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5 juillet 2025
AHOUNE SANÉ, DÉFENSEUR DE LA JUSTICE SOCIALE
Nulle part dans les manuels scolaires en usage dans nos écoles, on ne parle de ce grand homme aux valeurs exceptionnelles. La seule référence faite de lui aujourd’hui reste le Lycée de Bignona qui porte son nom
Ahoune Sané est une figure emblématique de la culture diola. Le lycée de Bignona porte son nom.
Les héros nationaux constituent l’une des composantes les plus importantes de notre patrimoine historique national. Ainsi, dans toutes les contrées qui composent l’Etat-Nation, des hommes et des femmes ont sacrifié leur vie pour la défense de leurs peuples contre les tentatives de conquête et de domination dont ils étaient victimes pendant plusieurs siècles. Toutefois, certains, en fonction de l’intérêt accordé par l’historiographie nationale, restent peu présents dans la mémoire collective nationale. C’est le cas d’Ahoune Sané. Nulle part dans les manuels scolaires en usage dans nos écoles, on ne parle de ce grand homme aux valeurs exceptionnelles. La seule référence faite de lui aujourd’hui reste le Lycée de Bignona qui porte son nom.
Né vers les années 1850, à Kampoulène, un village du Fogny, ce fils de Koulaly Sané et de Djibanlisse Badji est mort en 1913. Figure emblématique de la culture diola, la naissance d’Ahoune Sané annonçait déjà le destin singulier de cet homme. Sa venue au monde coïncida, en effet, avec le «Foutamp» (cérémonie d’initiation en milieu diola qui mobilise toute la communauté et l’ensemble des villages du Fogny). C’est un évènement qui se tient tous les 25 ans et durait entre deux à trois mois au cours desquels les hommes et les futurs initiés se retiraient dans le bois sacré. Pendant que les rythmes et chants résonnaient à travers toute la contrée, une femme se tordait de douleur dans l’enclos réservé aux femmes arrivées à terme. C’était Djibanlisse Badji, l’une des épouses de Koulaly Sané. Depuis l’aube, elle luttait contre la mort pour donner la vie. Une vieille femme peu ordinaire l’assistait, car elle savait que son accouchement serait difficile.
Une pluie fine tomba, alors qu’on était en saison sèche. C’est à ce moment que le père de Koulaly, le vieux Ahi Sané, souffla dans l’oreille de son fils : «Cette pluie présage d’un évènement heureux». C’était la naissance d’Ahoune Sané, nom qui lui a été donné dans l’enclos d’accouchement par la vieille mère qui assistait sa maman. «Tu as donné naissance à un être peu ordinaire. C’est dans cet enclos qu’il recevra son nom. Il s’appellera Ahoune. Je dis bien Ahoune ! Car, il voit déjà ce que l’homme ordinaire ne peut voir», a certifié la vieille mère.
Tout un mystère avait entouré la naissance de l’homme. La philosophie d’Ahoune se résume à trois choses : la première «fais attention à ta langue et à ta tradition», la deuxième «notre force, c’est l’entente» et la troisième «la femme est un lien».
Ahoune Sané fut un homme de paix. Il n’avait pris les armes que pour assurer la sécurité dans le Fogny et s’opposer à la domination mandingue.
Grand défenseur de la langue et de la culture, Ahoune Sané aimait souvent dire que le Diola s’identifie par sa langue. D’où le sens de son combat pour la liberté du Fogny, le refus de l’esclavage et de l’injustice sous toutes ses formes.
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SARKOZY, LES SINGES ET AGATHA CHISTIE, NAUFRAGE RACISTE DANS QUOTIDIEN
L’ancien président suscite une tempête de réactions après avoir évoqué, en termes surprenants, la polémique sur le changement du titre français du roman « Dix Petits Nègres »
On n’ose imaginer ce qui s’est passé dans la tête de Nicolas Sarkozy. Invité de l’émission « Quotidien » de TMC, ce jeudi 10 septembre, pour évoquer la sortie de son livre, « le Temps des tempêtes », qui retrace le début de son quinquennat présidentiel, l’ancien chef de l’Etat, qui a répété qu’il était retiré de la politique « quotidienne, partisane », a surtout marqué son passage par une surprenante digression sémantique sur le politiquement correct.
« Cette volonté des élites, qui se pincent le nez, qui sont comme les singes qui n’écoutent personne… Je ne sais plus, on a le droit de dire “singe” ? », s’interrompt soudain Nicolas Sarkozy, lancé dans une diatribe contre les « élites qui se regardent dans une glace », avec un rire sarcastique.
« Parce que… On n’a plus le droit de dire les… On dit quoi, “les Dix Petits Soldats” maintenant? C’est ça ? Ouais… Elle progresse la société ! »
Face à l’incompréhension de Yann Barthès, l’ancien président de la République précise qu’il parle bien de la récente polémique sur le changement de titre du roman policier « Dix Petits Nègres » dans sa version française : « Vous voyez le livre ? »
« Vous parlez d’Agatha Christie ? », s’enquiert l’animateur. Sarkozy confirme : « Oui, bah, on n’a plus le droit maintenant. On a peut-être le droit de dire “singe” sans insulter personne. »
Le plus célèbre roman d’Agatha Christie, qui avait changé de titre dès 1940 dans sa version en anglais avec l’accord de son autrice, a récemment fait peau neuve en français en étant réintitulé « Ils étaient dix ». Des changements mineurs ont également été opérés dans le récit, « l’île du Nègre » devenant ainsi, comme dans l’édition américaine, « l’île du Soldat ». « Quand le livre a été écrit, le langage était différent et on utilisait des mots aujourd’hui oubliés, se justifiait ainsi James Prichard, arrière-petit-fils de l’autrice, qui gère son patrimoine. Ce récit est basé sur une comptine populaire qui n’est pas signée Agatha Christie. »
Meissa Waly Dione Mané, premier roi du Sine, a marqué l’histoire de cette contrée peuplée en majorité de Sérères. Ce mandingue venu du Gaabou était un homme de sagesse, mythique. Plusieurs siècles après sa disparition, le souverain reste adulé
Oumar Kandé et Aliou Ngamby Ndiaye et Ndèye Seyni Samb |
Publication 11/09/2020
La vie se conjugue avec Meissa Waly Mané à Mbissel. Dans cette contrée du Sine, située entre Fadial et Sambadia, lesouverain est plus qu’un roi. Il est même devenu le totem du village. Songénie-protecteur. Un mausolée est construit à son honneur non loin des habitations. À l’intérieur, des baobabs géants longent la clôture. Avec cethivernage pluvieux dans le Sine, les hautes herbes ont recouvert certains coins de l’espace sacré bien protégé et impénétrable par tout étranger sans l’autorisation du gardien du temple. Cependant, la partie où est construit le mausolée royal est bien nettoyée et recouverte de coquillages par François Sène. Le conservateur nous a accueillis, cet après-midi du samedi 22 août 2020, d’abord dans sa maison. Tous les jours,il reçoit des visiteurs qui viennent découvrir ce site historique pour s’y recueillir ou prier. Vêtu d’un pantalon bleu assorti d’un t-shirt, il nous mène vers le mausolée du premier souverain du Sine. Il ouvre la porte et souhaite la bienvenue à ses invités. Toutefois, avant de démarrer la discussion, François Sène « entre en contact » avec le maître des lieux Meissa Waly Mané.
Les deux mains sur le mausolée, il parle au roi comme s’il s’adressait à un vivant. Après ces incantations pour avoir l’autorisation du souverain, la discussion avec les invités du jour peut commencer. François Sène retrace l’histoire de Meissa Waly Mané, le souverain mandingue venu du Gaabou (Guinée-Bissau). Dans ce grand empire, dit-il, Meissa Waly Mané était en conflit avec un des rois. Ce dernier, pour connaître les secrets de la puissance de son protagoniste, avait arrangé son mariage avec une de ses sœurs. C’est grâce à cette femme, raconte François Sène, que le secret de Meissa Waly Mané a été percé. Il ne pouvait plus rester sur la terre de ses aïeuls au risque d’être tué. Ainsi, raconte toujours le conservateur du mausolée, Meissa Waly Mané, accompagné de quelques gens de sa cour, a quitté le Gaabou pour trouver refuge ailleurs. Le futur souverain du Sine ne suivait que son ombre qui devait le guider dans un lieu où il pouvait encore régner.
C’est à Sangomar, narre M. Sène, que Mansa Waly s’est d’abord arrêté. Ensuite, il a continué jusqu’à Djifer puis Faboura. De Faboura, il entendait,chaque matin, le chant des coqs et les coups de pilon des femmes qui retentissaient depuis Mbissel. De ce fait, il se rend compte qu’il n’est pasencore arrivé à sa destination finale. En continuant le périple, il est arrivé à Mbissel.
Marche vers le trône
Dans ce village historique, Meissa Waly Mané a été accueilli à bras ouverts par les populations. D’après l’historien, Mamadou Faye, «Mansa Waly est restéun bon moment à Mbissel sans être roi ». Selon le récit du chercheur sur l’histoire des Sérères, tout a commencé quand sa sagesse lui a permis de régler un vieux conflit d’héritage datant de plusieurs années. À son avis, ce problème opposait deux personnes qui se disputaient la propriété d’un troupeau de vaches. Pour trancher très vite cette affaire que le Lamane de Fadial, Diamé Ngom, n’a pu juger, explique lepatriarche, Ndoupe Ngom, actuel Djaraf du Sine, Meissa Waly Mané a cherché une petite pirogue et a caché à l’intérieur un jeune enfant. Ainsi, il a appelé les deux personnes en conflit etleur a expliqué le procédé. Chacun, accompagné de son épouse, devait porter cette lourde pirogue et marcher sur une très longue distance pour prouver qu’il est le propriétaire et l’autre devait partir récupérer le même fardeau et le ramener à la place publique du village.
Le premier couple, raconte toujours le vieux Ngom, a pris la pirogue. Après quelques kilomètres de marche, la femme dit à son mari : «pourquoi se fatiguer tout en sachant que les vaches ne t’appartiennent pas ? ». Celui-ci de répondre : «Elles ne m’appartiennent pas, je le sais, mais je vais tout faire pour les garder », raconte Djaraf Ndoupe Ngom, par ailleurs descendant du Lamane Diamé Ngom.
La deuxième personne accompagnée aussi de son épouse est partie récupérer la petite pirogue hermétiquement fermée pour la ramener à la place publique. Au cours du trajet, sa femme lui dit : «tout le monde sait que les vaches t’appartiennent mais comme il ne veut rien comprendre laisse les avec lui». Toutefois, son mari était déterminé à récupérer ses vaches. L’enfant caché à l’intérieur de la pirogue écoutait silencieusement les différentes conversations. À la place publique où tout le monde attendait patiemment le verdict qui sera donné. Meissa Waly Mané a ouvert la petite barque. Un enfant est sorti à la surprise générale. Ainsi, l’enfant a raconté ce qu’il a entendu. Quand ce dernier a fini de faire son compte-rendu, Meissa Waly Mané a tranché. Il a remis les bêtes à celui qui a ramené la pirogue, raconte Ndoupe Ngom.
D’après Mamadou Faye, c’est à partir de ce jour que tous les Lamanes Sérères ont signé un pacte avec Meissa Waly Mané. Pour eux, ce dernier, grâce à sa sagesse, devait assister à tout ce qu’ils organisent. «kuxew na faat ta maadine »(qu’il assiste à tout ce qui se fait) », avaient-ils demandé, rapporte le chercheur Mamadou Faye. C’est à partir de cette date, dit-il, qu’est né «maad » qui, étymologiquement, signifie « assister » ou « roi » dans la croyance populaire. Au début, informe le responsable des langues nationales à l’Inspection d’académie de Fatick, Meissa Waly Mané était comme un conseiller technique pour les Lamanesmais jouait aussi un rôle d’arbitre. Il necessait de les surprendre.
Finalement, ils ont décidé de faire de lui le roi du Sine en lui disant ceci: «I NdoxNang Lang Ke Fo Fofi Lé » (nous te confions les terres et les eaux). Le Djaraf du Sine, Ndoupe Ngom, soutient aussi cette version du chercheur. Ilajoute que Meissa Waly Mané a, à son tour, décidé d’honorer le grand sage des Lamanes, Diamé Ngom Fadial en le désignant comme Grand Djaraf. C’est à partir de ce pacte qu’est né la royauté sérère et le grand royaume du Sine. Dans la royauté du Sine, le grand Diaraf était une sorte d’adjoint, le président de l‘Assemblée nationale si l’on se réfère à la nomenclature actuelle. Depuis cette date, tout roi du Sine est intronisé par le grand Djaraf.
Par ailleurs, une autre version donnée par les habitants de Mbissel, notamment par le chef du village et le conservateur du mausolée, indique que Mansa Waly Mané, venant du Gaabou, a trouvé à Mbissel une reine du nom de Siga Badial. C’est cette femme qui avait des pouvoirs mystiques qui avaient vu en lui le futur souverain du Sine. Meissa Waly Mané, disent-ils, a réussi à juger un très vieux conflit qui opposait deux habitants de Mbissel.
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REPENSER LA LUTTE CONTRE LES INONDATIONS
EXCLUSIF SENEPLUS - Macky Sall abandonne-t-il l'audit du plan décennal ? Comment organiser la distribution des 3 milliards destinés aux sinistrés ? Abdoulaye Cissé s'interroge et souhaite un usage judicieux des eaux en cours de pompage (wolof)
Le dernier discours de Macky Sall sur les inondations, n'est pas rassurant, estime Abdoulaye Cissé. A en croire ce dernier, le président donne l'impression de vouloir abandonner les audits du plan décennal de lutte contre les inondations piloté en son temps par Mansour Faye, aussi pointé du doigt pour sa gestion de la distribution des vivres suite à la crise du coronavirus. '' Le chef de l'Etat refuse de se prononcer sur les audits du plan décennal de lutte contre les inondations parce que peut être, connait-il déjà les principaux responsables de ce scandale financier'', avance le journaliste. Selon lui, la distribution des 3 milliards de FCFA risque d'être plus compliquée que celle de l'aide alimentaire de la force Covid-19, même si pour cette fois-ci, l'Etat a opté pour des transferts d'argent.
Par ailleurs, le chroniqueur de SenePlus propose de mieux rationaliser les eaux de pluies actuellement en cours de pompage, plutôt que de les déverser dans la mer.
J’AI EU ENVIE DE ME SUICIDER
Dans l’affaire DSK, Nafissatou Diallo est convaincue que justice n’a pas été rendue. Cette dame, qui avait accusé le patron du FMI d’agression sexuelle, revient dans Paris Match sur cet épisode qui a bouleversé sa vie
Dans l’affaire DSK, Nafissatou Diallo est convaincue que justice n’a pas été rendue. Cette dame, qui avait accusé le patron du Fmi d’agression sexuelle, a accordé une interview au magazine Paris Match dans laquelle elle revient sur cette affaire qui a bouleversé sa vie. Nafissatou Diallo, qui confie avoir été traitée de «prostituée» et accusée d’avoir piégé DSK, déclare avoir eu «envie de se suicider».
Neuf ans après l’affaire DSK, Nafissatou Diallo a accordé une interview à Paris Match. Dans l’entretien accordé à ce magazine français, l’ex-femme de chambre, qui avait accusé Dominique Strauss-Khan d’agression sexuelle dans un hôtel à New York, revient sur cette histoire qui a bouleversé sa vie. Soutenant qu’elle a dit la vérité dans cette affaire, Nafissatou Diallo déclare qu’elle a été «piégée et trahie». Dans les colonnes de ce magazine, cette femme d’origine guinéenne déclare avec amertume : «Si c’était à refaire, je referais exactement pareil. Ce qui est arrivé m’est tombé dessus. Je ne me remettrai jamais de la façon dont les procureurs de New York m’ont traitée.
A cause de ce qu’ils m’ont fait subir, j’ai eu envie de me suicider. J’ai été traitée de prostituée.» Mme Diallo n’en veut pas seulement aux procureurs, mais aussi aux inconnus qui croient que c’est un complot qu’elle a orchestré pour de l’argent. A ce propos, elle raconte : «J’ai été submergée de lettres, d’inconnus le plus souvent, qui me parlaient comme si j’avais touché le jackpot et me demandaient de l’argent. Certains m’accusaient d’avoir piégé DSK, de l’avoir fait chanter. Il y a eu tout un tas de théories du complot…» Racontant les moments difficiles qu’elle a vécus pour avoir accusé d’agression sexuelle DSK à l’époque Directeur général du Fmi, Nafissatou Diallo informe avoir été obligée de déménager. «J’ai dû quitter mon appartement pour emménager dans un immeuble sécurisé en dehors de New York», a-t-elle confié dans Paris Match.
Les poursuites contre DSK avaient été abandonnées au pénal, et un accord financier avait été conclu au civil. Même si le montant exact n’est pas connu, la somme tournerait autour d’un peu plus d’un million de dollars Us. Estimant que sa vie a été «gâchée», Nafissatou Diallo soutient que cette affaire a pris cette tournure parce que DSK «avait de l’argent et du pouvoir». «Je vous assure que s’il avait été pauvre, à la rue, un clochard, il serait aujourd’hui en prison», a-t-elle dit.
Par ailleurs, répondant à la question qu’avez-vous à dire à DSK, Nafissatou Diallo déclare : «Je n’ai pas envie de savoir ce qui lui arrive. Je ne veux plus penser à lui.» S’agissant de comment elle voyait l’avenir, Mme Diallo qui confie que «ce qui s’est passé a été dévastateur» pour elle et sa fille, envisage de créer une fondation pour venir en aide aux personnes qui ont vécu la même situation. «Je veux créer une fondation dont j’ai déjà le nom en tête pour aider les femmes qui, comme moi, sont arrivées en Amérique sans éducation, sans même parler la langue, et qui ont vécu des situations horribles. […] Je ne m’étais jamais considérée comme une militante féministe, mais je veux que ce qui m’est arrivé serve aux autres», a-t-elle fait savoir.
LES CAMIONNEURS HYDRO-CUREURS RECLAMENT LEUR IMPLICATION
C’est une véritable mafia et, souvent, ce sont des escrocs qui viennent faire de la sous-traitance avec nous à des prix misérables
Les membres de l’Association des acteurs de l’assainissement du Sénégal ont fait face à la presse hier, pour se prononcer sur les difficultés qu’ils rencontrent en cette période des inondations qui frappent la banlieue dakaroise.
Sidy Bathily, porte-parole de la structure, ne cherche pas loin pour décrire la situation «catastrophique» que lui et ses collègues vivent. «Aujourd’hui, la banlieue vit une situation chaotique qui demande l’appui de toutes les forces vives de la Nation. Et notre association, en de pareilles circonstances, met à la disposition de l’Etat toute ses compétences et son expérience, mais aussi ses moyens humains et matériels, pour appuyer le plan Orsec dans son combat ponctuel de sortir des populations des eaux», a laissé entendre M. Bathily. Ce dernier, en présence des membres de la structure, a salué la décision du chef de l’Etat d’injecter à nouveau 10 milliards pour lutter contre les inondations et soulager les impactés de ces intempéries. «Mais ces milliards doivent être utilisés judicieusement et gérés correctement, pour atteindre les objectifs escomptés», suggère Sidy Bathily.
Lors de cette rencontre de l’Association des acteurs de l’assainissement du Sénégal, le porte-parole de la structure a attiré l’attention de l’Etat sur les agissements de certaines personnes qui n’auraient «aucun camion et qui parviennent à obtenir des marchés auprès de l’Etat». «C’est une véritable mafia et, souvent, ce sont des escrocs qui viennent faire de la sous-traitance avec nous à des prix misérables. Et si aujourd’hui beaucoup de localités de ce pays sont toujours sous les eaux, c’est à cause de ces gens là. L’Etat doit définir des critères objectifs pour l’attribution de ces services de pompage.» Ainsi, ces acteurs réunis autour de l’Association des acteurs de l’assainissement du Sénégal ont décidé de mettre un terme à tout ça jusqu’à ce que cette situation qu’ils déplorent soit réglée.
Toutefois, ces professionnels de l’assainissement soutiennent qu’ils sont prêts à travailler directement avec l’Etat. «Nous allons mettre à la disposition du plan Orsec nos camions pendant toute une journée pour soulager certains quartiers et cela est notre contribution», déclare encore le porte-parole Sidy Bathily.
LE COURS DU PROFESSEUR THIARÉ
Dans cet entretien à cœur ouvert avec Le Quotidien, le recteur de l’université Gaston Berger de Saint-Louis évoque la situation compliquée que traverse l’institution
Dans cet entretien à cœur ouvert avec Le Quotidien, le recteur de l’université Gaston Berger de Saint-Louis évoque la situation compliquée que traverse l’institution. Déterminé à faire appliquer le plan de reprise graduelle des cours retenu par l’Assemblée de l’Université, car pour lui il ne saurait en être autrement sous peine de transgresser les règles de fonctionnement de l’université. Il invite les étudiants à lever leur mot d’ordre de grève, à retourner dans les amphis pour ensuite poursuivre les négociations afin de sauver l’année. Pour le Pr Ousmane Thiaré, l’université ne peut pas être un espace de non droit où une communauté exerce la violence sur les autres. Toutefois, il écarte pour le moment tout recours à l’usage de la force pour faire reprendre les enseignements.
Quelle analyse faites-vous de la situation qui prévaut en ce moment à l’Ugb avec la reprise avortée du 1er septembre ?
L’université Gaston Berger de Saint-Louis avait prévu sa rentrée le 1er septembre passé. Une des composantes de l’université que sont les étudiants n’a pas répondu à l’appel parce qu’ils disent ne pas être d’accord sur les décisions prises par l’Assemblée de l’Université.
Pouvez-vous revenir sur les décisions fortes prises par l’Assemblée de l’Université pour définir les modalités de la reprise ?
Le président de la République avait pris la décision de fermer les universités le 14 mars et dès le lendemain ou deux jours après, nous avons pris un arrêté pour demander à nos enseignants d’essayer de poursuivre les cours en ligne pour faire en sorte qu’il y ait un maintien du lien pédagogique avec les étudiants. Nous l’avons fait avant que le ministre ne nous demande de le faire. Sur ce plan-là, il y a eu beaucoup d’avancées, il y a des Ufr qui ont vraiment évolué dans les enseignements, notamment l’Ufr 2S dont les cours sont presque terminés. Il ne leur reste qu’à faire les évaluations. Ça, ce sont des choses qu’il faut noter dans le bon sens.
Ensuite, quand nous sommes arrivés au mois de mai, nous avons mis en place à l’Ugb, une commission sanitaire dont la composition est large et inclusive. Elle comprend à la fois des membres du Rectorat, des médecins du Rectorat et du Crous, des syndicats d’enseignants et du Personnel administratif, technique et de services (Pats), les étudiants étaient aussi représentés. Cette commission était dirigée par le professeur Ndèye Méry Badiane qui est enseignante-chercheure chez nous, spécialiste des maladies infectieuses et qui dirige le Comité régional de lutte contre la pandémie dans la région Nord.
Avec cette commission sanitaire, l’objectif c’était de nous donner des recommandations sur le retour en présentiel, de mettre en place un protocole sanitaire sur lequel nous devions nous baser pour reprendre en présentiel. Cette commission a tenu plusieurs réunions, moi-même j’ai participé quasiment à toutes les réunions organisées par la commission.
A partir du moment où nous devions définir les modalités de reprise en présentiel, il fallait surtout travailler avec le Crous pour voir le nombre de lits disponibles parce qu’il fallait aussi prendre en compte le respect des mesures de distanciation physique. Le Crous nous a dit que pour une reprise en présentiel sécurisée, il fallait faire revenir dans un premier temps 4500 étudiants, ce qui représente 38% des effectifs. A partir de ce moment nous avions demandé à toutes les Ufr de se réunir et de faire venir 38% de leur effectif. Il appartenait à ce moment à chaque Ufr de définir les cohortes qu’il faut faire revenir les unes après les autres.
Dans ce protocole, chaque Ufr a défini un plan de reprise très clair qui ne laisse aucun niveau en rade et qui est basé sur le niveau d’avancement avant l’arrivée de la pandémie. C’est ce qui a été fait. Ensuite, nous avons pris tous ces plans de reprise et avons tenu l’Assemblée de l’Université dans laquelle nous avons eu une discussion pendant 7 heures sur le sujet. Au cours de cette Assemblée de l’Université, des mesures ont été prises. L’Assemblée de l’Université a décidé de suivre les recommandations de la commission sanitaire, de faire revenir 4500 étudiants dans un premier temps, et en même temps aussi de continuer les cours en ligne pour les niveaux dont le retour en présentiel n’était pas encore envisagé, c‘est important de le souligner.
Parmi les autres mesures que nous avons mises en place, nous avons installé une commission en interne composée par les directeurs de la Scolarité et le chef du Service pédagogique dirigé par le professeur Baal dont le rôle était de discuter avec le Crous pour rendre les programmations fluides parce que ce sont des cohortes qui viennent les unes après les autres et qu’il va falloir faire un travail huilé.
Le ministre nous a aussi remis 74 000 masques que nous allons distribuer à tout le personnel y compris les étudiants. Nous avons aussi identifié des salles de tri au Crous et au Rectorat pour la prise en charge des cas suspects. Nous avons désinfecté le Crous, desinsectisé et désherbé. Tout était donc fin prêt, mais malheureusement nous n’avons pas pu démarrer les activités pédagogiques.
Que répondez-vous aux étudiants qui disent n’avoir pas été associés à l’élaboration du plan de reprise ?
Moi je suis vraiment étonné par cette question pour une simple raison, dans toutes les instances de décisions de l’université Gaston Berger de Saint-Louis, les étudiants sont représentés. Souvent la question sur laquelle on discute, ce sont les questions pédagogiques. Dans les questions pédagogiques, le processus part d’abord de la section, ensuite les conseils d’Ufr et l’Assemblée de l’Université, et dans toutes ces instances les étudiants sont représentés et ont une voix.
Les étudiants disent être ouverts au dialogue. Ils ont d’ailleurs proposé leur propre plan de reprise. En avez-vous eu connaissance et comment avez-vous accueilli leurs propositions ?
Personnellement, j’ai reçu ce plan de reprise des étudiants. C’est un courrier qui m’a été adressé au même titre qu’aux directeurs d’Ufr. Et dans mon rôle de recteur quand je l’ai reçu, je l’ai envoyé, je l’ai fait suivre à tous les directeurs d’Ufr parce que simplement il faut comprendre que ce sont des questions pédagogiques sur lesquelles les Ufr ont une large autonomie. Il ne m’appartient pas en tant que recteur de juger dans un sens ou dans un autre le plan de reprise. C‘est pourquoi avant même que le plan de reprise ne me soit proposé j’ai demandé aux directeurs d’Ufr de rencontrer les délégués des étudiants dans les Ufr. Ces rencontres devaient permettre d’expliquer aux étudiants le plan de reprise retenu par l’Assemblée de l’Université, mais de les rassurer aussi pour leur dire que tout est mis en œuvre pour sauver l’année universitaire.
Les enseignants sont engagés, le personnel administratif est là, tout le monde est engagé pour vraiment faire en sorte que l’année universitaire soit sauvée à l’université Gaston Berger de Saint-Louis. Je peux comprendre les inquiétudes des étudiants sur le plan de reprise mais moi je leur ai dit que des discussions peuvent bien avoir lieu mais pendant ce temps, il faut lever le mot d’ordre, rejoignez les salles de classe, les amphithéâtres et continuez les discussions. Chaque Ufr a proposé un plan de reprise, s’il s’avère que dans ces plans de reprise, il peut y avoir des réaménagements, moi, je suis convaincu que les Ufr vont se réunir pour les apprécier, l’université a toujours fonctionné comme ça.
D’ailleurs si nous regardons les plans de reprise, il y a des Ufr qui ont fait des programmations jusqu’au mois de janvier. Rien n’est fermé mais aujourd’hui on est en train de tout perdre. On a fait 10 jours de grève et c’est vraiment au détriment des étudiants.
On vous a entendu dire que les délibérations de l’Assemblée de l’Université sont applicables à tous, même si les étudiants avaient exprimé leur désaccord par rapport au plan de reprise adopté. Cela veut-il dire que vous ne reviendrez pas sur la décision de faire reprendre les cours graduellement ?
Il faut que les gens comprennent le mode de prise de décisions à l’université Gaston Berger. A l’université l’instance suprême c’est l’Assemblée de l’Université. Quand il y a des questions pédagogiques, ce n’est pas le recteur qui les traite. Les questions pédagogiques sont traitées à partir des Ufr. Donc, le processus part des sections en passant par les conseils d’Ufr pour aboutir à l’Assemblée de l’Université. Mais une fois que les décisions sont prises, le recteur est membre de l’Assemblée de l’Université mais j’ai des compétences libres, je n’ai qu’une seule voix à l’Assemblée de l’Université. Moi, mon rôle quand les décisions sont prises à l’Assemblée de l’Université, c’est de les mettre en œuvre. Maintenant, dans la mise en œuvre si l’on se rend compte qu’il y a des difficultés, si l’on se rend compte qu’il y a des réaménagements à faire, moi je suis persuadé comme je l’ai dit que les Ufr vont apporter les corrections.
Sur ce plan-là, il n’y a pas d’ambiguïté, si vous voulez savoir si les décisions sont bonnes ou pas il faut démarrer l’exécution, exécutons d’abord. Vous démarrez d’abord l’exécution de ces décisions et ensuite on fait l’évaluation. Mais vous ne pouvez pas dire que vous n’êtes pas d’accord, vous ne reprenez pas les cours et vous voulez négocier avec l’administration. Mais dire que le recteur doit revenir sur les décisions de l’Assemblée de l’Université, c’est ne pas connaître le mode de fonctionnement des organes de l’université.
Beaucoup d’observateurs considèrent que si cette situation perdure, l’Ugb va perdre son statut d’université d’excellence. Est-ce votre sentiment ?
L’université Gaston Berger garde encore son label d’excellence malgré tous les soubresauts, malgré toutes les difficultés que nous avons de temps en temps. Nos étudiants sont bien formés, ils s’insèrent bien dans le marché du travail, dans les concours nationaux ils nous donnent beaucoup de satisfaction. Maintenant comme vous le savez, s’il y a des perturbations de temps en temps, ça peut affecter de façon négative les performances de l’université. Ça, nous ne le souhaitons pas. Nous avons des acquis et je pense que ces acquis devront être préservés pour que l’université Gaston Berger continue d’être une université d’excellence.
Peut-on en arriver à ce que vous demandiez à l’Etat de vous donner les moyens de faire reprendre les cours pour les étudiants qui le désirent, par la réquisition des Forces de l’ordre, par exemple ?
Ce que vous êtes en train de dire c’est une loi qui date du 24 novembre 1994. C’est la loi sur les franchises et libertés universitaires. Dans cette loi, il y a deux dispositions, notamment les articles 4 et 5, qui définissent dans quelles conditions le recteur peut faire intervenir les Forces de l’ordre. Il est dit dans cette loi que le recteur, avant de faire intervenir les Forces de l’ordre, doit demander l’avis de l’Assemblée de l’Université, doit réunir l’Assemblée de l’Université. Et dans certaines conditions l’Assemblée de l’Université peut être réunie en formation restreinte.
Dans l’autre disposition, il est dit qu’en cas d’urgence, le recteur peut faire intervenir les Forces de l’ordre mais il doit informer sans délai l’Assemblée de l’Université. Moi je ne souhaite pas qu’on en arrive là, l’université est un lieu de pensée intellectuelle, de réflexion, pas un lieu où il doit y avoir de la violence. C’est quelque chose qu’il faut bannir.
Nous avons connu la violence, il y a deux ans. Nous avons quand même réussi à stabiliser les choses et depuis un moment on n’a pas entendu de problème à l’université Gaston Berger. Nous avons eu la chance aussi avec toutes les composantes de l’université de stabiliser le calendrier universitaire. S’il n’y avait pas la pandémie, nous aurions fini le premier semestre au mois de mars.
Avec cette grève, le planning risque d’être chamboulé. Quelles alternatives vous pourrez proposer ?
Nous avons perdu 10 jours de grève aujourd’hui et cela représente beaucoup d’heures de cours. Les enseignants et le personnel administratif sont engagés, un enseignant me disait hier qu’on peut même programmer ses cours à partir de 7 heures du matin. C’est pour vous montrer le degré d’engagement des enseignants parce que nous avons perdu une année en 2018-2019, on ne peut pas se permettre d’en perdre une autre. Mais aussi à l’endroit des étudiants, ils doivent comprendre que l’année universitaire n’est pas extensible à souhait. On a un calendrier défini, nous devons penser à l’année universitaire 2020-2021 et nous devons accueillir de nouveaux bacheliers dans de bonnes conditions. Ils sont d’égale dignité par rapport aux étudiants qui sont là.
Par Adama Samaké
CONTRIBUTION AU DEBAT SUR LA STATUE DE FAIDHERBE
Le déboulonnage de la statue de Louis Faidherbe participe de ce processus de fidélité à soi, de reconstitution du chapitre inconscient notre histoire, de la mémoire indispensable à l’élaboration des ruptures fondatrices
L’assassinat de l’Afro-américain George Floyd le 25 Mai 2020, au cours de son arrestation par un policier Blanc à Minneapolis (aux USA),a suscité une vague d’indignations, mais surtout une bataille mémorielle dans le monde; bataille qui se manifeste par la vandalisation et/ou le déboulonnage des statues des esclavagistes et des colons. Si en France le Président Emmanuel Macron s’est voulu ferme lors de son allocution du 14 juin 2020, en ces termes : « La République n’effacera aucune trace ni aucun nom de son histoire. Elle n’oubliera aucune de ses œuvres. Elle ne déboulonnera pas de statue. Nous devons plutôt lucidement regarder ensemble toute notre histoire, toutes nos mémoires », au Sénégal toutefois, la statue de l’ancien gouverneur Louis-Léon César Faidherbe est l’objet d’une vive polémique. Thierno Dicko (un blogueur) y voit un « symbole de domination et de l’aliénation du peuple sénégalais » parce que « l’appropriation des noms des rues et les statues érigées sont des expressions du pouvoir dominant des colons » i . Serigne Saliou Gueye estime qu’ « il faut ajouter à la mémoire coloniale une nouvelle mémoire nationale plutôt que d’empêcher la pluralité des regards » ii. Une campagne dénommée « Faidherbe doit tomber » est initiée par un collectif de jeunes activistes. Boubacar Boris Diop a signé une tribune au titre très expressif : « Faidherbe ou la fascination du bourreau » iii. Le maire de Plateau Alioune Ndiaye a proposé de susciter une réflexion collective sur la rebaptisation des noms des rues par l’entremise d’une commission. Cette polémique suscite une vaste interrogation : qu’est-ce qu’une statue ? Quelle peut être son importance dans une société ? Quelles sont les statues nécessaires pour un peuple, le peuple africain en particulier ? Le déboulonnage est-il un reniement de l’histoire ?
De l’importance d’une statue
Selon le dictionnaire numérique wikipédia, « une statue est un ouvrage en trois dimensions (ronde-bosse), sculpté ou moulé, représentant en entier un personnage ou un animal, réalisé dans divers matériaux (pierre, bois, plâtre, terre, métal, plastique…). Elle est la constituante de l’art statuaire (appelé aussi « la statuaire »)iv. Cette approche définitionnelle autorise à dire que la statue est un moyen de production et de consolidation du capital culturel d’un peuple, parce que toute sculpture est culturelle. Elle participe de l’esthétique d’une communauté. Gérald Arnauld, dans « La sculpture comme culture », soutient à juste titre que l’art moderne lui doit presque tout et qu’elle (la sculpture) est « un art encore très vivant, dont l’ingéniosité fabuleuse a su transgresser les différences ethniques et les frontières au nom d’une passion démesurée pour la beauté et l’expressivité »v . La culture étant une organisation spirituelle, un ensemble complexe de représentations, de jugements idéologiques, de sentiments et d’œuvres de l’esprit qui se transmettent à l’intérieur d’une communauté, la statue traduit alors un art de vivre. Elle incarne des principes. Elle est la métaphore d’une empreinte intellectuelle et donc d’un discours, parce qu’elle se veut schème de pensée. En Afrique, elle est très souvent liée au rituel. Ainsi, elle a un fondement religieux, social, magique… comme le masque. Il en découle que les statues sont des institutions en Afrique. Elles sont des lieux de mémoire et constituent, au demeurant, une narration de son histoire. Car au sens hegeliano-marxiste, l’histoire se définit comme l’évolution progressive des institutions socio économico politiques et culturelles. L’histoire se présente comme un projet épistémique, parce qu’elle a pour essence le combat d’idéologies. Les statues sont, par conséquent, des discours orientés par lesquels les peuples cherchent à exprimer des valeurs culturelles et civilisatrices.
La statue de Faidherbe : une incomplétude manifeste de la décolonisation
Baptiser une statue, une rue un bâtiment est un fait idéologique ; idéologie entendue selon l’acception de Pierre Ansartvi, c’est-à-dire un discours orienté par lequel une passion cherche à réaliser une valeur. C’est pourquoi, au fronton de la statue de Faidherbe, peut-on lire : « A son gouverneur Louis Faidherbe, le Sénégal reconnaissant ». La reconnaissance se fondant sur un sentiment qui pousse à éprouver un bienfait reçu et à se sentir redevable, cette inscription incite à entreprendre une lecture rétrospective de l’histoire de Faidherbe au Sénégal, pour une juste appréciation de la hauteur de ses actes. Quand on mène cette démarche, on s’aperçoit que Faidherbe est un personnage historique et symbolique.
En effet, Louis Léon César Faidherbe, « né le 3 juin 1818 à Lille et mort le 22 septembre 1889 à Paris est un militaire, administrateur colonial, principalement du Sénégal (1854-1861 et 1863-1865) et un homme politique français (…) Le 16 décembre 1854, il fut nommé gouverneur de la colonie (…) Il jeta les bases de la future Afrique-Occidentale-Française (…) et fut le créateur du port de Dakar (…) L’histoire critique de Faidherbe reprend les faits pour le présenter comme un militaire de l’époque qui revendique la violence légitime à défendre les intérêts français par les armes et la colonisation »vii.
En Afrique, Faidherbe est reconnu comme l’auteur de conquêtes coloniales sanguinaires. La pacification du Sénégal qu’il entreprit fut le lieu de pillages, de massacres, d’assassinats et de viols. Le professeur Iba Der Thiam parle de 20 000 morts, et ce en huit mois. C’est dire que Faidherbe est une personnalité essentielle de l’histoire franco sénégalaise dans ce qu’elle a de violence déshumanisante et criminelle, un symbole fort de la colonisation française en Afrique de l’ouest. Or, Frantz Fanon mentionne l’essence destructrice du colonialisme dans son œuvre célèbre Les Damnés de la terre : « Parce qu’il est une négation systématisée de l’autre, une décision forcenée de refuser à l’autre tout attribut d’humanité, le colonialisme accule le peuple dominé à se poser constamment la question : ‘‘Qui suis-je, en réalité’’ ? »viii. Guerre culturelle, la colonisation, par la négation des cultures autres, pose le problème de l’aliénation des peuples. L’aliénation se traduit par l’auto négation, et la fascination de l’autre. Elle incarne un dysfonctionnement parce qu’elle engendre une double personnalité et un comportement embrouillé, « un être dépossédé de son idéal de soi »ix selon les termes de Marc Maesschalck, « des êtres en écart perpétuel » x pour suivre Achille Mbembe. Par conséquent, la statue de Faidherbe est une expression flagrante d’une aliénation culturelle entendue comme distance objective entre le moi sénégalais et les signes culturels qui le déterminent. Elle sous-tend une injustice épistémique qui, selon Rajeev Bahargava, « survient quand les concepts et les catégories auxquels un peuple se comprend lui-même et comprend son univers sont remplacés ou affectés par les concepts et les catégories des colonisateurs » xi. Elle est, au demeurant, une représentation de la subalternisation qui manifeste un rejet de l’égalité des êtres par le refus de la variété épistémique.
Autrement dit, elle est un motif de la colonialité (appelé également « patron colonial du pouvoir » ou encore « matrice coloniale du pouvoir ») telle que forgée par le sociologue péruvien Anibal Quijano en 1994 pour nommer les rapports de pouvoir et de domination que cache la modernité occidentale ; c’est-à-dire l’envahissement de l’imaginaire occidental dans le reste du monde. C’est le lieu de rappeler qu’Anibal Quijano souligne cinq dominations comme levains de la dépossession et de l’élaboration de la matrice colonial du pouvoir : la privatisation des terres et leur exploitation, les contrôles de l’autorité, du genre et de la sexualité, de la subjectivité par la foi chrétienne, de la connaissance et enfin de la nature et de ses ressources. Pour lui, l’énonciation sert de lien entre ces dominations. Elle spécifie les catégories sociales et les principes épistémologiques.
En outre, l’inscription « A son gouverneur Louis Faidherbe, le Sénégal reconnaissant » marque « la différence coloniale » : terme du groupe de recherche Modernité/Colonialité/Décolonialité (MCD) qui fait allusion à la mise en place et la pratique de critères de distinction et de hiérarchisation mettant ‘‘l’homme européen’’ au sommet et conférant aux sujets colonisés le statut d’inférieur. Cela revient à dire qu’elle implique la notion de « l’empire-monde » développée par Immanuel Wallerstein que Alain Bihr explique ainsi : « Ce qui caractérise un empire-monde, c’est qu’il est politiquement unifié et que son unité est essentiellement politique : il résulte de l’intégration et de la subordination des différentes unités qui le composent dans et par une même structure impériale, un même pouvoir d’Etat, aux lourds et puissants appareils militaires, administratifs, etc. Cette unification politique se double quelquefois d’une certaine uniformatisation culturelle »xii. En somme, la statue de Faidherbe et son inscription sont un viol de l’imaginaire (Aminata Dramane Traoréxiii), un vol de l’histoire (Jack Goodyxiv), une perversion de la dialectique et de la rhétorique rendant l’universalité impériale. Elles posent la problématique de la survivance identitaire des cultures minoritaires et incite à la désobéissance épistémique.
Le déboulonnage, une désobéissance épistémique
La décolonialité est un concept créé par Walter Mignolo, un universitaire américain d’origine argentine pour signifier une philosophie de la libération fondée sur un ensemble d’idées nécessaires dans le combat contre toute forme de colonialité. Elle s’adosse à une question essentielle : comment sortir des paradigmes inégalitaires qui consacrent la prédominance des plus forts sur les plus faibles ? C’est donc une contre-poétique de la colonialité qui entend trouver des alternatives à la modernité. En d’autres mots, la décolonialité est une idéologie futuriste fondée sur la transmodernité, la pluriversalité. Walter Mignolo affirme à juste titre : « La décolonialité n’est pas une pensée de gauche mais bel et bien une pensée décoloniale ; ce qui signifie qu’elle est surtout ‘‘une pensée autre’’ détachée de l’idéologie moderne des Lumières »xv. Il continue en précisant le contenu sémantique de la pluriversalité en ces termes : « Pluriversalité signifie construire un monde transmoderne dans lequel les différences coloniales et impériales seraient déjà supprimées »xvi. Ainsi conçue comme un moyen de sortir de la grande nuit de la déraison coloniale, la décolonialité s’investit dans la valorisation des imaginaires du Sud. Elle est une désobéissance épistémique ;d’où la formulation du titre de son célèbre ouvrage : La désobéissance épistémique. Rhétorique de la modernité, logique de la colonialité et grammaire de la décolonialité (Bruxelles, Peter Lang, 2015). L’organisation rationnelle de ce qui reste de la culture africaine est l’étape primordiale de la désobéissance épistémique qui est consubstantielle à la désaliénation. Le déboulonnage des statues participe de cette logique. Il implique que les statues peuvent et doivent jouer un rôle cathartique des consciences individuelles et collectives.
Ainsi elles seront une source de liberté. Car elles permettront aux hommes d’avoir la maitrise de leur histoire et d’éviter les dangers d’une persécution de la vérité historique et d’une fragmentation de l’identité. Il ne s’agit pas d’instaurer une radicalité identitaire. Mais d’entreprendre un tri dynamique de sorte à « produire une nouvelle parole qui dise nos espoirs comme nos illusions »xvii et favoriser une meilleure appréhension des réalisations et des actes majeurs dans l’expression pleine du peuple. « Il s’agit surtout de ne plus se poser en victimes de l’Histoire, mais en Sujets de sa propre histoire » xviii.
Alors, les statues participeront au processus de redécouverte de notre âme qui rencontre, enrichit irréversiblement la mer Humaine et seront une réponse cinglante au positionnement idéologique erroné à l’instar du discours de Nicolas Sarkozy le 26 juillet 2007 à l’université Cheikh Anta Diop : « Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire (…) Le problème de l’Afrique et permettez à un ami de le dire, il est là. Le défi de l’Afrique, c’est d’entrer davantage dans l’histoire. C’est de puiser en elle l’énergie, la force, l’envie, la volonté d’écouter et d’épouser sa propre histoire ». C’est pourquoi, il faut saluer l’initiative prométhéenne du président Abdou Diouf et de son ministre Makhily Gassama qui ont fait construire, en octobre 1986, le mausolée Lat-Dior sur son ultime champ de bataille. C’est un acte de résilience mentale et psychique qui permet de relever le capital social en fortifiant le capital humain. Il en résulte que déboulonner la statue de Louis Faidherbe n’est pas un reniement de notre passé. Mais une dénonciation de ce qu’il a d’inhumain. Cela se présente comme un impératif catégorique, en cette période de célébration de « La décennie internationale des personnes d’ascendance africaine (2015- 2024) » proclamée en décembre 2014 par l’ONU en Assemblée générale, dans sa résolution 68/237. Pour paraphraser l’ex-maire de Bordeaux Alain Juppé qui tentait de justifier le gel de la décision de baptiser une rue du nom de Frantz Fanon, suite aux manifestations d’internautes et de sympathisants du Rassemblement National (ex Front National) qui lui reprochaient ses positions tranchées sur la colonisation et ses liens avec le Front de Libération Nationale (FLN), la dénomination de nos rues et la construction de nos statues doivent être l’occasion de rendre hommage à des personnalités qui incarnent des valeurs partagéesxix. Aussi voudrions-nous, à ce stade de cette réflexion, saluer la hauteur d’esprit de Jean Dard, le premier enseignant officiel français qui a ouvert la première école le 7 mars 1817 à Saint-Louis. Il apprit d’abord le Ouolof, rédigea un syllabaire et une grammaire Ouolof avant de commencer son enseignement dans la langue maternelle des élèves. Nonobstant les résultats de qualité, une dépêche du gouverneur Jubelin en date du 20 mars 1829 interdit l’usage du Ouolof et imposa une réforme de l’enseignement qui allait séparer les élèves de leur milieu afin de faire du français leur langue première. Cette réforme, faut-il le rappeler, est le point de départ de la politique d’assimilation et la raison de la non apparition de littératures écrites en langues africaines. En définitive, le déboulonnage des statues est un « détachement épistémique » (Anibal Quijano), une « libération épistémique » (Enrique Dussel), un « détachement épistémologique » (Walter Mignolo) qui consiste à construire « la déclosion du monde » (Frantz Fanon) pour préparer « le rendez-vous du donner et du recevoir » (Senghor) pour faire naitre « le tout-monde » (Edouard Glissant).
Penser le jour luminescent de la périphérie, afin de favoriser une synergie de relations franches entre les peuples exige une révolution des consciences telle que définie par la Birmane Aung San SuuKyi : « La révolution par excellence est celle de l’esprit, issue de la conviction intellectuelle qu’il est indispensable de changer les attitudes mentales et les valeurs qui façonnent le cours du développement d’une nation »xx.
Le déboulonnage de la statue de Louis Faidherbe participe de ce processus de fidélité à soi, de reconstitution du chapitre inconscient notre histoire, de la mémoire indispensable à l’élaboration des ruptures fondatrices. C’est une faute historique et épistémologique que nos Etats africains subsahariens francophones érigent des statues en l’honneur de personnalités dont la violence et les atrocités sont avérées et reconnues. Les statues ne sont rien si elles ne sont pas vouées à la cause du peuple, si elles ne sont pas une part du peuple. Alors, bien chers compatriotes sénégalais, à la suite du poète, je voudrais dire : /Pincez tous vos Koras/Frappez les balafons/, très cher /Sénégal, toi le fils de l’écume du lion/Toi surgi de la nuit au galop des chevaux/ Rends-nous, oh ! Rends-nous l’honneur de nos ancêtres/.
i - cité par Clémence Cluzel, « Sénégal : ce vif débat autour des symboles coloniaux », https://lepoint.fr./afrique/senegal consulté le 06/08/2020 à 16h01 GMT.
iv - wikipedia.org/wiki/statue consulté le 03/08/2020 à 11h38 GMT
v - Gérald Arnauld, « La sculpture comme culture » in Africultures2003/3 (N°56), pages 41 à 48 https://doiorg/10.3917/afail.0560041 consulté le 03/08/2020 à 12h03 GMT.
vi - Pierre Ansart, La gestion des passions politiques, Paris, PUF, 1974.
viii - Frantz Fanon, Les Damnés de la terre, Paris, La Découverte & Syros, 2002, p. 240.
ix - Marc Maesschalck, « Préface : La désobéïssance épistémique comme ‘‘contre-poétique’’ décoloniale », in Walter Mignolo, La désobéïssance épistémique : rhétorique de la modernité, logique de la colonialité et grammaire de la décolonialité, Bruxelles, Peter Lang, 2015, pp. 9-22.
x - Achille Mbembe, Sortir de la grande nuit. Essai sur l’Afrique décolonisée, Paris, La Découverte, 2013, p. 16.
xi -Barghava Rajeev, « Pour en finir avec l’injustice épistémique du colonialisme » in Revue Socio, (en ligne), 1/ 2013, mis en ligne le 15 Mars 2014, URL : http//www.socio.revues.org/203, DOI : 10.4000/socio.203 consulté le 29 Novembre 2017.
xii - Alain Bihr, « ImmanuelWallerstein, Comprendre le monde. Introduction à l’analyse des systèmesmonde », dans revue Interrogations ?, n°7. Le corps performant, décembre 2008 [en ligne], http://www.revue-interrogations.org/ImmanuelWallerstein-Comprendre-le, consulté le 10 février 2019.
xiii - Traoré Aminata Dramane, Le viol de l’imaginaire, Paris, Librairie Arthème Fayard et Actes Sud, 2002.
xiv - Jack Goody, Le vol de l’histoire : comment l’Europe a imposé le récit de son passé au reste du monde, Paris, Gallimard, 2010.
xv - Walter Mignolo,La désobéisance épistémique. Rhétorique de la modernité, logique de la colonialité et grammaire de la décolonialité, Bruxelles, P.I.E. Peter Lang, 2015, pp. 51-52.
xvi - Idem, p. 54.
xvii - Les termes sont de Valentin Yves Mudimbe dans Le corps glorieux des mots et des êtres, Paris, Humanitas, 1994.
xviii - FelwineSarr,Afrotopia, Paris, Philippe Rey, 2016, p. 95.
Dakar était la capitale de l’Afrique Occidentale Française (Aof). Une capitale à la fois politique, administrative et économique. D’où la présence de nombreux hommes d’affaires, commerçants et coopérants étrangers qui s’y étaient installés en construisant ou en acquérant plusieurs immeubles et villas situés au centre-ville ou Dakar-Plateau.
Après l’indépendance, la plupart d’entre eux sont rentrés dans leurs pays d’origine. A défaut de vendre, ils avaient confié leurs biens immobiliers en location aux rares agences de l’époque : Hortala, Mugnier, Indépendance etc. Certains parmi eux sont décédés et n’ont pas laissé d’héritiers connus. Au bout d’un certain temps, ces biens immobiliers que personne n’est venu réclamer ont été déclarés vacants. S’ils n’ont pas été squattés purement et simplement…
L’affaire opposant les héritiers de feu Elie Kerkyras à l’agence Hortala n’est que l’arbre qui cache la forêt des immeubles vacants. En effet, au lendemain de l’Indépendance de notre pays en 1960, beaucoup d’hommes d’affaires, commerçants et coopérants français mais aussi grecs, espagnols, portugais et italiens installés à Dakar se sont progressivement retirés des affaires pour rentrer définitivement dans leurs pays respectifs.
A défaut de les vendre, certains les avaient confiés en location aux rares agences immobilières dakaroises de l’époque ayant pour noms Hortala, Régie Mugnier et Indépendance Immobilière. Beaucoup d’immeubles et de villas du centre-ville de Dakar appartenaient à ces Toubabs rentrés chez eux dont certains étaient d’un âge avancé. Dakar ayant été la capitale de l’Aof, ils étaient nombreux les industriels et hommes d’affaires européens à s’y activer dans l’industrie et les comptoirs du négoce aux multiples enseignes dont le souvenir est encore évoqué avec nostalgie par les rares survivants de cette époque bénie : Nosoco, Peyrissac, Printania, Vevi, Petersen, Bernabé, Martin & Frères, Chavanel, Bata, Singer, Wehbé, Comptoir Franco-suisse, Urbain Père & fils, Laetitia, Le Kermel, Soda-Afrique, Maurel & Prom, Etaperu, Jean Lefebvre, Sofra Tp, Adp, Aldo-Gentina, Manutention Africaine, Vezia, Vasquez Espinoza, Cfao etc.
Les gérants de ces entreprises et comptoirs commerciaux étaient aussi dans leur grande majorité des propriétaires d’immeubles et boutiques construits ou achetés en plein centre-ville de Dakar. Et précisément au cœur des quartiers traditionnels de Sandial, Lambinasse, Mboth, Diecko, Thieudeme, Niayes-Thioker, Rebeuss et Yakh Dieuf. Tandis que les coopérants français ou « toubabs » qui dispensaient des cours à l’Ucad et autres instituts, habitaient des quartiers ou cités comme Hock Sans fil, Cap Manuel, Château d’Eau, Gare ferroviaire, Cité Port, Bel-Air, Mermoz et Ouakam. Certains d’entre eux étaient propriétaires.
Demain, un service de renseignements fonciers ?
Après l’indépendance, donc, ces propriétaires immobiliers sont rentrés définitivement au bercail. A leur mort, ceux d’entre eux qui avaient des héritiers ont légué leurs biens à ces derniers qui les ont soit vendus soit confié à des agences immobilières ! Pour ceux d’entre eux qui n’ont pas eu d’héritiers ou dont les ayants droit ne se sont jamais manifestés, les immeubles ont été déclarés vacants au bout d’une période fixée par la loi. D’autres ont été squattés sans autre forme de procès. Ce qui a facilité la danse des vautours immobiliers. Un triste constat : de père en fils, certains agents et opérateurs immobiliers se sont autoproclamés propriétaires de ces immeubles à force de les avoir squattés sans droit ni titre pendant de très longues années. Ce fut le cas de l’immeuble appartenant à feu Elie Kerkyras. Un cas qui n’existe nulle part ailleurs qu’à Dakar. Car dans un Etat de droit, les biens vacants sont transférés à l’Etat qui en fait un usage d’intérêt général. Dommage que l’Etat du Sénégal ne soit pas regardant sur les biens vacants sans maîtres. Peut-être par manque de service de renseignements fonciers…
LES HERITIERS DE FEU ELIE KERKYRAS RECLAMENT 230 MILLIONS DE FRANCS A L’AGENCE HORTALA
L’Agence Hortala, aussi vénérable que discrète dans le paysage immobilier national, risque de se retrouver à son corps défendant sous les feux de la rampe.
L’Agence Hortala, aussi vénérable que discrète dans le paysage immobilier national, risque de se retrouver à son corps défendant sous les feux de la rampe. A cause d’un immeuble situé à la rue de Thiong et appartenant à un richissime commerçant grec décédé accidentellement en 1960. En effet, depuis la disparition de cet homme, il y a soixante ans, l’agence Hortala encaisse indument les loyers versés par les locataires. Durant ces six décennies, l’argent encaissé par l’agence est estimé à plus de 230 millions de nos francs. Finalement mis au courant de l’existence d’un bien immobilier laissé par leur défunt père au Sénégal, les héritiers de feu Elie Kerkyras ont porté plainte pour escroquerie et occupation illégale du bien d’autrui. Outre la restitution des fonds encaissés, les plaignants grecs réclament 100 millions de francs de dommages et intérêts. Contacté par « Le Témoin », le gérant de l’agence immobilière Hortala dit qu’il ne peut pas se prononcer sur une affaire pendante devant les tribunaux.
Le 29 août 1960, à l’aube de notre indépendance, le célèbre poète David Diop, connu pour son poème immortel « Afrique, mon Afrique », meurt dans le crash d’un avion d’Air France au large de Dakar. Parmi les 54 passagers victimes de ce terrible accident, outre le grand poète, figurait un grand commerçant grec établi à Dakar du nom d’Elie Kerkyras. Il était propriétaire d’un immeuble sis 10 rue de Thiong x Wagane Diouf à Dakar. De son vivant, il habitait dans cet immeuble tout en ayant donné en location le reste des appartements et magasins. Après sa mort et aucun héritier ou ayant droit ne s’étant manifesté, l’agence Hortala a réussi on ne sait comment à s’approprier l’immeuble du 10 rue de Thiong.
Après quoi, elle a sommé les locataires de venir désormais payer leurs loyers dans ses caisses. C’est ainsi que, depuis 60 ans — du moins selon les plaignants — l’agence Hortala « squattait » l’immeuble de feu Elie Kerkyras en percevant régulièrement mais indument les loyers. Il a fallu 60 ans pour que le pot aux roses soit découvert par les héritiers Kerkyras vivant en Grèce. D’où la plainte déposée par eux pour escroquerie et occupation illégale du domicile d’autrui à la Section de recherches de la gendarmerie de Colobane. Convoqués par les redoutables pandores, les responsables de l’agence Hortala n’auraient pas été en mesure de fournir le moindre droit de propriété encore moins un contrat de gérance les liant à la famille Kerkyras.
Coincés sous les « décombres », les Hortala s’étaient empressés de se débarrasser de l’immeuble incriminé. Ce qui laisse croire que pendant plusieurs années, ils s’occupaient de la gestion locative de cet immeuble sans droit ni titre. Aux yeux des héritiers grecs, cette affaire est un véritable scandale foncier et financier qui n’existe nulle part ailleurs qu’à Dakar. Et qui ne peut pas rester impuni ! En assignant l’agence Pierre Hortala devant les tribunaux, les héritiers disent avoir découvert récemment que leur défunt père, Elie Kerkyras, avait laissé entre autres biens à Dakar un immeuble dont ils sont aujourd’hui les propriétaires légitimes. Une légitimité dont atteste un état des droits réels en date du 24 avril 2020. Ces héritiers ne comprennent évidemment pas que, depuis le décès accidentel de leur père, l’agence Hortala ait encaissé frauduleusement les loyers dudit immeuble. A les en croire, les sommes indument récupérées sont estimées à plus de 230 millions CFA. Les fils Kerkyras demandent donc au tribunal d’ordonner la restitution des fonds et de condamner l’agence Hortala à leur payer la somme de 100 millions de francs à titre de dommages et intérêts.
M. Hortala, gérant : «Je n’en parle pas»
Pour la version de la partie incriminée, « Le Témoin » a réussi à joindre le gérant de l’agence Hortala. Confronté aux accusations, M. Hortala s’est montré évasif et nous a répondu en ces termes : « Monsieur (Ndlr : votre serviteur), vous dites que l’affaire est pendante devant les tribunaux, donc laissons la justice faire son travail ! Vraiment, je ne peux pas parler sur une affaire pendante devant les tribunaux… » a déclaré notre interlocuteur avant de raccrocher. L’affaire opposant les héritiers de feu Elie Kerkyras à l’agence Pierre Hortala a été évoquée le lundi 10 août dernier devant le tribunal de grande instance de Dakar statuant en matière civile et a fait l’objet de plusieurs renvois depuis lors.