Il y a quelques années, pour parler de la présence simultanée d’acteurs publics et privés dans l’enseignement supérieur, on utilisait le terme de coexistence. Mais dernièrement, la coexistence a progressivement laissé la place à la concurrencence
Les universités sénégalaises produisent des diplômés et des recherches qui peuvent être de grande qualité. Toutefois, ces établissements connaissent des difficultés plus ou moins importantes en fonction de leur structuration, de leur gouvernance ou encore de l’évolution globale du système d’enseignement supérieur et de recherche.
Ces difficultés résultent de la combinaison de plusieurs facteurs : l’accroissement du nombre d’étudiants, passé de 93 866 en 2012 à 190 145 en 2018, dont 35 % dans le privé ; la restructuration du marché de l’emploi ; les évolutions des législations et de l’environnement physique et social, etc.
On dénombre aujourd’hui huit universités publiques au Sénégal. Cette offre est complétée par les instituts supérieurs d’enseignement professionnel. Le premier, celui de Thiès, est déjà en fonctionnement ; les quatre autres sont prévus pour la rentrée 2020. À, cela s’ajoutent, selon la Direction générale de l’Enseignement supérieur (données d’enquête), plus de 300 instituts et universités privés. Ces derniers sont créés soit par des promoteurs nationaux ou étrangers, soit appartiennent à un réseau transnational, soit sont une filiale d’un établissement étranger. En somme, l’offre de formation demeure très éclectique et inégale, selon les territoires et les domaines disciplinaires. L’offre reste principalement concentrée à Dakar et dans les villes de Saint-Louis, Thiès, Ziguinchor. Les formations du tertiaire sont majoritairement dispensées dans les instituts privés, alors que les sciences humaines et sociales (SHS), les sciences et technologies ou encore la médecine sont présentes dans le public.
Le défi de la gouvernance des universités
Les universités publiques au Sénégal ont vu le jour autour des années 1960 avec l’ambition de se construire en rupture avec le modèle colonial. Des aménagements de programmes ont été tentés dans certaines facultés. Toutefois, le contexte économique et politique n’a pas toujours été favorable.
De plus, la gouvernance interne a fait parfois défaut et les recteurs, premières autorités de l’université, n’ont pas toujours su traduire en actes concrets les directives nationales. C’est là, parfois, la différence entre les universités publiques et entre le public et le privé.
Dans le dispositif des universités privées, en effet, la place de l’État est réduite à son strict minimum, à savoir les agréments pour l’ouverture, compte non tenu de la forte présence des enseignants des universités publiques pour faire exister certaines formations dispensées dans ces établissements privés, ainsi que les travaux de recherche qui y sont menés. Le mode de gouvernance des universités privées permet de renforcer leur présence sur le marché des formations tout en bénéficiant d’une souplesse plus adaptée à la rapide évolution des espaces de formation.
L’État sénégalais, […] n’a pas toujours une vision claire de la gouvernance des universités et des changements qui s’y produisent. »
Les universités publiques, de leur côté, doivent promouvoir leurs intérêts particuliers face à la concurrence nationale et internationale tout en assumant leur rôle de service public.
L’État sénégalais, malgré sa volonté affirmée d’améliorer le secteur ou d’éviter son enlisement, n’a pas toujours une vision claire de la gouvernance des universités et des changements qui s’y produisent. Le fait, par exemple, de vouloir orienter tous les bacheliers de 2019 vers des universités publiques sans étude prospective préalable en est une belle preuve. D’ailleurs, les universités ont elles vocation à accueillir tous les bacheliers, quel que soit leur projet professionnel ou de vie ?
De même, on peut considérer que l’assujettissement des recteurs au pouvoir politique et aux autres pouvoirs internes peut mettre à mal l’autonomie dans la gestion. On peut analyser les activités du personnel administratif technique et de service comme la résultante de leur dépendance vis-à-vis de l’autorité des recteurs. Cela est d’autant plus vrai qu’une bonne partie de ce personnel peut être choisie par le recteur. Ces différents choix, ainsi que les orientations prises ou non, ont des conséquences sur la marche optimale de l’institution.
Des réformes qui peinent à être mises en œuvre
Les politiques relatives à l’enseignement supérieur et à la recherche connaissent régulièrement des réformes qui cherchent soit à concrétiser les réformes précédentes, soit à poser les bases d’autres transformations, jugées plus adaptées. C’est ainsi qu’en 2013 s’est tenue à Dakar la Concertation nationale sur l’avenir de l’enseignement supérieur. Il en a résulté 78 recommandations qui doivent aider à réorienter la politique d’enseignement supérieur et de recherche.
Cette Concertation a porté sur le pilotage de l’enseignement supérieur, sur l’accès et la qualité des formations, sur le financement et les liens entre les formations, le marché du travail et le service à la communauté, sur l’internationalisation, la recherche et l’innovation. En cherchant à réorienter les formations vers les STEM (acronyme de science, technology, engineering and mathematics) et à mieux articuler ces formations avec le monde du travail, les responsables de la Concertation ont voulu retirer le sable de l’engrenage des universités.
Pour la Concertation nationale pour l’avenir de l’enseignement supérieur, il convient d’approfondir la « professionnalisation » des formations. Cette approche se justifie foncièrement par les exigences des politiques de développement et du marché du travail. Ce dernier exige des étudiants une aptitude professionnelle : ils doivent être opérationnels dès leur sortie de l’université. Or cela ne semble pas être le cas pour les diplômés issus des cycles de l’enseignement général, qui représentent l’essentiel des formations dispensées. C’est ainsi que les instituts supérieurs d’enseignement professionnel pourraient être l’une des solutions, si le modèle est sauvegardé.
Aujourd’hui, malgré les directives présidentielles prises à l’issue de la Concertation nationale, malgré les contrats de performance qui étaient une occasion de renforcer la politique gouvernementale, les universités peinent à consolider les progrès réalisés, tant la mise en œuvre des réformes se confronte à une gouvernance faible.
Cela s’explique, entre autres, par le faible engagement de certains responsables pour la cause institutionnelle et par la méconnaissance des publics accueillis (les étudiants notamment) et des liens qu’il faut construire avec le monde économique, tant pour l’insertion professionnelle des apprenants que pour le service à la communauté.
Vers un partenariat public-privé ?
Le Sénégal s’était lancé dans une politique de libéralisation de l’enseignement supérieur – un domaine qui, jusqu’en 1995 était du domaine exclusif de l’État. Celui-ci a renoncé à être le seul fournisseur de formations supérieures mais s’est efforcé d’en rester le seul garant (conservant notamment le contrôle des processus de certification et d’accréditation à travers l’Autorité nationale d’assurance qualité).
Il y a quelques années, pour parler de la présence simultanée d’acteurs publics et privés dans l’enseignement supérieur, on utilisait volontiers le terme de « coexistence ». Derrière ce vocable, il y avait l’idée de complémentarité. En 2012-2013, le gouvernement du Sénégal avait pris l’option de payer la scolarité de milliers d’étudiants dans les instituts privés. Mais dernièrement, la coexistence a progressivement laissé la place à la concurrence.
Les instituts privés ont globalement meilleure presse, avec des coûts de formation très variables. Sans mettre en parallèle taux de réussite et frais de scolarisation, il est tout de même notable que la gratuité de certains services puisse être associée au faible engagement des bénéficiaires (étudiants et enseignants). Or, l’engagement ou l’exigence peuvent s’avérer utiles dans la construction d’une formation de qualité, entendue comme pertinente, opérationnelle et à vocation territoriale.
Au même moment, pour faire face à cette concurrence, les universités publiques valorisent des formations payantes et les fonctions de service (services supplémentaires que propose l’université : expertise, formations, location de salles…). Ces activités génèrent des ressources supplémentaires pour les budgets des établissements. Cette nouveauté vise non seulement à satisfaire des besoins économiques et de développement – l’université considérée comme étant au service de la société – mais également à renforcer les capacités financières (plus de certaines composantes de l’université que de l’institution dans sa globalité).
Ce qui est certain, c’est que l’enseignement supérieur est de plus en plus partagé entre les secteurs public et privé (en termes d’offre de formation), avec une ligne de démarcation qui est rarement nette : public et privé se réorganisent et redéfinissent leur interdépendance. L’implication des secteurs économiques productifs au sein des universités publiques demeure un véritable enjeu.
Certains changements ou transformations que vivent les universités, tels que la gestion axée sur les résultats, ouvrent des perspectives favorables. D’autres, comme la mise en œuvre de la réforme LMD, sont à l’origine de difficultés plus grandes encore pour le Sénégal, d’autant plus que le système est faiblement doté en ressources et en compétences de gestion et de gouvernance.
Pour éviter l’enlisement, les universités sénégalaises devraient beaucoup moins faire l’objet de changements « induits » (correspondant aux conséquences des transformations antérieures) et ne subir, dans la mesure du possible, que des changements « conduits », c’est-à-dire voulus.
Les universités sénégalaises ont besoin, pour faire face aux enjeux de gouvernance et de développement, d’une gestion assainie et de l’implication de tous les acteurs concernés tout au long du processus de changement. C’est la condition préalable pour éviter l’enlisement et construire des universités performantes.
Texte initialement publié en janvier 2020 sur le site de The Conversation.
LA SALVE DU PRÉSIDENT NIGÉRIEN À PROPOS DE L'AFFAIRE GEORGE FLOYD
Mahamadou Issoufou a estimé jeudi que la mort de cet Afro-américain était "le symbole du vieux monde qu'il faut changer", lors d'une visioconférence avec ses pairs de l'Union africaine
Le président du Niger Mahamadou Issoufou a estimé jeudi que la mort de George Floyd était "le symbole du vieux monde qu'il faut changer", lors d'une visioconférence avec ses pairs de l'Union africaine. "Le symbole du vieux monde qu'il faut changer et qui viole constamment ces valeurs (solidarité, égalité, justice, dignité) est l'assassinat de George Floyd", a déclaré le président nigérien dans son discours transmis à l'AFP par la présidence. "Notre conférence doit condamner sans réserve cet acte odieux", a déclaré M. Issoufou en concluant son discours sur la mort de George Floyd, un Afro-américain asphyxié à Minneapolis sous le genou d'un policier américain blanc.
S'exprimant sur la pandémie de coronavirus qui va toucher les économies africaines, le président avait auparavant souligné : "Il est impératif de mettre en place un nouveau paradigme, une nouvelle gouvernance politique et économique mondiale, gouvernance qui sera davantage fondée sur la solidarité, l'égalité, la justice et la dignité". Comme lors de plusieurs interventions cette année, M. Issoufou a appelé les pays occidentaux à aller plus loin que des annulations de dettes, réclamant "un plan Marshall" pour l'Afrique.
Les pays du G20 ont décidé de suspendre pour un an le remboursement de la dette des pays les plus pauvres afin de les aider à faire face à la pandémie de Covid-19. La chancelière allemande Angela Merkel a évoqué fin mai un nouveau "geste". L'endettement total du continent africain est estimé à 365 milliards de dollars, dont environ un tiers dû à la Chine.
Selon un bilan lundi soir, l'Afrique, qui a été relativement moins touchée que l'Europe ou les Etats-Unis, a enregistré près de 200.000 cas pour environ 5.000 morts.
LES SAGES DE L'APR SATISFAITS DE LA GESTION PRÉSIDENTIELLE DU COVID-19
Ils se réjouissent des mesures prises par le président de la République et salue son sens élevé de l’écoute qui lui a permis de répondre positivement aux aspirations de son peuple - COMMUNIQUÉ
SenePlus publie ci-dessous, le communiqué du conseil des sages de l’APR, daté du 11 juin 2020, à propos de la gestion de la crise du coronavirus par le président Macky Sall.
« Le Conseil National des Sages Républicains (CNSR) a tenu ce jeudi 11 juin 2020, à son siège à Dakar, sa réunion politique sous la présidence de son coordonnateur national, Monsieur Maham Diallo. Cette réunion a permis de se pencher sur la situation nationale du pays marquée par la gestion de la covid-19.
Le Conseil National des Sages Républicains se réjouit des mesures fortes et courageuses prises par Son Excellence monsieur Macky Sall, président de la République du Sénégal et salue son sens élevé de l’écoute qui lui a permis de répondre positivement aux aspirations de son peuple. Le Conseil note également la pertinence du Programme de résilience économique et social, à hauteur de 1000 milliards de francs CFA, pour soutenir les ménages, les entreprises et même les Sénégalais de la diaspora.
En ce qui concerne la distribution de l’aide alimentaire destinée aux populations les plus touchées par la pandémie, le Conseil constate que les impératifs d’équité, de régularité et de transparence fixés par le chef de l’Etat ont été respectés et se traduisent notamment par la mise en place du comité de pilotage regroupant des représentants des institutions, de l’opposition, des acteurs de la société civile.
Au regard de la riposte communautaire renforcée, le CNSR exprime son adhésion appuyée au président de la République suite à sa décision d’assouplir l’état d’urgence pour permettre à toutes les forces vives de la Nation de contribuer activement à l’effort économique pour permettre à notre pays de garder le cap de l’émergence malgré les impacts de la covid-19.
Analysant le taux de létalité national, le Conseil National des Sages Républicains s’incline devant la mémoire des disparus, prie pour le repos de leurs âmes et exprime son inquiétude quant à la typologie du taux de mortalité majoritairement composé de personnes âgées. Aussi, le CNSR invite-t-il les populations au respect scrupuleux des mesures barrières édictées par les autorités sanitaires pour protéger, particulièrement, les personnes les plus exposées au virus.
Enfin, le Conseil National des Sages Républicains réitère son appel à toutes les compétences sénégalaises à mettre leur génie au service de l’intérêt suprême de la Nation pour traverser cette crise sanitaire inédite. »
LA BANALISATION DU CORONAVIRUS VOILÉE DANS L'HUMOUR
Les morts de la Covid-19 ne pousseront pas quelques personnes interrogées dans les rues des Parcelles Assainies et de Guédiawaye au respect strict des mesures barrières. Leur perception de la maladie est presque un déni de la réalité
Le décompte des morts au Sénégal et dans les autres pays du monde laisse indifférents des soudeurs métalliques d’un atelier jouxtant le stade Amadou Barry de Guédiawaye dans l’indifférence. Un des ouvriers du nom de Amadou Tidiane Diallo a changé d’avis depuis la déclaration des cas positifs à l’ouverture d’un centre de prélèvement et puis à sa fermeture. « Je suis né et grandi à Guédiawaye près du marché jeudi. Il y a un moment, des radios et des journaux avaient annoncé que des personnes sont testées positives dans notre quartier, mais personne ne connaît ces malades dans notre quartier », évoque Amadou Tidiane Diallo. Son camarade Boubacar Sall partage son point de vue. Pour lui, les africains notamment les noirs perdent leur temps en voulant adopter les mêmes stratégies de lutte contre « la maladie de l’Occident ». Les deux amis aimeraient bien croire mais encore faudrait-il que l’on apporte les preuves que les personnes positives sont infectées par le coronavirus.
A Guédiawaye, il n’est pas rare de croiser des personnes qui usent de l’humour pour parler de cette pathologie. Agé de 41 ans, Arame Diagne est plus ou moins sceptique. Depuis la grève la grogne des asymptomatiques n’a plus la même perception sur l’épidémie. « Nous avons vu à la télévision des malades manifester en disant qu’ils n’ont pas le virus et qu’ils voulaient rentrer. Comment un malade peut demander de sortir de l’homme ? », s’interroge Arame Diagne qui nie pas pourtant l’existence du virus. « Je ne crois pas qu’il est aussi dangereux », déduit la dame.
Au quartier Guentaba, un chef de ménage, du nom de Pape Matar Sarr préfère analyser la perception qu’une partie des Sénégalais ont de cette maladie. Pour lui, la banalisation de cette pathologie est la conséquence d’une série d’erreurs de communication et d’une mauvaise interprétation des messages délivrés par les agents de santé et aussi par les autorités politiques. « Lorsque le Président, Macky Sall dit qu’il faudra apprendre à vivre en présence du virus, il a voulu tout simplement faire comprendre que les activités devraient reprendre tout en continuent de respecter des mesures barrières », a cité Pape Matar Sarr. L’interprétation différenciée des messages favorise le déni de la réalité.
CORONAVIRUS, LE DÉNI ENTAME LA SENSIBILISATION À PIKINE
Mbaye Kama lui est sans masque. Parce qu’il s’est fait sa propre opinion. « Nous allons tous mourir de quelque chose. Si le coronavirus c’est la grippe, les maux de gorge, nous avons l’habitude de vivre avec », lâche-t-il
Malgré les décès liés à la Covid 19, il y en a qui doutent de l’existence de la maladie à Pikine. Des messages et positions qui sapent la sensibilisation.
Ça rejoue au football dans une plusieurs zones de Dakar alors que la capitale est l’épicentre de la maladie. Ce sont les débuts d’un relâchement selon Abdou Mbengue. En maillot de l’ancien basketteur américain Jordan, le jeune maçon suit une partie de football sur l’un des terrains jouxtant la gare de péage de Thiaroye. Sur une petite aire, les adultes se sont divisés cet après midi du mardi du mardi 2 juin, en deux équipes.
Les 16 joueurs s’engagent à fond dans cette partie que chacun veut remporter cette paire de manches pour continuer à jouer jusqu’au crépuscule. Tacles, engueulades, dégagement, tous les joueurs manifestent une grande détermination. A côté, le public, tous des hommes assis sur le mur de l’autoroute à péage jubilent pour les belles actions et raillent pour les ratés. Témoin de cette scène, Abdou estime que cette maladie ne peut plus empêcher les gens de sortir. « Je me demande même si la Covid-19 existe.
On en entend simplement à travers les médias. Je n’ai jamais vu une personne atteinte ou morte de cette maladie », dit-il, d’un propos sérieux. En tee-shirt bleu et casquette blanche, son ami et compagnon de tous les jours, Diagne va plus loin. Indiquant ne mettre le masque que lorsqu’il est contraint, le monsieur parle de manipulation. « Ce sont les politiques qui sont derrière. Je n’y crois pas. C’est du leurre.
En tout cas moi, je vaque à mes occupations », avance le câbleur. Le lendemain mercredi, le soleil s’est levé intolérant au marché syndicat de Pikine. Des camions déchargent des caisses de mangues suivant les indications d’un homme d’un homme âgé. En boubou wolof sali et défloré, l’homme en question a le masque démis malgré ses déplacements et contacts.
De temps en temps, il intervient dans les discussions de la dizaine de dames venues s’approvisionner, munies de seaux ou bassines. A l’intérieur du marché, le vacarme s’est installé avec les interminables marchandages, les bruits des brouettes, tricycles et véhicules traversant Tally Bou Bess. Ici le constat est que le port de masques n’est plus suivi. Certains ne l’ont pas. D’autres l’ont accroché à la barbe. Terrible constat selon l’un des commerçants de mangues, Ousmane Ndiaye.
« Certains vont jusqu’à nier l’existence de la maladie qui pourtant tue tous les jours », regrette Ousmane. Mbaye Kama lui est sans masque. Parce qu’il s’est fait sa propre opinion. « Nous allons tous mourir de quelque chose. Si le coronavirus c’est la grippe, les maux de gorge, nous avons l’habitude de vivre avec », lâche-t-il de loin, poursuivant ses interventions auprès des camionneurs.
Un sacré coup à la sensibilisation
Ceux qui nient l’existence de la Covid-19 impacte négativement l’activité des entités engagées dans la sensibilisation. Ousmane Ndiaye s’en désole. A l’en croire, les débats sont chauds dans ce marché. La tâche n’est pas facile à son avis pour les communautés actives dans la lutte. « Il y a des gens majeurs et vaccinés qui jurent que la maladie n’existe pas à Dakar. Parfois je m’emporte. Ce genre de comportements nous complique la tâche. C’est difficile de sensibiliser au Sénégal », déplore Ousmane, d’une voix énergique. Las d’écouter les argumentations sur l’existence de la maladie, Baba Thiam dit ne plus rien.
C’est le summum de l’inconscience selon lui. « À un moment donné, j’ai décidé de ne plus en débattre, les gens te sortent toute sorte d’arguments. Certains parlent même de complot politique », regrette-t-il. À son avis ce déni peut pousser à certains à ne plus respecter les mesures barrières. Très actif dans la sensibilisation à Tivaouane Diacksao, Ibrahima Diaw compte poursuivre sa mission malgré les contradictions.
Pour lui, il s’agit de sauver des vies. « La sensibilisation souffre du déni de la maladie. Les espaces publics sont remplis. Les terrains de football aussi. Certains ont renoncé aux gestes barrières à force d’entendre ces messages qui sapent l’élan de solidarité et de lutte », se désole, Ibou le masque bien mis.
BEAUCOUP PENSENT ENCORE QUE C'EST UNE MALADIE DES BLANCS
Le déni de la pneumonie à coronavirus s’explique par l’image d’une maladie importée en Afrique. C’est l’analyse de la socio-anthropologue, Fatoumata Han de l’Université Assane Seck de Ziguinchor
La socio-anthropologue Fatoumata Han se penche sur les causes du déni de la maladie à coronavirus malgré les morts. L’enseignante chercheure à l’Université Assane Seck de Ziguinchor se garde de qualifier d’irrationnelle l’attitude de ceux qui refusent de croire à la maladie. « Dire que c’est rationnel ou non, c’est émettre un jugement de valeur. La question est plutôt celle de savoir pourquoi certaines personnes continuent à nier l’existence ? », se demande la socio-anthropologue.
Le déni de la réalité est lié selon cette chercheure à l’image collée à cette maladie. Jusqu’ici, beaucoup d’Africains, la banalisent parce que tout simplement, elle a fait moins de victimes sur le continent, en plus elle a été « importée d’ailleurs ». « Le relâchement en matière de respect des mesures barrières s’explique par la perception que d’autres ont de l’épidémie à coronavirus. Beaucoup pensent encore que c’est une maladie des occidentaux », a analysé le Professeur Fatoumata Han.
L’universitaire interroge aussi « la notion de communauté ». Pour elle, il y a un travail de communication à faire pour lever les équivoques entre les cas communautaires et les communautés. « Il y a un glissement qui fait penser que c’est la communauté de gérer la transmission communautaire », a relevé l’enseignante qui a regretté, que depuis l’apparition de la maladie, le 2 mars 2020 au Sénégal, les autorités sanitaires ont misé sur le « tout médical » laissant en rade, des acteurs clés de la lutte. « L’implication des communautés est tardive au Sénégal or la maladie à coronavirus est éminemment sociale. Elle met à rude épreuve les interactions, redéfinit les formes de sociabilité au Sénégal » a constaté l’universitaire qui soutient également que ce sont les leaders communautaires qui doivent s’investir dans la sensibilisation pour un changement de comportements.
par l'éditorialiste de seneplus, serigne saliou guèye
LE VIRUS DE L'INCOMPÉTENCE, NETTOYER LES ÉCURIES D'AUGIAS (2/2)
EXCLUSIF SENEPLUS - Il revient à Macky Sall d’expurger du gouvernement les ministres carents qui auront décompensé prématurément et dont la gestion de crise est plus dangereuse que la crise elle-même
Serigne Saliou Guèye de SenePlus |
Publication 11/06/2020
Dans ce lot de ministres qui ont montré leur incompétence dans la gestion de cette pandémie, en sus de Mansour Faye, il faut ajouter Mamadou Talla, le ministre de l’Education nationale, Aly Ngouille Ndiaye, ministre de l’Intérieur et Abdoulaye Diouf Sarr, ministre de la Santé et de l’Action sociale, Abdoulaye Diop, ministre de la Culture et de la Communication.
Talla sur la première marche du podium de l’incompétence
La reprise ratée des enseignements et apprentissages aura montré les carences du ministre de l’Education. Sans planification, sans avis des experts médicaux du CNGE, Mamadou Talla aura fait croire ad nauseam au président que la reprise le 2 juin était possible pour les classes d’examen. En dépit des coups de semonce des enseignants, des alertes des parents d’élèves (je ne parle pas des associations collaborationnistes de parents d’élèves) de la société civile et même des politiques de tous bords, le ministre de l’Education a voulu obstinément rouvrir les écoles dont la plupart sans eau, étaient dépourvues de logistiques spécifiées dans le protocole sanitaire. Même pour les transporter à leurs lieux de services, dans des conditions de sécurité sanitaire optimales, Talla a regroupé les enseignants dans un capharnaüm humain indescriptible au Terminus Liberté V, les exposant à un risque de contamination rapide. Pourtant, l’arrêté du ministre de l’Intérieur n° 007782 du 13 mars 2020 interdit, pour des raisons de sécurité liées à la propagation du covid-19, toutes manifestations ou tous les rassemblements de personnes dans les lieux ouverts ou clos. Alors, pourquoi avoir convoqué des milliers d’enseignants dans un endroit pas très spacieux pour les convoyer dans des conditions qui favorisent la contraction et la dissémination du virus ? Il est indéniable que plusieurs des enseignants affectés par le Covid-19 ont été contaminés lors du chaotique départ à la Liberté V. Sachant que la rentrée du 2 juin allait être calamiteuse, on a fait état d’enseignants atteints du Covid en Casamance pour généraliser la mesure d’ajournement sine die de la reprise des cours. Dix enseignants malades asymptomatiques et remplaçables ne peuvent pas paralyser tout le système. Seulement, le ministre de l’Education a voulu masquer son incompétence et son impréparation avec l’alibi des enseignants infectés par le virus. Il faut oser dire nument la vérité : la logistique de guerre contre Sars Cov2 a été défaillante, insuffisante voire inexistante dans plusieurs établissements scolaire. Ce fiasco de la rentrée aura tempéré les jaculations extravagantes et l’outrecuidance débordante du ministre Mamadou Talla. Aujourd’hui, les enseignants sont en droit de porter plainte contre leur ministre devant la juridiction compétente pour « mise en danger de la vie d’autrui », « exposition à la stigmatisation » ou « non-assistance à personne en danger ».
Aly Ngouille Ndiaye, lui, aura marqué cette crise avec une série de tergiversations et de cafouillages qui ont empreint ses prises de décisions. La rétractation sur la délivrance des autorisations de voyager de la Korité surnage dans nos mémoires. N’a-t-il pas menacé maladroitement les habitants de Touba qui rechignent de porter le masque alors que le port du masque n’est obligatoire dans certains cas de figure ? Sa flicaille n’a-t-elle pas usé ou abusé de la violence sur certains fidèles musulmans qui tenaient vaille que vaille à prier dans leurs mosquées au moment où à Medina Gounass et à Touba, l’on priait dans les mosquées sans être inquiété ? Pourquoi deux poids, deux mesures ?
Diouf Sarr : la crise dans la communication de crise
Abdoulaye Diouf Sarr, qui est au centre de cette guerre contre le virus, a montré ses limites dans la gestion de cette pandémie. Plus le temps passe, plus son incompétence est mise à nu. D’abord, même si en public le professeur Seydi a remercié le ministre Diouf Sarr, il est avéré que leurs relations sont plus que délétères. En sus, la communication de son ministère sur la gestion de la guerre sanitaire est alarmiste voire catastrophiste. D’une part, le discours est dramatisant, anxiogène au risque de favoriser la psychose et la stigmatisation. Les ministres Amadou Ba et Diouf Sarr, confortés par la Cour suprême, n’ont-ils pas dit avant le désaveu présidentiel, sur le compte du CNGE, que les dépouilles des Sénégalais émigrés décédés du Covid étaient fortement contagieuses au point qu’il faille les enterrer dans le pays où ils ont trouvé la mort ? Une telle attitude a eu un effet repoussoir chez ces populations de Malika qui ont refusé l’inhumation d’une victime du Covid dans les cimetières de leur localité.
La stratégie communicationnelle du ministre de la Santé et de ses agents est confuse, désordonnée voire inopérante. Chacun s’épanche dans les médias sans une réelle maitrise de la situation. Si Abdoulaye Diouf Sarr parle de l’acmé de l’épidémie atteint, aucune donnée épidémiologique ne le prouve. La courbe est toujours ascendante. D’ailleurs, il suffit de voir, le 06 juin passé, l’inquiétude affichée par le Pr Abdoulaye Bousso stressé pour mettre le holà au pseudo-optimisme du ministre de la Santé. D’autre part, la récitation ânonnante quotidienne des résultats des examens virologiques à laquelle s’adonnent laborieusement à tour de rôle, le ministre de la Santé, son directeur de cabinet Aloyse Diouf et la directrice de la Santé, Marie Khemesse Ngom Ndiaye, a fini par lasser certains Sénégalais du fait de son caractère dogmatique. Pire, la lecture bafouilleuse surtout en wolof est répugnante du fait d’une mauvaise diction doublée d’une méconnaissance de certains termes dans la langue de Kocc. Plutôt que de faire le kéké en s’adonnant à une récitation fastidieuse rotative, il est plus urgent pour le ministre Diouf Sarr d’affiner une bonne stratégie de communication de crise qui sensibiliserait à nouveau et mobiliserait davantage les Sénégalais en état de relâchement mortifère sur la nocuité du covid et dissiperait tous leurs doutes, oblitérant son discours et ceux de ses collaborateurs.
Aujourd’hui, on constate un effet de relâchement progressif dans l’observance des mesures barrières depuis que le Général, par maladresse communicationnelle, nous a indiqué de vivre avec le virus alors qu’on doit l’éviter, le fuir tout en menant nos activités professionnelles. Aussi incombait-il au service de com’ de Diouf Sarr d’itérer la parole présidentielle, d’en livrer la quintessence et la profondeur à ces Sénégalais qui pensent que l’épidémie est en voie d’extinction ou n’est encore qu’une fiction. Mais ce sont surtout les incohérences discursives et décisionnelles dont font montre les lieutenants du Général qui grossissent le rang des «corona-sceptiques». Il est indéniable que le manque de cohérence du gouvernement dans la gestion de cette crise sanitaire aura largement contribué au relâchement de certains Sénégalais.
Chez d’autres, le non-port du masque et le manque d’observance de certaines mesures barrières sont liés à l’indisponibilité des ressources pour se procurer de produits détergents et des masques. Le discours de prévention a ses limites quand il n’est pas sous-tendu par des actes forts.
Dans ce hit-parade de ministres incompétents, que dire de l’illustre-obscur ministre de la Culture et de la Communication, Abdoulaye Diop, (plusieurs journalistes et acteurs culturels ne parviennent même pas à l’identifier) qui a réparti entre copains et coquins l’aumône présidentielle décemment appelée aide à la presse ? Ce différentiel de traitement dans la répartition inique de l’aide pécuniaire est inadmissible dans un gouvernement qui se veut chantre de la transparence et de la bonne gouvernance. Si aujourd’hui, le ministre Diop et ses collaborateurs refusent obstinément de publier les bénéficiaires et le montant alloué à qui de droit, c’est parce que dans son propre ministère, des agents ont utilisé des simulacres de sites pour s’accaparer indûment l’argent destiné aux journalistes. Le scandale de la distribution de l’aumône présidentielle est à son paroxysme quand le troubadour Mame Gor Djazaka dont le seul mérite est de se « larbiniser » a arraché sa part du gâteau.
Last but not least, le ministre du Commerce Aminata Assome Diatta et son homologue Moustapha Diop du Développement industriel et de la Petite et Moyenne Industrie complètent cette palanquée de ministres incompétents. Lesquels avaient conjointement signé, le 24 avril 2020, l’arrêté n°009450, rendant obligatoire la certification de conformité des masques barrières à la marque nationale de conformité « NS-Qualité Sénégal » avant que, sous la grogne des tailleurs, le dernier nommé ne recule, deux jours plus tard, par un autre arrêté. Assome Diatta qui avait interdit, à juste raison, la vente du pain dans les boutiques mais sans préconiser des mesures d’accompagnement compensatoires, avait fini par provoquer des engorgements monstres au niveau des boulangeries violant ipso facto la distanciation physique. C’est dire donc que la crise pandémique a fini par révéler au grand jour l’incompétence consternante et l’indécision effarante des lieutenants du Général.
Les périodes de crise sont des moments majeurs de test politique. Et cette crise sanitaire (pour ne plus user fort de café du mot « guerre ») aura mis à nu l’incompétence des ministres de Macky Sall concernés qui ont décompensé après 90 jours de crise sanitaire. Mais puisque le contrat de confiance du peuple avec le président Sall s’achève en 2024, il lui revient, dès l’atténuation de cette crise, d’expurger du gouvernement cette horde de ministres carents dont l’incompétence dans la gestion de cette crise sanitaire est plus dangereuse que la crise elle-même. Il incombe au président Macky Sall de nettoyer les écuries d’Augias de cette pandémie de l’incompétence gouvernementale avant que les Sénégalais ne soient contagionnés par le virus des Maliens qui, depuis quelques jours, réclament le départ du président Ibrahim Boubacar Keita dont le pays, pataugeant dans la mal-gouvernance, est en proie, depuis 2012, à une profonde crise sécuritaire, sanitaire, politique et économique.