Le procureur, Adou Richard, a brandi, jeudi, les preuves d’enregistrements sonores et photos d’armes de guerre saisies par les enquêteurs pour justifier le mandat d’arrêt international lancé contre l’ancien président du parlement ivoirien
Trois jours après avoir émis un mandat d’arrêt international contre Guillaume Soro, le procureur de la République Richard Adou, a tenu une conférence de presse au tribunal de première instance d’Abidjan. Il a détaillé les accusations portées contre le candidat à l'élection présidentielle de 2020.
Lors de sa déclaration à la télévision nationale du 24 décembre, Richard Adou avait parlé d’un enregistrement sonore incriminant Guillaume Soro dans les charges de « tentative d’atteinte à l’autorité de l’État ».
Cet enregistrement a été versé à l’enquête et le procureur l’a fait écouter ce jeudi après-midi. Il est de mauvaise qualité, mais on entend effectivement un homme, présenté comme Guillaume Soro, s’entretenir avec d’autres personnes en évoquant les préparatifs d’une attaque armée. Il dit avoir le soutien de commandant de zones, issus de la rébellion, dans une tentative de déstabilisation du régime.
« On a l'armée. En fait, il faut minimiser les coûts humains, le sang tout ça. On va regarder la situation. Si elle est favorable à une insurrection populaire, tant mieux », entend-on dans l'enregistrement.
Aussi bien en Côte d'Ivoire qu'à l'étranger, certaines personnes proches de lui [Guillaume Soro ndlr] n'hésitait pas à amplifier le discrédit sur les institutions en place. Ces actes, loin d'être isolés, étaient constitutifs d'un complot qui devait aboutir à une insurrection civile et militaire. Les éléments en possession des services de renseignement notamment un enregistrement sonore établissent clairement que le projet devait être mis en place incessamment.
Cette mauvaise qualité de l’enregistrement est une preuve, estime le procureur Richard Adou. « Si c’était un montage, on aurait pu la rendre plus audible. C’est pour ça que je me suis excusé à la fin de l’audio. Si c’était un montage, on aurait fait des choses très claires. On aurait même pu faire un film ! »
Pour le camp Soro, l'enregistrement date de 2017
Du côté de Guillaume Soro, c’est de nouveau maître Affoussi Bamba qui s’est exprimée, affirmant que cet enregistrement, s’il est bel et bien authentique, daterait de 2017 et serait lié à une obscure affaire d’espionnage dont Guillaume Soro serait victime : « Cet audio est d’une légèreté déconcertante avouons-le. Je précise et j’insiste qu’il date de l’année 2017. Pourquoi l’exhumer aujourd’hui quasiment trois ans après ? Et pourquoi l’audio est-il incomplet ? »
Son avocate continue en donnant une explication sur les circonstances de l'enregistrement : « lorsque monsieur Guillaume Kigbafori Soro se vante du soutien de ses ex-"com-zones", cette affirmation n’a d’autres objectifs que de tirer les vers du nez de l’espion du jour qui accompagnait monsieur Francis Perez, le nommé Olivier Bazol de son nom de barbouze. Mais aussi un message à l’endroit du régime d’Abidjan. »
Sur le mandat d’arrêt en lui-même, le procureur a indiqué qu’Interpol avait été saisi et que si rien n’obligeait les pays à exécuter ce mandat, il serait tout de même surprenant, qu’en vertu des accords internationaux, que celui-ci ne soit pas suivi de faits.
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KÉMI SÉBA CONDAMNÉ PAR LA JUSTICE BURKINABÈ
Le président de “Urgences panafricanistes” poursuivi pour « outrage à chef de l’Etat et à d’autres chefs étrangers », a écopé ce jeudi de deux mois de prison avec sursis
Kémi Séba a été jugé le jeudi 26 décembre 2019 au Tribunal de grande instance de Ouagadougou (TGI). Le président de “Urgences panafricanistes” était poursuivi pour « outrage à chef de l’Etat et à d’autres chefs étrangers » suite aux propos qu’il a tenus le 21 décembre 2019 lors de sa conférence avec des étudiants de l’université Joseph Ki-Zerbo.
Kémi Séba a longuement été interrogé par le parquet, les juges et son avocat, Me Prosper Farama, ce jeudi 26 décembre 2019. Il s’est expliqué après la projection de quelques séquences vidéo de la conférence.
Pour le président de “Urgences panafricanistes”, dire qu’ «il faut que le président Kaboré retrouve ses testicules », qualifier Mahamadou Issoufou de « fou » ou Alassane Ouattara de « drame », ce ne sont pas « des outrages », mais, dit-il, « c’est le cri de douleur d’un fils ».
« Ce ne sont pas des injures, ce sont des qualificatifs politiques (…) L’outrage vient de la manière dont les autorités françaises parlent aux présidents africains (…) Ce sont les propos d’un enfant qui aime son père, ses pères », a indiqué Kémi Séba.
Après épuisement des débats, le parquet a requis que Kémi Séba soit déclaré coupable et a demandé « une peine d’un an de prison assortie de sursis et une amende de deux millions de FCFA ».
Pour Me Farama, les mots utilisés par son client à savoir « passoire politique » ou « il faut que le président Kaboré retrouve ses testicules » sont une « image », « une figure de style ». Et l’avocat insiste en indiquant que ce procès est « politique ». Pour lui, l’infraction n’est pas constituée.
Au verdict, le tribunal a déclaré Kémi Séba coupable des faits. Il a été condamné à deux mois et amende de 200.000f CFA assortis de sursis.
Rappelons que selon le procureur, aucune plainte n’a été déposée contre Kémi Séba par les victimes à la suite des propos tenus par ce dernier. Le parquet s’est auto-saisi.
Notons qu’une affaire connexe à celle de Kémi Séba est née. Il s’agit de la plainte déposée par Hervé Ouattara, ancien président du Citoyen africain pour la renaissance (CAR) dont la maison avait été assiégée par des jeunes « 200 environ », le samedi 21 décembre 2019, après la conférence avec les étudiants. « Une plainte a été déposée contre Luc Arnaud Compaoré, chargé de mission au ministère de la famille », a révélé Hervé Ouattara.
par Bosse Ndoye
INDISCIPLINE, QUAND TU NOUS TUES !
Pour ceux qui croyaient que le comble avait été atteint avec le passage du chauffeur de taxi sur une passerelle piétons il y a quelques années à Dakar, l’accident macabre sur la route de l'aéroport a été un douloureux et triste moment de dessillement
La plus grande chose que la politesse puisse nous faire perdre, de temps en temps, est une place dans un autobus bondé, a dit Oscar Wild. L’indiscipline, elle, combinée avec le laxisme, l’incivisme et l’indifférence constituent un cocktail explosif susceptible de miner beaucoup de secteurs socio-économiques dans notre pays.
Sur ce plan, on croyait avoir déjà tout vu : de grandes personnes uriner dans les rues ; d’autres traverser l’autoroute à pied pendant des heures de pointe ; d’autres encore jeter leurs déchets sur la place publique sans états d’âme ; des chauffeurs sortir de leur voiture pour en venir aux mains en pleine circulation ; un conducteur soucieux de sa sécurité et de celle de ses concitoyens se faire klaxonner, voire insulter quand il essaie de respecter les règles de la circulation en s’arrêtant au feu rouge …. Tout ceci se passant parfois dans l’indifférence totale de nos concitoyens et/ou sans sanction de la part des autorités publiques.
Pour ceux qui croyaient que le comble avait été atteint avec le passage du chauffeur de taxi sur une passerelle réservée aux piétons il y a quelques années à Dakar, l’accident macabre sur la route de l'aéroport a été un douloureux et triste moment de dessillement. Pour certains, il serait le résultat d'une course-poursuite entre camions frigorifiques alors que pour d'autres un excès de vitesse et des freins défectueux en seraient à l'origine
En tout état de cause, aussi incompréhensible que cette indiscipline qui sévit sur nos routes et dans beaucoup de secteurs du pays puisse paraître, elle n'en reste pas moins symptomatique d’une société qui s’affaisse sous le poids du désordre, du non-respect des normes, de l'absence de sanctions, du fatalisme, du je-m'en-foutisme, de l’insouciance et surtout de la perte de repères et de valeurs… Dans un pays où la capacité d’indignation est à son niveau plancher, il n’est étonnant que nombre de gens soient mithridatisés...Personne ne semble se souvenir des appels à l’introspection lancés ça et là à la suite de quelques catastrophes précédentes…
En réalité, l’amnésie règne sans adversité dans ce pays. On en est arrivé à oublier qu’il y a plus d'une dizaine d’années, au lendemain du naufrage du bateau le Joola, le pays avait voulu faire une union sacrée pour ressusciter une véritable prise de conscience sur l’importance du civisme et de la discipline. Le naturel a, depuis, repris le dessus. Dès lors, plutôt que de seriner ad nauseam des projets d’émergence économique, nos dirigeants feraient bien d’insister sur l’émergence mentale. D’autant qu’elle est la base sur laquelle se construisent toutes les autres. Cela passera forcément par le respect des valeurs de base nécessaires au bon fonctionnement d’un pays.
L’indiscipline n’est l’apanage d’aucune société, mais une certaine attitude des autorités peut l’aider à s’enraciner et à se développer. Mais, une justice sociale, une application normale des lois, des institutions fortes, prêtes à sanctionner tous les contrevenants aux règlements peuvent être un début de solution pour juguler le mal de l’indiscipline.
De plus, au-delà de l’éducation, la peur d’une sanction pécuniaire et celle du gendarme semblent être les armes les plus efficaces pour pousser les gens à bien se comporter en société. Quand l'indiscipline devient mortelle, il devient urgent d'agir !
par Siré Sy
DIALOGUE NATIONAL, FABRIQUE POLITIQUE ET SOCIALE
Le président Sall aura compris et le Dialogue national aura permis, de nous rendre compte enfin, que la politique, le débat, la recherche du consensus, ne devrait pas être seulement une affaire d'Etat institutionnalisé
Durant les régimes des présidents Senghor, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, la conjoncture politique et les conflictualités électorales, débouchaient sur des Dialogues politiques, comme portes de sorties de crise. Avec le président Macky, la conjoncture politique et les conflictualités électorales, débouchent sur le Dialogue national, ‘’annualisé’’ depuis le 28 mai 2016.
Le Dialogue politique est une affaire des partis politiques et des seuls acteurs politiques. Le Dialogue national parle à la Nation, dans ses composantes les plus représentatives (partis politiques, société civile, Femmes & Jeunesse, Chefferie traditionnelle, Pouvoir religieux, Secteur privé, Communautés géographiques, Communautés académique, Corps de métiers, etc…..). Un Dialogue politique est exclusif. Le Dialogue national est inclusif. Un Dialogue politique est conquête et accaparement (du pouvoir d’Etat). Le Dialogue national est solidarité et partage sur le système de gouvernance démocratique et sur la fabrique politique, sociale, économique et culturelle.
L’un des traits de style très caractéristique du président Macky Sall, c’est aussi d’avoir compris qu’il était nécessaire de revisiter les paramètres de la Gouvernance au Sénégal, parce que le modèle de l’Etat-Nation (en Afrique), calqué du modèle Nation-Etat en Occident, est source de tensions et de désordre parce que le modèle classique de l’Etat-Nation se résume à un transfert de l’ensemble des ressources et du pouvoir à une minorité qu’on appelle les Partis politiques et les Politiciens (professionnels).
Le président Sall aura compris et le Dialogue national aura permis, de nous rendre compte enfin, que la Politique, le débat, la recherche du consensus, ne devrait pas être seulement une affaire d'Etat institutionnalisé, une affaire de partis politiques, mais aussi l'affaire de forces politiques vives (traditionnelles, religieuses, associatives, secteur privé, monde académique, corps de métiers, etc…..) parfaitement efficaces dans leur domaine et omniprésentes même dans les aspects les plus modernes du Sénégal d'aujourd'hui. Et souvent très démocratiques à leur façon. Les héritages sociaux et économiques, la persistance des communautés, des pouvoirs traditionnels et des croyances originelles, sont plus pertinents souvent à l'échelle locale que nos Etats institutionnalisés et institutions surpra-nationales dans de nombreuses régions.
En Occident, des Nations ont créé des Etats et en Afrique, des Etats veulent créer des Nations. Et si la mayonnaise n’a pas toujours pris depuis 60 ans, c’est que nous avions oublié que l’Afrique (le Sénégal) est faite de Communautés (géographiques, linguistiques, religieuses) avant d'être un Etat institutionnalisé. Avant tout. Après tout. Par dessus tout.
L'OPPOSITION ANCRÉE DANS LE PROCESSUS DU DIALOGUE POLITIQUE
Nous porterons la voix du peuple, celle des agriculteurs qui veulent vendre leur arachide au meilleur prix, celle des populations confrontées aux soucis fonciers, celle des enseignants, des étudiants... - DÉCLARATION DE PRESSE
SenePlus publie ci-dessous, la déclaration des participants de l’opposition au dialogue, en date du 26 décembre 2019.
« L’installation du Comité de pilotage du dialogue national est pour nous l’occasion de réaffirmer, à travers la présente déclaration, notre volonté de poursuivre, avec loyauté et esprit de suite, notre participation aux concertations, dans le seul et unique but de voir restaurée une vie démocratique apaisée parce que normale.
Les difficultés intérieures liées aux conditions de vie des populations et aux problèmes de sécurité dans un environnement sous-régional hautement anxiogène justifient largement l’initiative de l’organisation de ce dialogue. C’est la raison pour laquelle nous avons répondu positivement à l’appel, comme nous le disions le 28 mai passé.
Nous avons noté avec satisfaction les progrès réalisés dans la prise en compte de certaines de nos demandes comme la libération de Khalifa Ababacar Sall. Nous nous attendons tout naturellement à ce que Khalifa Ababacar Sall et Karim Meïssa Wade retrouvent la plénitude de leurs droits civiques et politiques.
Nous nous réjouissons également de la libération du docteur Babacar Diop et certains de ses codétenus et demandons la libération de Guy Marius Sagna et des autres manifestants encore en prison.
Plus généralement, il nous paraît souhaitable de faire respecter le droit à la manifestation. Ce ne serait que bénéfice pour la notoriété démocratique de notre pays, tandis que l’usage de la méthode forte ne fait que compliquer l’établissement d’un climat de paix et de stabilité durables dans le respect des droits des uns et des autres et l’assomption de ses devoirs par tout un chacun.
Nous réitérons notre confiance à M. Famara Ibrahima Sagna, président du Comité de pilotage. Ceux d’entre nous qui le connaissent se sont appuyés sur son parcours et les services éminents qu’il a rendus à notre pays pour penser qu’il a l’étoffe et la carrure pour conduire la mission. Nous le félicitons d’avoir accepté ce nouveau sacerdoce et lui souhaitons bonne chance et plein succès.
Nous associons à ces vœux le Général Mamadou Niang qui dirige d’ores et déjà, avec intelligence et tact, la commission politique du dialogue national.
Les participants de l’opposition adressent également leurs vives félicitations à tous les membres du Comité de Pilotage pour le choix porté sur leurs personnes.
Le Sénégal appartient à l’ensemble de ses filles et fils. Toutes les forces vives de la Nation ont leur mot à dire sur la situation de notre pays. Nous apporterons notre contribution avec d’autant plus d’ouverture que le président de la République a déjà accepté l’application de tous les consensus auxquels nous serons parvenus.
Il ne s’agira pas bien évidemment de parler de tout et de rien. A notre avis, le but ne saurait être ni, pour le pouvoir, de déléguer la définition de la politique nationale ni, pour l’opposition, de se poser en conseiller ou consultant du pouvoir.
Au sein des différentes commissions, nous porterons la voix du peuple, celle des agriculteurs qui veulent vendre leur arachide au meilleur prix, celle des populations confrontées à la remise en cause de leurs droits fonciers, celle des enseignants et des étudiants en lutte, celle des marchands ambulants en quête d’espaces de commerce, celle des pêcheurs, des éleveurs, celle des jeunes en quête d’emploi, celle des femmes et du troisième âge, celles de toutes les catégories de la population. Et nous œuvrerons de toutes nos forces pour que ces différentes catégories sociales voient une amélioration de leur situation à l’issue de ce dialogue.
Nous souhaitons que les points à aborder soient ciblés de façon précise : des questions d’intérêt national controversées, des problèmes nécessitant un consensus transcendant les partis et les régimes, des réformes longtemps différées et arrivées à maturité, etc.
Nous sommes disposés à examiner sereinement l’ensemble des points retenus en vue de contribuer, en toute bonne foi, à la formulation de conclusions consensuelles praticables et pérennes.
Sur chacun de ces points, nous soumettrons avec esprit de responsabilité notre vision et nos propositions, dont une première synthèse figure dans les différents documents que nous remettrons au président du comité de pilotage.
Pour tout dire, nous sommes armés de notre seule volonté de faire avancer le Sénégal vers plus de démocratie et de progrès social.
Enfin, comme vous le savez, de nombreux Sénégalais se plaignent de la récente hausse du prix de l’électricité qui a entraîné une surchauffe légitime du front social. Nous nous faisons leur porte-parole pour demander au président de la République de bien vouloir faire en sorte que cette augmentation soit revue.
Bonne et heureuse année 2020.
Pour les participants de l’opposition
Le Coordonnateur
Moctar Sourang"
"
L’ŒUVRE D’AHMADOU MALICK GAYE AU MENU D’UNE CONFERENCE, CE SAMEDI
L’œuvre d’Ahmadou Malick Gaye (1931-1989) sera revisitée, samedi, à partir de 9h, lors d’une conférence organisée dans le cadre de l’hommage rendu à ce panafricaniste et militant des langues africaines, a appris l’APS.
L’œuvre d’Ahmadou Malick Gaye (1931-1989) sera revisitée, samedi, à partir de 9h, lors d’une conférence organisée dans le cadre de l’hommage rendu à ce panafricaniste et militant des langues africaines, a appris l’APS.
La conférence dont le thème est ‘’Parcours et œuvre de Ahmadou Malick Gaye : un patrimoine socio-culturel, un exemple pour la jeunesse africaine’’ se tiendra au centre Ahmadou Malick Gaye, ex-Bopp, indiquent les organisateurs dans un communiqué.
Cet hommage sera ponctué par une exposition, une cérémonie de prière et des manifestations sportives et culturelles.
L’objectif de la conférence est de rappeler le parcours de Ahmadou Malick Gaye ‘’en mettant le focus sur son œuvre, en l’offrant comme un exemple d’inspiration pour la jeunesse africaine dans sa quête de bien-être et de progrès social’’, soulignent les organisateurs.
Pour revisiter ce parcours et cette œuvre la conférence proposera trois axes thématiques : ‘’Promotion des langues nationales et diversité culturelle’’, ‘’Développement intégré/endogène et participation citoyenne’’ et ‘’Pluralisme politique et intégration africaine’’.
A travers ces thématiques, les organisateurs affirment vouloir ‘’porter’’ à la connaissance des nouvelles générations, ‘’la trajectoire d’un militant engagé sur plusieurs fronts : du combat pour l’indépendance (dans les années 1950-60) à la bataille du développement et de l’ancrage de la démocratie (décennies 1970 et 1989)’’.
Ils rappellent que Ahmadou Malick Gaye ‘’a marqué la conscience de sa communauté par le rôle de pionnier qu’il a joué dans l’alphabétisation en pulaar (Inventaire de l’alphabet Pular et méthode de transcription (1960), l’Alphabet de Mbagne (Alkule Mbaañ), 1962, etc.)’’.
A cela s’ajoutent son implication dans le mouvement pour la renaissance culturelle avec le Groupe d’Etude du Pulaar, en France, l’Association pour la Renaissance du Pulaar (ARP), au Sénégal et en Mauritanie, ainsi que l’introduction de l’alphabétisation au document initial du Programme intégré de Podor (PIP).
Selon le communiqué, ‘’ce travail était mené de pair avec le combat politique au sein du Parti africain de l’Indépendance (PAI) (….) et au Parti socialiste (….)’’.
La même source rappelle que Ahmadou Malick Gaye ‘’s’est assigné durant toute sa vie une tâche de trait d’union entre le Sénégal et la Mauritanie où il a servi d’abord en tant que cadre de l’administration après une formation à l’Ecole nationale de la France d’outre-mer (ENFOM)’’.
Cette formation d’administrateur civil de classe exceptionnelle lui a permis d’occuper ‘’d’éminentes fonctions’’ dans la haute administration sénégalaise notamment au ministère des Affaires étrangères, au Conseil économique et social, à la Société immobilière du Cap Vert, à l’Institut culturel africain et à la Cour suprême.
L’homme qui alliait la réflexion stratégique à l’action concrète, ’’s’est investi pleinement dans des actions de développement à la base à travers le mouvement associatif et les organisations non gouvernementales telle que l’Union pour la solidarité et l’entraide (USE) qui est présente dans plusieurs régions du Sénégal’’.
par l'éditorialiste de seneplus, serigne saliou guèye
LETTRE OUVERTE AU HAUT-COMMISSAIRE DES NATIONS UNIES AUX DROITS DE L’HOMME
EXCLUSIF SENEPLUS - Nous vous demandons d’interpeller l’Etat du Sénégal pour que cessent ses agressions publiques des forces de l’ordre et ses violations itératives de l’intégrité physique sur des manifestants inoffensifs
Serigne Saliou Guèye de SenePlus |
Publication 26/12/2019
Nous venons par la présente, porter à votre attention les violations flagrantes des droits fondamentaux des Sénégalais. Le 29 novembre dernier, l’activiste Guy Marius Sagna et huit autres personnes (dont cinq libérées récemment) manifestant contre la hausse du prix de l’électricité ont été illégalement arrêtés lors d’un mini-rassemblement devant le palais de la République. Aujourd’hui, ce Guy Marius Sagna et quatre autres manifestants sont détenus en prison pour avoir simplement exercé un droit constitutionnel. Je vous signale que c’est la énième fois que le régime du président Macky Sall utilise, en violation flagrante de la loi constitutionnelle, la violence sur des Sénégalais chaque fois qu’il s’est agi de marcher pour manifester conformément à l’article 8 de notre Constitution. Pourtant, le 16 avril dernier, de jeunes militants du parti présidentiel, proches du maire Aliou Sall (frère du président Macky Sall) ont nuitamment secoué les grilles du Palais de la République pour exprimer leur mécontentement quand le nom de leur leader a été biffé de la liste des candidats à la députation de 2017 par le chef de leur coalition politique. Et aucune sanction n’a été prise à l’encontre de ces jeunes trublions nocturnes qui ont eu le toupet de perturber le sommeil présidentiel. C’est la politique des deux poids deux mesures. Pour les mêmes faits, Guy Marius et quatre manifestants sont maintenus en prison depuis le 29 novembre alors que les jeunes militants du frère du président de la République ont bénéficié d’un laxisme effarant de la part des agents qui sont chargés de la sécurité du locataire du Palais.
Madame la présidente,
Depuis que M. Macky Sall a été élu président de la République le 25 mars 2012 et réélu le 26 février 2019, il n’est pas rare de voir des manifestations de l’opposition ou des mouvements citoyens être interdites par le préfet de Dakar sur la base d’un arrêté dit d’Ousmane Ngom et qui prohibe de façon permanente toute manifestation entre l’avenue Malick Sy et le Plateau. Le jour du vote de la loi sur le parrainage le 18 avril 2018, toutes les manifestations sur toute l’étendue du pays ont été interdites dans le seul but de faire passer sans débat contradictoire une forfaiture. Et tous les leaders de l’opposition et autres citoyens ayant osé braver l’interdit préfectoral pour aller manifester légalement devant l’Assemblée nationale contre cette loi scélérate qui compromet leur avenir politique, se sont retrouvés placés en garde-à-vue dans les différents commissariats de Dakar.
Paradoxalement, le candidat Macky Sall était avant 2012 avec ses actuels alliés parmi tous les démocrates épris de justice qui se sont farouchement battus pour la liberté de manifester sans restriction aucune. Une telle interdiction de manifester dans un espace qualifié de névralgique ne peut être que ponctuelle et non permanente. Donc limitée temporellement. Mais avec cet arrêté inique, le droit de manifester qui doit être la règle en République devient une exception pour ne pas dire une impossibilité au Sénégal.
Le respect de l’État de droit implique la restauration de la hiérarchie des normes qui encadrent l’intervention de la puissance publique. C’est pourquoi l’arrêté Ousmane Ngom, contenu dans le bloc réglementaire qui occupe l’avant-dernière strate de la hiérarchie des normes, ne peut nullement transcender notre bloc de constitutionnalité qui se trouve au sommet de la pyramide normative.
Madame la présidente,
Nous attirons votre attention sur le manque de respect systématique des droits fondamentaux des manifestants incarcérés. Le docteur Babacar Diop, enseignant de philosophie l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, appréhendé lors de la manifestation contre la hausse du prix de l’électricité devant le palais et incarcéré à la prison de Rebeuss, a dénoncé les sévices corporels dont il a été victime le jour de son élargissement. Et le démenti tardif et ambigu de la part de l’administration pénitentiaire nous conforte que le Dr Diop a été passé à tabac sans aménités par ceux-là qui sont garants de son intégrité physique dans l’espace carcéral.
Pourtant, notre pays est signataire du Pacte international des Nations unies relatif aux droits civils et politiques dont l’article 10 stipule que « toute personne privée de sa liberté doit être traitée avec humanité et le respect de la dignité inhérente à la personne humaine ».
Toute cette violence n’a qu’un seul but : museler le peuple face à la volonté du pouvoir d’augmenter le prix de l’électricité et d’exiger la transparence dans la gestion de nos ressources naturelles.
En votre qualité de Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, nous vous demandons d’interpeller dans les meilleurs délais l’Etat du Sénégal pour que cessent ces agressions publiques des forces de l’ordre sur ces manifestants inoffensifs et ces violations itératives de l’intégrité physique des manifestants au nom du droit inaliénable de tout peuple à s’exprimer librement et à manifester pacifiquement pour le respect de la Constitution et de la démocratie.
Tout en espérant que vous interpellerez au plus vite les autorités sénégalaises concernées par l’objet de cette missive, je vous prie, Madame le Haut-commissaire, d’agréer l’expression de ma profonde considération.
PS : Toute ressemblance avec une lettre écrite le 1er février 2012 à Mme Navi Pillay, Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme entre 2008 et 2014, par un ancien Premier ministre du Sénégal, ancien président de l’Assemblée nationale du Sénégal et candidat d’une coalition politique à l’élection présidentielle de 2012 n’est que purement fortuite.
Cette insistance de Macron à s’attribuer la paternité du changement, si elle renvoie à une certaine inertie des dirigeants concernés, n’est pas de bon augure alors qu’il s’agit d’inciter les Etats ouest-africains à prendre leurs responsabilités
Si, avec la réforme du franc CFA, Emmanuel Macron, a fait un pas que ses prédécesseurs n’avaient pas osé franchir, Paris doit maintenant tout mettre en œuvre pour aider les Etats africains francophones à acquérir une vraie émancipation économique et monétaire.
A l’approche du 60e anniversaire des indépendances de ses anciennes colonies africaines, il était grand temps que la France réforme le franc CFA, cette monnaie créée en 1945 et toujours en vigueur dans quatorze pays du continent. Emmanuel Macron, en annonçant, samedi 21 décembre à Abidjan, la disparition prochaine de cet « oripeau » d’un passé révolu, a fait un pas que ses prédécesseurs n’avaient pas osé franchir.
Agacé de voir la monnaie « françafricaine » servir d’exutoire aux colères antifrançaises, le président de la République a, au côté du président ivoirien, Alassane Ouattara, lancé un aggiornamento négocié avec huit pays d’Afrique de l’Ouest : remplacement du « franc CFA » par l’« éco », nom de la future monnaie commune à quinze pays de la région ; fin de l’obligation pour les Etats africains de verser 50 % de leurs réserves de change au Trésor français et de la présence française au conseil d’administration de la Banque centrale à Dakar ; maintien de la garantie de la France et de l’arrimage à l’euro. En bref, la France cesse d’être cogestionnaire mais demeure garant financier.
Pour ses partisans, dont M. Ouattara lui-même, l’union monétaire garantie par la France assure la stabilité, y compris pendant les crises comme la guerre civile ivoirienne de 2002-2007. Selon ses détracteurs, le système maintient la parité avec une monnaie trop forte, l’euro, empêche toute dévaluation compétitive, décourage la production locale, entrave l’industrialisation et enferme les pays dans une économie de rente de matières premières.
Que des Etats indépendants depuis plus d’un demi-siècle ne disposent pas de cet attribut fondamental de la souveraineté qu’est la monnaie apparaît comme une anomalie. L’arrangement avec Paris peut être vu comme un cadeau aux élites francophones africaines, dont le pouvoir d’achat est gonflé. A cet égard, la vraie-fausse disparition du franc CFA annoncée par M. Macron ne changera rien. « J’ai voulu engager cette réforme », a souligné le président, comme pour souligner que la France conserve les rênes.
Cette insistance à s’attribuer la paternité du changement, si elle renvoie à une certaine inertie des dirigeants concernés, n’est pas de bon augure alors qu’il s’agit d’inciter les Etats ouest-africains à prendre leurs responsabilités.
Indépendance financière à conquérir
Au fond, la monnaie commune symbolise l’ambiguïté persistante des relations entre Paris et son ancien pré carré, la fameuse « Françafrique » : elle sert d’exutoire commode aux colères africaines et d’alibi pour les insuffisances du continent – immobilisme politique, corruption endémique et climat des affaires déficient. Pour les dirigeants africains, le maintien du lien monétaire avec la France est à la fois une assurance de stabilité et un aveu de faiblesse.
La rupture partielle annoncée par M. Macron sonne comme un appel à une véritable émancipation économique et monétaire des Etats africains francophones. Les anciennes colonies anglophones, elles, ont depuis des lustres des monnaies autonomes, avec des succès contrastés, il est vrai. A l’heure où la Chine, grâce à sa puissance financière, inonde l’Afrique de projets d’infrastructure au prix d’un endettement et d’une sujétion accrue, l’indépendance financière du continent reste à conquérir.
Si la France veut être crédible dans sa volonté proclamée de tourner pour de bon la page coloniale et de conserver les relations de proximité façonnées par l’histoire, elle doit à la fois tenir un langage de vérité et tout faire pour aider les Etats africains à prendre en main leur propre monnaie.
PAR Achille Mbembe
LES MÉTAPHYSIQUES AFRICAINES PERMETTENT DE PENSER L'IDENTITÉ EN MOUVEMENT
Si, de fait, la Terre est un tout, alors il ne peut y avoir d’identité que sous le signe de la circulation généralisée de la vie et du vivant. Et c’est à revenir à ces circulations et à ces flux de vie qu’appellent urgemment les temps
Mettons de côté le retour de l’animisme et la montée en puissance de nouvelles formes d’idolâtrie, qu’il s’agisse de l’idolâtrie numérique, de celle des neurosciences ou, plus prosaïquement, de celle des richesses telle qu’elle est véhiculée par les églises néo-pentecôtistes. L’époque est manifestement au pessimisme politique et culturel. C’est ce qui explique, du moins en partie, la prolifération des discours du complot et de l’effondrement, du ressentiment et de l’identité, bref, le tempérament conspirationnel de notre âge.
Dans les entrailles de l’identité, en particulier, semblent s’être tapies toutes les peurs du temps et toutes les pulsions obscures, nos angoisses, les souffrances les plus aiguës et les désirs les plus opaques, à commencer par le désir de jouir. Et de jouir toujours plus et tout de suite. Mais aussi le désir d’endogamie, à quoi il faut ajouter la volonté sourde d’une violence sans filet, surtout à l’encontre des plus faibles. Car telles sont les aspirations, voire les injonctions suprêmes, à l’âge du capitalisme algorithmique.
Nombreux sont, en effet, ceux aux yeux desquels le recours à l’identité apparaît comme le dernier rempart contre les misères du temps. En manipulant la demande identitaire, ils espèrent éventuellement se tailler une place autour de la table ou, à défaut, avoir un droit privilégié aux miettes que les autochtones sont de plus en plus contraints de se disputer avec les allogènes et autres intrus. Les multitudes veulent donc en découdre. Non point avec les forces de plus en plus abstraites, de plus en plus réticulaires et de plus en plus invisibles qui fauchent tant de vies au Nord comme au Sud, mais avec plus vulnérables qu’elles. Ouvertement, elles en appellent à la brutalisation du reste, tous ceux que la vie semble avoir d’ores et déjà désertés mais qui s’agrippent par tous les moyens.
Dans cette atmosphère de rage et d’assignation forcée à l’entre-soi, le futur ne s’entend plus comme la promesse d’un progrès possible. Il apparaît désormais sous les traits d’une force dislocatrice et dissolvante, d’une expérience proprement terrifiante et que l’on redoute. Protestations, soulèvements, émeutes, blocages, occupations et autres formes de désobéissance nonobstant, beaucoup ont cessé de croire en la possibilité d’une action véritablement transformatrice. Ils peinent à imaginer quelque rupture que ce soit avec les cadres de pensée et d’action existants. Ils ont tourné le dos au projet d’émancipation humaine, et donc à la lutte.
Planétarisation des problèmes
Comment s’en étonner ? Au sortir de la guerre froide, n’a-t-on pas voulu croire que la démocratie de marché était le dernier mot de l’histoire ? Que dire des nombreux dispositifs de capitulation mis en place dans la foulée et qui ont conduit à une vaste résignation de l’intellect face à l’ordre existant ? Entre-temps, le capitalisme semble avoir plongé dans des convulsions d’un nouveau genre, toutes porteuses d’une violence aussi inouïe que sommaire contre les personnes, la matière et la biosphère. Vidée de tout contenu autre que formel, la démocratie libérale est, quant à elle, en train de vaciller, voire de se déliter. Elle n’est plus qu’un simple adjuvant du néolibéralisme.
Pour masquer ce fait, on incite les plus crédules à penser que leur futur ne sera garanti que par le biais du repli sur une communauté nationale imaginaire. Que chacun retourne chez lui et que partout se dressent murs et frontières, entend-on crier ici et là, alors qu’une guerre civile d’allure mondiale est livrée contre les migrants. La paix mondiale, paraît-il, en dépendrait.
On fait donc comme si l’intractable question des rapports entre l’ensemble des vivants et le reste de la biosphère sera résolue par la sédentarisation planétaire forcée. Les faits sur le terrain ne cessent pourtant de porter un démenti à la fiction d’une modernité en marche vers la réalisation de ses principes normatifs. La révolution néolibérale s’étant soldée par le lent démantèlement du compromis social forgé dans l’immédiat après-guerre, le terrain des luttes s’est déplacé vers les questions identitaires.
Mais comment faut-il interpréter la stridente demande de retour au sol et à la localité, alors que tout pousse vers une indiscutable planétarisation des problèmes auxquels l’humanité est confrontée ? Est-il vrai, comme le suggèrent nombre d’observateurs, que l’identitarisme soit le langage inverse d’une volonté de retrouver la parole et de reprendre en main sa destinée face à la volonté des Etats de soustraire leurs funestes politiques à tout débat ? Loin d’être le nouvel opium des masses, l’identité serait-elle plutôt le nom inverse du rejet que les populations tentent d’opposer aux politiques néolibérales, celles-là même qui sont responsables du saccage et de l’atrophie de leurs milieux de vie ?
Des rôles assignés d’office
Que faut-il, au demeurant, entendre par « identité » ? Les philosophies occidentales du sujet, qui ont dominé le monde pendant quelques siècles, reposent sur l’idée selon laquelle il y aurait en nous quelque chose qui nous serait intrinsèque, qui serait fixe et stable et, par conséquent, ne varierait pas. Elles nous apprennent que l’individu est au principe de son être. Créateur de lui-même, il reçoit son identité de lui-même, et parce que doué d’une conscience réflexive et d’une intériorité, il serait distinct de toutes les autres espèces vivantes. A supposer qu’une telle croyance soit vraie, elle est cependant loin d’être universelle.
Certes, en tant que citoyens d’un Etat, nous sommes tous soumis à des mécanismes d’identification. Par exemple, nous disposons chacun d’un acte de naissance. Après notre décès, l’administration établira un certificat de décès. En attendant, elle nous attribue une carte d’identité pourvue d’un numéro qui est le nôtre, et pour ceux et celles qui voyagent à l’étranger, d’un passeport qui indique notre genre, notre nationalité, notre âge, notre profession, toutes sortes de données servant à dire qui nous sommes et nos appartenances. En ce sens, nous sommes le produit de mécanismes étatiques d’identification.
Par ailleurs, en tant que personnes humaines, nous jouons une série de rôles. Certains nous sont assignés d’office. Nous en créons d’autres nous-mêmes. Nous demeurerons cependant à jamais indéfinissables aussi bien à nous-mêmes qu’aux autres. Au fond, cette propriété qui consiste à ne jamais atteindre un niveau de totale transparence à nous-mêmes et aux autres, c’est peut-être cela, finalement, notre identité. Elle est commune à tous les humains, sans distinction de race, de sexe, de nationalité ou de religion.
D’autres traditions de pensée l’ont bien compris. C’est le cas des pensées africaines antiques au regard desquelles il n’y avait d’identité qu’éclatée, dispersée et en miettes. Du reste, l’important n’était pas le soi en tant que tel, mais la façon dont on le composait et recomposait, chaque fois en relation à d’autres entités vivantes. En d’autres termes, il n’y avait d’identité que dans le devenir, dans le tissu de relations dont chacun était la somme vivante. L’identité, dans ce sens, n’était pas une infinie substance. Elle était ce que l’on confiait à la garde des autres, dans l’expérience de la rencontre et de la relation, laquelle supposait toujours le tâtonnement, le mouvement et, surtout, l’inattendu, la surprise qu’il fallait apprendre à accueillir. Car dans l’inattendu et la surprise gisait l’événement.
Il en était ainsi parce qu’il n’y avait ni monde, ni société ou communauté dont l’origine ne se situa dans une idée ou une autre de la dette. La personne humaine était un composé de multiples entités vivantes. Elle ne s’auto-engendrait point. Ce sont d’autres qui, toujours, étaient responsables de son advenue à la vie. Elle ne leur devait pas seulement sa naissance, mais aussi la langue, les institutions fondamentales, des richesses immatérielles, à la fois incalculables et non remboursables, dont elle héritait. Cette forme originaire de la dette, ou encore de la dot que les générations devaient les unes aux autres, s’opposait à la dette expropriatrice qui, sous sa forme marchande, obère de nos jours les conditions de reproduction ou même de survie de millions de femmes et d’hommes sur la surface de la Terre.
Singularité et originalité
Dans ces systèmes de pensée, ce que l’on nomme « identité » ne rimait guère avec l’enfermement sur soi, l’autarcie, le face-à-face avec soi-même, le refus de rencontre avec le monde, la méfiance, ou encore un moi qui s’affirme tout seul et qui, ce faisant, sombre dans cette espèce de répétition que produit toujours l’ennui. Par contre, la singularité et l’originalité étaient des attributs individuels socialement valorisés et que l’on se faisait fort de cultiver, de soigner et, lorsqu’il le fallait, de mettre pleinement en exergue.
L’important n’était donc pas l’identité, mais l’énergie qui était supposée régir les phénomènes vitaux et animer les conduites. La personne humaine par excellence se définissait par sa richesse en énergie vitale et sa capacité d’être en résonance avec les multiples espèces vivantes qui peuplaient l’univers, les plantes, les animaux et les minéraux y compris. Ni fixe, ni immuable, elle se caractérisait par sa plasticité.
On reconnaissait les personnes véritablement singulières à leur capacité à réaliser toutes sortes d’agencements de forces, à capter et à reconfigurer les flux de vie. Dans ce sens, on peut dire des métaphysiques africaines antiques qu’elles privilégiaient des dynamiques transidentitaires. Elles étaient des métaphysiques du devenir et non de la substance. A l’heure où les technologies computationnelles achèvent de se saisir du tout du monde, elles nous permettent, mieux que les philosophies occidentales du sujet, de penser l’identité comme quelque chose de toujours en mouvement, jamais le même, toujours ouvert sur ce qui vient et qui ne cesse de se synthétiser de nouveau, à la rencontre avec d’autres flux d’énergie.
En ce nouvel âge de la Terre, la démocratie libérale fait face à une véritable impasse. Elle est sur le point d’être engloutie par des formes purement régressives du nationalisme ou de l’ethnicisme. Les forces du nationalisme régressif prétendent travailler en vue de la régénération de communautés supposément pures et organiques menacées par toutes sortes d’intrus. Mais elles sont foncièrement incapables d’imaginer ce que serait une politique planétaire susceptible de réparer la Terre et de remettre en mouvement le vivant.
Or la combustion en cours du monde nous oblige à rompre avec la conception circulaire de l’identité qui aura caractérisé la raison occidentale pendant de longs siècles. A la thématique de l’identité doit se substituer celle du vivant, c’est-à-dire du destin de la biosphère à l’ère ou tout indique qu’une nouvelle genèse technologique est en gestation et, avec elle, une autre humanité, plus hybride et plus artificielle. Si, de fait, la Terre est un tout, alors il ne peut y avoir d’identité que sous le signe de la circulation généralisée de la vie et du vivant. Et c’est à revenir à ces circulations et à ces flux de vie qu’appellent urgemment les temps.