa de l’oppression coloniale n’a rien de surprenant, puisque celle-ci est consciente de l’injustice qu’elle symbolise (travail forcé, travail obligatoire, indigénat, imposition à partir de cinq ans et sur les morts, enrôlement forcé, racismes[xiii]…) et de la résistance qu’elle suscite. Pour avoir déjà tué ou aidé à tuer Ahmadou Cheikhou, Damel Samba Laobé Khourédia Mbodj Fall (en 1886), Lat Dior (en 1886), Mamadou Lamine Dramé (en 1887), Abdoul Bocar Kane (en 1891), Damel Samba Yaya Fall (en 1891), en plus de nos 20 000 compatriotes assassinés sous le seul commandement de Faidherbe[xiv] ; pour avoir fait disparaître El Hadji Omar Tall (en 1864) et fait s’exiler Alboury Ndiaye le fédérateur (en 1890) ; espionner un marabout n’était qu’une banalité : de même que l’exiler.
Après avoir été le chercher au Djolof (où le besoin d’un meilleur environnement pédagogique l’a conduit avec ses disciples à Mbacké Baary à partir d’avril 1895), l’oppression coloniale, qui a dépêché environ 130 cavaliers[xv] commandés par l’administrateur principal Leclerc, arrêta Cheikh Ahmadou Bamba le samedi 10 août 1895 (18 Safar 1313 H[xvi]). Elle le garda prisonnier à Saint-Louis durant un mois et dix jours, avant de le faire comparaître, le 5 septembre 1895, devant un Conseil privé constitué de dix colons imposteurs, dont six intérimaires.
À l’unanimité, ce Conseil qui a visé à la lettre le rapport du directeur des Affaires politiques Merlin, mentant même sur les informations les plus élémentaires (en présentant, par exemple, Mame Cheikh Anta comme l’oncle de Serigne Touba), décida « d’enlever Ahmadou Bamba, non seulement à la région où son action se faisait le plus immédiatement sentir, mais au Sénégal même, et de l’interner au moins pour quelques années, dans un pays éloigné, tel que le Gabon, où ses prédications fanatiques n’auront aucun effet. »
Et ce, alors qu’il est affirmé dans ce même rapport à charge : « Il ressort clairement que si l’on n’a pu relever contre Ahmadou Bamba aucun fait de prédication de guerre sainte bien évident, son attitude, ses agissements et surtout ceux de ses principaux élèves, sont en tous points suspects. »
Ainsi, sur la base de la simple suspicion de faits ne lui étant pas directement imputés et sur celle d’une décision n’ayant présenté aucun de ses moyens de défense, l’oppression coloniale conduisit, à bord d’un wagon réservé aux chevaux, Cheikh Ahmadou Bamba à Dakar, le jeudi 19 septembre. Elle le tortura à l’actuel Camp Dial Diop durant la nuit. Les Lébous du Pénc de Cëddéem, et Sokhna Anna Diakhère Faye la grande dame, lui apportèrent leur soutien, sans parvenir à empêcher son embarquement à bord du Ville de Pernambouc.
À bord du paquebot, le Clément m’a appris
Que je suis le serviteur du chef de Médine
Le paquebot, plein de voyageurs,
Passa la journée du vendredi et la nuit du samedi en rade
À bord de ce paquebot bien plein
Je reçus mon adepte (Mame Cheikh Ibra Fall) alors qu’il était bien attristé
Lui fis mes adieux et regagnai ma place, le cœur bien éprouvé[xvii]
A suivre...
Cheikh Ahmadou Bamba Ndiaye est ancien Enfant de Troupe du Prytanée Militaire de Kadiogo (Burkina Faso). Diplômé de Sciences Po Paris et de la Faculté de Droit de Panthéon-Assas, il est l’auteur du blog Assumer l’Afrique.
[i] La famille de Mame Mor Anta Saly a quitté Mbacké Baol pour fonder Khourou Mbacké environ trois mois après la naissance de Cheikh Ahmadou Bamba. Certains, comme Cheikh Anta Mbacké Babou, défendent que ce dernier est né à Khourou Mbacké même (voir Babou, Cheikh Anta Mbacké. « Généalogie, éducation, et baraka dans la famille Mbàkke : Une exploration de quelques sources de l’autorité spirituelle d’Amadu Bamba » Afrique & histoire, vol. vol. 7, no. 1, 2009, pp. 199-234.
[ii] Cette anecdote est relayée par Serigne Abdoulaye Diop Bichri dans l’émission Sen Show de Sen TV, « Mame Diarra Bousso, une reference pour l’humanité ».
[iii] Voir Babou, Cheikh Anta Mbacké. Fighting the Greater Jihad: Amadu Bamba and the Founding of the Muridiyya of Senegal, 1853-1913, Athens, Ohio University Press, coll. « New African Histories Series », 2007, 294 p. / Babou, Cheikh Anta Mbacké. « Généalogie, éducation, et baraka dans la famille Mbàkke : Une exploration de quelques sources de l’autorité spirituelle d’Amadu Bamba » Afrique & histoire, vol. vol. 7, no. 1, 2009, pp. 199-234.
[iv] Cette version sur le curriculum de Cheikh Ahmadou Bamba est donnée par Serigne Bassirou. Elle diffère de celle donnée par Serigne Mouhammadou Lamine Diop Dagana qui informe que Cheikh Ahmadou Bamba a été initié au Coran par son oncle Mouhammad Bousso et a ensuite été confié à son grand-père Tafsir Mbacké Ndoumbé, avant de revenir entre les mains de son père. Selon cette dernière version, il n’avait pas encore mémorisé tout le Coran au moment du décès de son grand-père Tafsir Mbacké.
[v] C’est ainsi que Cheikh Ahmadou Bamba a désigné son père dans un poème qu’il lui a dédié.
[vi] Voir le chapitre premier, Ir wâ en Nadîm (L’Abreuvement du Commensal dans la Douce Source du Serviteur) de Serigne Mouhammad Lamine Diop Dagana.
[vii] Serigne Bassirou affirme que Mame Mor Anta Saly est décédé le mardi 20 du mois de Muharram de l’an 1299 H, tandis que Serigne Mouhammadou Lamine Diop Dagana dit qu’il s’agit du mois de Muharram de l’an 1300 H.
[viii] Serigne Mouhammadou Lamine Diop Dagana, rapportant cette scène, désigne nommément Serigne Mouhammad Taïba Syll comme l’auteur de la proposition. (Cf chapitre premier d’Ir wâ en Nadîm de Serigne Mouhammad Lamine Diop Dagana).
[ix] Cet échange poétique entre Serigne Touba et Cadi Madiakhaté Kala est rapporté par Serigne Mouhammadou al-Bachir dans la partie des témoignages contenus dans Minanoul Bakhil Khadim fi Siratoul Cheikh al-Khadim (Les bienfaits de l’Éternel).
[x] L’ordre reçu du prophète Mouhammad est contenu dans le deuxième chapitre d’Ir wâ en Nadîm ainsi que dans ces vers de Cheikh Ahmadou Bamba : Un des gestes prodigieux (de Mouhammad) consiste dans la rassurance / De son serviteur en lui donnant un ordre / L'ordre d'instruire ses adhérants / Ainsi que tous ses contemporains qui acceptaient son enseignement…
[xi] Ces passages poétiques de Cheikh Ahmadou Bamba, enseignements adressés aux disciples mystiques, sont extraits du deuxième chapitre d’Ir wâ en Nadîm (L’Abreuvement du Commensal dans la Douce Source du Serviteur) de Serigne Mouhammad Lamine Diop Dagana.
[xii] Tautain, lettre du 19 mars 1889 à l’administrateur du Cayor, Archives Nationales du Sénégal, 3B/54, fol., 46, dans Ba, Ahmadou Bamba face aux autorités coloniales (1889-1927), 25.
[xiii] Voir Professeur Gueye, Mbaye. « Cheikh Ahmadou Bamba : Contexte historique et géopolitique », dans Ba, Ahmadou Bamba face aux autorités coloniales (1889-1927), 205.
[xiv] Ce chiffre des victimes de Faidherbe au Sénégal est arrêté par le Professeur Iba Der Thiam.
[xv] Dans son rapport du 15 août 1895, Leclerc dit qu’il était « entouré des gardes, de 5 ou 6 cavaliers qui lui servaient de coursiers » et qu’il a été rejoint par « une soixantaine de cavaliers du Walo », suivis par « une autre troupe aussi forte. »
[xvi] Il est à noter que dans Jazâ es-sakûr, son carnet de bord, Cheikh Ahmadou Bamba dit être sorti de sa maison le 4 Safar 1313H. Certains exégètes, comme Serigne Mouhammadou Lamine Diop Dagana, considèrent que cette date correspond à celle à laquelle il avait l’intention de partir : ce qu’il n’avait pu faire, n’ayant pas reçu l’autorisation de son Seigneur.
[xvii] Ce poème sur l’au revoir avec ses disciples est repris dans Ir wâ en Nadîm (L’Abreuvement du Commensal dans la Douce Source du Serviteur) de Serigne Mouhammad Lamine Diop Dagana.
WILLIAM PONTY, L'ÉCOLE DES PREMIERS CADRES AFRICAINS
L’établissement colonial de référence de 1937 à 1965, soit pendant vingt-huit ans a, pendant toute la période coloniale française, formé presque tous les cadres de l’Afrique francophone
L’établissement colonial de référence de 1937 à 1965, soit pendant vingt-huit ans a, pendant toute la période coloniale française, formé presque tous les cadres de l’Afrique francophone.
Selon les travaux de l’historien sénégalais Souleymane Séga Ndiaye, c’est en 1903 que le gouverneur général de l’Afrique occidentale française (AOF), Ernest Roume, en poste à Saint-Louis, signe l’arrêté n° 806 du 24 novembre 1903 portant création et fixation de l’organisation homogène de l’enseignement en AOF.
Cet arrêté signait l’acte de naissance de l’école normale d’instituteurs de Saint-Louis (à 270 kilomètres de Dakar). Elle fonctionne d’abord en tant que section de l’école des fils de chef et des interprètes. Elle sera déplacée sur l’île de Gorée, au large de Dakar, en 1913 et rebaptisée “école normale William-Ponty”, en l’honneur du gouverneur général de l’AOF en 1907 et de 1908 à 1915, Amédée William Merlaud-Ponty.
L’établissement est déplacé, en 1937, à une quarantaine de kilomètres de la ville de Dakar, dans la commune rurale de Sébikotane. Aujourd’hui, ce site qui a accueilli l’école pendant plus d’une vingtaine d’années est presque à l’abandon. Le village de Sébi-Ponty, créé par le personnel africain de l’école durant son transfert, s’agrandit sur l’espace de l’ancienne école. Certains anciens “pontins”, comme ils aiment se faire appeler, y vivent encore avec leurs familles.
En soixante-deux ans d’existence, en grande partie sous l’ère coloniale, William-Ponty a eu à former en majorité des instituteurs, mais aussi des médecins et des cadres qui ont servi dans les écoles, les hôpitaux et occupé les fonctions les plus prestigieuses de l’administration de l’Afrique de l’Ouest.
Mieux, les pontins ont été les premiers Africains qui ont eu à prendre en main l’administration des différents pays d’Afrique de l’Ouest après les indépendances. Beaucoup sont même devenus président de la République ou ministre dans leur pays. Il s’agit, entre autres, de Félix Houphouët-Boigny en Côte d’Ivoire, Modibo Keïta au Mali, Hubert Maga au Dahomey (Bénin), Hamani Diori au Niger, Mamadou Dia et Abdoulaye Wade au Sénégal.
Selon les archives de l’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan), les cadres formés de cette école seraient plus de 2000.
Les élèves devaient, à partir de 1933, rédiger et soutenir des mémoires de fin d’études sur un sujet de leur choix : 791 travaux de recherche appelés “cahiers de Ponty” ont été produits et sont conservés actuellement à l’IIfan. Les cahiers de Ponty abordaient les questions économiques, sociales et culturelles de l’époque.
LA CHRONIQUE HEBDO DE PAAP SEEN
LES BARRICADES
EXCLUSIF SENEPLUS - Tant que les forces progressistes ne seront pas à l’avant-garde du processus de changement, nos pays ne passeront pas à l’étape supérieure. Celle de la démocratie véritable. Du gouvernement de la raison - NOTES DE TERRAIN
« Qui ne progresse pas chaque jour, recule chaque jour. » Cette maxime est de Confucius. Je ne l’ai su que tout récemment, au détour d’une lecture. Pourtant, mon ami P.O (lire piyo) aime, depuis toujours, le rappeler. C’est ainsi que la formule s’est définitivement accrochée dans mon esprit. Elle a émergé de ma conscience, cette semaine. Je l’ai eu en tête, en regardant la situation insurrectionnelle qui prévaut, en ce moment, dans beaucoup de pays d'Afrique de l’Ouest. En voyant les images sur les réseaux sociaux, il m’est apparu, de manière flagrante, que nous n'avançons plus en Afrique occidentale. Nos pays régressent. De manière si vertigineuse, qu’il faut commencer à s’inquiéter. Non pas pour tirer les cloches de la peur ou entonner les cantiques du secours. Mais pour saisir toute la gravité de cette mauvaise période. On pourrait, aussi, y voir « un cycle hégémonique », qui fait son effet depuis longtemps déjà. Et qui n’est pas prêt de finir, au vu du tourbillon de crises qui se déchaînent.
Sur internet, toute la semaine, deux hashtag ont été massivement utilisés. Qui montrent la situation catastrophique de nos pays. #EndSars revient sur les manifestations au Nigeria, contre les violences policières, la mal gouvernance et l’injustice qui gangrènent le pays. En réponse, les autorités ont envoyé les escadrons de la mort. Plusieurs personnes ont succombé à la répression. Dix-huit, au moins. #GuineeVote, quant à lui, affiche la mobilisation de la jeunesse guinéenne, qui veut mettre fin au règne d'Alpha Condé. Là-bas aussi, la jeunesse s’est sentie lésée. Elle s’est soulevée un peu partout dans le pays. Comme au Nigeria, les forces de l’ordre ont fait parler les armes. Pour taire les mécontentements.
Le feu couve, partout, en Afrique de l’Ouest. La jeunesse trinque. Ça ne change pas. Les coupables ? Les élites dirigeantes. Un vieux cynique s’est emparé des destinées de la Guinée Conakry. Il a fait ressortir les vieilles rancunes, qui sommeillaient chez ses compatriotes. Qui seront difficiles à éteindre. En Côte d’Ivoire, un autre vétéran a fait ce qu’il reprochait à son prédécesseur : garder le pouvoir, quoi qu’il en coûte. D’anciens fossoyeurs songent à le lui reprendre. Le Mali est en faillite. Les élites cupides et les fous de Dieu ont précipité le pays dans les abysses. Les nouvelles autorités n’ont pas les moyens techniques et les capacités militaires pour reprendre les parties du pays démembrées. Au Nigeria, où les moins de 25 ans représentent 60 % de la population, un grabataire a envoyé son armée mater des protestataires pacifiques. Au Togo, la dynastie perpétue son règne interminable. À côté, le peuple béninois doit endurer les caprices d’un autocrate, qui s’emploie méthodiquement à bannir le jeu démocratique. Et au Sénégal, la démocratie a reculé de vingt ans.
On pourrait continuer la tirade, et l’on verrait que partout où nous regardons, dans la sous-région, les menaces sont omniprésentes. Les pays sont dans un état de délabrement politique et social. Les signes de faiblesses ne permettent plus d’avoir la conscience tranquille. Les dirigeants deviennent autoritaires. S’arrogent des droits de plus en plus exorbitants. Ce césarisme triomphant va jouer, comme d’habitude, sur quatre leviers pour sa conservation : l’arsenal répressif, les divisions identitaires, la censure de la sphère intellectuelle et l’alliance avec des forces extérieures. Un univers réactionnaire, pour dire simple. Par ailleurs, l’effondrement de l’éducation et l’affaiblissement de la culture ne présagent rien de bon. Sinon, la montée de l’obscurantisme, de l’ethnicisme, des conflits confessionnels.
Ajoutons à ces problèmes, qui affectent notre environnement direct, les tendances qui se dessinent sur la planète. Qui annoncent de grands bouleversements. La fulgurance du dérèglement climatique. La prolifération des armes de destruction massive. Le risque d’extinction biologique. La fragmentation du monde, de plus en plus marquée, entre les civilisations. Les dirigeants belliqueux, à la tête des puissances. La haine et la violence, exacerbées par la culture numérique et les réseaux sociaux. L’émergence des protofascistes. L’accroissement des inégalités au niveau planétaire. Toutes ces tendances négatives se fortifient. Pire, la pandémie du coronavirus a fait régresser l’humanité sur tous les plans : sanitaire, économique, technologique, politique, individuel. Le monde vit des mutations profondes et gigantesques.
Le moteur de l’émancipation
Personne ne pourra nous sauver. Car les autres doivent, eux aussi, résorber des contradictions très complexes. Il est facile de tomber dans le pessimisme en regardant tous ces mouvements chaotiques. Pour les peuples d'Afrique, les marges d’action sont très faibles. L'expression démocratique est confisquée. Les manifestations sont durement réprimées. Tout ce qu’il reste à faire, parfois, c’est de gesticuler sur les réseaux sociaux. Ce qui ne change, évidemment, pas grand chose. Pourtant, il ne faut pas rendre les armes. La jeunesse africaine ne doit pas arrêter de se défendre. Ce n’est qu’en luttant qu’elle pourra conquérir les citadelles de la liberté et de la dignité. Cela veut dire qu'en dépit des répressions féroces et des brimades, un seul salut existe : les barricades.
Alors voilà, il n’y a ni optimisme flatteur, ni désespoir qui vaillent. Les dynamiques de l’histoire ne sont pas linéaires. Nous pouvons être lucides sur nos problèmes. Tout en refusant de tomber dans le défaitisme. Qui est une fuite ou un aveu d’impuissance. Tout peut changer, avec l'action de l’Homme. C’est pourquoi, et malgré tous les supplices et les chagrins, la jeunesse africaine doit continuer à lutter. Elle doit comprendre qu’une alternance politique reste une petite avancée démocratique. Rien de plus. Pour que triomphe, un jour, la liberté, la justice, l'expansion économique, et les valeurs démocratiques, la jeunesse doit s’allier avec les éléments progressistes. Sans l’apport fécondant de ces derniers, il y aura toujours une prépondérance de la violence, des divisions communautaires, du repli sur soi et du césarisme. Quels que soient les hommes et les femmes, ou les régimes en place.
L’Afrique changera durablement, le jour où les forces progressistes exerceront une vraie influence sur la société. Et pourront desserrer l’étau, provoquer des tensions créatrices. Apporter les stimulants pour de vrais bonds en avant. Politiques, sociaux, économiques, technologiques et humains. Tant que les forces progressistes ne seront pas à l’avant-garde du processus de changement, nos pays ne passeront pas à l’étape supérieure. Celle de la démocratie véritable. Du gouvernement de la raison. De la diffusion du savoir et de la culture. De la vraie émancipation et de la prospérité. Sans eux, les appareils autoritaires et les réactionnaires vont continuer à se partager le pouvoir. En attendant, la jeunesse africaine n’a pas d’autres choix. Elle doit ériger des barricades. C’est la seule espérance qui lui reste.
Retrouvez sur SenePlus, "Notes de terrain", la chronique de notre éditorialiste Paap Seen tous les dimanches.
ERDOGAN MET EN DOUTE LA SANTÉ MENTALE DE MACRON, L'ÉLYSÉE DÉNONCE DES PROPOS INACCEPTABLES
Le courroux français se traduit par le rappel immédiat de l’ambassadeur de France à Ankara, un acte diplomatique rare, semble-t-il pour la première fois de l’histoire des relations diplomatiques franco-turques
L’Elysée a dénoncé, samedi 24 octobre auprès de l’AFP, les propos jugés « inacceptables » du président turc Recep Tayyip Erdogan qui avait mis en question « la santé mentale » d’Emmanuel Macron en raison de son attitude envers les musulmans. Le palais présidentiel a également noté « l’absence de messages de condoléances et de soutien du Président turc après l’assassinat de Samuel Paty », une semaine après la décapitation de cet enseignant par un islamiste près de Paris.
Le courroux français se traduit par le rappel immédiat de l’ambassadeur de France à Ankara, un acte diplomatique rare, semble-t-il pour la première fois de l’histoire des relations diplomatiques franco-turques. L’acte, dit l’entourage d’Emmanuel Macron, se veut « un signal très fort ».
Le précédent rappel à Paris d’un ambassadeur de France « en consultation », selon l’expression consacrée, remonte à février 2019, pour protester contre une rencontre entre Luigi di Maio, alors vice-premier ministre italien, et des « gilets jaunes ».
L’Elysée dénonce « l’outrance et la grossièreté » d’Ankara
Il y a deux semaines, Recep Tayyip Erdogan avait dénoncé comme une provocation les déclarations de son homologue français sur le « séparatisme islamiste » et la nécessité de « structurer l’islam » en France, alors que l’exécutif présentait son futur projet de loi sur ce thème.
Il a enfoncé le clou samedi dans un discours télévisé : « Tout ce qu’on peut dire d’un chef d’Etat qui traite des millions de membres de communautés religieuses différentes de cette manière, c’est : allez d’abord faire des examens de santé mentale ».
Pour l’Elysée, « l’outrance et la grossièreté » d’Ankara passent moins que jamais, au surlendemain de la cérémonie d’hommage à Samuel Paty à l’université parisienne de la Sorbonne.
Dans son allocution jeudi soir, Emmanuel Macron avait notamment promis que la France continuerait de défendre les caricatures. Depuis, selon l’entourage du président, « les Turcs diffusent une sorte de propagande absurde, par exemple que le président a décidé de projeter les caricatures de Mahomet sur les bâtiments publics ».
Il est urgent que les protagonistes s’asseyent autour d’une table pour mettre fin au cycle de violence qui gangrène le pays. C’est dans l’union que la Guinée parviendra à se développer, à réduire la pauvreté et offrir un avenir prometteur à ses enfants
Selon les résultats officiels, le président sortant, le Professeur Alpha Condé a été réélu à sa propre succession avec un score de 59, 4% contre 33,5% pour son adversaire, Cellou Dallein Diallo de l’UFDG. 12 candidats étaient en lice dans la course au fauteuil présidentiel dont deux femmes.
A la suite des élections qui se sont déroulées le 18 octobre 2020, le pays a été en proie à de fortes tensions post-électorales. Des affrontements ont eu lieu entre les forces de l’ordre et les partisans du chef de l’opposition, Cellou Dallein Diallo. Le pays a basculé dans la violence ce que nous déplorons vivement. Nous condamnons vivement la séquestration du chef de l’opposition chez lui, comme il l’affirme dans une vidéo.
Les droits humains doivent être respectés, conformément à l’article 3 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme : "Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne. “
Dans l'expectative des résultats de la commission électorale, la situation était alarmante : la Guinée était au bord de l’implosion, l'armée avait été réquisitionnée et des échauffourées entre les deux camps ont eu lieu qui se sont soldées par le décès d’une dizaine de morts. L’opposition conteste les chiffres qu’elle porte à une trentaine. Il est inadmissible que les joutes électorales s’achèvent par des exactions de toutes sortes, des massacres d’enfants et que des jeunes soient arbitrairement tués.
Nous souhaitons que l’ordre démocratique soit rétabli au plus vite. Le sang des Guinéens et des Guinéennes ne doit pas couler, car ils forment un peuple uni qui a eu à affronter de nombreuses difficultés mais qui a su les surmonter. Chaque fois qu’il s’agissait de l’intérêt de la nation, le vaillant peuple de Guinée a su reprendre le chemin du dialogue. Il convient donc que la paix revienne et que la cohésion sociale règne. Il est urgent que les protagonistes s’asseyent autour d’une table pour mettre fin au cycle de violence qui gangrène le pays. C’est dans l’union que la Guinée parviendra à se développer, à réduire la pauvreté et offrir un avenir prometteur à ses enfants.
Dr. Pierrette Herzberger-Fofana, Députée au Parlement Européen. Vice-Présidente de la Commission Développement, Vice-Présidente de la Délégation pour les Relations avec le Parlement Panafricain.
CULTURE DU SILENCE AUTOUR DU HARCÈLEMENT
Pression sociale, familiale, religieuse, peur d’être mise au ban de la communauté, de n’être plus « bonnes à marier », les Sénégalaises victimes d’agressions sexuelles sont invitées à taire leurs souffrances
Le Soutoura, c’est ainsi qu’on désigne au Sénégal la culture du silence. Parmi les tabous qu’elle englobe : le harcèlement et les violences faites aux femmes. Pression sociale, familiale, religieuse, peur d’être mise au ban de la communauté, de n’être plus « bonnes à marier », les Sénégalaises victimes d’agressions sexuelles sont invitées à taire leurs souffrances. Mais portées par les réseaux sociaux, et des mouvements mondiaux de dénonciations de violences liées au genre, elles sont de plus en plus nombreuses à enfin oser parler.
ON N'A PAS DONNÉ LA PAROLE AUX FEMMES AFRCAINES, ELLES L'ONT PRISE"
Quelle place pour les auteures africaines dans la littérature d'aujourd'hui ? Les auteures Véronique Tadjo et Bessora évoquent leurs parcours et les défis qui subsistent
Le Temps Afrique |
Isabelle Rüf |
Publication 25/10/2020
Quelle place pour les auteures africaines dans la littérature d'aujourd'hui? Les auteures Véronique Tadjo et Bessora, invitées dans le cadre de l'exposition «Africana» à la Bibliothèque Cantonale Universitaire de Lausanne, évoquent leurs parcours et les défis qui subsistent.
C'est un fonds inestimable: quelque 3500 titres d’auteures africaines francophones, réunis tout au long de sa vie par Jean-Marie Volet, chercheur suisse expatrié à l'Université de Western Australia et grand passionné de l'Afrique. La Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne (BCUL), à qui il a légué ces trésors, leur consacre une exposition jusqu'au 22 novembre.
«À l’heure où les questions de parité et de représentation féminines occupent le devant de la scène sociale et politique, à l’heure où les stéréotypes de genre sont dénoncés au niveau planétaire, il semble nécessaire de mettre en évidence des figures de femmes, et des formes de pouvoir à l’œuvre dans la littérature mettant en scène l’Afrique et ses diasporas féminines», disent les professeures Christine Le Quellec Cottier et Valérie Cossy, organisatrices de l'exposition.
A cette occasion, les auteures Véronique Tadjo et Bessora étaient invitées à rencontrer le public et des élèves des gymnases. Toutes deux ont grandi dans une double culture. Véronique Tadjo est née à Paris en 1955, d’une mère française et d’un père ivoirien, mais a passé son enfance en Côte d’Ivoire. Si elle réside aujourd’hui en Angleterre, elle a enseigné pendant quatorze ans à l’Université Witwatersrand de Johannesburg et voyagé dans le monde entier. Peintre, poète, romancière, elle retourne régulièrement dans le pays de son enfance. L’Ombre d’Imana, qu'elle publie en 2000, évoque la tragédie du Rwanda, et Reine Pokou, issu d’un mythe baoulé, a été adapté en opéra à Genève. Son dernier livre, En compagnie des hommes, traite de l’épidémie d’Ebola.
Bessora, quant à elle, est née à Bruxelles en 1968 d’un père gabonais et d’une mère suisse. Elle a grandi au Gabon et dans plusieurs pays d’Europe, suivant la carrière de son père, économiste et homme politique. Bessora s’est fait connaître en 1999 avec 53 cm., un roman qui décrit dans une perspective anthropologique et comique, le racisme institutionnel que rencontre une jeune femme métisse dans sa quête d’une pièce d’identité. Roman graphique, Alpha retrace le parcours d’un homme qui tente de rejoindre sa famille, entre Abidjan et Paris.
Ensemble, elles évoquent, dans un hôtel lausannois, la place des femmes dans la littérature africaine, les barrières qui subsistent et l'espoir qui naît.
Le Temps: Le fonds Jean-Marie Volet montre l’émergence de nombreuses auteures africaines dans les années 1980. Que se passe-t-il alors?
Véronique Tadjo: 1980, c’est une génération après la décolonisation. Ça signifie que de plus en plus de filles fréquentent l’école et accèdent à l’écriture. En 1979 paraît Une si longue lettre de la Sénégalaise Mariama Bâ, qui remet en question la société patriarcale. Un livre qui exerce une influence énorme en Afrique et donne l’élan à celles qui n’osaient pas prendre la parole.
IBRAHIM 10, JIHADISTE ITINÉRANT D'UN SAHEL SANS FRONTIÈRE
Aux enquêteurs, ce proche de l'Algérien Mokhtar Belmokhtar dit avoir été au Sénégal en 2011, en repérage pour un projet d'attentat finalement annulé contre l'ambassade d'Israël, puis s'être installé en Côte d'Ivoire en 2012, où il épouse une Ivoirienne
Principal accusé dans le procès des attentats du Radisson Blu et de la Terrasse à Bamako, le Mauritanien "Ibrahim 10" est un acteur majeur du jihad sahélien, proche de l'Algérien Mokhtar Belmokhtar, qui a fait ses armes dans le désert du Sahara avant de sévir dans toute l'Afrique de l'Ouest.
Un doute subsiste sur sa présence au procès qui s'ouvre mardi dans la capitale malienne, dont il est l'un des trois accusés, le plus important.
Selon des informations non confirmées officiellement, il pourrait avoir fait partie des détenus échangés début octobre par les autorités maliennes contre quatre otages, dont la Française Sophie Pétronin et l'homme politique malien Soumaïla Cissé.
Est-ce un nouveau rebondissement dans le parcours de ce jihadiste "très audacieux, insaisissable et toujours en mouvement", comme le décrit le spécialiste mauritanien du jihadisme Isselmou Ould Salihi, ou bien la fin brutale d'une carrière aussi prolixe que représentative de ce qu'était la nébuleuse jihadiste des années 2010 ?
De son vrai nom Fawaz Ould Ahmed (ou Ahmeida), cet homme au physique de colosse né à Nouakchott à la fin des années 1970 a commencé sa vie dans le commerce. Il s'est radicalisé après l'intervention américaine en Irak en 2003, "comme cela a été le cas pour beaucoup de jeunes au Sahel à cette époque", explique le journaliste Lemine Ould Salem, auteur d'un livre sur Mokhtar Belmokhtar.
En 2006, "Ibrahim 10" rejoint les camps d'entraînement du chef jihadiste algérien dans le Sahara, selon des documents de l'enquête, couverts par le secret d'instruction et consultés par l'AFP.
Après une formation au maniement des armes, il participe fin 2008 à l'enlèvement de deux diplomates canadiens au Niger. Un coup d'éclat qui sera "hautement apprécié" par sa hiérarchie. Ibrahim 10 est "félicité" par les grands noms du jihad régional ; il prend de l'importance.
"Par la suite, j'ai été désigné par le « Vieux » (surnom qu'il donne à Belmokhtar) pour faire des va-et-vient entre lui et le Burkina Faso" de Blaise Compaoré, à l'époque médiateur dans la libération d'otages au Sahel, dira-t-il lors de son audition par les autorités maliennes après son arrestation en 2016.
Voyages en hélicoptère
Dans ses auditions, il raconte ses voyages entre Ouagadougou et les campements jihadistes dans le désert, parfois en voiture, parfois en hélicoptère, toujours en compagnie, affirme-t-il, de l'homme d'affaires mauritanien Moustapha Ould Limam Chafi, connu pour son rôle dans la libération d'otages occidentaux au Sahel.
Il raconte qu'il "profitait" de ces voyages pour "faire des achats pour les frères" jihadistes dans le désert: caméras, ordinateurs, cartes mémoire...
Et donne des détails sur le "pacte", selon ses dires, de non-agression conclu entre le Burkina Faso et le groupe de Belmokhtar à la fin des années 2000. Le Burkina Faso avait été relativement préservé des attaques jihadistes sous Compaoré ; il a depuis lors été entraîné dans la spirale meurtrière du jihadisme sahélien.
Aux enquêteurs, "Ibrahim 10" dit avoir été au Sénégal en 2011, en repérage pour un projet d'attentat finalement annulé contre l'ambassade d'Israël, puis s'être installé en Côte d'Ivoire en 2012, où il épouse une Ivoirienne et devient père de famille.
Il est arrêté quelques mois plus tard en possession d'armes. Jugé et condamné en 2013 à Abidjan à 10 ans de prison ferme, il sera libéré après 10 mois, "sans doute après avoir parlé", selon une source judiciaire malienne.
Il sort un fusil d'assaut
Il rend alors visite à Belmokhtar en 2014 en Libye, puis rentre au Mali, "via le Tchad et le Niger", ramenant avec lui des explosifs, des sandales et un iPad pour ses coreligionnaires. Il reste quelque temps dans le désert, selon ses dires.
Puis il descend à Bamako, où il commet le 6 mars 2015 l'un de ses principaux faits d'armes : dans la nuit, il entre dans un restaurant de la capitale, La Terrasse, sort de son sac un fusil d'assaut et tue cinq personnes, selon les enquêteurs.
L'homme s'évanouit ensuite dans la nature, mais refait parler de lui quelque mois plus tard : successivement, un hôtel est attaqué à Sévaré en août (centre), puis l'hôtel Radisson Blu de Bamako, en novembre.
Dans les deux cas, "Ibrahim 10" n'aurait pas été présent mais se serait occupé de leur organisation : recrutement des assaillants, repérage, location de véhicules, armes...
Le 21 avril 2016, la sécurité d'Etat malienne l'arrête à Bamako ; il croupissait depuis dans ses gêoles. Sur une photo à l'époque le montrant menotté contre un mur, l'une des seules de lui, il se tient droit, le regard fixé sur l'objectif, semblant le défier.
CES COMPAGNONS DE L'INDÉPENDANCE SACRIFIÉS PAR SENGHOR
Qu’a retenu l’Histoire du rôle de Mamadou Dia et de Valdiodio Ndiaye dans l’accession du pays à l’indépendance ? Éclipsés par la trace indélébile laissée par le président-poète, leurs noms ont été jetés aux oubliettes par l’écriture d’une histoire biaisée
Jeune Afrique |
Manon Laplace |
Publication 25/10/2020
En 1962, le président Léopold Sedar Senghor fait arrêter puis condamner son Premier ministre, Mamadou Dia, et quatre de ses ministres, qui voulaient bousculer les intérêts français au Sénégal. À l’occasion du soixantième anniversaire de l’indépendance, Jeune Afrique revient sur cette page méconnue de l’histoire post-coloniale.
Qu’a retenu l’Histoire du rôle de Mamadou Dia et de Valdiodio Ndiaye dans l’accession du Sénégal à l’indépendance, le 4 avril 1960 ? Éclipsés par la trace indélébile laissée par Léopold Sédar Senghor, président-poète et « père de l’indépendance », leurs noms ont été « jetés aux oubliettes par l’écriture d’une histoire politique et biaisée », tranche d’emblée l’historien sénégalais Iba Der Thiam.
Pourtant, Mamadou Dia, chef du premier gouvernement indépendant du Sénégal, et Valdiodio Ndiaye, qui fut un temps son ministre de l’Intérieur, ont été bien plus que des seconds couteaux dans l’histoire contemporaine du pays.
Disgrâce
Longtemps considéré comme le protégé de Senghor, auprès de qui il siégea à l’Assemblée nationale française, Mamadou Dia est président du Conseil dès 1956, avant de rempiler en 1960 lors de l’Indépendance. Il est l’homme de la politique intérieure et des affaires économiques. Léopold Sédar Senghor, lui, a la main sur la politique extérieure. Une organisation bicéphale du pouvoir, calquée sur celle de la IVe République française, qui va rapidement mettre à nu les dissensions entre les deux hommes et valoir à Mamadou Dia de tomber en disgrâce, dès 1962.
Au sein du premier gouvernement Dia, une autre figure montante de la politique sénégalaise : Valdiodio Ndiaye, charismatique avocat à qui l’on a confié le portefeuille de l’Intérieur. De son nom, il ne reste aujourd’hui que les lettres noires qui ornent l’enceinte du lycée éponyme, sis à Kaolack, ville fluviale du bassin arachidier dont il était originaire.
Toute une génération a pourtant été marquée par son discours sur la Place Protêt (rebaptisée Place de l’Indépendance en 1961), à Dakar, le 26 août 1958. Alors que le président est en Normandie et que Mamadou Dia est retenu en Suisse pour une cure, c’est Valdiodio Ndiaye qui reçoit le Général de Gaulle, lequel achève à Dakar un périple africain qui l’a mené à Fort-Lamy (actuelle N’Djamena), Alger, Brazzaville, Abidjan ou encore Conakry.
Une tournée dans les colonies, un mois seulement avant le référendum constitutionnel qui posera les bases de la Ve République. À travers ce vote, les colonies africaines doivent choisir : la « communauté avec la France », en votant oui ; ou « l’indépendance dans la sécession », en votant non.
Plaidoyer indépendantiste
Devant une foule galvanisée et un général de Gaulle « visiblement irrité », selon certains récits de l’époque, Valdiodio Ndiaye déroule son plaidoyer en faveur de l’indépendance sénégalaise. « Le peuple d’Afrique, comme celui de France, vit en effet des heures qu’il sait décisives et s’interroge sur le choix qu’il est appelé à faire. Dans un mois, le suffrage populaire, par la signification que vous avez voulu donner à sa réponse Outre-mer, déterminera l’avenir des rapports franco-africains. Il ne peut donc y avoir aucune hésitation. La politique du Sénégal, clairement définie, s’est fixé trois objectifs qui sont, dans l’ordre où elle veut les atteindre : l’indépendance, l’unité africaine et la Confédération », tonne-t-il.
Amnésie collective
Aujourd’hui, peu de traces subsistent de ces premières revendications indépendantistes. Dans une forme d’amnésie collective, le Sénégal n’a retenu que la chute de Mamadou Dia et de ses ministres Valdiodio Ndiaye, Ibrahima Sarr, Joseph Mbaye et Alioune Tall.
« On les a décrit comme ceux qui avaient conjuré contre la sécurité de l’État, éludant complètement le rôle qu’ils ont joué dans l’indépendance sénégalaise. Pourtant, si la question de l’indépendance avait été uniquement entre les mains de Senghor, nous serions peut-être encore sous domination française », analyse Iba Der Thiam.
En décembre 1962, les cinq hommes sont arrêtés, accusés par le président Senghor de fomenter un coup d’État. En mai 1963, alors que le procureur général n’a requis aucune peine, Mamadou Dia est condamné à perpétuité, tandis que ses quatre ministres écopent de 20 ans d’emprisonnement. Ils seront graciés onze ans plus tard, avant d’être finalement amnistiés en 1976.