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27 juillet 2025
PAR Abdourahmane Sarr
FCFA : DÉBAT CLARIFIÉ, VICTOIRE D'ÉTAPE AVEC L'ÉCO
La question fondamentale sur laquelle tous les acteurs sont à présent obligés de se concentrer est la parité rigide de l’ECO, notre monnaie, par rapport à l’euro
La décision de renommer le FCFA ECO, de mettre fin à la centralisation d’une partie des réserves de change de la BCEAO au trésor français, ainsi qu’à la présence de représentants français dans les organes de gouvernance de la BCEAO malgré la continuité de la garantie de convertibilité française est une étape dans la bonne direction. Elle a l’avantage de clarifier le débat sur le FCFA qui était pollué par ces questions non essentielles, y compris celle du lieu d’impression de nos billets.
La question fondamentale sur laquelle tous les acteurs sont à présent obligés de se concentrer est la parité rigide de l’ECO, notre monnaie, par rapport à l’euro, parité qui ne sera pas dans les faits garantie par les nouveaux engagements de la France, pas plus qu’elle ne l’était avec la centralisation de réserves de change au trésor français. En effet, la France n’est que le garant politique de notre union monétaire et joue pour nous un rôle d’état central du fait d’un déficit de leadership politique assumé. Notre parité, ce sont nos réserves de change qui la garantisse et si nous devions être à court de réserves de change, comme tous les pays du monde, nous aurions recours au Fonds Monétaire International en dernier ressort. Le FMI a tous les instruments appropriés à cet égard. C'est ce qui explique certainement que la nouvelle garantie de la France soit assortie d'une nécessité de retour de représentants français dans notre gouvernance si elle devait s'exercer.
La décision prise par les chefs d’état est néanmoins une décision d’étape à saluer dans le processus devant mener à la libération totale de l’ECO, et donc de nos économies. Sur le plan pratique, cette libération ne pouvait se faire le même jour, d’où l’annonce d’une garantie française, mais la prochaine étape est la responsabilisation de la BCEAO avec une autonomie d’objectif sur le taux de change sans la France.
La Directrice Générale du Fonds Monétaire International dit également saluer «une étape importante dans la modernisation de notre arrangement monétaire avec la France…et son institution se tient prête à accompagner la mise en œuvre des réformes qui viennent d’être décidées». Dans la mesure où aucune décision techniquement difficile à mettre en œuvre n’a été prise et qui aurait nécessité une assistance du FMI, nous pouvons dire sans risque de nous tromper que nous allons vers la flexibilisation de l’ECO dans un avenir proche. Il faudra au préalable préparer la BCEAO et renforcer sa gouvernance pour lui permettre d’être à l’abri de ce que nous appelons «Fiscal Dominance » ou financement monétaire de déficits budgétaires, qui est souvent à l’origine de forts taux d’inflation dans les pays à régime de change flexible avec un leadership irresponsable.
Dans la mesure où nous sommes dans une union, nous pouvons espérer que dans une gouvernance nouvelle avec un collège de gouverneurs, aucun de nos états n’aura l’influence que la Côte d’Ivoire a eu dans la gestion de la BCEAO qui les 5 dernières années a indirectement financé des déficits excessifs de nos états. Un tel comportement dans le cadre d’un régime de change flexible nous vaudra bien évidemment une inflation forte à la place des réserves de change que nous avons perdues et l’endettement extérieur que la Côte d’Ivoire et le Sénégal ont dû encourir augmentant ainsi notre vulnérabilité extérieure pour les renflouer et soutenir la liquidité du secteur bancaire actuellement à rude épreuve.
Les rapports du FMI publiés il y a deux jours sur son programme avec la Côte d’Ivoire, programme allongé d’une année pour couvrir la période de l’élection présidentielle dans ce pays, donne l’opportunité aux acteurs de débattre des questions de fond. Nous pouvons leur dire d’ores et déjà que la stratégie d’endettement de la Côte d’Ivoire décrite dans son programme avec le FMI donne une place excessive à l’endettement extérieur en devises (euro ou dollar), et une stratégie incohérente sur la dette en FCFA/ECO qui ne sera pas possible si la parité fixe rigide sur l’euro est maintenue. Les investisseurs non-résidents n’achèteront pas notre dette en ECO dans un tel régime, et un endettement en euro sur la base de la fixité de la parité va hypothéquer le choix de régime de change des générations futures. Cette stratégie suppose donc une continuation d’un arrimage rigide sur l’euro à moyen terme qui ne doit pas être le choix du Sénégal, et par conséquent de l’UEMOA. Elle devra changer ou justifier la fin de notre compagnonnage avec la Côte d’Ivoire dans l’UEMOA (SENEXIT). Nous l’avons expliqué dans notre tribune intitulée « SENEXIT : Libéralisme Patriotique ou Socialisme? ».
Nous réitérons notre ferme opposition à un libéralisme social internationalisé à taux de change fixe ou « croissance redistributive » extravertie, pour reprendre Macron, sans l’inclusion financière de nos entreprises comme c’est actuellement le cas. Nous lui préférons un libéralisme patriotique facilité par un régime de change flexible permettant d’amortir nos chocs extérieurs, la diversification de nos économies, leur résilience, et facilitant la transformation de notre inclusion financière en cette monnaie en un capital national qui sera complété par des investisseurs étrangers. Cette stratégie serait mise en œuvre dans un environnement de liberté économique ouvert sur le monde et l’Afrique. La jeunesse africaine veut prendre son destin en main, et totalement, subir les conséquences de ses choix, et corriger ses erreurs en toute responsabilité.
Librement
Abdourahmane Sarr est président CEFDEL, Moom Sa Bopp Mënël Sa Bopp
par Cheikh Tidiane Dièye
MACRON, OUATTARA ET CONSORTS VOLENT NOTRE MONNAIE !
Ils cherchent à nous couper l’herbe sous les pieds et à travestir l’ECO, en donnant l’impression que tout change alors que rien ne change - Rien dans l’ECO ne regarde la France
Le président français Emmanuel Macron et son homologue ivoirien Alassane Ouattara viennent d’annoncer à Abidjan la disparition du Franc CFA et son remplacement par l’ ECO en 2020.
Voici ce que Macron en dit : « C’est en entendant votre jeunesse que j’ai voulu engager cette réforme. Le Franc CFA cristallise de nombreuses critiques sur la France. Je vois votre jeunesse qui nous reproche une relation qu’elle juge post coloniale. Donc rompons les amarres »
Vous avez bien lu. Il dit bien « j’ai engagé cette réforme ». Une fois encore Macron fourre son nez et son nom dans ce qui ne le regarde pas. Lui et ses amis ouest africains cherchent à nous doubler en s’accordant la paternité de l’ECO. C’est une arnaque politique. Le processus devant conduire à la création de l’ECO est conçu, pensé et entretenu par la Cedeao hors de tout lien avec le CFA. Rien dans l’ECO ne regarde la France.
C’est pourquoi je voudrais exprimer, ici, mon indignation par rapport à cette décision politique opportuniste qui n’est rien d’autre qu’un viol. Un vol,aussi bien du nom que de toute la symbolique qui entoure la création et naissance de l’ECO. Ils cherchent à nous couper l’herbe sous les pieds et à travestir l’ECO, en donnant l’impression que tout change alors que rien ne change.
Ils peuvent, certes, supprimer le compte d’opération à la banque de France et retirer les représentants français qui siègent au sein des instances de la BCEAO. Mais ce serait une réforme du CFA et en aucun cas un avantage pour la création de l’ECO puisque ce dernier n’a jamais envisagé son existence par rapport à un quelconque lien avec la France. De plus leur « ECO détourné » garderait la parité fixe avec l’Euro avec une garantie assurée par la France alors que « l’ECO authentique » devrait être flexible et relié à un panier de devises.
Je suis de très près le processus de création de l’ECO depuis de nombreuses années. Il n’est pas destiné à remplacer le CFA. Son ambition est de doter la Cedeao d’une monnaie construite par elle-même pour les peuples qui la composent. J’avais écrit il y a quelques années que notre sortie du CFA était inéluctable, non pas en réaction ou opposition à qui que ce soit, mais parce que nous mettrions en place notre propre monnaie régionale dans laquelle les États de la Cedeao s’engageraient les uns après les autres en fonction de leur niveau de préparation et leur aptitude à atteindre les critères de convergence. C’est ce que nous avons appelé la « sortie du CFA par le haut ».
Si nous laissons Macron et ses amis faire, les autres pays de la CEDEAO pourraient ne jamais rejoindre l’ECO, qui est pourtant leur monnaie, notre monnaie.
Je reviendrai plus largement sur le long processus de création de l’ECO pour démontrer cette escroquerie.
Texte recueilli de la page Facebook de l'auteur.
par Demba Moussa Dembélé
COUP DE JARNAC CONTRE L'INTÉGRATION MONÉTAIRE !
EXCLUSIF SENEPLUS - L’accord signé entre Ouattara et Macron va perpétuer le même système sous une forme « rénovée » - Que les réserves de change quittent Paris ne change rien pour les pays africains
Lors de notre séance du samedi de l’économie du 14 décembre, je disais que la France était en train de manœuvrer avec Ouattara pour torpiller le projet de la CEDEAO. L’annonce d’aujourd’hui le confirme,
Ouattara est un cheval de Troie pour la France dans la CEDEAO.
L’accord va peut-être changer le nom du franc CFA mais la servitude monétaire va continuer.
En gardant un taux de change fixe avec l’Euro les banques centrales africaines vont mener les mêmes politiques monétaires en ayant comme objectif prioritaire la lutte contre l’inflation, comme la BCE.
Donc, que les réserves de change quittent Paris pour aller ailleurs ne change rien pour les pays africains. En fait, l’accord signé entre Ouattara et Macron va perpétuer le même système sous une forme « rénovée ».
C’est un très mauvais coup porté contre le processus d’intégration en Afrique de l’Ouest.
La lutte continue contre la servitude monétaire et la tutelle de la France !
par Pape Demba Thiam
LES DÉFIS À RELEVER AVANT L'ÉCO
EXCLUSIF SENEPLUS - Une des grandes questions reste celle de savoir par quels instruments décider de maintenir ne serait-ce qu’une parité fixe avec n’importe quelle monnaie forte - Il faudrait que les leaders de la zone UEMOA en prennent la mesure
Je crois qu’il s’agit d’abord d’une décision politique dont les modalités pratiques de la mise en œuvre doivent encore faire l’objet de beaucoup de travail dans les prochains mois. Parce que la seule manière de changer du CFA à l’ECO du tic au tac, serait simplement d’en changer le nom tout en gardant les mécanismes de fonctionnement. Or ceci ne semble pas être le cas puisque le “Compte d’Operations” est prévu pour disparaître dans le même temps qu’on dit que la parité fixe avec l’Euro sera maintenue. Attention, on dit bien “la” parité, pas “une” parité, ce qui voudra dire qu’un Euro équivaudrait toujours à 655,956 ECO. Ce sont deux paramètres de travail qu’il faudrait pouvoir réconcilier par des stratégies qui conviennent à la diversité des économies de l’UEMOA.
Je retiendrais donc plutôt la volonté de ne pas abandonner un outil d’intégration monétaire important et indispensable tout en espérant que la nouvelle monnaie ira au delà d’un simple instrument de paiement pour devenir un instrument de politique économique. Pour ce faire, battre sérieusement la nouvelle monnaie ECO, ne pourrait pas s’affranchir des principes universels de la théorie quantitative de la monnaie dont la création dépend aujourd’hui de la volonté d’endettement de l’économie.
Monnaie et crédit étant inséparables, une des grandes questions reste celle de savoir par quels instruments décider de maintenir ne serait-ce qu’une parité fixe avec n’importe quelle monnaie forte. Ce défi est à portée de réflexion, une société ne se posant que des questions qu’elle peut résoudre. Il faudrait cependant que les leaders de la zone UEMOA en prennent la mesure et mettent en place une commission d’experts pour les aider à naviguer cette nouvelle perspective.
LE FCFA, TOUTE UNE HISTOIRE
Depuis les indépendances, la devise créée en 1945 par la France dans les deux régions africaines de son empire colonial a évolué en ne cessant de faire débat
Le président ivoirien Alassane Ouattara a annoncé, ce 21 décembre, aux côtés d'Emmanuel Macron, la disparition prochaine du FCFA au profit de l'éco, en Afrique de l'Ouest. La devise créée en 1945 par la France dans les deux régions africaines de son empire colonial circule dans 14 pays d’Afrique de l’Ouest et centrale qui forment la « zone franc », en plus des Comores. Soit 173 millions d’habitants. Depuis les indépendances, elle a évolué en ne cessant de faire débat.
Le franc des Colonies françaises d’Afrique (CFA) est né par décret, en même temps que celui des Colonies françaises du Pacifique (CFP, Indochine), le 25 décembre 1945. Ce jour-là, le gouvernement provisoire de la France dirigé par le général de Gaulle ratifie les accords de Bretton Woods. Il fait sa première déclaration de parité franc-dollar au tout nouveau Fonds monétaire international (FMI). Il s’agit d’une mesure technique sans grand débat, comme le signale l’intitulé du décret, « fixant la valeur de certaines monnaies des territoires d’outre-mer libellées en francs ».
La « zone franc » créée de facto par la France avec ses colonies, où elle émet localement des monnaies qui portent le nom de « franc », a déjà été officialisée en 1939, par le biais d’un autre décret instaurant le contrôle des changes en métropole et « Outre-Mer ». Cette zone se trouve scindée en deux en 1945 : l’inflation a été moins forte dans les colonies durant la Seconde Guerre mondiale que dans la métropole. Du coup, lors de sa création, le franc CFA est plus fort que le franc français (FF), puisqu’il vaut 1,70 FF. Il repose sur quatre grands principes : parité fixe garantie par le Trésor public français, convertibilité et liberté des flux de capitaux dans la zone franc, en plus de la centralisation des réserves de devises des instituts d’émissions locaux, déposées auprès du Trésor public français. Lorsque le franc français est dévalué le 17 octobre 1948 par rapport au dollar, la valeur du CFA se renforce encore, de manière mécanique. Elle passe à 2 FF.
Les indépendances
Au moment des Indépendances, les choses se compliquent. En 1954, l’Indochine disparaît et avec elle le CFP. Le Vietnam, le Laos et le Cambodge vont créer leurs devises respectives, le dong, le kip et le riel. Le Maroc et la Tunisie, indépendants en 1955 et 1956, remplacent les francs « tunisien » et « marocain », l’un en restaurant le dirham en 1959, l’autre en frappant sa monnaie, le dinar, en 1958. L’Algérie, colonie française de peuplement où le franc français se trouve en circulation, instaure le dinar en 1964, deux ans après son indépendance.
En 1958, le « non » de la Guinée de Sékou Touré à l’Union française proposée par De Gaulle signifie une sortie de la zone franc, accomplie en 1960 avec la création d’un « franc guinéen ». Cette devise coupe les ponts avec l’ex-métropole, contrairement à ce que laisse supposer son nom. Au Mali de Modibo Keïta, le Parlement refuse de signer en mai 1962 le traité portant création de l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA), qui deviendra l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), en 1994. Le pays sort dans la foulée de la zone franc et fait fabriquer le « franc malien » en Tchécoslovaquie. Il rejoindra la zone franc bien plus tard, en 1984. Quant au président du Togo fraîchement indépendant, Sylvanus Olympio, il rejette aussi le traité UMOA et entend battre monnaie. Il est assassiné le 13 janvier 1963, dans des conditions restées mystérieuses, au moment où sont publiés les statuts d’une Banque centrale togolaise qui ne verra pas le jour.
De son côté, le CFA ne change pas d’acronyme, mais devient en 1958 le franc de la « Communauté française d’Afrique ». Après les indépendances, en 1962, son « F » correspond plutôt à « la Communauté financière d’Afrique » dans l’UMOA (Côte d’Ivoire, Dahomey, Haute-Volta, Niger, Sénégal, Togo). Nuance : le même franc est celui de la « Coopération financière en Afrique centrale » pour les membres de l’Union monétaire de l’Afrique centrale (UMAC), Cameroun, Gabon, Congo-Brazzaville, République centrafricaine et Tchad. Si l’on parle de CFA partout, la devise est scindée en deux, chaque région ayant son code ISO international, XOF et XAF. Les deux CFA sont convertibles avec toutes les devises, ainsi qu’entre eux. Le franc comorien (KMF) fait partie de la famille, en tant que cousin éloigné de la zone franc.
Nouveau franc français et vent de fronde
Lorsque le nouveau franc français est créé en janvier 1969 par le général de Gaulle, pour une valeur de 100 anciens francs, le CFA change encore mécaniquement de valeur, passant de 2 à 0,02 FF. Les critiques de la période des indépendances ressurgissent. L’économiste égyptien Samir Amin préconise en 1969, dans un rapport qui porte son nom, le passage à des monnaies nationales, avec le CFA comme monnaie commune et non plus unique. Il reprend des recommandations déjà faites en 1960 par le Sénégalais Daniel Cabou, gouverneur de Saint-Louis, qui plaidait pour une «union africaine des paiements».
Un mouvement de fronde part de la fin de la convertibilité du dollar en or, décidée par Nixon en août 1971, mettant fin au régime de change fixe hérité de Bretton Woods. À partir de cette date, le dollar se met à fluctuer. « Les Africains se disent qu’avec la hausse des cours des matières premières, ils perdent au change en raison de la parité fixe et non flottante du CFA par rapport au FF, explique l’économiste togolais Kako Nubukpo, de manière factuelle, sur un sujet qu’il connaît bien, étant l’un des principaux détracteurs actuels du CFA. Ils aspirent à une monnaie plus forte qui leur permettrait d’importer plus. »
Le président du Niger Hamani Diori, qui avait commandé le rapport Samir Amin, est soutenu par le Congo-Brazzaville, le Cameroun et le Togo. Il demande en janvier 1972 à Georges Pompidou, son homologue français, une réforme de la zone franc. La fronde incite la Mauritanie à quitter la zone pour créer l’ouguiya, et Madagascar à rétablir l’ariary en lieu et place du franc malagasy (ou « franc malgache ») en mai 1973.
La révision du système CFA est accordée en décembre 1973, mais pas dans les termes préconisés par Samir Amin, auteur de L’Afrique de l’Ouest bloquée, L’économie politique de la colonisation, 1880-1970 (Éditions de minuit, Paris, 1971). La principale mesure fait passer de 100 % à 65 % le niveau des réserves de devises placées auprès du Trésor français. La Banque ouest-africaine de développement (BOAD) est créée, avec son siège placé à Lomé, pour faire plaisir au général Eyadéma, qui a osé tenir tête à Pompidou sur le CFA lors d’une visite officielle, en novembre 1972. Le « rapatriement » des sièges des banques centrales africaines de la zone franc, situés rue du Colisée, dans le VIIIe arrondissement de Paris, est décidé. L’africanisation des cadres commence alors, même si physiquement, ce n’est qu’en 1977 que la Banque centrale des Etats d’Afrique centrale (BEAC) s’installe vraiment à Yaoundé et la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) en 1978 à Dakar.
La dévaluation du 12 janvier 1994
La Guinée équatoriale, seul pays hispanophone d’Afrique, entre dans la zone d’influence de la France et adopte le CFA en 1985, onze ans avant la découverte de ses gisements de pétrole. Sur le continent, les années 1980 sont celles de l’ajustement structurel, une mise au pas des pays endettés selon la doxa libérale en cours au FMI et à la Banque mondiale, avec dérégulation de l’économie et ouverture au libre marché. Cet effort d’ajustement réel est fait au prix de nombreux sacrifices, au lieu d’une dévaluation monétaire que rejettent les chefs d’État de la zone franc. Les salaires sont bloqués, les embauches gelées dans l’administration et des coupes claires faites partout, notamment dans les dépenses sociales.
La chute des cours des matières premières et la dépréciation du dollar, à partir de 1985, font que les recettes à l’exportation diminuent, mettant à mal les budgets, et par ricochet le niveau de la dette extérieure. L’échec de l’ajustement structurel conduit la France à envisager une dévaluation monétaire, sous les auspices du FMI, qui suspend son aide aux pays de la zone franc à partir de 1991. Dès août 1993, la convertibilité du CFA est suspendue, en raison des rumeurs de dévaluation, sur fond de fuite des capitaux hors de la zone franc. Il devient impossible de changer des CFA contre toute devise hors de la zone franc, et impossible de convertir des XOF en XAF, même dans la zone franc – une mesure contre la spéculation qui n’a jamais été levée par la suite. En septembre 1993, la « doctrine d’Abidjan », ou « doctrine Balladur » - du nom du Premier ministre français Edouard Balladur -, conditionne le soutien financier de la France à l’adoption de programmes du FMI.
Dévaluer ou pas ? Edouard Balladur est pour, mais le président ivoirien Félix Houphouët-Boigny est farouchement contre. Le président français François Mitterrand écoute les deux avis, mais ne tranche pas. En décembre 1993, la mort d’Houphouët donne les mains libres aux partisans de la dévaluation. Sous couvert d’un sommet des chefs d’État de la zone franc au sujet d’Air Afrique à Dakar, une dévaluation de 50 % du CFA et de 33 % du franc comorien est imposée le 11 janvier 1994 à 14 chefs d’État africain, qui signent à contrecœur en présence de Michel Roussin, ministre français de la Coopération et de Michel Camdessus, directeur général du FMI. Du jour au lendemain, le CFA passe de 0,02 FF à 0,01 FF. Les populations des pays de la zone franc voient leur pouvoir d’achat divisé par deux. Des mesures d’accompagnement suivent, de même qu’un coup de fouet à l’exportation des matières premières, mais le choc est brutal.
Arrimage à l’euro en 1999 et polémiques
En 1997, c’est au tour de la Guinée-Bissau, ancienne colonie portugaise, d’entrer dans la zone franc, ce qu’elle demande depuis la fin des années 1980 pour sortir de sa spirale inflationniste (45 % en 1995). Au moment du traité de Maastricht, Paris a fait valoir le principe de « subsidiarité » pour continuer à gérer la zone franc, qu’elle ne peut plus réformer, en principe, sans consulter ses partenaires européens. Que signifie la subsidiarité ? « La responsabilité d’une action publique, lorsqu’elle est nécessaire, revient à l’entité compétente la plus proche de ceux qui sont directement concernés par cette action », renseigne Wikipédia. Le principal argument de la France en faveur du CFA : la stabilité économique et l’assurance d’une bonne gestion, en raison des critères de convergence en vigueur dans la zone franc, avec une inflation en principe limitée à 3 % par an, une dette publique qui ne peut pas dépasser 70 % du PIB et un déficit budgétaire limité à 3 % du PIB.
Les débats, portés entre autres par des économistes africains tels que Kako Nubukpo et Mamadou Koulibaly, opposant ivoirien, ont gagné en intensité en 2015, dans un contexte de croissance non inclusive en Afrique et de crise en Europe (dette publique en Grèce, campagne du Brexit). Ces économistes estiment que le CFA est trop fort, par rapport à la faiblesse des économies où il circule, et qu’il pénalise les exportations. Reprise par les tenants d’un certain nationalisme africain comme Kemi Seba, qui a brûlé un billet de FCFA en septembre 2017, la polémique ne fait qu’enfler, alors qu’elle ne devrait, en toute logique, ne pas avoir de raison d’être. Le sociologue sénégalais Lamine Sagna, spécialiste de l’argent, rappelle en effet que ces débats vont devenir caducs avec l’adoption de la monnaie commune ouest-africaine, l’éco, prévue par la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest pour 2020. Ce 21 décembre, le président Ouattara a donc annoncé, en présence du chef de l'Etat français Emmanuel Macron, que l'éco remplacera le FCFA prochainement en Afrique de l'Ouest. Les huit pays de l'actuelle zone franc dans cette partie du continent vont, par ailleurs, couper les liens techniques avec le Trésor et la Banque de France, ils géreront eux-mêmes cette monnaie sans interférence de la France.
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LE CFA, C'EST TERMINÉ
URGENT - Aux côtés d'Emmanuel Macron, le président ivoirien Ouattara a annoncé ce 21 décembre la fin prochaine de la monnaie de l'UEMOA qui sera remplacé par l'éco
Aux côtés d'Emmanuel Macron, le président ivoirien Ouattara a annoncé ce 21 décembre la fin prochaine du franc CFA qui sera remplacé par l'éco. Les huit pays de l'actuelle zone franc en Afrique de l'Ouest vont couper les liens techniques avec le Trésor et la Banque de France, ils géreront eux-mêmes cette monnaie sans interférence de la France.
Le franc CFA va disparaitre de l'Afrique de l'Ouest. Le président Ouattara l'a annoncé ce vendredi 21 décembre : « en accord avec les autres chefs d'État de l'UEMOA, nous avons décidé de faire une réforme du franc CFA ». Les huit pays qui utilisent cette monnaie vont adopter une nouvelle devise qui sera baptisée l'éco. Cet éco à huit pays deviendra donc le noyau dur de la future devise de la CEDEAO.
Les liens techniques avec la France sont en grande partie coupés, c'est-à-dire que Paris ne cogérera plus la monnaie de ces huit pays. Les réserves de change ne seront plus centralisées par la France et l'obligation de verser 50 % de ces réserves sur le fameux compte d'opération du Trésor français disparait.
C'était une revendication forte d'une partie de l'opinion publique ouest-africaine. « Paris voulait désamorcer cette critique », comme l'explique un diplomate. De plus, la France se retire des instances de gestion du CFA. Jusqu'à présent, Paris avait un représentant à la BCEAO, la Banque centrale des états d'Afrique de l'Ouest, un autre à la commission bancaire, et un dernier au conseil de politique monétaire.
Paris, de cogestionnaire à garant
L'éco conservera une parité fixe avec l'euro, ce qui garantit la même valeur de la monnaie pour les consommateurs. Cette disposition pourrait évoluer avec le temps et en fonction de la volonté des autres pays de la CEDEAO lorsqu'ils voudront rejoindre l'éco.
Enfin, la France garde un rôle de garant en cas de crise. Si jamais les pays de la zone éco n’ont plus de quoi payer leurs importations, la France le fera. Reste que si l'on en arrive là, Paris se réserve le droit de revenir dans une instance de décision, en l’occurrence le conseil de politique monétaire.
LE PLURALISME, VALEUR ESSENTIELLE DE NOTRE ÉPOQUE
Le philosophe, Souleymane Bachir Diagne, insiste sur la nécessité d’introduire dans les écoles l’éducation au pluralisme en vue de renforcer le vivre-ensemble dans ce monde où s’affirment des identités en tout genre
Le philosophe sénégalais, Souleymane Bachir Diagne, a souligné samedi à Dakar, la nécessité d’introduire l’éducation au pluralisme dans les programmes scolaires afin d’assurer une meilleure préparation des nouvelles générations au ’’vivre ensemble’’ dans un monde où s’affirment ’’des identités en tout genre’’.
Le spécialiste de la philosophie et de la mystique islamiques introduisait une conférence portant sur ‘’le pluralisme dans la tradition philosophique et spirituelle de l’Islam’’. Une manifestation entrant dans le cadre des célébrations du premier anniversaire de l’ouverture du Musée des civilisations noires de Dakar.
’’La valeur du pluralisme est sans doute une des valeurs les plus importantes de notre époque’’, a estimé le professeur Diagne devant une assistance constituée d’intellectuels, d’universitaires du Sénégal et de l’étranger, d’étudiants ainsi que de religieux.
Dans son exposé, l’intellectuel sénégalais chargé de cours à l’Université de Columbia aux Etats unis a notamment insisté sur la nécessité d’introduire dans nos écoles ’’l’éducation au pluralisme en perspective de renforcer notre vivre ensemble dans ce monde où s’affirment des identités en tout genre’’.
L’auteur du livre ’’Comment philosopher en Islam’’ a ainsi proposé l’éducation au pluralisme comme une solution à moyen et long terme contre l’extrémisme religieux dans un contexte de limite de l’efficacité de l’option sécuritaire.
’’Nous vivons dans une époque où nous voyons la fragmentation de l’humanité selon les identités meurtrières qui ont souvent comme soubassement la religion’’, a déploré le professeur Souleymane Bachir Diagne.
Dans son analyse il a cité la récurrence des crises à caractère identitaires observables par exemple quand ’’la société birmane se veut homogène en procédant au nettoyage du pays de la minorité musulmane des Rohingya’’.
’’On le voit également quand aujourd’hui l’Inde décide que +l’indianité+ doit être la même chose que l’hindouisme, en prenant des lois scélérates consistant à faire de sa communauté musulmane des citoyens de seconde zone’’, a encore fait remarquer le Pr Diagne.
Toutes choses montrant que le défi auquel nous faisons face actuellement, c’est le défi de faire en sorte que nous soyons dans une société d’ensemble, avec nos différences, a-t-il laissé entendre.
Citant le préambule de l’UNESCO, il a fait savoir que c’est dans la tête des gens que les guerres prennent forme, c’est donc dans la tête des gens qu’il faut agir pour faire barrage à ces violences et à cet exclusivisme, par le biais de l’éducation.
Le conférencier a également souligné l’importance de faire en sorte que ce discours de pluralisme ne reste pas dans les cénacles fermés entre savants et gens instruits.
Il a ainsi invité à faire à ce que ’’ce discours philosophique se traduise dans l’éducation de base, mais également pour qu’il soit amplifié par les professionnels des médias pour qu’il se diffuse, au plus large, dans la société.’’
Le professeur Souleymane Bachir Diagne a salué la ’’laïcité bien comprise’’ en vigueur au Sénégal, qui n’a rien à voir avec celle dite ’’agressive’’ de la France.
Une laïcité qui tend à la limite vers une forme de laïcisme qui est devenu une religion et d’intolérance’’, a-t-il pointé.
Il a ajouté : Au Sénégal nous avons ici une laïcité ouverte, laquelle, loin d’écarter les religions dans l’espace public, les invite, au contraire, à participer avec leurs œuvres d’éducation à la construction continue de notre Nation’’.
LA POLICE JOUE AU GROS BRAS
Répression du rassemblement non autorise du collectif « Noo Lank » au centre-ville de Dakar
Le centre-ville de Dakar : un bastion imprenable pour le collectif « Noo Lank » hier, vendredi 20 décembre. C’est ce à quoi on a assisté hier avec l’impressionnant dispositif sécuritaire qui a noyé dans l’œuf la tentative de rassemblement non autorisé dudit Collectif à la Place de l’Indépendance pour protester contre la hausse des prix de l’électricité. Au final, ce sont plus d’une trentaine d’activistes et de manifestants qui ont été alpagués manu militari par les forces de l’ordre. Les journalistes, eux aussi, en ont pris pour leur grade face à l’excès de zèle des policiers.
L a police nationale n’a pas usé de gants pour réprimer la mobilisation contre la hausse du prix de l'électricité et pour la libération de Guy Marius Sagna, Dr Babacar Diop et Cie, tentée hier, vendredi, au centre ville de Dakar par le Collectif « Noo Lank ». Et pour cause, face à la détermination des membres et sympathisants du Collectif, voire du Sénégalais lambda qui entendait dire non à la hausse du prix de l’électricité en bravant l’interdiction de rassemblement du préfet Alioune Badara Samb, les forces de police ont déployé une véritable armada qui a eu raison de velléités des protestataires de s’emparer de la Place de l’indépendance.
Les contestataires n'ont pas pu ainsi accéder à la mythique place. Ils ont été traqués dans les moindres coins et recoins du centre-ville de la capitale sénégalaise. A 15 heures, toutes les routes qui menaient à la Place de l'Indépendance étaient bloquées. Et les membres du Collectif « Noo Lank » qui avaient décidé de défier les forces de l'ordre ont été dispersés par des tirs de grenades lacrymogènes. Au total, c’est plus d'une trentaine de manifestants qui ont été arrêtés, et cela avait commencé bien avant même le démarrage de la marche qui a été noyée dans l’œuf. Parmi ces personnes arrêtées, on notait Alioune Sané, le coordonnateur du Mouvement « Y en a marre » ainsi que le rappeur Cyril Touré alias Thiat du même mouvement, Thierno Bocoum, ancien député et leader du parti AGIR, Cheikh Sadibou Diop, du mouvement Alerte, le Pr Malick Ndiaye de l’Ucad. A Thiès également, des arrestations ont eu lieu parmi les membres de la plateforme « Aar Li Nu Bokk » qui protestaient contre la hausse des prix de l’électricité.
La furia des forces de l’ordre s’est aussi abattue sur les professionnels de médias dont certains ont été malmenés dans l'exercice de leur fonction. Suffisant pour pousser au coup de gueule Bamba Kassé, le patron du Synpics. Il est ainsi monté au créneau pour dénoncer l'agression des journalistes à la Place de l'Indépendance par des forces de l'ordre déchaînées. « Le Commandant de police qui a donné l'ordre de mater les journalistes a été formellement identifié. Il ne faut pas que ces gens-là croient que ne sommes toujours au Moyen âge. Quatre confrères m'ont confirmé l'information. Et que les autorités prennent toutes leurs responsabilités », a dit Bamba Kassé. Son rassemblement interdit par le préfet de Dakar, mort dans l’œuf, le Collectif « Noo Lank » n’a pas manqué cependant d’afficher sa détermination à continuer le combat.
Aussi, a-t-il appelé dans une déclaration faite dans la soirée d’hier, « toutes les parties prenantes à maintenir leur engagement jusqu’à la libération totale des ‘’otages du palais’’ et l’annulation de la hausse du prix de l’électricité ».
«MINIMISER LE MECONTENTEMENT POPULAIRE PEUT ETRE SOURCE DE TENSIONS ET D’INSTABILITE AVEC LE RISQUE …»
Les déballages au sein du parti au pouvoir, ainsi que la grogne des populations contre la hausse du prix de l’électricité, sont le corollaire de la gouvernance actuelle du pays, estime Maurice Soudieck Dione
Jean Michel DIATTA et Nando Cabral GOMIS |
Publication 21/12/2019
Les déballages au sein du parti au pouvoir, l’Alliance pour la République (Apr), ainsi que la grogne des populations contre la hausse du prix de l’électricité sont le corollaire de la gouvernance actuelle du pays. C’est du moins la conviction du Docteur en Science politique, Maurice Soudieck Dione qui estime que le régime du président Macky Sall a «lamentablement échoué» sur ces questions de gouvernance démocratique, saine et transparente au service des Sénégalais. Interpellé par la rédaction de Sud quotidien hier, vendredi 20 décembre, l’Enseignant chercheur à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, qui reste formel sur la nécessité d’auditer la Senelec, a invité le régime à ne surtout pas minimiser le mécontentement populaire qui peut être source de tension et d’instabilité.
La situation politique est marquée ces temps-ci par une guéguerre au sein du parti au pouvoir et même au sein de la coalition Benno Bokk Yakaar. Ajouté à la manifestation contre la hausse du prix de l’électricité, quelle analyse faites-vous de cette situation ?
C’est l’expression de problèmes de fond liés à la gouvernance et la traduction des effets pernicieux d’un pouvoir présidentiel hypertrophié. Sur les luttes intestines au sein du parti au pouvoir et de Benno Bokk Yaakaar, il convient de relever que l’Apr, en fait, a été mise en place pour servir les ambitions de pouvoir du Président Sall. De même, le dénominateur commun qui fait tenir Benno Bokk Yaakaar, c’est encore le Président Sall. On comprend dès lors que s’il en est à son second mandat, qu’il y ait des volontés sourdines et tacites qui se manifestent en vue de sa succession, et qu’il y ait des conflits larvés de positionnement à cette fin. Mais ces dissensions internes fragilisent le régime car elles mettent à nu des scandales de gestion dénoncées par des membres influents de la majorité au pouvoir ! Que ce soit sur les avantages fabuleux et indus obtenus par des opérateurs proches du pouvoir dans le secteur agricole, au détriment des bénéficiaires légitimes que sont les paysans, ou par rapport à l’octroi de financements sur une base politicienne ; ce qui nous amène à la problématique de la gouvernance. Il faut dire que c’est l’avènement de l’heure de vérité. Car on ne peut pas continuellement fonctionner à travers un système fondé sur l’accaparement éhonté, la dilapidation et la prédation des ressources publiques au profit d’une minorité, sans pour autant que personne ne paye la note au final. Lorsque le moment fatidique arrive, on se rend compte que ce sont les plus faibles, les plus démunis qui payent des pots qu’ils n’ont pas cassés, et que ceux qui sont les responsables de cette situation désastreuse restent impunis, et se barricadent derrière l’appareil d’État qu’ils utilisent contre leurs concitoyens.
Quid alors de la gouvernance dite vertueuse ?
Tous ces problèmes qui rattrapent le régime du Président Sall sont donc liés à la gouvernance. En effet, sous le magistère du Président Abdoulaye Wade, il y a eu la construction de beaucoup d’infrastructures et un bilan matériel plus qu’élogieux au regard des 40 ans de pouvoir des socialistes ; mais les Sénégalais avaient décrié une gestion gabegique, néo-patrimoniale, et le développement d’une corruption effarante à tous les niveaux, en plus des dérives autoritaires du régime, et de la volonté de s’arcbouter au pouvoir par tous les moyens, avec des velléités de dévolution monarchique du pouvoir. C’est tout cela qui a été à l’origine de la chute du Président Abdoulaye Wade. Le Président Sall arrivé au pouvoir en 2012, n’avait obtenu au premier tour de l’élection présidentielle que 26,58% des suffrages exprimés. Au second tour, le score de 65,80 % obtenu, témoignait d’une volonté de sanctionner clairement le Président Wade par les urnes, en condamnant sans équivoque sa gouvernance néfaste. C’est donc sur les questions relatives à un changement paradigmatique de gouvernance que le Président Sall était le plus attendu ; d’autant plus que c’est la mal gouvernance qui explique pour une très large part, les difficultés économiques et sociales du Sénégal depuis 1960, avec la période douloureuse de l’ajustement à partir de 1980, et qui a duré près de vingt ans ; elle a fait souffrir atrocement les populations, surtout les plus déshéritées, et hypothéqué l’avenir de beaucoup de jeunes. Mais c’est sur ces questions de gouvernance démocratique, saine et transparente au service des Sénégalais, que le régime du Président Sall a le plus lamentablement échoué, en perpétuant les mêmes pratiques clientélistes et népotistes, le gaspillage et le pillage des ressources publiques, surtout avec l’obsession du Président Sall d’obtenir un second mandat à tout prix. Voilà ce qui explique la situation plus que préoccupante que traverse le pays. À cela il faut ajouter les investissements faramineux engagés sans aucun sens des priorités en pérennisant le paradigme colonial de l’aménagement du territoire, en concentrant l’essentiel des activités et des investissements sur l’axe Dakar-Diamniadio-Dias, alors que Dakar étouffe littéralement ; au lieu de stimuler des dynamiques économiques dans les régions de l’intérieur du pays, à travers de réelles politiques de développement, au-delà des programmes d’urgence tels que par exemple le PUDC (Programme d’urgence de développement communautaire) et le PUMA (Programme d’urgence de modernisation des territoires et axes frontaliers). Cela limite considérablement les potentialités de création de richesses et de fixation des populations dans les différents terroirs du pays, et des jeunes notamment, qui développent des stratégies d’immigration clandestine, dont le bilan se révèle macabre pour les candidats au pseudo-Eldorado européen.
Quelle corrélation avec cette hausse du prix de l’électricité ?
Cette gestion nébuleuse qui cause tant de mal aux populations se manifeste dans le secteur de l’énergie, en ce sens que la hausse annoncée du prix de l’électricité a fédéré le mécontentement populaire. Car il s’agit d’une denrée précieuse, qui impacte toutes les entreprises et les ménages, donc susceptible par son renchérissement de mobiliser toutes les franges de la société, des jeunes aux adultes, jusqu’aux personnes du troisième âge. La SENELEC fait face depuis plusieurs décennies à des problèmes structurels. Ils sont liés entre autres à l’effectivité des initiatives de diversification de l’offre énergétique à travers le mix énergétique, à la lutte contre le vol de l’électricité, et au non-paiement des factures par beaucoup d’institutions publiques et privées. Il n’en demeure pas moins des problèmes relatifs à la gestion transparente et efficace de l’entreprise, car ces dernières années, le prix du baril de pétrole a drastiquement chuté, et la SENELEC aurait pu profiter de cette situation pour mieux équilibrer ses comptes et se redresser. C’est ce qui avait été annoncé d’ailleurs, avant le revirement inattendu de la hausse du prix de l’électricité. Il faut un audit de la SENELEC pour identifier les vrais problèmes et sortir définitivement de cette situation de crise et de déséquilibre persistant qui semble se pérenniser dans cette entreprise publique. Ce qui nous ramène encore une fois à une question de gouvernance !
Quelles peuvent être les conséquences pour ce régime qui s’entête à vouloir mépriser ces querelles internes, tout en semblant minimiser la grogne des populations ?
Le régime doit gérer ces querelles internes pour préserver une image déjà très écornée. Il a tenté de le faire de manière autoritaire en révoquant des responsables ayant parlé de succession, pour avoir affirmé plus exactement, que le Président Sall en était à son second et dernier mandat à la tête du pays. Les guerres intestines qu’il y a au sein de la majorité sont assez curieuses quand même, car c’est rare que des responsables d’une majorité relaient eux-mêmes si ouvertement et si précisément les scandales les concernant ; ce qui par ailleurs délégitime davantage le pouvoir dans ses mesures impopulaires, comme la hausse annoncée du prix de l’électricité. Minimiser le mécontentement populaire peut être source de tensions et d’instabilité avec le risque d’un embrasement de plusieurs secteurs en même temps, qui vont faire valoir toutes sortes de revendications en profitant du contexte, et le Gouvernement risque ainsi d’être sur la défensive, dans une position difficilement tenable.
Quelle solution de sortie de crise préconisez-vous pour les tenants du pouvoir?
Les solutions qui semblent être privilégiées par le régime en place sont basées sur la répression policière et judiciaire. Mais de telles solutions ne peuvent pas prospérer dans le temps. Car la répression appelle la répression, et très vite le coût politique devient élevé, prohibitif, surtout en cas de généralisation et de massification de la contestation. Il faut ajouter à cela que les méthodes autoritaires sont parfois contre-productives. Par exemple l’arrestation des manifestants devant le palais de la République pour une revendication légitime contre la hausse du prix de l’électricité a développé un sentiment d’injustice qui a galvanisé les populations. D’autant plus qu’il y a des manipulations judiciaires qui servent à détenir arbitrairement des citoyens. Car s’il est reproché aux activistes d’avoir provoqué un attroupement sur la voie publique, c’est-à-dire une manifestation non autorisée, ils sont en flagrant délit. Dès lors, on peut les inculper et déférer en jugement dans 48 ou 72 heures, sans qu’on ait besoin de complexifier inutilement la procédure à travers un mandat de dépôt et une instruction, dont le but visé est de les maintenir le plus longtemps possible en prison. L’interdiction d’une manifestation sur la base d’un arrêté ne saurait prospérer juridiquement si l’arrêté est en contradiction flagrante avec la Constitution, Charte fondamentale du pays. D’ailleurs, le droit prévoit un cas de figure intéressant, où la violation délibérée d’une décision manifestement illégale est envisageable à travers le moyen de l’exception d’illégalité susceptible d’être soulevé lors du procès. En définitive, dans un État de droit, la liberté des citoyens est constitutionnellement consacrée et sacrée, on ne doit pas s’amuser avec pour des considérations politiciennes. C’est une honte pour la République, c’est une honte pour la démocratie. Les solutions qui nous auraient épargné de telles situations avaient été bien vues par le Président Sall lorsqu’il recherchait le pouvoir. Il avait parlé de « Rupture » ! Il avait parlé de « Gouvernance sobre et vertueuse » ! Il avait dit : « La patrie avant le parti » ! Quand il est arrivé au pouvoir, il s’est détourné de cette voie salutaire pour le pays, il lui appartient avec son régime d’en assumer toutes les conséquences !
LE SAES RAPPELLE L’ENGAGEMENT DE MARY TEUW
La coordination du Saes de l’Ugb de Saint-Louis soutient les étudiants qui réclament le paiement des bourses, rappelant à l’autorité l’engagement de Mary Teuw Niane, de payer les bourses aux étudiants de ces UFR de l’année universitaire 2017/2018
La coordination du syndicat autonome de l’Enseignement supérieur de l’université Gaston Berger de Saint-Louis soutient les étudiants qui réclament le paiement des bourses, rappelant à l’autorité l’engagement du ministre de tutelle d’alors, Mary Teuw Niane, de payer les bourses aux étudiants de ces UFR qui avaient pris la décision de terminer l’année universitaire 2017/2018.
A la suite de la démission du directeur des Bourses, Dr Lassana Konate, la coordination du syndicat autonome de l’Enseignement supérieur de l’université Gaston Berger de Saint-Louis a constaté le non-respect des engagements pris par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation de l’époque lors de la rencontre du jeudi 05 juillet 2018, sur la question relative aux bourses. En assemblée générale, la section du Saes rappelle l’engagement pris par le ministre de l’époque, Mary Teuw Niane, de payer les bourses aux étudiants de ces UFR qui avaient pris la décision de terminer l’année universitaire 2017/2018.
La section Saes UGB considère dans la foulée que, par le principe de continuité de service, cet accord engage aussi le ministre actuel et donc le directeur des bourses qui était d’ailleurs présent à cette rencontre du jeudi 05 juillet 2018 dans un hôtel de la place. Cette décision, en plus de permettre aux UFR de ne pas recruter de nouveaux bacheliers pour l’année universitaire 2018/2019 si elles ne le pouvaient pas, avait pour principal objet de trouver des solutions de sortie de crise suite aux malheureux évènements du 15 mai 2018 ayant conduit à la mort de l’étudiant Mouhamadou Fallou Sene.
La coordination du Saes-UGB dirigée par Djicknoum Diouf estime que la « question des bourses est sensible et doit être traitée avec toute la rigueur requise dans le respect des engagements pris par les autorités compétentes ». Pour le syndicat, la diligence du paiement des bourses pourrait dissiper en partie les menaces sérieuses qui pèsent sur le bon déroulement de l’année universitaire 2019/2020. En effet, depuis le 16 décembre, les enseignements sont perturbés par des grèves répétées des étudiants qui réclament le paiement de leurs bourses, au moment où l’Ugb tente de retrouver une année universitaire normale.
Pour retrouver la stabilité et la sérénité dans l’université, le Saes invite les autorités à la matérialisation des mesures d’accompagnement promises notamment le renforcement des infrastructures pédagogiques dans les meilleurs délais pour éviter de créer de nouvelles tensions au sein de l’espace universitaire. En addition, la coordination met le ministre devant ses responsabilités et exige le respect de ses engagements envers l’UGB et les universités publiques.