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21 juin 2025
LE COLONEL GOÏTA, HOMME DE TERRAIN MUÉ EN HOMME DE POUVOIR
Inconnu il y a un an, chef aujourd'hui d'un Etat dans la tourmente, le colonel malien Assimi Goïta a achevé sa mue sans quasiment jamais se départir de son uniforme et de son béret vert
Une part de mystère subsiste sur ce qui motive l'ancien commandant de bataillon des forces spéciales devenu président d'un pays en première ligne de la propagation jihadiste et des multiples maux du Sahel: sacrifice de sa personne ou ivresse du pouvoir ?
Quand il parle, l'officier au verbe rare dit placer l'intérêt de la nation au-dessus de tout.
Mais le doute est levé quant à savoir jusqu'où irait son ascension.La Cour constitutionnelle a déclaré vendredi président de transition celui que personne ou presque ne connaissait jusqu'à ce qu'il apparaisse, silencieux, avec quatre autres officiers putschistes assis à une table devant les caméras pour annoncer aux Maliens le renversement du président Ibrahim Boubacar Keïta le 18 août 2020.
Assimi Goïta, 37 ans alors, avait laissé le colonel major Ismaël Wagué lire le communiqué informant que des soldats avaient décidé de "prendre (leurs) responsabilités", parce que "notre pays, le Mali, sombre de jour en jour dans le chaos, l'anarchie et l'insécurité par la faute des hommes chargés de sa destinée".
"Nous n'avons plus le droit à l'erreur.Donc, nous, en faisant cette intervention hier, nous avons mis le pays au-dessus, le Mali d'abord", disait le colonel Goïta en se présentant sommairement le lendemain du putsch qui faisait de lui le nouvel homme fort.
Neuf mois après, le propos résonne à l'heure d'un cinquième coup d'Etat depuis l'indépendance, dont deux à l'actif du colonel.Certains des putschistes de 2020 étaient à l'oeuvre dans celui qui, en 2012, a précipité la déconfiture de l'armée face aux rébellions du nord.
- Paraître et être -
Cette histoire contemporaine, Assimi Goïta en est l'un des acteurs.
Fils d'un ancien directeur de la police militaire, il a étudié au Prytanée de Kati, la principale école militaire du Mali.
En 2002, il a été envoyé dans le nord et y a fait ses armes, basé successivement à Gao, Kidal, Tombouctou, Ménaka, Tessalit.Il a participé au combat contre les rebelles indépendantistes, puis jihadistes, et est monté en grade.
Pas grand-chose ne distingue l'officier athlétique des hommes en tenue de combat qui l'accompagnent partout.
"Paraître, ce n'est pas son problème.C'est un homme de terrain, on l'a vu dans le nord", dit un colonel sous couvert de l'anonymat.
Le putsch de 2020 fait de lui un chef de junte.Un acte fondamental à la validité contestée fait déjà de lui le chef de l'Etat, temporairement.
A l'époque, la communauté internationale obtient que la transition censée ramener des civils au pouvoir dure 18 mois, et non trois ans, et que soient nommés un président et un Premier ministre civils.Assimi Goïta renonce, sur le papier, à la possibilité de devenir président en cas d'empêchement de ce dernier.
- "Seul celui..." -
Dans les faits, la junte conserve le contrôle.Le Mali et ses partenaires assistent à la militarisation de l'appareil d'Etat.Une vice-présidence investie des attributions primordiales de la défense et de la sécurité est taillée sur mesure pour Assimi Goïta.
Il continue à fuir la lumière.Mais, le cou et le menton communément engoncé dans un cache-col militaire, il est un interlocuteur obligé pour les partenaires étrangers: engagé dans la lutte antijihadiste et promettant de remettre le pouvoir aux civils à la fin de la transition.
Le 24 mai, il bouscule la relation avec ces partenaires en faisant arrêter le président et le Premier ministre de transition, au risque de la réprobation internationale.Quatre jours après, il est déclaré président de la transition.
"Nous n'avons pas droit une fois de plus de commettre les mêmes erreurs", disait-il vendredi peu de temps avant d'être élevé au rang de chef de l'Etat.
"Il fallait choisir entre la stabilité du Mali et le chaos.Nous avons choisi la stabilité", disait-il, "car il s'agit de l'intérêt supérieur de la nation.Nous n'avons pas d'autre agenda caché".
"Seul celui qui n'agit pas ne se trompe pas", déclarait-il.
JE NE VOIS PAS DANS QUEL PARTI MILITE ABDOULAYE BATHILY
Ibrahima Sène vide son sac, retrace son long parcours. De Dakar à Moscou, en passant par le Michigan aux États Unis. Sans concession !
Surnommé Ringo au collège, ce cowboy justicier qui prend systématiquement la défense des plus faibles, Ibrahima Sene est Coco dans l'âme. Malgré son long séjour au sein d'un régime libéral, l'homme n'a rien perdu de ses habitudes et convictions marxistes léninistes. Du moins c'est ce qu'il défend bec et ongles. Face à EnQuete, il ouvre son cœur, vide son sac, retrace son long parcours. De Dakar à Moscou, en passant par le Michigan aux États Unis. Sans concession !
Vous êtes l’un des politiques, surtout de la génération ancienne, les plus actifs sur les réseaux sociaux. Qu’est-ce qui explique cette présence et comment vivez-vous les critiques dont vous faites souvent l’objet ?
Il y a deux raisons qui expliquent ma présence dans les réseaux sociaux. La première est consécutive à la ‘’discrimination’’ dont les partis de gauche sont l’objet, depuis que des entrepreneurs privés ont pris le contrôle de la presse indépendante, pour laquelle, nous nous sommes battus, seuls d’abord, avant d’y être rejoints par des journalistes sortis du Cesti, qui rencontraient un véritable problème d’insertion dans les organes de presse publique de l’époque. C’est ainsi que cette lutte commune a permis à des groupements de journalistes de créer leurs propres organes de presse, en faisant naître des hebdomadaires indépendants, comme Sud Hebdo et Walf Hebdo, avant qu’ils ne deviennent des quotidiens. A cette époque, ces deux organes de presse ont contribué à porter notre lutte dans une opinion publique plus large que celle de nos propres organes de parti, avant que la forte concurrence dans le milieu, suite à l’entrée des entrepreneurs avec leurs propres journaux à 100frs CFA, n’éclipsent la presse partisane, peu à peu, dans l’opinion publique…. Le triomphe du marché dans le secteur de l’information et de la communication, renforcé par des subventions d’Etat substantielles, y a définitivement exclu les médias de gauche. C’est ce même triomphe qui a relégué les puissants organes de presse communiste et socialiste, à la périphérie, dans les grandes puissances occidentales.
C’est dans ce contexte que se situe la deuxième raison de ma présence dans les réseaux sociaux. En effet, l’avènement de l’Internet et des réseaux sociaux ont fortement démocratisé l’accès à l’information et aux moyens de communication, qui ne sont plus le monopole des gros investisseurs dans la presse écrite, parlée et audiovisuelle. Il a aussi donné l’opportunité à tout individu de porter son point de vue et ses luttes à la connaissance du monde entier plus rapidement que les médias traditionnels, tout en permettant des échanges qui sont source d’enrichissement des connaissances, et de fortes amitiés. Ces réseaux nous permettent ainsi de sortir du ‘’ghetto’’ dans lequel les médias publics et privés ont confiné la presse des partis de gauche pour les éloigner des opinions publiques. Je me suis donc résolu à exploiter à fond cette opportunité qu’ils offrent, pour y porter mon point de vue et celui du PIT (Parti de l’indépendance et du travail), qui est le Parti où je milite….
Justement, ces positions sont souvent fortement critiquées par vos followers ; lesquels estiment que vous défendez le régime, au point de renier les principes et valeurs qui ont toujours été le socle des combats des partis de gauche. Que répondez-vous ?
Ce sont nos adversaires politiques qui ne peuvent pas dégager des arguments crédibles à nous opposer qui se contentent de m’insulter, de me dénigrer, ou de me diffamer, dans l’espoir de me faire taire. Mais à la longue, ils doivent s’être rendu compte que ce n’est pas avec ces armes que l’on peut arrêter notre combat à travers les réseaux sociaux, qui ont beaucoup contribué à enrichir notre connaissance du pays, de l’Afrique et du monde entier. Ceux qui me font ce genre de reproche montrent qu’ils ignorent la nature politique et sociale des politiques publiques que mène le Président Macky Sall, depuis la mise en œuvre de son ‘’Programme Sénégal Emergent’’, à partir de 2014, encore moins, sa réforme du ‘’Code Général des Impôts’’ en 2013. De même, ils ignorent le contenu économique et social des politiques publiques pour lesquelles lutte le PIT/SENEGAL, Parti Communiste, et dans quelle perspective. Cette ignorance est due grandement à la discrimination dont nous sommes l’objet de la part des médias publics et privés, pour des considérations de classe notamment…
Quelles sont ces politiques ?
C’est dès 2013, avec la réforme du ‘’Code général des Impôts’’, que le Président Macky Sall a montré son choix de défendre les intérêts des travailleurs dans la répartition du revenu national. C’est ainsi qu’il a fait porter l’Impôt sur les Bénéfices des Sociétés de 25% où Wade l’avait rabaissé, à 30%, tout en réduisant significativement l’Impôt sur les salaires. Ensuite, les choix de gouvernance budgétaire du Président, tout libéral qu'il est, montrent qu’il est un fervent partisan du retour de l'Etat dans le domaine marchand comme en attestent, la nationalisation de la Suneor, pour en faire la Sonacos, et de Trans Rail, tout en renforçant l'Etat dans la nouvelle concession de l'Eau potable, et dans la gestion de l'autoroute à péage. En outre, malgré les engagements pris de flexibilisation du travail et de privatisation des terres agricoles du Domaine National, pour le financement du PSE, aucune disposition du Code du Travail n’a été révisée dans ce sens.
Au contraire, l'apprentissage et le stage en entreprise ont été rendus moins flexibles et plus rémunérés par de nouvelles dispositions introduites dans le Code du Travail… C'est ce virage stratégique du ‘’Capitalisme libéral’’ vers un ‘’Capitalisme d'Etat’’, que le FMI et la Banque mondiale n'ont pas digéré, et avec des économistes et des politiciens de connivence, ameutent l'opinion sur des risques de surendettement du pays. Et pour que nul n'en ignore, le Président Macky Sall a déclaré devant eux, lors du "Forum sur le Développement Durable et la Dette", en novembre 2019 à Dakar, qu'il était temps de rompre avec ces critères de plafonnement du déficit budgétaire à 3% des recettes fiscales, alors que le FMI et la Banque mondiale exigent en même temps de diminuer celles supportées par les bénéfices des entreprises, et celui de l'endettement à 70% du PIB, pour laisser la place au privé national et étranger. Et c'est ce qu'il vient de reprendre lors du "Sommet sur le Financement des Economies africaines post Covid -19" qui vient de se tenir à Paris…. C'est donc par expérience, et non par des élucubrations idéologiques, que le Président Macky Sall a compris, que sans une rupture avec ces politiques publiques, il n’y a pas de devenir économique pour nos pays.
Racontez-nous si possible, quelques anecdotes à propos de ces critiques dont vous faites l’objet ? Cela vous fait-il mal parfois, à vous ou à votre famille ?
Ces critiques ne me font pas mal du tout, pour en avoir enduré de pires encore, durant la lutte que mon Parti a amenée sous Senghor, Abdou Diouf et Wade ! Ces critiques, ‘’au bas de la ceinture’’, ne sont pas parvenues à atteindre mon moral, ni celui de mes enfants, qui expriment publiquement leur fierté d’avoir un père tel que moi. Ces critiques ne varient pas de thèmes, avec du ‘’tu as vendu ton âme’’, ou ‘’tu as changé de veste’’, tout simplement, par ce que je suis nommé ‘’PCA de Miferso’’ par le Président Macky Sall, sans considération du fait qu’il mène des politiques publiques largement partagées par le PIT auquel j’appartiens. D’autres, plus récemment, me disent ‘’tu es un mécréant’’, ou ‘’tu es contre l’Islam’’, à cause des critiques que je porte contre Ousmane Sonko, Président du Pastef. Mais, c’est peine perdue.
Parlez-nous de votre parcours académique ?
Je suis né à Saint-Louis le 1er mai 1946, à Guet Ndar - Dack, de père, agent du service du ‘’Contrôle économique’’ du ministère du Commerce, originaire de ‘’Doune Baba Dièye’’ sur le Fleuve Sénégal au large de Saint-Louis, et d’une mère ménagère, originaire de la Mauritanie, de ‘’Ndiago’’ sur la rive droite du Fleuve Sénégal. Je suis marié à une Soviétique d’origine ukrainienne. J’ai trois merveilleux enfants dont deux filles, l’une née à Moscou, l’autre, à Washington DC, et un garçon né à Kaolack. J’ai fait l’école primaire à Ngaye Mekhé, où mon père a été affecté au cœur du Cayor, dans le département de Tivaouane. J’ai fait l’école secondaire au Collège Moderne de Thiès, devenu Lycée Malick Sy, à l’internat, jusqu’ à la Première. Exclu de l’internat, et en mal avec le ‘’corps des surveillants’’, j’ai fait la terminale en 1966/67 à Kaolack en externe, au Lycée Gaston Berger en série Sciences expérimentales, où j’ai obtenu le Baccalauréat en fin d’année. Ensuite, j’ai obtenu une bourse d’études de l’Etat pour entamer mon cursus universitaire en Agronomie en Union Soviétique, à l’Académie des Sciences agricoles de Moscou du nom de ‘’Timiriazev’’ (TCXA) qui est le ‘’père de la photosynthèse’’. J’y obtiens, en 1973, le diplôme d’ingénieur Agronomie, spécialisé en Agrochimie et Pédologie, avec le ‘’titre de Master of Science’’, qui correspond aujourd’hui au Master II.
Quid de votre parcours professionnel ?
De retour au Sénégal où mon diplôme a été homologué, je fus recruté dans la fonction publique en novembre 1973, dans la hiérarchie A1, qui était la plus haute de l’Administration sénégalaise. Ensuite, en 1976, j’obtins une bourse de l’USAID, pour faire des études en Agroéconomie aux Etats Unis, à ‘’Michigan State University’’, d’où j’ai obtenu en 1978, le diplôme de ‘’Master of Agroeconomics’’. Le hasard a fait donc, que je fus parmi les 4 premiers étudiants sénégalais que le gouvernement du Sénégal a envoyés en Union Soviétique, et l’un des deux premiers étudiants sénégalais à bénéficier d’une bourse de l’USAID pour faire un ‘’Master en agroéconomie’’. Ainsi, rien de ces deux systèmes économiques et sociopolitiques de ces deux grandes puissances, ne m’est étranger !
L’engagement politique s’est-elle imposée à vous ou bien c’est dû à un concours de circonstances et pourquoi la Gauche ?
C’est un concours de circonstances qui m’a amené en politique et à mon adhésion au Marxisme Léninisme. En effet, très jeune, j’étais très sensible à l’injustice et à l’arbitraire. C’est ainsi, qu’au Collège moderne de Thiès, je prenais systématiquement la défense des élèves et surtout des filles, victimes de menaces ou d’agressions verbales de la part d’élèves qui veulent s’imposer par leur muscle, et non par leurs performances en classe. C’est cet engagement qui m’avait valu le ‘’surnom de Ringo’’, qui représentait le ‘’justicier solitaire’’ dans les films de ‘’Cowboys’’ de l’époque. Ensuite, au Lycée, c’est l’arbitraire du Surveillant général et de certains surveillants à l’égard des élèves à l’internat, que je ne pouvais pas tolérer et qui m’avait valu plusieurs punitions, avec « interdictions de sortie » le dimanche pour aller chez mon correspondant pour y passer la journée en famille et avec mes amis du quartier de « Taaxi Kaw ». C’est cet arbitraire qui m’avait poussé à créer, avec l’appui d’un Professeur en Français et un certain Alphonse Raphaël Ndiaye, qui est le grand frère de Monseigneur Ndiaye, un « Journal » dénommé ‘’Eureka’’, pour dénoncer des actes de maltraitance d’élèves par certains surveillants sans jamais nommer ni les victimes, ni les auteurs, mais suffisamment explicite, pour que les uns et les autres puissent s’y retrouver.
‘’La puissance du ‘’journal’’ qui décrit la ‘’vie à l’internat’’, était telle, que les sanctions que je subissais et les exactions envers les internes avaient diminué, mais, par contre, m’avait valu, une rancœur telle que je fus exclu de l’Internat en fin d’année, pour « indiscipline caractérisée » !
Et c’est pour éviter des représailles qui auraient impacté négativement mes études en classe ‘’Terminale », que j’ai demandé et obtenu mon transfert au Lycée Gaston Berger à Kaolack, où j’ai des parents maternels, où j’ai obtenu mon Baccalauréat en fin d’année 1967…. Et c’est avec cette forte sensibilité contre l’injustice et l’arbitraire, que j’ai eu connaissance du Marxisme Léninisme à Moscou, au moment où je dirigeais « l’Association des Etudiants et stagiaires sénégalais en URSS ». C’est ainsi que j’ai connu des dirigeants du « Parti africain de l’Indépendance » avec lesquels j’ai eu beaucoup d’échanges, qui m’ont permis de me familiariser avec l’Histoire des mouvements de Libération nationale et sociale au Sénégal, en Afrique, et dans les pays du tiers monde. C’est tout ce background qui m’a permis d’accepter de prendre la « carte de membre du PAI », et d’y militer depuis lors.
Comment avez-vous connu Amath Dansokho ?
C’est dans le cadre de mon militantisme dans le PAI à Moscou, que j’ai eu à participer dans des débats publics sur les questions de Libération nationale, et de publier des articles qui avaient attiré l’attention de Dansokho, alors représentant du Parti à la « Revue internationale », à Prague, en Tchécoslovaquie. C’est ainsi que j’ai pu faire sa connaissance physique, lors de sa venue en 1970 à Moscou pour participer au Congrès du « Parti Communiste de l’Union Soviétique » (PCUS) d’alors, après une grève de la faim qu’il avait entamée et soutenu par ses camarades de la « Revue Internationale » pour exiger de rencontrer ses camarades à Moscou. En effet, le PCUS en voulait particulièrement au PAI et à Dansokho, pour avoir publiquement condamné l’envoi en mai 1968 des troupes du « Pacte de Varsovie à Prague » pour combattre les manifestations populaires de soutien aux réformes initiées par le Parti Communiste Tchèque, et d’avoir exigé le retrait sans délai de ces troupes. C’est donc dans des circonstances de lutte pour affirmer la personnalité du PAI, et sa souveraineté dans l’élaboration de ses positions qu’il assume publiquement, que j’ai eu le privilège de rencontrer Dansokho dans leur hôtel, où nous avions eu des échanges approfondis sur le Parti, la situation au pays, et dans le mouvement communiste international qui continuait d’être secoué par l’intervention des troupes du « Pacte de Varsovie » à Prague.
Pour vous, pourquoi les masses n’ont jamais adhéré au message des partis d’obédience marxiste-léniniste ?
D’abord, parce que très tôt, à peine un an après sa création en septembre 1957, avec le « Parti du Rassemblent Africain » (PRA /Sénégal), le PAI était parvenu à démontrer sa capacité de mobilisation dans les grandes villes du Sénégal pour exiger l’indépendance immédiate lors du référendum de 1958. Le PAI continuait à se développer, après le référendum, avec son slogan fétiche « MOM SA REW, BOKK Sa REW, DEFAR Sa REW », largement populaire au niveau des populations, de la jeunesse et des travailleurs notamment, jusqu’à l’obtention de l’Indépendance, deux ans plus tard, en 1960, lorsque la France décidait de transférer les attributs de la souveraineté du peuple sénégalais à ceux qui, en 1958, avaient mobilisé le peuple pour la refuser, au détriment de ceux qui avaient tout donné pour y parvenir. C’est donc pour consolider le pouvoir de ceux que la France avaient promus, que le PAI était devenu un « adversaire à abattre » ! Ce qui ne tarda pas à se réaliser, en exploitant une contestation violente dans la rue, à Saint-Louis, des résultats des élections municipales, que le Parti fut dissout et contraint à la clandestinité, avant même d’avoir pu tenir son premier Congrès. La lourde répression qu’il a subie durant les « 20 années de plomb » sous Senghor, et les restrictions à son retour à la légalité, lors de « l’ouverture démocratique » qui a permis, entre autres, la création du « Parti Démocratique du Sénégal » (PDS), ont longtemps éloigné le Parti des masses.
Il est évident que sans accès aux moyens de communication de masse, il est difficile de faire entendre sa voix, et d’obtenir un soutien significatif de l’opinion.
En outre, la nature sociale du PAI fait qu’il est un Parti de classe qui se donne comme vocation de contribuer à l’organisation des travailleurs et des couches populaires, qui en fait un « Parti de militants », et non une organisation politique électoraliste, autour de la « vision d’un Homme » qui a surtout besoin de « clients » qu’il entretient avec ses propres moyens. Aussi, le retour du Parti à la légalité constitutionnelle, sous le nom de PIT/SENEGAL, a coïncidé avec une époque où, la libération du secteur de l’information et de la communication a permis à des entrepreneurs à prendre le monopole de la presse indépendante, en accentuant l’ostracisme dont était l’objet les partis de gauche, de la part des organes de presse publique. Ce sont donc les circonstances historiques qui ont jalonnées la vie de ce Parti, les mutations dans les médias et sa nature sociale, qui expliquent grandement les difficultés d’accès aux grandes masses pour y porter la vision du PIT/SENEGAL et gagner leur adhésion significative. Aujourd’hui, grâce aux réseaux sociaux, cet ostracisme peut être surmonté.
Il y a aussi l’émiettement de la gauche que l’on ne peut ignorer. Comment en est-on arrivé là ?
Ce n’est pas seulement la gauche qui s’est émiettée, mais tous les partis historiques le sont. En effet, que ce soit le PS, le PDS, ou le RND, sans compter le PRAS /SENEGAL qui s’est dissout dans le PS, tous ont connu les mêmes crises qui ont abouti à l’émiettement des Partis de la Gauche. Cet émiettement n’est donc pas une « malédiction de la gauche », mais bien les résultats de mutations profondes de la société sénégalaise, qui provoquent régulièrement la recomposition des forces politiques dans notre pays, et qui rendent difficiles, voire impossible pour certains, des « retrouvailles de leurs familles idéologiques ». Aujourd’hui, ces retrouvailles ne sont possibles que sur de nouvelles bases qu’exigent l’état des mutations actuellement en cours de notre société et des défis auxquels elle fait face.
Que répondez-vous à ceux qui pensent que la Gauche est morte et enterrée au Sénégal, depuis 2012, à cause de votre longue alliance avec le pouvoir ?
Ces interrogations montrent que ceux qui la posent ne savent pas ce que c’est la Gauche au Sénégal qui a bien son Histoire et son identité, et même ignorent le sens du terme ‘’alliance’’ qui suppose au moins ‘’deux entités différentes et nettement délimités qui s’entendent sur un objectif’’, et prend ce terme pour ‘’fusion’’ qui suppose la ‘’disparition d’une entité dans une autre’’, comme cela fut le cas avec le PRA/SENEGAL au sein du PS, et plus récemment, la CDP/Garab Gui de feu Professeur Iba DER Thiam, dans le PDS. Mais surtout, ce sont des gens qui sont loin du mouvement syndical et des organisations paysannes, et même des organisations consuméristes, qui côtoient les partis de Gauche dans leurs luttes. Ils sont même loin du patronat sénégalais qui voit en ces Partis de Gauche des adversaires de classe, mais avec qui il faudrait coopérer pour le recouvrement de la souveraineté économique de notre peuple. Ce qu’il faudrait donc retenir, ce sont des adversaires politiques de la gauche, le plus souvent encagoulés, qui ont ce type de discours, comme pour s’exorciser ! Mais à leur corps défendant, la crise du système capitaliste libéral qui s’est mondialisée et s’est aggravée avec l’avènement de la pandémie Covid-19, pose la nécessité de « son dépassement », ouvrant un large boulevard à la gauche sénégalaise, qui ne devrait pas rater l’opportunité que lui offre ce virage de l’Histoire, pour marquer de son empreinte spécifique, les changements venus à maturité dans notre pays et dans notre sous- région.
Au moment où certains parlent de réunification, on vous a vu attaquer une des figures comme Abdoulaye Bathily. N’est-ce pas là une preuve que quelque chose s’est cassée et que cela ne pourrait jamais plus être reconstruite ?
Aujourd’hui, il s’agit de « réunification des partis de Gauche », et je ne vois pas dans quel parti de Gauche, milite actuellement le Professeur Bathily ! Donc, mes critiques envers lui n’ont aucune incidence dans la recherche « de l’unification des partis de Gauche », dont le processus est actuellement en cours. La preuve qu’il n’y a aucune incidence, c’est que la « Confédération pour la Démocratie et le Socialisme » (CDS), qui regroupe la LD , le PIT, And Jëff Authentique de Landing Sawané, du RTAS du Professeur Momar Samb, du l’UDF/Mbollomi du Professeur Pape Demba Sy, et d’autres partis de Gauche, continue de fonctionner à merveille.
En termes de visibilité, est-ce que votre engagement dans Benno ne vous porte pas préjudice ?
Notre visibilité a trait, non pas à notre appartenance dans Benno où nous sommes bien visibles, mais plutôt de l’ostracisme des médias publics et privés mainstream, dont nous sommes l’objet. Rarement, ces médias commentent nos déclarations, et le plus souvent, ne couvrent pas nos manifestations, malgré les invitations qui leur sont faites à chaque occasion. Voilà donc des médias qui nous « enterrent vivants » pour dire après que « nous sommes morts » ! Nous comprenons que cela fait partie de la lutte de classe menée à grande échelle contre nous. Mais, c’est peine perdue, puisque nous sommes comme « une ombre » qui plane menaçante au - dessus de la tête des entrepreneurs apatrides, et qu’il est, comme toute « ombre », impossible « d’enterrer » !
De l’intérieur même de votre formation, il y a quand même eu des critiques parfois acerbes. D’aucuns ont même parlé de suicide politique et vous ont traités d’égarés. Le PIT s’est-t-il renié ?
Depuis sa création en 1957, le Parti a toujours été objet, à l’intérieur, de « critiques acerbes », voire d’accusations « de s’être égaré, ou de « se renier », sans pourtant l’empêcher d’aller de l’avant et de gagner plus encore en crédit dans l’opinion. Ces critiques se sont toujours soldées par le départ de leurs auteurs, faute d’avoir une majorité dans le Parti, autour d’eux. Le dernier en date est de 1997, lorsque des camarades de premier plan, en perspective de la tenue de son 5ème Congrès, ont voulu décréter la « mort du Communisme » pour le transformer en « Parti Social-démocrate ». Aujourd’hui, ceux qui s’agitent en direction du 7ème congrès du Parti en fin d’année, seront édifiés sur l’accueil que les congressistes vont leur réserver. En fait, ces critiques qui se font jour de temps en temps, est la preuve de la vitalité de notre Parti, et de son mode de fonctionnement démocratique, où les militants et dirigeants sont libres d’exprimer leurs opinions sur la vie du Parti, et sur sa politique au sein des Instances habilitées, mais non sur la place publique, pour éviter de faire le jeu de nos adversaires. C’est dans cette discipline de Parti pleinement assumée par ses militants, que résident la longévité et la force politique du PIT.
Parlons du sommet de Paris, qui a été l’occasion pour la France de convoquer et de discuter avec 20 pays africains. Sur la forme n’était-il pas plus pertinent de tenir ce sommet dans une capitale africaine ?
Pour qu’un sommet international en Afrique se tienne, il faudrait qu’il soit initié par la « Commission africaine », ou au moins, être co-initié avec un Président africain d’envergure, comme cela est le cas avec le « Forum mondial sur la paix et la sécurité en Afrique » que le Sénégal et la France ont initié et qui se tient à Dakar, ou le « Forum mondial sur le Développement durable et la Dette » initié par le Président Macky Sall, et qui s’est tenu récemment à Dakar en novembre 2019. C’est aussi le cas avec le « Sommet Chine-Afrique » initié par la Chine et la Présidence de la Commission africaine, et qui se réunit alternativement en Chine et en Afrique. Le prochain sommet sera organisé à Dakar. Si le Président français initie un « Sommet international sur le financement des économies africaines post Covid-19 », il est dans son droit de l’organiser chez soi et d’y inviter les pays africains de son choix, quitte à ces pays d’accepter ou de refuser d’y participer. La Commission de l’Union Africaine et les pays invités ont préféré y participer pour exprimer leurs points de vue sur la question, plutôt que de le boycotter. Donc, épiloguer sur la « légitimité » de tenir ce Sommet à Paris, ne traduit qu’une frustration qui ne se justifie point.
La France qui a toujours été accusée de s’accaparer des richesses du continent manifeste d’un coup un intérêt à accompagner le secteur privé africain. Faut-il vraiment le croire ?
Les gens qui continuent d’accuser la France de s’accaparer des richesses africaines, ignorent la perte de position de ce pays dans les Economies africaines des pays anciennement colonisés, au point de mettre le Président Macron en ordre de bataille pour tenter de reconquérir la place privilégiée qu’elle y occupait. C’est pour cela qu’il a confié à un groupe d’experts, dont des Africains, une « Etude » pour identifier de nouvelles personnalités dans le milieu universitaire, de la société civile et des artistes à promouvoir pour conquérir les pouvoirs dans ces pays, au détriment des Partis politiques qui sont à l’origine de sa perte énorme de parts de marché. C’est le fameux « effet Pangolin » que les patriotes de ces pays devraient dénoncer et combattre sans état d’âme. Et c’est dans cette même perspective qu’il veut organiser un « Sommet Afrique France » à Montpellier, non plus avec des Chefs d’Etat comme auparavant, mais, exclusivement avec des « Intellectuels issus du milieu universitaire et de la Société civile » pour étudier les voies et moyens pour la France, de renouer ses relations économiques avec l’Afrique, dans l’objectif d’une reconquête des marchés, non plus seulement de ses ex-colonies, mais d’Afrique tout entière. Il a confié l’organisation de ce « Sommet » à un grand Intellectuel africain qui a accepté de jouer le jeu de cette tentative de retour néocolonial de la France en Afrique.
Donc, ceux qui croient encore que la France « s’accapare des richesses du continent », sont en retard d’une bataille. En effet, non seulement la France a perdu son rang dans les économies africaines, mais aussi, dans les cœurs des nouvelles générations d’Afrique, du fait de sa politique intérieure répressive contre les « sans-papiers » dont une bonne majorité d’Africains, l’exclusion sociale des citoyens français d’origine africaine dans les banlieues défavorisées, de son islamophobie, et à l’étranger, avec ses guerres dites anti djihadistes, pour couvrir ses intérêts économiques et géostratégiques dans le Sahel… De tous les pays d’Europe, seule la France cumule dans son passé, ce triple crime contre l’Humanité, que sont son passé esclavagiste, colonialiste et Nazi. Elle pourra regagner une place honorable en Afrique qu’en traitant sur le même pied d’égalité ses victimes de son triple passé de « criminel contre l’Humanité ». C’est pourquoi, les Intellectuels africains qui font le jeu d’un retour néocolonial de la France en Afrique, devraient être considérés comme des « traites à l’Afrique » et combattus comme tels. Aujourd’hui, il ne s’agit plus donc d’accabler la France et d’étaler ses frustrations, mais de se mobiliser pour combattre ces Africains apatrides qui s’adonnent à ce jeu.
D’aucuns estiment qu’en fait Macron ne fait que se servir de ce sommet pour engager sa bataille électorale ?
Ceux qui pensent ainsi n’ont rien compris de la situation politique en France, où la course à l’électorat n’est pas structurée autour des relations futures avec l’Afrique, mais bien autour des thématiques de l’extrême droite, que sont, les « sans-papiers », l’islamophobie, l’immigration, et la violence, que la Droite, les Socialistes, et les Ecolo, ont rejoint. Même récemment, le Parti Communiste a repris le thème des violences contre les forces de l’ordre, en oubliant celles des forces de l’ordre sur les populations, surtout d’émigrés, dans sa tentative de conquête de l’électorat. Cependant, Il faudrait noter et souligner pour l’Histoire, que seule la « France Insoumisse » se démarque encore de cet alignement général sur les thèmes d’extrême droite.
Quelle est votre position sur la question du troisième mandat du Président Macky Sall ?
Cette question s’adresse au Président Macky Sall, et non à moi. Sans sa réponse, il est simplement incroyable que des gens s’adonnent à longueur de journées à épiloguer là- dessus ! C’est à croire que, parmi toutes les préoccupations du peuple, ils n’ont de centre d’intérêt que sur ce que le Président Macky Sall va faire en 2024, alors que nous sommes en 2021 ! Plus politique politicienne, tu meurs !
Comment le Parti de l’indépendance et du travail envisage-t-il les élections locales à venir ?
Le parti a tenu le weekend du 22 et 23 mai, une session de son Comité Central, qui est la seule instance habilitée à définir sa politique électorale pour les Locales du 23 janvier 2022. J’espère qu’après mes récriminations sur la presse mainstream, les résolutions de cette session du Comité Central, ne feront plus l’objet d’ostracisme comme auparavant.
Il y a aussi le conflit israélo-palestinien qui dure. Selon vous, qu’est-ce qui devrait être la posture dans ce conflit de la communauté internationale, de l’ONU et de pays comme le Sénégal?
Tant que, d’une part, les Etats Unis et la Grande Bretagne continuent leur soutien inconditionnel à l’Etat Israélien au prétexte de défendre sa sécurité pour l’avoir créé artificiellement sur les terres de Palestine, sans recueillir l’avis de ce peuple, ni même ceux des Etats du Moyen Orient, et que d’autre part, tant que la France et l’Allemagne en font de même, puisque tenaillées qu’elles sont par leur complexe de culpabilité envers le peuple Juif, pour leur passé Nazi, le Conseil de Sécurité des Nations Unies restera incapable de prendre une résolution sur la crise israélo-palestinienne qui n’agrée pas le gouvernement d’Israël. C’est cela qui rend la communauté internationale impuissante à agir sur Israël, pour qu’il se conforme à la résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies demandant une « Solution à deux Etats » permettant au peuple palestinien de disposer d’un Etat souverain dans ses frontières de 1967 avec évacuation d’Israël de ces terres palestiniennes qu’il occupe illégalement depuis la défaite qu’il a infligée à l’Armée égyptienne. Cet Etat palestinien, à côté de l’Etat d’Israël, devrait avoir Jérusalem Est comme Capitale.
Donc, tant que le gouvernement Israélien peut se prévaloir de menaces contre sa sécurité de la part de l’Iran, et aujourd’hui de la Turquie aussi, en appui aux forces palestiniennes extrémistes et dissidentes de « l’Organisation de Libération de la Palestine » (OLP), qui s’opposent à toute négociation de paix avec Israël en vue de la « Solution à deux Etats », le soutien inconditionnel de ses alliés traditionnels ne lui fera pas défaut. Et cela, même si des Juifs américains, jusqu’au sein du Congrès américain, s’opposent ouvertement à la politique de colonisation des terres de Palestine et d’extermination de ce peuple, par les sionistes qui contrôlent le pouvoir en Israël.
Tout se passe donc, comme si le peuple de Palestine est pris aujourd’hui en otage entre ses propres forces extrémistes, et les forces sionistes qui contrôlent, aujourd’hui, l’Etat d’Israël… A ce rythme de confrontations, Israël finira par atteindre son objectif qui est d’annexer totalement les terres de Palestine, et y imposer son Etat. Et comble d’hypocrisie, le Secrétaire Général de l’ONU et l’Union Européenne lancent encore un appel pour la reconstruction de Gaza, et n’obligent pas le gouvernement d’Israël de financer les réparations de ce qu’il a détruit, ouvrant ainsi, de nouveau, la porte aux lobbies internationaux de la reconstruction de Gaza post hostilité avec Israël, pour s’enrichir encore sur la détresse du peuple palestinien….
Dans ces conditions d’incompétence totale du Conseil de Sécurité, seule l’Assemblée générale des Nations Unies peut prendre des résolutions, certes non contraignantes, pour imposer un embargo sur Israël et le Hamas, qui va légitimer les manifestations de toutes les forces dans les pays des grandes puissances occidentales et du monde entier, pour faire respecter par leurs gouvernements, cette résolution sur l’embargo.
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QUELQUES FRÉMISSEMENTS DANS LA LUTTE CONTRE LES VIOLENCES POLICIÈRES AUX ÉTATS-UNIS
Au menu de Point USA cette semaine : à quel point l'affaire George Floyd a-t-elle influencé la prise de conscience au sujet des violences policières, nouveau front judiciaire contre Donald Trump, préoccupation du Pentagone au sujet des OVNI
Un an après la mort de George Floyd, qu’est-ce qui a changé, qu’est-ce qui reste le même ?
- Justice : un grand jury va statuer sur un éventuel procès de Donald Trump : réaction de l’ancien président : « C’est une chasse aux sorcières ».
- Les Objets volants non identifiés ? Une blague ! Pas du tout, le Pentagone les prend très au sérieux.
- 80e anniversaire d’une idole des années 60 : Bob Dylan l’artiste engagé qui a redonné ses lettres de noblesse à la folk music…
Nouvelle édition de Point USA, une émission hebdomadaire qui s’adresse plus particulièrement à un public francophone et francophile, avec pour objectif de discuter en français de l’actualité américaine en compagnie de René Lake, analyste politique et directeur de presse, Dennis Beaver, avocat et chroniqueur juridique à Bakersfield, en Californie, et Herman Cohen, ancien secrétaire d’Etat adjoint américain. La présentation est assurée par Claude Porsella et la réalisation et le montage par Serge Ndjemba.
PAR Gauz
LA DÉMOCRATIE AFRICAINE, CETTE CHASSE À L'HOMME
Comme aux Jeux Olympiques, les épreuves de la démocratie africaine se déroulent tous les quatre ou cinq ans. Et on n’est pas labellisé opposant tant qu’on n’a pas été poursuivi par le pouvoir…
En Afrique, la démocratie est un sport de chasse, quelque chose entre la chasse à courre et le tir au pigeon. Et ce n’est pas une figure de style. Pour une fois, on peut me prendre au premier degré. Mes premières expériences sportives de la démocratie datent de 1990, lors de ce qui était considéré comme le « printemps africain ». Partout au sud du Sahara, les vieux partis uniques étaient contestés par une jeunesse qui rêvait d’expression plurielle.
Cris et jets de pierre : il n’y avait pas cent façons de protester. Balles et grenades lacrymogènes : il n’y avait pas cent façons de réprimer la protestation. L’étape d’après étant l’embastillement, les villes africaines se transformaient systématiquement en arène athlétique. Les « crieurs » devenaient coureurs et les « tireurs » devenaient chasseurs. Ce sont ces litres de sueur et de sang – le destin d’une chasse à courre – qui sont à l’origine du multipartisme. De Dakar à Libreville, scénario immuable.
Coup d’avance
Puis, le jeu électoral pluraliste s’est installé tant bien que mal. Mais, la démocratie africaine a gardé sa dimension sportive. Elle s’est même professionnalisée. Maintenant, comme aux Jeux olympiques, les épreuves se déroulent tous les quatre ou cinq ans, au moment des échéances électorales. On n’est pas labellisé opposant tant qu’on n’a pas été poursuivi juridiquement, mais surtout physiquement, par le pouvoir. En Côte d’Ivoire par exemple, on se souvient de Laurent Gbagbo, serviette anti transpiration au cou, en 100 mètres plats dans les rues du Plateau; ou de Alassane Ouattara, en saut en hauteur sur le mur de l’ambassade d’Allemagne à Cocody. Abdoulaye Wade, Alpha Condé, Boni Yayi… Tous ont participé à ces épreuves imposées.
MACRON MENACE DE RETIRER LES MILITAIRES FRANÇAIS DU MALI
Le chef d'Etat français affirme avoir "passé le message" aux dirigeants d'Afrique de l'Ouest qu'il "ne resterait pas aux côtés d'un pays où il n'y a plus de légitimité démocratique ni de transition"
Le président français Emmanuel Macron affirme que la France retirerait ses troupes si le Mali allait "dans le sens" d'un islamisme radical, dans un entretien au JDD diffusé dimanche, après un deuxième coup d'Etat en neuf mois.
La France, avec environ 5.100 hommes au sein de Barkhane, soutient le Mali qui fait face depuis 2012 à une poussée jihadiste partie du Nord, ayant plongé le pays dans une crise sécuritaire avant de s'étendre au centre du pays. Mais Paris, comme l'UE, a dénoncé mardi un "coup d'Etat inacceptable" après l'arrestation du président Bah Ndaw et du Premier ministre Moctar Ouane décidée par l'homme fort du pays le colonel Assimi Goïta. "Au président malien Bah N'Daw, qui était très rigoureux sur l'étanchéité entre le pouvoir et les djihadistes, j'avais dit : "L'islamisme radical au Mali avec nos soldats sur place ? Jamais de la vie! Il y a aujourd'hui cette tentation au Mali. Mais si cela va dans ce sens, je me retirerais", a mis en garde le président français, dans un entretien au JDD à l'occasion d'un voyage au Rwanda et en Afrique du Sud.
Le chef d'Etat français affirme également avoir "passé le message" aux dirigeants d'Afrique de l'Ouest qu'il "ne resterait pas aux côtés d'un pays où il n'y a plus de légitimité démocratique ni de transition". Il rappelle avoir dit depuis trois ans, "au sein de plusieurs Conseils de défense que nous devions penser à la sortie".
Les dirigeants ouest-africains se réunissent dimanche pour trancher la question épineuse de leur réponse au double putsch des militaires maliens en neuf mois.Au sommet du G5 Sahel à Pau (sud-ouest de la France) en janvier, "j'ai préparé un chemin de sortie. Je suis resté à la demande des États, parce que je pensais que la sortie était un point de déstabilisation. Mais la question se pose, et nous n'avons pas vocation à rester éternellement là-bas", a-t-il répété.
Concernant le Tchad, où un Conseil militaire de transition (CMT) présidé par l'un des fils d'Idriss Déby, Mahamat, après sa mort brutale en avril, Emmanuel Macron estime que "les choses sont claires". "Nous venons au secours et en soutien d'un État souverain pour qu'il ne soit pas déstabilisé ou envahi par des groupements rebelles et armés". Mais nous demandons la transition et l'inclusivité politique", assure-t-il. Il explique que lorsqu'il s'est rendu aux obsèques d'Idriss Déby, il a eu "un long échange" avec Mahamat Déby à la veille du G5 Sahel. "Le lendemain matin, avec les autres chefs d'État, nous sommes allés le voir pour lui demander cette ouverture politique avec le soutien de l'Union africaine".
Emmanuel Macron met aussi en garde contre un échec d'une politique de développement en Afrique. " Je le dis avec lucidité, si on est complices de l'échec de l'Afrique, on aura des comptes à rendre mais on le paiera cher aussi, notamment sur le plan migratoire", estime-t-il. Il réaffirme qu'il faut donc "investir massivement" au sortir de la pandémie de Covid-19 "avec l'équivalent d'un plan Marshall" et que la communauté internationale doit avoir "la générosité de dire qu'on efface une partie de la dette pour aider les Africains à bâtir leur avenir".
L'ACCEUIL DE MACRON À KIGALI SUSCITE LA POLÉMIQUE
Paul Kagame devait-il accueillir lui-même Emmanuel Macron, à l’atterrissage de la délégation française au Rwanda ? Sur fond de buzz, les avis sont partagés
Jeune Afrique |
Damien Glez |
Publication 29/05/2021
Chacun a les préoccupations qu’il mérite. Tandis que certains observateurs décortiquent un discours macronien qui transpire la portée historique – au sujet de la « responsabilité » française dans le génocide des Tutsi –, d’autres devisent sur des détails protocolaires.
Ce jeudi 27 mai, à l’aéroport de Kigali, le président français était accueilli par le ministre rwandais des Affaires étrangères et non son homologue local. Comme l’heure est aux amabilités ressuscitées et au lyrisme contrit, après une période de relations meurtries, la diplomatie française ne saurait s’offusquer officiellement d’un éventuel camouflet. Cette pudeur n’empêcherait tout de même pas quelques dents de grincer…
« Humiliation »
Des blogueurs et éditorialistes africains n’hésitent pas, eux, à emboucher la trompette du « décolonialisme » des esprits, osant parfois l’emploi des termes « mépris » ou « humiliation » pour qualifier le traitement « subversif » réservé au chef de l’État français.
A huit mois des élections locales, Taxawu Senegaal est confrontée au défi périlleux de concilier les ambitions de ses lieutenants, préalable au grand rassemblement de l’opposition appelé de tous ses vœux par Khalifa Ababacar Sall
Plus les locales s’approchent, plus les ambitions s’affichent. Dans la coalition Mànko Taxawu Senegaal, c’est Barthélémy Dias qui a lancé les hostilités chez les lieutenants de Khalifa Ababacar Sall, en déclarant sa candidature à huit mois des élections municipales et départementales. Mais derrière cette déclaration du maire de Mermoz Sacré-Cœur se cache une guerre latente, depuis plusieurs mois, et qui se passe entre la Médina et Mermoz Sacré-Cœur. En vérité, les deux principaux lieutenants de Khalifa Sall (Barthélémy Dias et Bamba Fall), selon des sources bien informées, se mènent une guerre ‘’terrible’’.
A en croire les informations, Khalifa devrait surtout se préoccuper des rivalités entre ces deux fortes personnalités de sa coalition, préalable à sa mission de rassembler l’opposition autour d’un même objectif. ‘’Ils sont en train de s’entredéchirer en ce moment. Ils se mènent une guerre terrible par lieutenants interposés. D’ailleurs, il y a des gens que Bamba a renvoyés et que Barth a recrutés dans sa mairie’’.
Selon ce proche du maire de la Médina, la rivalité entre les deux ne date pas d’aujourd’hui. Mais à l’époque, il n’y avait pas d’enjeu, parce que chacun gérait sa mairie et Khalifa s’occupait de la ville. Mais avec la disqualification de Khalifa, les choses ont changé, a commenté notre interlocuteur. Qui rapporte : ‘’Vous vous rappelez en 2009. Ils se disputaient un poste d’adjoint à la mairie de Dakar. Khalifa avait demandé à Bamba de renoncer au profit de Barth, mais Bamba lui a dit niet, parce qu’il savait que les conseillers étaient avec lui. Finalement, il s’est imposé’’.
Très mécontents des attaques dont fait l’objet leur maire, il lâche : ‘’Il faut savoir que Bamba n’est pas un maire parachuté. Barth, lui, est le résultat d’un deal entre Khalifa et Soham El Wardini qui était, en 2014, la tête de liste de notre coalition à Mermoz Sacré-Cœur’’. Malgré ces retards, Barth a su batailler ferme pour renverser la tendance durant ce mandat.
En effet, Barthélémy Dias est devenu le chouchou d’une bonne partie de la jeunesse Khalifiste, depuis l’incarcération de l’ancien édile de Dakar. Sa principale force, la fidélité inébranlable dont il a fait montre durant toute la période de traversée du désert, pendant que le leader de la coalition, Khalifa Ababacar Sall, était derrière les barreaux. Ainsi, l’homme qui, au début, ne tenait sa légitimité que de la caution de Khalifa, est devenu incontournable dans sa localité. Il semble également avoir l’oreille de Khalifa Ababacar Sall qu’il accompagne dans presque toutes ses tournées. Fort de tous ses avantages, il a très tôt rendu publique sa posture. ‘’Personne ne peut m’empêcher d’être candidat à la mairie de Dakar’’, disait-il récemment en conférence de presse.
Pourquoi une telle affirmation ? Barth serait-il prêt à aller à l’encontre de la directive de son mentor ? Est-il au courant de démarches de nature à le snober au profit d’un autre ? Autant de questions qui se posent et qui n’auront pas de réponse, pour le moment. Une chose est sûre, le maire de Mermoz Sacré-Cœur s’est très tôt taillé un destin pour la mairie de Dakar. Depuis 2020, il n’a eu de cesse de poser des actes dans ce sens.
Déjà dans l’affaire du terrain de Djibril Diallo sur la Corniche ouest, certains voyaient dans son activisme une simple volonté de barrer la route à un potentiel concurrent de Benno Bokk Yaakaar, en l’occurrence l’alors tout-puissant ministre de l’Urbanisme, Abdou Karim Fofana. Il avait attendu la veille d’une visite d’une délégation de ministres pour ameuter tout le peuple de Dakar. Depuis, il a gagné une nette avance, surtout par rapport à ses concurrents de Taxawu Senegaal. Titulaire d'un Master of Business Administration (MBA), option Transport aux Etats Unis, le fils de Jean Paul Dias a adhéré au parti socialiste, en 2005. Elu maire en 2009, réélu en 2014, il a également été député pendant la douzième législature et a l’avantage d’être le principal favori pour la mairie de sa commune, avec ses 23 754 électeurs (chiffres de la dernière élection), soit deux fois moins que la Médina où trône le maire Bamba Fall, un autre lieutenant de Khalifa Sall.
Bamba Fall et le poids électoral de la Médina
A la différence de Barthélémy qui doit essentiellement sa notoriété à Khalifa, Bamba Fall a toujours été dans le cœur des Médinois. Son choix comme représentant de la coalition dans ladite commune a été relativement aisé. Son principal argument dans le futur combat pour la mairie de Dakar, c’est qu’il est assis sur un poids électoral non négligeable. En effet, avec sa population électorale de 47 038 à la dernière élection, Médina constitue la troisième force électorale du département de Dakar, après les Parcelles assainies et Grand-Yoff.
C’est également une commune où la bataille sera rude entre les camps de l’opposition et du pouvoir qui y compte plusieurs ministres et anciens ministres. Seul contre une cohorte de très hauts responsables du régime, Bamba a été, pour beaucoup, dans nombre de victoires de la coalition MTS. Et sa dualité avec Barthélémy Dias au sein de MTS n’est plus qu’un secret de Polichinelle.
D’ailleurs, certains expliquent son recul de la plupart des sorties de Khalifa par un penchant de ce dernier pour son rival de Mermoz Sacré-Cœur. Même si l’ancien édile de Dakar essaie d’afficher une neutralité absolue et feint de prôner le consensus entre ses différents lieutenants. Mais même s’il reste très fort dans son fief, Bamba a beaucoup reculé dans l’opposition, à cause de ses moments d’hésitation, ses flirts avec le pouvoir. Il n’a certes pas intérêt à se séparer de sa coalition, mais il serait difficile de lui faire accepter de soutenir Barth, quand il s’agira de choisir le futur maire de Dakar.
Elu maire en 2009, puis en 2014, Bamba Fall a été la tête de liste de MTS dans le département de Dakar, en 2017. Il milite au PS, selon ses affirmations, depuis 1986. Conseiller municipal, à l’âge de 24 ans, adjoint au maire depuis des années, Bamba clame partout ne reposer sur personne pour façonner son destin politique. ‘’Ce que les gens veulent, je ne vais pas le faire. Je ne suis pas comme ceux qui n’ont pas de responsabilité. Je ne veux pas non plus me suicider. Pour des intérêts personnels, je ne peux sacrifier les intérêts de mes mandants. C’est pourquoi, je ne ferai pas ce que les gens me demandent de faire. Parce que je n’ai foi ni en Macky ni en Khalifa ni Aminata Mbengue. Ma force c’est d’abord et avant tout la Médina. On ne me verra pas donc dans des querelles politiciennes. Où sont ceux qui s’empressaient de se ranger derrière Idrissa Seck ? Où sont-ils ? La politique, c’est la sérénité’’, disait-il dans une vidéo.
En sus de Barth et Bamba, il y a Babacar Mbengue qui trône à la tête de Hann Bel-Air (plus de 33 000 électeurs à la dernière élection), Cheikh Gueye de Dieupeul Derklé (plus de 24 000 électeurs), Palla Samb de Fann Point-E Amitié (plus de 16 000 électeurs). MTS compte, également, dans son giron Madiop Diop qui est à la tête de la plus grande commune de Dakar, aujourd’hui contrôlé par Khalifa Sall, en l’occurrence Grand-Yoff avec ses près de 80 000 électeurs à la dernière élection. Une localité qui constitue, en même temps, le fief de Khalifa, mais dont le maire Madiop Diop a plusieurs lacunes pour prétendre diriger la mairie de la ville.
Reconquête
Toujours est-il que, Khalifa a la lourde tâche de mettre tout ce beau monde autour d’un schéma qui puisse être gagnant. Ceci est d’autant plus difficile que les ennemis rôdent autour, prêts à absorber tout candidat malheureux à la candidature. En plus de tout faire pour conserver les communes susmentionnées, Khalifa a aussi comme challenge de reconquérir les mairies de Dakar-Plateau, Cambérène, Parcelles-Assainies, Fass-Colobane-Gueule Tapée, Patte d’Oie, Grand Dakar, Sicap-Libertés, Biscuiterie et HLM, qu’il a perdues avec les départs de ses anciens camarades qui ont rejoint le pouvoir.
La tâche sera d’autant plus ardue qu’il faudra aussi faire de la place aux alliés qui vont venir des différents partis de l’opposition. En effet, sans alliance, il sera difficile à MTS de gagner la capitale. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la coalition semble dans cette dynamique. Dans un communiqué publié récemment, Khalifa précise ceci : ‘’Concernant les élections locales, je réaffirme notre volonté d’y participer à travers une grande coalition de l’opposition et dans toutes les circonscriptions électorales’’.
Dans la même veine, comme pour clarifier le débat autour de la candidature de Dakar, le document mentionne : ‘’Comme par le passé, Taxawu Senegaal en rapport et en accord avec ses alliés trouvera au terme de concertations franches et sincères les meilleures formules pour créer partout des équipes crédibles pour porter notre projet de développement local’’.
En fait, depuis 2009, la coalition a toujours procédé de la sorte, en privilégiant le consensus entre ses différents membres. Sauf que dans ces deux élections, la mairie de Dakar, qui fait tant rêver, avait un seul et unique candidat qui était le dénominateur commun de tous les membres de la coalition. Aujourd’hui, non seulement Khalifa est out, mais aussi d’autres forces politiques sont nées dans la capitale et ont des ambitions légitimes pour les différentes mairies. Lâché par une bonne partie de la base de MTS, Bamba Fall se dispute avec Barth le soutien de Pastef qui pourrait être décisif dans la bataille de la capitale.
Il faut rappeler qu’aux législatives de 2019, Khalifa était en alliance avec certains responsables de l’opposition comme Idrissa Seck, Mansour Sy Djamil, Cheikh Bamba Dièye… Ils ont été battus par la coalition BBY amenée par Amadou Ba. Toutefois, le total des scores MTS+WATTU SENEGAL de PDS serait devant celui de BBY, avec une différence de 51 225 voix.
ÉTAT DES LIEUX DE LA DISCRIMINATION RACIALE AUX ÉTATS-UNIS
L'émission l'Amérique et vous évoque sur VOA, la discrimination raciale outre-Atlantique depuis l'éclatement de l'affaire George Floyd et même des années avant, avec Pépita Coulibay et Khadiatou Diallo
L'émission l'Amérique et vous évoque sur VOA, la discrimination raciale outre-Atlantique depuis l'éclatement de l'affaire George Floyd et même des années avant, avec Pépita Coulibay et Khadiatou Diallo.
ÉTATS OUEST-AFRICAINS ET PARTENAIRES DU MALI AU DÉFI DU DOUBLE COUP D'ÉTAT
Le colonel Assimi Goïta est à présent officiellement le président du Mali après deux putsch en neuf mois, forçant la communauté internationale à des choix délicats
Le colonel Assimi Goïta est à présent officiellement le président du Mali après deux putsch en neuf mois, forçant la communauté internationale à des choix délicats, à commencer par les chefs d'Etat ouest-africains qui se réunissent dimanche.
La Cour constitutionnelle malienne a déclaré vendredi le colonel Goïta président de transition du pays, parachevant le coup de force déclenché lundi contre ceux qui se trouvaient entre lui et la direction de ce pays, plongé dans la tourmente mais crucial pour la stabilité du Sahel face à la propagation jihadiste.
La Cour constitutionnelle a ainsi officialisé un fait accompli auquel les partenaires du Mali avaient tâché de s'opposer après le coup d'Etat d'août 2020.
Assimi Goïta et un groupe de colonels avaient alors renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta après des mois de contestation populaire.La junte avait dû, sous la pression internationale et de sanctions ouest-africaines, accepter la nomination d'un président et d'un Premier ministre civils.Elle s'était engagée à organiser des élections et rendre le pouvoir à des civils à l'issue d'une transition de 18 mois.
La junte avait cependant taillé pour Assimi Goïta une vice-présidence sur mesure, investie des charges primordiales de la sécurité.Les colonels avaient nommé les leurs aux postes clés.
Lundi, l'ancien commandant de bataillon des forces spéciales a fait arrêter le président et le Premier ministre, cautions civiles de la transition.La version initiale d'une destitution autoritaire est devenue officiellement une démission.
L'engagement pris à une transition civile est foulé aux pieds, suscitant le doute sur les autres, à commencer par la tenue d'élections début 2022.La junte a dit ces derniers jours qu'elle comptait respecter le calendrier, mais ajouté qu'il pouvait être soumis à des aléas.
La Cour constitutionnelle écrit que le colonel Goïta présidera la transition jusqu'au bout.
- Goïta invité à Accra -
Le colonel Goïta "exerce les fonctions, attributs et prérogatives de président de la transition pour conduire le processus de transition à son terme", et il portera "le titre de président de la transition, chef de l’Etat", dit la Cour constitutionnelle.
Vendredi, dans un apparent effort de mobiliser des soutiens intérieurs, le colonel Goïta a dit son intention de nommer "dans les jours à venir" un Premier ministre issu d'un collectif qui avait mené en 2020 des mois de contestation contre l'ancien président Keïta mais que les colonels, une fois le chef de l'Etat renversé, avaient pris soin de laisser en marge de la transition.
Même avec un tel Premier ministre, la désignation d'Assimi Goïta met les voisins et les partenaires du Mali au défi de la réponse.
Les chefs d'Etat et de gouvernement de la Communauté des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) se réunissent dimanche à partir de 14H00 (locales et GMT) à Accra en sommet extraordinaire exclusivement consacré au Mali.
La Cédéao a invité le colonel Goïta à venir à Accra dès samedi pour des "consultations", indique un courrier de l'organisation consulté par l'AFP.
La Cédéao avait co-rédigé avec l'Union africaine, la mission de l'ONU au Mali (Minusma), la France, les Etats-Unis et d'autres un communiqué rejetant "par avance tout acte imposé par la contrainte, y compris des démissions forcées".
Une mission de la Cédéao dépêchée au cours de la semaine au Mali a évoqué l'éventualité de sanctions.La France et les Etats-Unis, engagés militairement au Sahel, en ont brandi la menace.
- Fermeté ou mansuétude -
"La transition politique sera dirigée par un civil" et "le vice-président de la transition (...) ne pourra en aucune manière remplacer le président de la transition", avaient déclaré les dirigeants ouest-africains lors d'une réunion avec la junte le 15 septembre 2020 après le premier coup de force.
La Cédéao avait suspendu le Mali de tous ses organes de décision, fermé les frontières de ses Etats membres et stoppé les échanges financiers et commerciaux avec le Mali, à l'exception des produits de première nécessité.
Elle avait levé les sanctions quand la junte avait paru se plier à ses exigences.
Dans un pays exsangue, les sanctions avaient été mal ressenties par une population éprouvée.
Différentes voix s'élèvent par ailleurs pour noter la différence de traitement entre la vigueur de la réaction aux évènements maliens et la mansuétude montrée vis-à-vis d'un autre pays sahélien, le Tchad, où un Conseil militaire de transition (CMT) de 15 généraux a pris le pouvoir le 20 avril après la mort d'Idriss Déby Itno, avec à sa tête un des fils de l'ancien président.
Des sanctions ciblées visant les colonels sont évoquées, avec des interrogations sur leur efficacité.
Mais certains dirigeants qui allaient en 2020 au-devant d'élections délicates et prônaient la fermeté pourraient y être moins enclins à présent, disent les experts.
PAR Cheikh Ahmadou Bamba Ndiaye
VIOLENCE ET DOMINATION DANS LA RÉCONCILIATION DES MÉMOIRES
L’État génocidaire est son propre juge. Il se fixe sa propre peine et nous dit d’aller nous faire voir où nous voulons si nous ne sommes pas contents
Emmanuel Macron, devant les 250.000 morts au Mémorial de Kigali, dit espérer « le don du pardon », tout en refusant de présenter les excuses de son pays. Évitant à tout prix le mot « complicité », c’est presque avec soulagement qu’il revendique « les lourdes et accablantes responsabilités » servies par le rapport Duclert.
Notons ici trois choses. La première des foutaises est cette latitude dont dispose l’État coupable dans la manifestation de la vérité. Il s’arrange pour verrouiller les archives compromettantes durant de longues décennies. Au cours desquelles, la manœuvre est de faire tomber les victimes dans l’oubli, tout en détruisant les plus dangereuses archives. Quand elles sont proclamées ouvertes, au moins 50 ans après le dernier élément du dossier (27 ans, exceptionnellement, pour le cas du Rwanda), les archives sont déjà vides.
La deuxième chose est le ridicule qui entoure tous ces soi-disant efforts de réconciliation, d’apaisement des mémoires. Le respect des morts n’y a pas sa place, la douleur des ayants droit non plus. Tous les termes sont fixés par l’État coupable : « Je ne vais pas m’excuser, mais vous allez me pardonner. » Telle est l’injonction, qui signifie ceci : « N’en faites pas trop, réjouissez-vous déjà que nous, un si grand État, fassions acte d’humilité devant vous dont vos vies n’ont jamais rien valu. »
La dignité des morts ne sera ainsi jamais restaurée. À la place d’une reconnaissance franche et sincère, leur bourreau leur sert, avec légèreté, un débat creux sur le choix des mots. S’avouer « lourdement responsable » ; se refuser d’être « complice » de tueurs à qui l’on a donné les armes, l’argent et les renseignements. Invoquer le « don de pardon » ; pour ne jamais prononcer le mot « excuses ». Autant de tergiversations laissant intacte la vérité : nous sommes en face d’un État orgueilleux, méprisant, incapable d’assumer ses responsabilités. Parce qu’ayant la faiblesse de croire qu’être grand, c’est passer le temps à se mentir. Pour sauver les apparences, et son mythe d’État civilisé, civilisateur.
La dernière chose, tout aussi révélatrice de la mentalité de l’Occident face à ses crimes contre l’humanité, vient de cet empressement à signifier que même si le mot « excuses » est prononcé, il n’ouvre la voie à aucune réparation juridique. Impensable pour la France, impossible partout ailleurs. Aux États-Unis, dans le U.S. Senate Congressional Resolution 26 de 2009, il est écrit : « Nothing in this resolution serves as a settlement of any claim against the United States. »
En Allemagne, où le ministre des affaires étrangères Heiko Mass vient de reconnaître, après 117 ans de déni, les génocides contre les Herero (au moins 60.000 morts) et les Nama (au moins 10.000 morts), la formule est la même : « pas de demande légale d’indemnisation possible ». À la place, en bon seigneur, l’Allemagne « va offrir, sur une période de trente ans, 1,1 milliard d’euros aux descendants des victimes ». L’État génocidaire est son propre juge. Il se fixe sa propre peine et nous dit d’aller nous faire voir où nous voulons si nous ne sommes pas contents.
À travers ces crimes avoués à demi-mot, ces « concessions » insultantes, ces coups de communication, l’Occident démontre son inconfort avec l’idée que des Africains ou autres victimes dites « du Sud » puissent se prévaloir d’une humanité, de droits et de respect de ces droits. Il ne réalise pas que chaque vie de chez nous équivaut à une vie de chez lui. Et que dans notre combat pour la justice et la dignité, nous ne sommes pas déterminés par ses humeurs, ses mensonges, son timing, ou ses volontés.
Les excuses, elles viendront. Tôt ou tard. Les réparations suivront également. Tôt ou tard. Ce sont nos droits, notre dignité. Et nous ne sommes pas en train de les quémander.
Cheikh Ahmadou Bamba Ndiaye est ancien Enfant de Troupe du Prytanée Militaire de Kadiogo (Burkina Faso). Diplômé en droit de Sciences Po Paris et de Panthéon-Assas, il est l’auteur du blog Assumer l’Afrique.