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26 juillet 2025
par Aly Ngouille Sarr
LA RUÉE VERS LES APE, UN RISQUE SYSTÉMIQUE POUR LES BANQUES ?
Le Sénégal joue-t-il avec le feu ? Face au gel des financements du FMI, l'État multiplie les emprunts obligataires publics, créant une concurrence déloyale qui fragilise dangereusement le système bancaire national
Le gel des décaissements du Fonds Monétaire International (FMI) pousse le Sénégal à intensifier sa mobilisation de ressources via des emprunts obligataires (APE) ouverts à tous. Si cette stratégie répond aux besoins immédiats de l'État, elle génère un risque majeur et sous-estimé : la fragilisation du système bancaire national, pris en étau entre les exigences de financement public et celles de l'économie réelle.
Traditionnellement, l'épargne des particuliers et des entreprises, via les dépôts à terme (DAT), constitue la base sur laquelle les banques s'appuient pour octroyer des crédits. Or, l'introduction régulière d'APE, souvent assortis de taux d'intérêt attractifs (parfois supérieurs aux DAT bancaires), crée un effet d'éviction. Les souscripteurs privilégient ces titres publics, jugés moins risqués et plus rémunérateurs, au détriment des dépôts bancaires.
Cette concurrence directe avec le Trésor public entraîne inévitablement :
Une baisse des dépôts dans les établissements financiers ;
Une raréfaction des ressources à moyen et long terme, pourtant essentielles pour le financement des projets économiques ;
Un risque de désintermédiation financière et, par conséquent, une raréfaction du crédit, car moins de dépôts signifie moins de fonds à prêter.
En court-circuitant le système bancaire pour se financer directement auprès du public, l'État affaiblit la position centrale des banques dans le financement de l'économie. Cette situation s'apparente à une concurrence déloyale. L'État, en tant qu'émetteur "sans risque", même face à ses propres difficultés, capte une part cruciale de l'épargne que les banques auraient pu transformer en leviers de croissance. Les entreprises privées en subissent de plein fouet les conséquences, peinant à trouver les ressources nécessaires au financement de leurs projets, ce qui risque d'entraîner un désinvestissement privé.
Pour préserver la vitalité du secteur bancaire et sa capacité à soutenir l'économie, il est impératif d'envisager des solutions :
Limiter la fréquence et les montants levés via les APE, afin de ne pas assécher le marché monétaire local ;
Favoriser des synergies avec les banques, en les intégrant davantage dans le placement des titres d'État.
Le recours aux emprunts obligataires APE, bien que compréhensible dans un contexte de restrictions budgétaires, ne doit pas compromettre la stabilité du secteur bancaire, moteur essentiel du financement de l'économie sénégalaise.
Aly Ngouille Sarr est banquier de formation.
par Tamsir Anne
LA COALITION DIOMAYE À L’ÉPREUVE DU POUVOIR
EXCLUSIF SENEPLUS - La refondation de l’État, pilier du discours de rupture, progresse à un rythme trop lent. La séparation des pouvoirs, la réduction des pouvoirs de l’exécutif, l’indépendance de la justice exigent des actes plus vigoureux
Un an après son accession au pouvoir, portée par une mobilisation populaire sans précédent et un récit de rupture systémique, la coalition Diomaye fait face à un contraste grandissant entre les attentes nourries et les transformations concrètement engagées. Si des signaux de changement existent, la promesse d’une rupture profonde se heurte aux réalités sociales, institutionnelles, culturelles et économiques du Sénégal.
Une victoire fondée sur l’espoir d’un tournant historique
L’élection de la coalition Diomaye a cristallisé l’espoir d’une sortie définitive d’un système perçu comme prédateur, extraverti et incapable d’assurer un développement souverain. Le projet se voulait ambitieux : refonder les institutions, moraliser la vie publique, reconfigurer la relation entre l’État et les citoyens. Mais, plus d’un an après, le bilan reste contrasté.
Un quotidien toujours précaire
Sur le plan social, les mesures prises très tôt — telles que la baisse des prix des denrées de première nécessité — tardent à produire des effets tangibles. Pour de nombreux Sénégalais, le quotidien demeure marqué par la précarité, et les retombées concrètes de ces décisions restent limitées en termes d’amélioration du niveau de vie.
Réforme de l’État : entre ambition et lenteurs
La refondation de l’État, pilier du discours de rupture, progresse, mais à un rythme jugé trop lent par de nombreux observateurs. La phase de consultations citoyennes a certes permis de poser des bases solides, mais la traduction institutionnelle de ces aspirations se fait encore attendre. La séparation des pouvoirs, la réduction des pouvoirs de l’exécutif, l’indépendance de la justice sont autant d’objectifs annoncés qui exigent des actes plus vigoureux.
La loi sur la protection des lanceurs d’alerte, pourtant essentielle à la transparence, se fait toujours attendre. Des poursuites ont certes été engagées contre d’anciens responsables du système, mais la
corruption reste un mal enraciné, visible dans la vie quotidienne comme dans certaines pratiques administratives.
Un projet économique ambitieux, des attentes immenses
Le programme économique de la coalition repose sur une volonté de rupture avec les logiques passées : assainir l’environnement des affaires, réformer la fiscalité, maîtriser les dépenses publiques, et
mieux redistribuer les ressources. L’adoption d’un nouveau code minier, la renégociation des contrats, la suppression des fonds politiques, la rationalisation de l’action publique et l’ambition d’une souveraineté monétaire témoignent d’une orientation résolument souverainiste.
À cela s’ajoute un pari sur la transformation structurelle : digitalisation de l’administration, développement du capital humain, valorisation des ressources nationales.
Mais l’acuité des besoins sociaux, les inerties héritées de l’ancien régime et les contraintes budgétaires — combinées à une sous-estimation des résistances internes — freinent la mise en œuvre. Les retombées concrètes tardent à se traduire en créations d’emplois, en hausse des revenus ou en redistribution perceptible des richesses.
La force des symboles
Au-delà des politiques économiques, la rupture se joue aussi sur le terrain des imaginaires et des représentations symboliques. Certains signaux symboliques témoignent d’une volonté réelle de rupture. On observe un usage plus affirmé des langues nationales dans la communication gouvernementale, et un effort pour aligner le discours politique sur les réalités populaires.
Cette orientation n’est pas anodine. La communication — au sens large, incluant la langue, le style vestimentaire, la posture — constitue un levier central de toute transformation systémique. Le slogan « Jub, Jubal, Jubbanti » traduit l’ambition d’instaurer une nouvelle éthique publique.
Mais cette éthique devra se matérialiser dans les pratiques quotidiennes des agents de l’État. Il est aussi regrettable que l’élan populaire suscité par les premières « journées citoyennes de nettoyage » ait, comme sous l’ancien régime, rapidement perdu de sa vigueur après quelques éditions.
Une réforme linguistique prometteuse mais fragile
Dans le domaine éducatif, l’introduction progressive des langues nationales à l’école constitue une avancée majeure, répondant à des impératifs d’efficacité, de justice historique et de pragmatisme.
Cependant, de nombreux défis demeurent : formation des enseignants, production de supports adaptés, promotion de la création culturelle dans ces langues, et surtout, rôle des médias.
Ces derniers doivent respecter l’orthographe officielle ( tant dans les intitulés de leurs émissions que les spots publicitaires) et faire appel à des professionnels qualifiés, afin d’éviter une cacophonie
contre-productive à la crédibilité de cette politique linguistique.
Une inertie structurelle persistante
Malgré les discours de rupture, le système semble avoir en partie absorbé le changement sans être profondément transformé. Les logiques de pouvoir, les privilèges liés aux fonctions étatiques — comme en témoigne la récente polémique sur le renouvellement du parc automobile de l’Assemblée nationale — restent peu remis en question.
Les rapports entre détenteurs de capitaux — politiques, économiques, culturels, religieux, pour reprendre la grille de Bourdieu — demeurent largement inchangés. Les réformes engagées jusqu’ici relèvent davantage d’un réaménagement interne que d’une transformation systémique.
Entre vigilance critique et potentiel de redressement
La conscience de l’écart entre les ambitions initiales et la réalité actuelle devrait nourrir une irritation salutaire. Le capital de confiance dont bénéficie encore la coalition Diomaye ne saurait justifier des lenteurs injustifiées ou des renoncements dissimulés. Il doit au contraire devenir un levier pour une transformation plus hardie.
Sans céder au pessimisme, il faut rappeler qu’un changement de visages ne suffit pas. Le véritable danger n’est pas l’échec, mais l’absorption du changement par le système, selon la vieille recette : « plus ça change, plus c’est la même chose. »
La révolution démocratique souhaitée restera inachevée tant qu’elle n’impliquera pas une reconfiguration réelle des structures et des logiques qui perpétuent l’injustice, l’inefficacité et le désenchantement citoyen. Seule une volonté politique constante, articulée à une pression citoyenne vigilante, mais sans surrenchère, ni égoïsme corporatiste, pourrait conjurer ce risque et inscrire la rupture dans la durée.
PASTEF TEND LA MAIN À PARIS
Mission apaisement pour le parti au pouvoir. Sept parlementaires sénégalais ont séjourné cinq jours dans la capitale française pour expliquer leur vision de la "rupture" avec l'ancienne puissance coloniale et désamorcer les tensions
(SenePlus) - Une délégation parlementaire sénégalaise du parti au pouvoir s'est rendue du 16 au 20 juin dans la capitale française pour tenter d'apaiser les tensions avec l'ancienne puissance coloniale. Cette mission, la première du genre depuis 2013 selon Jeune Afrique, témoigne d'une volonté de dialogue malgré les ruptures prônées par le président Bassirou Diomaye Faye.
L'initiative de cette visite diplomatique revient au groupe d'amitié France-Sénégal, composé d'une quarantaine de députés français et dirigé par Aurélien Taché, député de La France insoumise (LFI), indique le magazine panafricain. Sur invitation des élus français, sept membres du groupe d'amitié Sénégal-France, nouvellement créé à l'Assemblée nationale sénégalaise, ont effectué ce déplacement parisien.
La délégation était menée par Abdoul Kadyr Sonko, président du groupe d'amitié et membre des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité (Pastef). Elle comprenait également Amadou Ba, cinquième vice-président de l'Assemblée, Ayib Daffé, président du groupe parlementaire, et Fatou Diop Cissé, présidente de la commission des Affaires étrangères. Deux membres de l'opposition, dont le vice-président du groupe parlementaire Takku Wallu, Djimo Souaré, et Adama Diallo (non-inscrit), ont également participé au voyage.
Le programme de cinq jours s'est articulé autour de rencontres de haut niveau avec les institutions françaises. La mission a débuté le 17 juin par une rencontre avec les membres de la commission des Affaires étrangères du palais Bourbon, dirigée par Bruno Fuchs (MoDem), rapporte JA. Le lendemain, les parlementaires sénégalais ont échangé avec le ministre de la Francophonie et des Partenariats internationaux, Thali Mohamed Soilihi.
Le point culminant de la visite s'est déroulé le 19 juin à l'Élysée, où la délégation a été reçue par Jérémy Robert, conseiller Afrique du président Emmanuel Macron. Une séance de travail a par ailleurs été organisée avec Rémy Rioux, directeur de l'Agence française de développement (AFD).
À chacune de ces rencontres, les cadres du Pastef ont cherché à rassurer leurs interlocuteurs français. Le parti n'est pas une formation politique anti-France, comme ont pu le laisser entendre "différentes campagnes médiatiques", ont-ils assuré selon les informations de Jeune Afrique. Amadou Ba a ainsi précisé la doctrine du parti : "Nous avons une idéologie souverainiste, panafricaniste. Nous voulons certes une rupture profonde, audacieuse et ambitieuse avec la France. Mais pas une rupture brutale."
Cette clarification intervient dans un contexte tendu depuis l'arrivée au pouvoir du Pastef en avril 2024. Dès sa prise de fonction, le président Bassirou Diomaye Faye avait exigé la fermeture des bases militaires françaises et le départ des Éléments français au Sénégal (EFS) présents dans le pays depuis 1960. Début mars, la France a ainsi quitté plusieurs installations et logements des quartiers militaires Maréchal et Saint-Exupéry, et un licenciement de l'ensemble du personnel local employé sur les bases devrait être effectif au 1er juillet.
"Nous n'avons pas fait du démantèlement de ces bases un triomphalisme politique. Le gouvernement n'en parle pas, personne n'en parle", a souligné Amadou Ba, qui a également mis en avant le modèle démocratique de son pays, selon Jeune Afrique.
Des dossiers sensibles sur la table
Plusieurs sujets sources de tensions ont été abordés lors des discussions avec les officiels français. Les questions mémorielles occupent une place centrale, notamment l'accès facilité des chercheurs sénégalais aux archives françaises sur le massacre des tirailleurs de Thiaroye. Depuis plusieurs mois, une commission dirigée par l'historien Mamadou Diouf est chargée de faire la lumière sur les événements de décembre 1944, mais elle n'a pas encore rendu ses conclusions définitives en raison des difficultés d'accès aux sources documentaires françaises.
La mobilité des ressortissants sénégalais constitue également un point de friction majeur. Les parlementaires se sont inquiétés de la hausse vertigineuse des frais de scolarité pour les étudiants étrangers non européens depuis une réforme controversée mise en place en 2018, qui a fait passer les tarifs d'inscription à l'université de quelques centaines d'euros à plusieurs milliers d'euros par an. Les difficultés d'obtention de visas pour les étudiants sénégalais ont aussi été évoquées.
Les députés ont par ailleurs relayé les doléances de retraités franco-sénégalais rentrés à Dakar et contraints de pointer régulièrement en France pour continuer à percevoir leurs pensions.
Ces différents sujets devraient être discutés lors du prochain séminaire intergouvernemental entre les deux pays, prévu au mois de novembre 2025, probablement à Paris. Avant cette échéance, les deux commissions des Affaires étrangères ont convenu, en accord avec l'Élysée, de rédiger un mémorandum qui sera remis à leurs gouvernements.
En marge de leur mission, les députés sénégalais ont participé à un colloque sur la Francophonie organisé par Aurélien Taché, au cours duquel Jean-Luc Mélenchon a pris la parole. Cette rencontre a permis au leader de La France Insoumise, qui s'est rapproché du Pastef au fil des ans, de présenter un rapport d'information sur l'avenir de la Francophonie de 154 pages, remis le 25 juin au Parlement français et consulté par Jeune Afrique.
Ce document propose notamment la création d'une académie francophone des langues qui "fournirait un nouvel espace de dialogue actant la fin d'une certaine forme de centralisation parisienne d'un autre âge", ainsi qu'un programme Erasmus francophone pour répondre aux questions de mobilité étudiante.
LA CHINE PROMET DES INVESTISSEMENTS MASSIFS AU SÉNÉGAL
En visite à Pékin, Ousmane Sonko a obtenu de Li Qiang un appui pour stimuler les investissements chinois au Sénégal, notamment dans l’agriculture, l’industrie et la formation.
Le Premier ministre de la République populaire de Chine, Li Qiang, s’est engagé à encourager les entreprises chinoises à investir massivement au Sénégal, lors d’une séance de travail avec son homologue sénégalais, vendredi, à Pékin.
“Le Premier ministre chinois a pris l’engagement d’encourager les entreprises chinoises à investir massivement au Sénégal dans les domaines de l’agriculture, de la sécurité numérique, du développement industriel et technologique”, a appris l’envoyé spécial de l’APS de source diplomatique.
Le chef du gouvernement chinois a eu une séance de travail avec son homologue sénégalais, qu’il a reçu au Grand Palais du peuple, dans le cadre de la visite officielle que ce dernier a entamée en Chine samedi dernier.
Li Qiang a également promis d’encourager les investisseurs chinois à explorer “l’immense potentiel dont dispose le Sénégal”, rapporte une note émanant de la diplomatie sénégalaise.
Les discussions entre les deux délégations ont essentiellement tourné autour des priorités communes des deux pays, indique-t-on de même source.
A l’intention de la partie chinoise, le chef du gouvernement sénégalais a fait une présentation de la situation macro-économique du Sénégal et les enjeux et opportunités offertes dans le cadre de la mise en œuvre de l’Agenda de transformation socio-économique du Sénégal, renseigne cette source.
“Le Premier ministre Ousmane Sonko a sollicité et obtenu l’accompagnement de la Chine dans la mise en œuvre de la Vision Sénégal 2050”, assure la même source.
Son homologue Li Qiang a assuré, dans la foulée, que son pays sera bien représenté au Forum économique que le Sénégal prévoit d’organiser prochainement, en rappelant qu’une trentaine de projets économiques et de bien-être social avaient déjà été réalisés au Sénégal, grâce à l’accompagnement de la Chine.
Il a noté avec satisfaction les projets réalisés dans le domaine de la santé et du sport, en déclarant que son pays était disposé à accorder davantage de places dans ses universités aux étudiants sénégalais.
Selon la diplomatie sénégalaise, le Premier ministre chinois a favorablement répondu à une demande faite par Ousmane Sonko, relative à l’installation prochaine au Sénégal d’un Atelier Luban, une structure chinoise de formation professionnelle et technique présente dans plusieurs pays du monde.
PAR ALY DIOUF
SORTIR DE LA DAKAR-DÉPENDANCE
Dr Abdourakhmane Diouf, patron du parti politique Awalé, a une fois évoqué le déplacement de la capitale de Dakar à Payar, le point-centre du pays. Une idée saugrenue, à première vue, mais plus qu’intéressante si on s’y attarde.
Dr Abdourakhmane Diouf, patron du parti politique Awalé, a une fois évoqué le déplacement de la capitale de Dakar à Payar, le point-centre du pays. Une idée saugrenue, à première vue, mais plus qu’intéressante si on s’y attarde.
Ce village de la région de Kaffrine, quasiment à équidistance de toutes les grandes localités du pays, peut mieux que Dakar contribuer à l’équité territoriale et à un développement national intégré. En effet, faire de Payar, ou toute autre localité centrale du pays, une capitale serait en faire un cœur battant du pays. La développer, en tant que capitale, va nécessairement impliquer la construction d’infrastructures routières et ferroviaires la reliant aux grandes agglomérations du pays. Du coup, non seulement la construction de la nouvelle capitale et les voies d’accès y menant vont donner de l’emploi aux Sénégalais, mais surtout revaloriser les localités traversées ; parce qu’en définitive, une route, ça donne de la vie. C’est la vie.
En plus, une capitale au centre du pays contribue plus à l’équité territoriale et réduit systématiquement les déserts infrastructurels. L’habitant de Fongolimby, comparé à celui de Bargny, mettra moins de temps pour arriver dans la nouvelle capitale. Une redéfinition du centre et de la périphérie ; une satisfaction non moins importance par rapport à ce qu’on pourrait appeler un sentiment d’appartenance nationale. Une justice territoriale. Avec moins de 1 % du territoire national, la presqu’île de Dakar concentre 25 % de la population sénégalaise et plus de 80 % de l’activité économique du pays. En plus d’être la capitale administrative et politique, elle est le siège du pouvoir législatif, mais aussi de celui judiciaire. Une hydrocéphalie notoire qui n’est pas sans conséquence sur le développement du reste du corps territorial sénégalais.
En effet, le transfert de la capitale au centre du pays est un pari risqué que des pays comme le Brésil, le Nigeria ou encore l’Indonésie ont tenté. Ils ont osé développer les nouvelles capitales que sont Brasilia, Abuja et Nusantara pour soulager les anciennes que sont Rio de Janeiro, Lagos et Jakarta. C’est aussi le cas pour les nouvelles capitales de la Bélize Belmopan, de la Tanzanie Dodoma et de la Malaisie Putrajaya. Ces cités ont respectivement remplacé Bélize City, Dar es-Salaam et Kuala Lumpur. Une façon pour ces pays de sortir de la dépendance de leurs métropoles et de corriger un déséquilibre territorial. À défaut d’ériger une nouvelle capitale au centre du pays, le Sénégal ne peut pas se permettre de faire l’économie d’avoir des métropoles d’équilibre. Ce serait une très belle occasion de sortir de la Dakar-dépendance. Il est vrai que la réforme territoriale est très chère aux nouvelles autorités politiques.
Elles ont prévu l’urbanisation de huit pôles économiques. Une belle façon de fixer les gens dans les terroirs ; de déconcentrer les pouvoirs, les richesses et les emplois. Faire en sorte que les Sénégalais n’auront plus forcément besoin d’aller ou de s’installer pour être et avoir. Car l’État doit donner à tous ses filles et ses fils, où qu’ils puissent se trouver sur l’étendue du territoire national, l’égale chance d’avoir accès aux opportunités. Ils ne doivent pas toujours avoir besoin de se rendre en capitale pour s’accomplir. S’épanouir.
Ailleurs dans le monde, on s’y est déjà mis. L’Afrique du Sud a développé plusieurs métropoles d’équilibre. En plus de la dynamique Johannesburg, vraie fausse capitale économique, le pays s’est doté de trois capitales à savoir Prétoria, Le Cap et Bloemfontein. La première capitale est administrative, la seconde législative et la troisième judiciaire. En plus de ces grandes villes, il existe d’autres centres urbains importants comme Durban, Port Elizabeth ou encore East London. D’autres pays comme le Maroc, l’Algérie et l’Égypte ont réussi à développer des métropoles d’équilibre. Le Cameroun (Yaoundé, Douala et Kribi), le Kenya (Nairobi et Mombasa), le Congo (Brazzaville et Pointe Noire) aussi.
L’ASSEMBLÉE NATIONALE ADOPTE UN NOUVEAU RÈGLEMENT INTÉRIEUR
À une large majorité, les députés ont adopté, ce vendredi, la loi organique N°10/2025. Sur 139 votants, 138 ont approuvé le texte.
Les députés sénégalais ont adopté, vendredi, à presque l’unanimité, la loi organique N°10/2025 modifiant le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale.
Sur 139 votants dont 9 délégations de vote, 138 ont approuvé ce nouveau texte avec une seule abstention.
Avant le vote de l’ensemble du texte, trois amendements ont été introduits par Magatte Sène, Anta Babacar Ngom et Mohamed Ayib Sélim Daffé.
Le député-maire de Malicounda, Magatte Sène, a fait un amendement sur le respect de la parité.
Anta Babacar Ngom, quant à elle, a soulevé la périodicité du passage du gouvernement pour les questions d’actualité, qui est portée à trois mois dans le nouveau texte organique voté.
Ces deux premiers amendements ont été rejetés.
Le président du groupe parlementaire PASTEF, Ayib Daffé, a fait des amendements de forme qui ont été adoptés.
À QUAND L’HEURE DU NAMING
Le Naming de stade est un partenariat entre un club sportif (ou autre structure étatique) et une entreprise désireuse de gagner en notoriété. Cette pratique a vu le jour en janvier 2011 en France
Les rideaux de la saison 5 de la Bal sont tombés, le 15 juin dernier, avec le sacre historique d’Al-Ahli Tripoli de Jean-Jacques Boissy. Un «Final 8» qui a eu comme cadre la somptueuse salle du SunBet Arena de Pretoria, en Afrique du Sud. Un stadium sous format Naming, à l’image du Bk Arena de Kigali. D’où la question : qu’attendent les autorités sénégalaises pour mettre en Naming le Dakar Arena ? Des démarches dans ce sens ayant été initiées sous l’ancien régime, mais sans suite.
Le Naming de stade est un partenariat entre un club sportif (ou autre structure étatique) et une entreprise désireuse de gagner en notoriété. Cette pratique a vu le jour en janvier 2011 en France : il s’agit pour une entreprise de rebaptiser le nom d’une enceinte sportive en y accolant son nom. Le Naming offre une visibilité accrue, une image positive associée au sport et la possibilité de toucher un public large et passionné. De plus en plus, cette forme de partenariat est en vogue, car elle offre des avantages financiers et marketing non négligeables.
En Afrique, cette tendance fait petit à petit son bonhomme de chemin. A l’image, entre autres exemples, des salles de basket du Bk Arena de Kigali et le SunBet Arena de Pretoria. D’ailleurs, c’est ce complexe sud-africain (propriété du groupe hôtelier et de jeux Sun International) qui a abrité le «Final 8» de la saison 5 de la Bal avec le sacre historique, le 15 juin dernier, d’Al-Ahli Tripoli de Jean-Jacques Boissy.
Evidemment, avec le Sénégal qui a aussi son Dakar Arena, on est en droit de se demander quand verra-t-on le bijou de Diamniadio en format Naming.
Arrêtons-nous sur le Bk Arena de Kigali pour rappeler que le Président du Rwanda s’est inspiré du Sénégal pour construire lui aussi «son» Arena d’une capacité de 10 000 places. D’ailleurs, Paul Kagame est allé plus loin, en s’inspirant du Stade Abdoulaye Wade, pour construire aussi chez lui un stade de dernière génération, par la même entreprise turque, Summa, qui a sorti de terre les deux complexes de Diamniadio.
Bk Arena Kigali : partenariat de 6 ans pour plus de 7 millions de dollars
Aujourd’hui, en matière de «marketing infrastructurel», le Rwanda a largué le Sénégal qui l’a pourtant inspiré. Conscient des problèmes de gestion et de maintenance des infrastructures sportives, le Président Kagame, qui vend aussi très bien son «Visit Rwanda», s’est mis en mode Naming en offrant la gestion de Kigali Arena à une banque, la Bk.
En effet, en mai 2022, la salle de basket du Kigali Arena, inaugurée en 2019, est devenue Bk Arena. Un changement de nom qui survient à l’issue d’une collaboration entre les autorités rwandaises, la structure financière Bk Bank Group Plc et Qa Venue Solutions. Les différentes parties ont depuis signé un partenariat de 6 ans d’une enveloppe de plus de 7 millions de dollars (soit près de 4 milliards Cfa), pour rendre encore plus attractive l’infrastructure.
Une collaboration saluée à l’époque par le directeur et manager de Venue Solutions, Kyle Schofield. «Nous avons pour ambition de rendre la salle Kigali Arena plus attractive. Au-delà du basket, à l’image de la Basketball Africa League qui organise des événements sur place depuis deux ans, nous avons pour objectif d’inclure toutes les fédérations et disciplines», avait-il souligné, au micro de notre envoyé spécial.
Pourtant, dans la même période, Le Quotidien avait appris que des négociations avaient été entreprises avec les autorités sénégalaises pour la gestion en format Naming de Dakar Arena avec ses 15 000 places, mais sans suite. D’ailleurs, c’est le Sénégal qui a été ciblé en premier, avant que le Rwanda ne mette les bouchées doubles pour finalement trouver un accord avec Venue Solutions.
Mobilisation : le Dakar Arena devance Bk Arena de Kigali et SunBet Arena de Pretoria
Avec une capacité plus importante de 15 000 places, Dakar Arena offre plus de possibilités que Bk Arena, qui ne dispose que de 10 000 spectateurs, et aussi le SunBet Arena (propriété privée) avec ses 8500 places assises, 10 000 au plus.
D’ailleurs, le dernier tournoi de la Bal, la Conférence Sahara, l’a prouvé en matière de mobilisation, avec au total près de 48 000 spectateurs sur l’ensemble des matchs, selon les organisateurs.
La balle dans le camp de la Sogip et des autorités
Au moment où la gestion et la maintenance des infrastructures au Sénégal sont devenues une vraie équation, poussant même les autorités à créer des structures comme la Sogip et l’Office national de gestion des infrastructures sportives (Ogis), il reste maintenant à avoir une démarche plus agressive et audacieuse, en optant pour le format Naming, avec un premier test au Dakar Arena. Qui attire du fait que la capitale sénégalaise reste une destination prisée de par sa position géographique.
Une démarche, il est vrai, qui mérite réflexion sur sa faisabilité au regard, entre autres, de notre environnement économique. Mais, il va falloir trouver une alternative sur la manière de rentabiliser nos infrastructures sportives, surtout avec la réhabilitation du Stade Léopold Senghor, géré par le ministère des Sports. Une remise en service du complexe des Parcelles Assainies qui va forcément impacter le Stade Abdoulaye Wade qui exige beaucoup d’argent pour sa maintenance.
La balle est dans le camp des autorités et surtout de la Sogip. D’ailleurs, son Directeur général, Dame Mbodji, lors de ses différentes sorties, n’avait pas exclu cette forme de partenariat qui pourrait permettre à sa structure de souffler financièrement.
LA DSC DEMANTELE UN RESEAU DE CYBER-ESCROCS
Ce fut une fraude numérique massive dont l’évaluation globale atteindrait 10 milliards F Cfa. Finalement, un réseau de cyber-escroquerie a été démantelé par la Division spéciale de la cybersécurité, qui a déféré au moins 4 personnes au Parquet de Dakar.
Ce fut une fraude numérique massive dont l’évaluation globale atteindrait 10 milliards F Cfa. Finalement, un réseau de cyber-escroquerie a été démantelé par la Division spéciale de la cybersécurité, qui a déféré au moins 4 personnes au Parquet de Dakar.
La Division spéciale de la cybersécurité a autre chose à faire aussi. La Dsc a démantelé un réseau de cyberescroquerie dans le cadre d’une fraude numérique. Selon la police, elle «a mis à jour un vaste réseau d’escroquerie numérique suite à de nombreuses plaintes déposées par des victimes à travers le pays». «L’enquête a révélé une plateforme frauduleuse, présentée comme une opportunité d’investissement en ligne, qui s’est avérée être un système pyramidal illégal», ajoute la Police nationale. Comment procédaient les délinquants ? «Les victimes étaient incitées à effectuer des paiements progressifs (de P1 à P10) en échange de gains fictifs, visibles sur une interface bloquant systématiquement les retraits. Ce stratagème, renforcé par de faux témoignages diffusés via des groupes WhatsApp, a permis une adhésion massive», note-t-on. C’est un énorme coup réalisé et porté aux fraudeurs. «Les investigations ont permis de retracer 57 921 transactions via un seul canal numérique, totalisant 2, 53 milliards F Cfa. L’évaluation globale du préjudice est estimée à plus de 10 milliards F Cfa.
L’organisation reposait sur un réseau local de relais chargés de recruter et encadrer les victimes, opérant sous les ordres de commanditaires étrangers identifiés et localisés dans un pays frontalier», ajoute-t-on.
En tout cas, le «réseau utilisait des passerelles numériques et des mécanismes de blanchiment via la cryptomonnaie pour dissimuler les flux financiers». Par conséquent, quatre personnes ont été déférées devant le Parquet de Dakar. «Le matériel saisi est placé sous scellés et les investigations se poursuivent. La Police nationale rappelle que les offres d’enrichissement rapide en ligne constituent un risque élevé d’escroquerie», explique-t-on.
LES CURIOSITÉS DE LA MISE À JOUR DU RÈGELEMENT INTÉRIEUR DE L'ASSEMBLÉE
L’Assemblée nationale en session plénière pour se pencher sur l’adoption de son nouveau règlement intérieur qui comporte des innovations pour le moins curieuses avec l’obligation de déférer devant la commission d’enquête
L’Assemblée nationale va se réunir, ce matin, en session plénière pour se pencher sur l’adoption de son nouveau règlement intérieur. un coup d’œil sur le texte permet de voir qu’il comporte des innovations pour le moins curieuses avec l’obligation de déférer devant la commission d’enquête. La proposition de loi fixe désormais le délai de la tenue de la déclaration de politique générale (Dpg).
Ce sera un fruit de la 15e législature. Pourtant, l’initiative de cette proposition de loi portant règlement intérieur de l’Assemblée nationale (Rian) qui passe, ce matin, en plénière, a été lancée suite à la polémique autour de la tenue de la Dpg du Premier ministre Ousmane Sonko. Le comité ad hoc, mis sur pied à l’époque, a poursuivi le travail pour livrer la nouvelle loi organique de l’Hémicycle qui compte 5 titres avec une trentaine de chapitres. Ce nouveau règlement intérieur ambitionne de « hisser l’Assemblée nationale aux rangs des Institutions parlementaires performantes, indépendantes, plurielles et ouvertes » en vue de répondre véritablement aux nouvelles exigences que lui dictent les avancées de notre démocratie.
Comme indiqué dans l’exposé des motifs, la présente proposition de loi apporte des innovations notamment avec une définition claire de la procédure d’élection et de remplacement du Président de l’Assemblée nationale le cas échéant, l’augmentation de la taille des commissions permanentes qui passent de 30 à 35 membres à l’exception de la Commission des Délégations et de la Commission de Comptabilité et de Contrôle. Elle prévoit aussi de renforcer le rôle de coordination de la Conférence des Présidents, de créer une Chaîne parlementaire et la retransmission des débats parlementaires et de clarifier le régime des incompatibilités. Le nouveau règlement intérieur institue, en son article 112, un comité permanent d’évaluation des politiques publiques. Ce Comité est présidé par le président de l’Assemblée nationale. Parmi les membres, les présidents de groupe et un député représentant les non-inscrits, les présidents de commissions permanentes et 9 autres députés et leurs suppléants désignés au prorata des groupes parlementaires administrativement constitués en prenant en compte la proposition des députés noninscrits.
AMENAGEMENT DE LA LEVEE DE L’IMMUNITE PARLEMENTAIRE
Le nouveau texte prévoit aussi l’aménagement d’une procédure de demande de levée de l’immunité parlementaire plus transparente et efficace. L’article 61 du nouveau règlement intérieur qui traite de la levée de l’immunité parlementaire reste intact le nombre de 11 députés membres devant constituer la Commission ad hoc répartis au prorata des groupes. Mais, l’article fournit plus d'informations sur la procédure entourant la levée de l’immunité du parlementaire. Il indique que la demande de levée de l’immunité parlementaire rédigée par le Procureur général près la Cour d’Appel compétente ou tout Procureur spécial compétent est transmise par le ministre de la Justice au Président de l’Assemblée nationale. Elle doit contenir l’exposé sommaire des faits en des termes ne préjudiciant pas la présomption d’innocence, les qualifications envisagées et les dispositions légales applicables. La demande et les pièces jointes peuvent être consultées par le député, son défenseur et les membres de la commission ad hoc, indique la loi organique étudiée aujourd’hui. Ce nouveau texte consacre aussi une volonté de redéfinir les procédures de la mise en place des commissions d’enquête parlementaire et le renforcement de ses moyens d’investigation. La proposition de résolution qui est adressée au Président de l’Assemblée nationale doit contenir un exposé sommaire des faits et des motifs, déterminer l’objet et le but de l’enquête. Elle doit également préciser les entités publiques, parapubliques, les sociétés privées et les personnes physiques concernées ou visées.
OBLIGATION DE DEFERER POUR UNE AUDITION
Plus loin, l’article 56 stipule que la commission d’enquête fait citer devant elle, par voie d’huissier, toutes les personnes dont l’audition lui parait utile. Elles peuvent aussi être convoquées par simple lettre recommandée ou par tout autre moyen. Les personnes convoquées pour audition devant une commission d’enquête ont l’obligation de déférer à celle-ci, sous peine des sanctions prévues par le Code pénal, poursuit le texte. Mieux, toute personne convoquée doit désormais informer la commission d’enquête de toute indisponibilité avec des preuves à l’appui ainsi que de tout projet de sortie du territoire national.
Le nouveau règlement intérieur précise, à cet effet, que le président de l’Assemblée nationale peut requérir la Force armée et toutes les autorités dont il juge le concours nécessaire. Si un membre du Gouvernement est convoqué devant une commission d’enquête, le président de la République doit être saisi par le Bureau de l’Assemblée nationale pour avis. Lorsque la commission d’enquête souhaite entendre des magistrats en service, elle sollicite l’autorisation du ministre de la Justice, souligne la proposition de loi qui précise qu’il n’est pas nécessaire, en cas d’audition d’un député par la commission d’enquête, de lever son immunité parlementaire. La Dpg tenue trois mois après l'entrée en fonction du gouvernement Parmi les innovations du nouveau texte, il faut souligner la fixation du délai de la tenue de la Déclaration de politique générale du Premier ministre, un des points à l’origine du toilettage de la loi organique de l’Assemblée nationale. Il est indiqué à l’article 109 du nouveau règlement intérieur qui traite de la question que : « Après sa nomination, le Premier Ministre fait sa déclaration de Politique générale devant l’Assemblée nationale.
La déclaration de politique générale doit intervenir au plus tard trois mois après l’entrée en fonction du Gouvernement. L’Assemblée nationale doit être informée huit jours au moins avant la date retenue ».
Par Serigne Saliou DIAGNE
BACHIR FOFANA, AU SERVICE DE L’INTÉRET GÉNÉRAL
C’est avec une plume trempée dans le dégoût et l’amertume que je rédige cette chronique. Encore une fois, l’autocratie aura sévi dans sa logique de faire taire toutes les voix dissidentes et tout argument contraire dans le débat public
C’est avec une plume trempée dans le dégoût et l’amertume que je rédige cette chronique. Encore une fois, l’autocratie aura sévi dans sa logique de faire taire toutes les voix dissidentes et tout argument contraire dans le débat public. En deux mois, j’en suis à ma quatrième chronique pour m’indigner de la fragilisation continue de notre démocratie, les menaces sur les libertés d’opinion et de presse, ainsi que la volonté d’annihiler toute forme de débat contradictoire. Ceux qui n’acceptent pas de jouer ou de danser à la musique foireuse d’un parti-Etat qui se veut Léviathan de toutes les consciences, sont poursuivis, traqués, intimidés. Toute lucarne est bonne pour les corbeaux de l’injustice afin de balancer des plaintes sans fondement et entamer des poursuites qui n’ont d’autre but que d’essouffler des opposants, des journalistes et des adversaires collectifs. Rien n’est plus injuste que la détention actuelle de Bachir Fofana. A force de plaintes, convocations et détentions qui ont tout l’air d’une stratégie pour «aseptiser» l’espace public, on n’est guère surpris lorsque la machine s’emballe vite.
Bachir Fofana est en garde à vue, suite à une plainte du président de l’Assemblée nationale, Malick Ndiaye. Il lui est reproché une diffusion de fausses nouvelles à propos de l’acquisition par le Parlement de véhicules. L’occupant du prestigieux strapontin de la Place Soweto s’offusque que soit interrogé le marché d’acquisition de véhicules pour ses collègues du Parlement. L’opération derrière l’acquisition de rutilantes 4×4 pour les «honorables» sieurs et dames doit choquer énormément dans un pays que les autorités disent avoir trouvé en ruines. Le fonctionnement actuel de notre Etat, se perfusant de dettes pour faire voguer la barque Sénégal, a de quoi alerter plus d’un, après la lecture du dernier rapport d’exécution budgétaire.
Il est plus que logique que dans un tel état de fait, tout journaliste qui détient des informations sur un processus d’acquisition de véhicules onéreux, et surtout nébuleux, livre à l’opinion ses trouvailles pour que nos gouvernants se conforment à l’impératif de transparence. Quid des récriminations du député Guy Marius Sagna et des complaintes des concessionnaires automobiles ? Avant que Bachir Fofana ne fasse ses excellentes et fracassantes révélations, le député Sagna de la majorité au pouvoir a voulu tirer la sonnette d’alarme et s’indigner des pratiques «d’un autre âge» qui ont court au Parlement sénégalais. De la distribution de «Sukëru koor» à l’acquisition par l’Assemblée nationale de sa flotte de 4×4, en passant par le partage de billets pour le pèlerinage à La Mecque, les récriminations n’ont pas manqué de la part du député de Ziguinchor. Cela atteste bien d’un certain malaise et d’une logique de rupture de ban pour dénoncer avant que le pire ne se produise. Face à tout cela, ce sont les mots de Bachir Fofana qui sont trop gros ou trop durs… Encore une fois, ce sont les acteurs de la presse qui sont les moutons noirs à abattre. On se demande par moments quand ce cirque tragique fait de piètres acteurs prendra-t-il fin.
Si le président de l’Assemblée nationale tient à la transparence et à se rétablir dans une quelconque vérité, il lui est loisible de publier la teneur de l’appel d’offres pour que l’entreprise choisie et le coût de l’acquisition soient connus. C’est ainsi qu’il ferait dans la transparence des dieux et jouerait surement le tambour des 3J (Jub, Jubal, Jubanti). Toute cette tracasserie judiciaire dont Bachir Fofana est l’actuel punching ball, n’est que distraction pour éluder la vraie question de la transparence autour du marché de l’acquisition de voitures au Parlement.
Bachir Fofana est un courageux journaliste et un brillant intellectuel qui, à chacune de ses sorties et à chacun de ses papiers, démonte sans concession toutes les forfaitures, met à nu les arnaques et surtout éclaire les lanternes sur des questions publiques majeures. Bachir Fofana est une vigie louable de notre vie publique, poussant décideurs et responsables au débat sérieux et rigoureux dans les prérogatives et l’exercice de leurs fonctions. Il joue bien sa partition dans le jeu démocratique sénégalais et utilise voix et plume pour contribuer à l’éveil des consciences. Nous sommes bien heureux au journal Le Quotidien de voir que chaque semaine, Bachir déconstruit des argumentaires, analyse des faits publics et incite à la réflexion sur des questions d’intérêt général, avec un souci du prestige du Sénégal et de la nécessité de bien servir cette terre de tous nos héros. Opposer à cet esprit libre la menace des geôles n’est que peine perdue, car il continuera d’avoir sur la vie publique nationale un regard avisé et donnera des critiques bien aiguisées qui seront d’une grande utilité à celui qui sait entendre. Qu’est-ce qu’un gouvernant s’il est sourd à la critique ?
Par ces lignes, je témoigne tout le soutien du Quotidien, de sa rédaction et de ma personne à Bachir Fofana. Il l’a dit avant de se rendre à sa convocation, il faut sourire. Sourire et faire face quand tout donne les tonalités d’un chaos qui refuse de reconnaître ses insuffisances. C’est face à l’incapacité de répondre aux critiques par des idées et des arguments qu’on travestit la Justice comme un instrument de terreur. De cette situation, Bachir Fofana sortira plus grand, il sourira à la face du fascisme rampant et saura l’exposer davantage. On comprend aisément qu’une personne versée dans des intérêts particuliers et de petits avantages de castes, classes ou corporations, révulse plus que tout une personne qui ne se soucie que de l’intérêt général, celui du plus grand nombre ! J’ose espérer qu’avant la fin de cette journée, Bachir soit libre et qu’il puisse faire briller ses idées sur les plateaux et dans ces colonnes avec son Contrepoint du samedi.