Le Festival international du film documentaire de Saint-Louis a baissé ses rideaux, ce samedi, par la remise des récompenses. Pour cette année, c’est le film «Les miennes» de la réalisatrice belge, d’origine marocaine, Samira El Mouzghibati, qui a reçu le Grand Prix du jury.
La 16ème édition du Festival international du film documentaire de Saint-Louis, qui s’est déroulée du 29 avril au 3 mai, a pris fin, ce samedi, avec la remise des prix, à l’Institut français de Saint-Louis. C’est le long métrage documentaire Les miennes de la réalisatrice belge, d’origine marocaine, Samira El Mouzghibati, qui a remporté le Grand Prix du jury Stlouis’Docs. L’œuvre de Samira El Mouzghibati est un documentaire de 96 minutes qui se penche sur la question du lien maternel. La réalisatrice Samira El Mouzghibati filme sa mère et ses quatre sœurs, entre la région du Rif au Maroc, d’où sa famille est originaire, et Bruxelles, la ville où elle a grandi. «Etant la dernière de cinq sœurs, je sais que j’ai hérité d’une part douloureuse de leur histoire. En réaction à un évènement tragique passé sous silence, s’est créé un clan de sœurs dont ma mère était exclue. Depuis lors, entre nous, nous l’appelons «ta mère», comme si elle n’était plus des nôtres. Elle va s’exprimer pour la première fois», a écrit la réalisatrice Samira El Mouzghibati. Le jury a décerné également une mention spéciale à Catcher, du réalisateur Derhwa Kasunzu de la République démocratique du Congo. Un film qui, selon le jury, est «à la fois un acte de foi et de résistance, un film qui cultive l’émerveillement et la fraternité, contre l’oubli, l’effacement, la désolation et la disparition. Un film où les personnages nous fascinent et nous bouleversent».
Dans la catégorie court-moyen métrage, sur les 15 films proposés, le Prix du meilleur court métrage est attribué à Ibuka, Justice, du réalisateur Justice Rutikara du Rwanda. «Il faut déjà se réjouir de la grande qualité de films sélectionnés proposée à notre appréciation. Il est aussi souligné dans ce panorama, la diversité des sujets, des regards, des discours et des perspectives sur des questions aussi importantes que les enjeux mémoriels, les luttes sociales et politiques sur le continent, la justice, entre autres. Mais le jury recommande, toutefois, une plus grande attention pour les conditions de projection qui pourraient être meilleures pour coller aux nobles et belles prétentions de Stlouis’Docs, qui est un grand festival.» L’appel est lancé par le journaliste et critique de cinéma Aboubacar Demba Cissokho, président du jury des courts métrages. Le jury a également décerné une mention spéciale au film Les témoins de l’ombre de Ousmane Z. Samassékou du Mali.
«Kerool» et «Les coulisses du combat» distingués par Wido
Pour la compétition nationale, le film de Mame Woury Thioubou, «Kerool», a remporté une mention spéciale. Le documentaire de 15 minutes revient sur les évènements de 1989, entre le Sénégal et la Mauritanie, avec la déportation de milliers de négro-mauritaniens entre le Sénégal et le Mali. Le film raconte cet exil sans fin que vivent les réfugiés menacés d’apatridie, 34 ans après les évènements. Le Grand Prix Wido est attribué à Yvette Haberisoni pour Les coulisses du combat. A travers ce film sorti en 2025, la réalisatrice burundaise basée à Dakar dévoile ses luttes invisibles et sa résilience. Une ode à l’acceptation de soi et à la dignité humaine.
Pour le jury critique de l’Association sénégalaise de la critique cinématographique (Ascc), deux mentions spéciales ont été décernées. La première mention spéciale a été attribuée à Afrikki de Gaëlle Leroy, «pour sa structure narrative», explique la journaliste à Radio futurs médias, Ana Rocha. Et la deuxième mention à Hind Meddeb, la réalisatrice franco-tunisienne, pour son long métrage Soudan, souviens-toi, un film qui immortalise la révolution soudanaise de 2019 avec une caméra-poème. Le jury de la critique distingue ainsi le film capverdien Pririnha, de Natasha Craveiro.
Pour rappel, cette année, le Sargal Doc a mis à l’honneur les réalisateurs Mary Jiménez et Bénédicte Liénard «pour leur précieuse contribution à la création documentaire». Un prix remis par Germain Coly, directeur de la Cinématographie. Par la même occasion, un hommage aussi, bien mérité, a été rendu au célèbre faux lion de Saint-Louis, Déthié Faye, qui illustre l’affiche du festival de cette année.
ESSENCE PIROGUE, DES RETARDS DANS LA DISTRIBUTION MAIS PAS DE PÉNURIE SELON LE GOUVERNEMENT
Alors que des pénuries d’essence pirogue perturbent les activités sur plusieurs quais de pêche, les autorités excluent un problème de stock. Le ministère de l’Énergie pointe un cumul de facteurs et annonce une série de mesures.
Une situation de tension est observée depuis quelques jours dans l’approvisionnement en essence pirogue sur plusieurs quais de pêche du pays. Dans un communiqué publié ce dimanche, le ministère de l’Énergie, du Pétrole et des Mines attribue ces perturbations à “un cumul de facteurs, dont les activités de maintenance et la forte hausse de la demande durant la période de campagne des pêcheurs”.
Malgré les difficultés logistiques, les autorités assurent que “le produit est disponible au niveau du dépôt principal de Senstock en quantité suffisante”. Le ministère insiste donc sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un problème de stock, mais d’un retard dans la distribution.
Pour faire face à la situation, plusieurs mesures immédiates ont été prises. “Un dispositif de suivi renforcé entre le Ministère de l’Énergie, du Pétrole et des Mines, la SAR, PETROSEN, Senstock et les différents distributeurs” a été mis en place, précise le communiqué.
Par ailleurs, une mobilisation logistique exceptionnelle est en cours. Le document mentionne “l’augmentation du taux de rotation des camions, l’extension des horaires de chargement des camions aux dépôts, la mobilisation d’autres bras de chargement, [et] des communications dynamiques avec tous les acteurs”.
Le ministère affirme également que “toutes les prévisions de chargement de camions-citernes d’hydrocarbures sont honorées pour ravitailler les différentes zones où des tensions de stocks sont notées”.
Enfin, les services techniques restent mobilisés pour assurer un retour rapide à la normale. “Les équipes techniques restent pleinement mobilisées pour un retour rapide à la normale dans les heures à venir sur toute la chaîne logistique de distribution”, assure la Cellule Communication et des Relations Publiques du ministère.
TAMOU FISHING REFUSE D’ABDIQUER
Saisie conservatoire sur plus d’un milliard F Cfa : «Un sinistré ne demande pas réparation à un autre sinistré.» C’est l’une des nombreuses inscriptions mises en exergue par les travailleurs de Tamou Fishing, société implantée à Diamniadio
«Un sinistré ne demande pas réparation à un autre sinistré.» C’est l’une des nombreuses inscriptions mises en exergue par les travailleurs de Tamou Fishing, société implantée dans la commune de Diamniadio.
Ces derniers ont organisé, mercredi, un point de presse pour alerter sur la situation de leur entreprise qui suffoque à cause d’une procédure judiciaire. En contentieux avec son voisin et concurrent Delphinus, l’entreprise spécialisée dans la transformation des produits halieutiques s’est vu infliger une saisie conservatoire de plus d’un milliard franc et un blocage administratif, après avoir été condamnée par le Tribunal de grande instance de Dakar.
«Nous ne demandons ni faveur ni passe-droit. Nous appelons à un traitement juste, proportionné et équilibré. A une solution qui tienne compte à la fois du Droit, de l’investissement, de l’emploi et de la paix sociale», a soutenu Céline Nadji, assistante de direction, lors de la rencontre ayant enregistré la présence des travailleurs de la boîte. «Ce combat n’est pas politique. Ce combat est humain. Il est celui de tous ceux qui croient en un Sénégal du travail, de la justice et du progrès (…) Ecoutez notre voix. Ne laissez pas s’éteindre ce moteur de vie. Sauvez Tamou Fishing», a-t-elle ainsi lancé à l’endroit des autorités du pays.
Les travailleurs de l’entreprise sont en effet vent debout pour conserver leur outil de travail menacé, selon eux, par les agissements d’un «concurrent jaloux». Tout est réellement parti des inondations de 2020 ayant conduit les autorités d’alors à déclencher le Plan Orsec et mettre sur la table 10 milliards francs dont 3 en guise d’assistance aux sinistrés. «A la différence de certaines entreprises ayant bénéficié d’un soutien moral, financier ou institutionnel, notre entreprise a vu s’ouvrir un contentieux dont les effets paralysants se font ressentir jusque dans nos foyers, nos bureaux et nos lignes de production», a rappelé Naby Ahmed Tall. «Nous vivons une menace de blocage total, et avec elle, l’angoisse de voir s’éteindre un outil de production, d’exportation et de création d’emplois», a-t-il dressé comme conséquence de ce feuilleton.
Tamou Fishing est considérée comme responsable de l’inondation des locaux de son voisin Delphinus, qui a estimé avoir subi des dommages considérables. Ce qu’ont catégoriquement récusé les travailleurs de Tamou, faisant savoir que le dossier a été porté à la Cour suprême avec l’espoir d’une issue heureuse. «Le destin de centaines de familles et l’avenir de l’économie locale dépendent désormais des décisions à venir, et les travailleurs de Tamou Fishing International demeurent unis, pacifiques, mais fermement déterminés à défendre leur cause et à préserver leur outil de travail», a posé M. Tall, d’avis que c’est le moyen de subsistance de plus de 100 employés directs, ainsi que de mareyeurs et pêcheurs artisanaux, qui est en danger.
LA SOLUTION DU CRADESC POUR UNE APPLICATION EFFICIENTE DU RELÈVEMENT SALARIAL DES DOMESTIQUES
Pour une application efficiente de la hausse des salaires du personnel de maison, le Centre de recherche et d’action sur les droits économiques, sociaux et culturels (Cradesc) propose de réviser l’arrêté de 1968 fixant les conditions de travail des gens..
Pour une application efficiente de la hausse des salaires du personnel de maison, le Centre de recherche et d’action sur les droits économiques, sociaux et culturels (Cradesc) propose de réviser l’arrêté de 1968 fixant les conditions de travail des gens de maison pour réglementer l’âge minimum de travail, les conditions de travail, le traitement salarial, la liberté syndicale, l’organisation et le fonctionnement des agences de placement, formaliser le secteur en rendant la forme écrite obligatoire pour tous les Cdi conclus dans le cadre du travail domestique, entre autres.
C’est une décision saluée par le Centre de recherche et d’action sur les droits économiques, sociaux et culturels (Cradesc). L’Etat du Sénégal a revu à la hausse le salaire des travailleurs domestiques et gens de maison dans son arrêté n°012677 du 25 avril 2025. «Cette décision constitue une avancée majeure dans la consolidation des actions en faveur de la protection des droits des travailleurs et travailleuses domestiques, et marque un tournant décisif dans la reconnaissance des droits de cette catégorie de travailleurs, longtemps marginalisée et dont la contribution substantielle à l’économie nationale et au bien-être des ménages est presque invisible», a salué, dans un communiqué, l’organisation de la Société civile qui promeut l’amélioration des conditions de travail des travailleurs domestiques. Le Cradesc considère cet arrêté ministériel comme la résultante des nombreuses actions de plaidoyer portées depuis plusieurs années à travers le Projet d’appui stratégique aux travailleuses domestiques (Pastdom), en collaboration avec les associations de travailleuses domestiques, la Société civile, ainsi que les partenaires engagés dans la justice économique et sociale.
Ainsi, cette organisation estime que la décision du gouvernement «vient corriger une situation d’iniquité dans la détermination du Smig aux différents travailleurs. Pendant presque vingt ans, l’évolution du Smig ne profitait qu’aux autres travailleurs, excluant celles et ceux qui s’activent quotidiennement pour le bien-être de nos foyers».
Pour une application efficiente de cette décision, le Cradesc a fait des recommandations. Il s’agit de mettre en place un mécanisme de suivi et de contrôle de la mise en œuvre de cet arrêté pour éviter son application inégale et partielle ; ratifier et veiller à l’application effective de la Convention n°189 de l’Organisation internationale du travail (Oit), qui garantit des conditions de travail décentes aux travailleuses domestiques ; réviser l’arrêté de 1968 fixant les conditions de travail des gens de maison pour réglementer l’âge minimum de travail, les conditions de travail, le traitement salarial, la liberté syndicale, l’organisation et le fonctionnement des agences de placement ; formaliser le secteur en rendant la forme écrite obligatoire pour tous les Contrats à durée indéterminé (Cdi) conclus dans le cadre du travail domestique ; mettre en place des structures d’appui administratif et juridictionnel de proximité en faveur des travailleur.ses, avec une procédure allégée, diligente et gratuite pour les accompagner en cas de violation de leurs droits.
LA DEMISSION INATTENDUE DE DIEGUY DIOP
La juriste saint-louisienne et inconditionnelle de Macky Sall, a annoncé samedi sa démission de l'APR et son retrait de la scène politique, quelques semaines seulement après avoir reçu de nouvelles responsabilités
Mme Diéguy Diop a pris tout le monde de court en annonçant son départ de l’Alliance pour la République (Apr) et en se retirant aussi de la politique. Une annonce faite, avant-hier samedi, sur sa page Facebook, tout juste après sa nomination pour occuper de nouvelles responsabilités au sein de son ancien parti quelques semaines auparavant.
Mme Diéguy Diop a fait l’annonce de sa démission de l’Apr au moment où l’on s’y attendait le moins. Cette responsable de l’ancien parti au pouvoir a toujours fait preuve d’un engagement sans faille en faveur de l’Apr qu’elle annonce avoir quittée avant hier samedi, à travers un post sur Facebook. Actant aussi son retrait par la même occasion de la scène politique. Une décision qui intervient après avoir été nommée pour occuper de nouvelles responsabilités au sein de son ancien parti.
«Après moult réflexions, j’ai décidé de démissionner de l’Apr, d’abandonner la politique. Je vous adore tellement, tellement, tellement. Le Sénégal est ma vie, mais dans ce contexte, je ne peux plus évoluer, je suis au regret de vous dire que toutes mes activités politiques sont gelées», a fait savoir Diéguy Diop sur sa page Facebook.
Toutefois, l’avènement du régime Pastef n’a pas été, pour Mme Diop, un long fleuve tranquille. Ancienne responsable de la Cellule de communication et de réflexion de la majorité présidentielle élargie (Creme) et membre de la task-force républicaine, Diéguy Diop avait anticipé son limogeage de son poste en tant que Directrice de la promotion de l’économie sociale et solidaire (Dpess). Ce qui lui a valu une convocation à la Brigade de gendarmerie de Keur Massar après avoir été accusée de refuser de procéder à la cérémonie de passation de service avec sa remplaçante. Une accusation réfutée par Mme Diop qui a fini par passer le témoin à la directrice par intérim Ndèye Matou Diakhoumpa, par ailleurs cheffe de division.
L’ex-Directrice de la promotion de l’économie sociale et solidaire (Dpess) affirmait, lors d’une conférence de presse le 7 août 2024, que cette convocation dont elle avait fait l’objet, est le résultat d’une campagne de discrédit orchestrée par un adversaire politique, en réponse à sa démission récente. Elle avait rejeté toute tentative d’intimidation et reste déterminée à faire face à cette épreuve. «Suite à ma démission du poste de Dpess, une campagne tentant à jeter le discrédit sur ma personne a été engagée par l’adversaire politique. Perdu dans les procédures administratives qu’il semble royalement ignorer, le nain politique de Bambey m’a fait servir une convocation à la Brigade de recherches de Keur Massar pour le lundi 11h. Toute tentative d’intimidation restera vaine», avait-elle annoncé.
Inculpée en octobre dernier pour un présumé détournement de deniers publics, Diéguy Diop avait consigné la somme de 28 millions de F Cfa. «Si j’ai consigné cette somme, cela ne signifie pas que j’avoue les faits. C’est uniquement pour éviter la prison et retrouver ma liberté de mouvement», avait-elle tenu à préciser.
Elle est une inconditionnelle du Président Macky Sall qu’elle défend bec et ongles en vantant son bilan assez élogieux, pour se constituer en bouclier de l’ancien président contre les attaques dont il fait l’objet de la part des membres de l’actuel régime. Reste à savoir ce qui adviendra de l’avenir de Diéguy Diop après son retrait de la politique. En tout cas, l’Apr perd un de ses farouches défenseurs. Juriste de formation en Droit des affaires, celle que l’on surnomme l’Amazone est originaire de Saint-Louis.
Par Fatou Warkha SAMBE
MIA GUISSÉ ET LE THÉÂTRE DE LA MORALE SÉLECTIVE
Beaucoup des valeurs brandies aujourd’hui comme sénégalaises sont des normes héritées du colonialisme, introduites pour contrôler les corps, les tenues et les expressions artistiques. Un désir de contrôle social sur les femmes libres
La censure au Sénégal a toujours opéré à géométrie variable. Elle frappe rarement les puissants, encore moins les hommes, mais s’abat avec rigueur dès qu’une femme sort du cadre jugé «convenable». Dans l’art, les médias ou l’espace public, cette censure se traduit souvent par une moralisation autoritaire, portée par des figures autoproclamées garantes des mœurs plus que par des institutions officielles. L’affaire Mia Guissé en est une illustration frappante.
Le 29 avril, l’artiste Mia Guissé a été convoquée par la Division spéciale de cybersécurité, après une plainte déposée par Mame Matar Guèye de l’Ong Jamra pour «atteinte aux bonnes mœurs», à la suite d’un concert à Somone. Pourtant, la chanson incriminée ne lui appartenait pas : il s’agissait d’un featuring avec l’artiste béninois Axel Merryl, intitulé «Titulaire». Le geste, tout comme la réplique, était déjà visible dans le clip original de la partie interprétée par Bass Thioung plusieurs mois auparavant. Et pourtant, c’est elle seule qu’on convoque. Parce qu’elle est visible, parce qu’elle est femme, parce qu’elle est sur scène. Le contenu de la plainte, largement diffusé, semble davantage moral qu’objectivement juridique : on n’y défend pas tant la loi ; on cherche à museler une artiste. On parle de «slogans salaces», de «gestuelles perverses», d’«exhibitionnisme outrancier». La plainte transforme une performance musicale en péril pour la société, révélant ainsi un glissement du débat artistique vers une mise en accusation morale et personnelle.
Mame Matar Guèye est connu pour ses prises de position conservatrices. Il avait déjà interpellé Mia Guissé pour ses choix vestimentaires, dans ce qu’il qualifiait de «recadrage fraternel». Sa nouvelle plainte semble traduire une frustration personnelle de ne pas avoir vu ses conseils appliqués, plus qu’une réelle inquiétude juridique. En laissant entendre que si elle n’obéit pas, il la traînera devant les tribunaux, il entretient un rapport de contrôle qui dépasse la simple question de Droit. Une posture qui questionne : selon quelle légitimité ? Qui lui a confié le pouvoir d’imposer une ligne morale à toute une société ?
La scène artistique sénégalaise regorge de contenus provocateurs ou explicites, souvent portés par des hommes. De Pape Thiopet à ZBest, en passant par certains humoristes ou griots traditionnels, la vulgarité assumée y est omniprésente. Pourtant, les poursuites se font rares. Il existe même des danses et des chorégraphies masculines bien plus suggestives que ce qui a été reproché à Mia Guissé, sans que cela ne déclenche une plainte. Ce traitement différencié interroge sur un double standard évident : on condamne moins le contenu que la personne qui le porte.
Pendant ce temps, le pays est confronté à une recrudescence alarmante de violences sexuelles. En 2024, selon le rapport de la Police nationale, 217 personnes ont été déférées au Parquet pour viol, 80 pour viol et détournement de mineurs, neuf pour tentative de viol, six pour harcèlement, deux pour actes contre nature et un pour attentat à la pudeur. Et ces chiffres ne reflètent que la partie visible de l’iceberg tant l’omerta règne. Le silence, érigé en valeur morale sous le nom de «soutoura», masque les violences subies, particulièrement par les femmes et les enfants.
La situation à Keur Momar Sarr, dans le département de Louga, est révélatrice : sept fillettes y ont été victimes de viol en quelques mois seulement. Le dernier cas, celui d’une élève de six ans, A. Sy, violée en plein jour sur le chemin du retour de l’école, a bouleversé toute une communauté. L’agresseur, toujours en fuite, aurait même prélevé le sang de la victime, laissant penser à des pratiques mystiques. Ces drames auraient mérité l’attention et l’indignation de tout acteur engagé pour la morale publique. Mais aucune plainte de Jamra n’a été signalée dans ces cas. Pourquoi ? Ce contraste entre la mobilisation contre une artiste et l’indifférence face aux agressions sexuelles graves révèle une hiérarchisation inquiétante des priorités. Pendant qu’on s’acharne sur Mia Guissé, la violence réelle continue de ravager des vies dans le silence et l’inaction. Cette obsession à faire de la prison une sanction pour des artistes évoque moins un souci de justice qu’un désir de contrôle social sur les femmes visibles et libres.
Le Code pénal sénégalais, notamment l’article 318 sur l’attentat à la pudeur, est souvent invoqué dans ces affaires. Pourtant, sa définition vague prête à toutes les interprétations : «Est punie d’un emprisonnement de deux mois à deux ans et d’une amende... toute personne qui aura commis un attentat à la pudeur, soit publiquement, soit non publiquement, mais avec violence.» Rien n’indique clairement qu’un refrain ou une gestuelle de scène entre dans ce champ. Et s’il y avait réellement atteinte à la pudeur, pourquoi ne pas saisir les organes compétents de régulation artistique ? Pourquoi cette volonté manifeste de passer directement par la voie pénale ?
Dans un Etat laïc comme le Sénégal, la loi ne devrait pas être instrumentalisée pour imposer une morale religieuse ou personnelle à toute la population. Beaucoup des valeurs brandies aujourd’hui comme sénégalaises sont en réalité des normes héritées du colonialisme, introduites pour contrôler les corps, les tenues et les expressions artistiques. Cette vision rétrograde est aujourd’hui recyclée sous couvert de préservation des mœurs.
Alors que des drames humains se jouent, alors que les enfants sont victimes de prédateurs en liberté, pourquoi s’acharner sur les artistes ? Pourquoi tant d’efforts pour faire incarcérer des célébrités ? Si certains comportements heurtent, ne pourrait-on pas au moins envisager des médiations, des discussions, des régulations, plutôt que de jeter systématiquement en pâture les femmes artistes ?
Et faut-il rappeler que la scène en question n’a même pas été créée par Mia Guissé ? Le passage controversé, les paroles et la gestuelle figuraient déjà dans le clip de «Titulaire» interprété en featuring par Basse Thioune, plusieurs mois avant la performance de Mia. Cette dernière ne faisait que reprendre une séquence déjà publique et diffusée, comme le font tant d’artistes lors de concerts. Pourquoi, alors, n’a-t-on pas interrogé ou interpellé l’auteur initial ou d’autres co-interprètes ? Pourquoi ce traitement différencié, si ce n’est parce qu’elle est une femme, visible et libre sur scène ?
Une plainte déposée avec autant d’insistance, qui mobilise médias et réseaux sociaux, devrait au minimum faire l’objet d’un débat équitable. Or ici, tout semble construit pour une stigmatisation ciblée. D’autant plus troublant que les précédentes plaintes contre Rangou, puis Mbodia Mbaye, ou encore contre des féministes ayant simplement annoncé une marche symbolique pour dénoncer les violences faites aux femmes, proviennent du même plaignant. Comme pour laisser penser qu’au-delà des principes affichés, toute personne - particulièrement une femme - qui s’écarte de sa norme morale pourrait se voir traîner à la Division spéciale de cybersécurité.
Nos institutions doivent évoluer vers une régulation plus équitable, inclusive, respectueuse des droits fondamentaux, et non instrumentalisée à des fins personnelles. Les priorités doivent être claires : défendre les victimes de violences, protéger les enfants, renforcer l’éducation, plutôt que de traquer les artistes.
Une société qui se targue de ses valeurs doit commencer par valoriser la justice, l’écoute et la cohérence. Et surtout, elle ne peut prétendre défendre la morale tout en restant sourde aux souffrances les plus profondes de ses citoyennes. Si la décence est ce qu’on prétend défendre, alors qu’on la prouve d’abord en s’attaquant aux vraies urgences.
REORIENTATION STRATEGIQUE DE L’ACTION GOUVERNEMENTALE
M. Boubacar Camara a été nommé Secrétaire général du gouvernement, succédant à M. Mouhamadou Al Aminou Lô promu ministre chargé de la coordination, du suivi et de l’évaluation de l’Agenda national de transformation « Sénégal 2050 ».
Le Président de la République a procédé, mercredi dernier, à un réajustement ministériel d’envergure stratégique, visant à lever les obstacles entravant l’exécution optimale du programme gouvernemental. Ce dernier semble aujourd’hui pris en étau entre, d’une part, une conjoncture budgétaire particulièrement contraignante et, d’autre part, l’attente prolongée d’un accord avec le Fonds monétaire international (FMI) en vue d’un nouveau programme de soutien financier. Cette double impasse fragilise la capacité de l’État à impulser les réformes structurelles prévues dans le cadre de son programme de transformation nationale.
Conscient de ces défis majeurs, le chef de l’État, M. Bassirou Diomaye Diakhar Faye, en concertation avec son Premier ministre, M. Ousmane Sonko, a jugé nécessaire de procéder à une recomposition partielle, mais stratégique, de l’organigramme gouvernemental. Cette décision traduit une volonté manifeste de renforcer la gouvernance technocratique de l’État en confiant des responsabilités clés à des profils dotés d’une double légitimité : politique d’une part, et technico-administrative d’autre part.
Dans cette dynamique, M. Boubacar Camara a été nommé Secrétaire général du gouvernement, succédant à M. Mouhamadou Al Aminou Lô, désormais promu ministre auprès du Président de la République, chargé de la coordination, du suivi et de l’évaluation de l’Agenda national de transformation « Sénégal 2050 ». Ce programme, qui constitue le socle de la vision prospective du développement du pays, nécessite un pilotage rigoureux et une capacité d’anticipation des mutations économiques et sociales à venir.
L’attribution de cette mission à M. Lô n’est guère fortuite. Ce dernier a su, tout au long de son parcours récent, s’imposer comme l’un des visages les plus pédagogues et accessibles de l’équipe gouvernementale. Ses interventions récurrentes devant la presse, dans le cadre des séances d’explication des politiques publiques, ont contribué à ancrer une culture de la transparence budgétaire et à rapprocher l’action publique des citoyens. Sa promotion à ce poste stratégique témoigne de la confiance renouvelée que lui accorde le chef de l’État, mais aussi de l’importance accordée à l’Agenda 2050 dans l’architecture globale du projet présidentiel.
Quant à la désignation de M. Boubacar Camara comme Secrétaire général du gouvernement, elle s’inscrit dans une logique de consolidation de l’efficacité institutionnelle. Cette fonction, véritable plaque tournante de l’appareil d’État, requiert à la fois une connaissance fine des rouages administratifs et une capacité à coordonner les actions des différents ministères dans le respect des orientations politiques définies par le chef de l’exécutif.
M. Camara, figure politique de premier plan et président du Parti pour la citoyenneté et la solidarité (PCS/Tabaax Jengu), apporte avec lui une légitimité politique indéniable, renforcée par sa participation à la dernière élection présidentielle de mars 2024. Son engagement de longue date aux côtés du président Ousmane Sonko dont il fut un soutien actif dès la campagne présidentielle de 2019 en fait un acteur clé de la coalition au pouvoir.
Son parcours administratif témoigne, par ailleurs, d’une expertise solide et diversifiée. Ancien inspecteur général d’État M. Camara a fait le choix de se retirer prématurément de la fonction publique, décision rare quireflète une exigence personnelle en matière d’intégrité et de principes. Il a ensuite élargi son champ de compétences en intégrant le secteur privé, où il a notamment exercé les fonctions de président du conseil d’administration de la société Sococim, un acteur majeur de l’industrie cimentière.
Dans la sphère publique, il a occupé des fonctions de haut niveau, notamment à la tête des Douanes sénégalaises, où il a su conjuguer rigueur administrative et réforme de l’institution. Il a également été Secrétaire général du ministère de la Coopération internationale, de l’Aménagement du territoire, des Transports aériens et des Infrastructures (MICATI), sous l’autorité de M. Karim Wade, où il s’est distingué par sa capacité à coordonner des secteurs complexes et à forte dimension stratégique.
Enfin, son expérience internationale, acquise en tant que directeur général adjoint des Douanes du Bénin, vient parachever un parcours exceptionnel, le dotant d’une vision régionale et d’un savoir-faire transposable à l’échelle nationale.
Ces nominations traduisent ainsi la volonté du pouvoir exécutif de recentrer son action autour de compétences avérées, dans un contexte de grande exigence économique et de profonde mutation institutionnelle. Elles marquent une inflexion stratégique dans la gouvernance, portée par une quête de résultats, de transparence et d’efficacité.
SUBVENTION ADEPME, LA VÉRITÉ DES FAITS
Le Conseil des Diffuseurs et Éditeurs de Presse du Sénégal dénonce "une tentative de récupération malveillante" du programme d'appui de l'ADEPME aux médias et accuse le ministre Alioune Sall d'avoir "volontairement ralenti" la distribution du FADP en 2024
Le Conseil des Diffuseurs et Éditeurs de Presse du Sénégal (CDEPS) se félicite de l’appui que l’Agence de Développement et d’Encadrement des Petites et Moyennes Entreprises (ADEPME) a octroyé à douze (12) entreprises de presse le samedi 3 mai 2025, dans le cadre du Programme d’appui à l’accélération industrielle, à la compétitivité et à l’emploi (PAAICE) financé par la Banque Africaine de Développement (BAD) depuis décembre 2021. C'est à l'instar du programme ETER de la Banque mondiale. Cette subvention représente un véritable souffle de relance pour des entreprises en difficulté depuis près d’un an.
Le processus d’accompagnement a démarré en octobre 2024 avec une rencontre tripartite patronat de presse/équipe projet ADEPME/Cabinets Ibrahima Touré (ITO) et Alioune Touré (ATO). Les discussions ont porté sur la mise en œuvre d’un programme de restructuration axé sur plusieurs volets : la protection de l’entreprise face à ses créanciers publics ou privés, la relance et le développement de ses activités, la mobilisation de financements et de subventions, ainsi que la digitalisation des outils et processus de production de l’entreprise de presse
Le financement de l’ADEPME entre dans le cadre de son portefeuille «Fonds à frais partagés» et porte sur 75% de la subvention totale. Chacune des 12 entreprises concernées devra libérer, selon l’article 3 de la Convention, sa quote-part de 25% avant d’accéder à l’allocation. Aucun fonds n'a pour l'heure été versé aux entreprises tant que les 25% ne sont pas mobilisés et consommés.
Le CDEPS exprime sa profonde gratitude à l’ADEPME, qui a su reconnaître que les médias font pleinement partie du tissu économique national et traversent, à l’instar d’autres PME, de grandes difficultés.
À aucun moment, le ministère de la Communication ne s’est impliqué dans le processus de cette initiative. Nous dénonçons avec fermeté cette tentative de récupération malveillante, motivée par la volonté manifeste de manipuler l’opinion et de discréditer les responsables d’entreprises de presse.
Il convient de rappeler que l’ADEPME est intervenue dans plusieurs secteurs pour soutenir la restructuration et la relance d’entités économiques, sans que cela ne donne lieu à un tel battage médiatique.
Au lieu de jouer son rôle de soutien et de représentation en période de crise, le ministère de la Communication contribue à fragiliser davantage les entreprises de presse. Depuis sa prise de fonction, M. Alioune Sall n’a jamais procédé à la distribution du Fonds d’Appui et de Développement de la Presse (FADP). En 2024, il a volontairement ralenti la procédure, entraînant le reversement du budget alloué au FADP au Trésor public. Contrairement à ce que laisse entendre le directeur de la Communication, ce montant est loin d’être perdu. Une loi de finances rectificative peut permettre sa récupération.
Par ailleurs, le ministère vient d’annoncer, en ce cinquième mois de l’année 2025, une réforme précipitée et unilatérale du décret portant sur le FADP, sans aucune concertation avec les professionnels du secteur. Cela, alors même que le CORED est en sommeil et que la Commission de la Carte nationale de Presse n’a pas délivré de cartes professionnelles depuis plus d’un an. Le ministère de la Communication semble se complaire dans les effets d’annonce, au détriment des véritables urgences du secteur
Par ailleurs, le CDEPS informe l’opinion que ses avocats ont déposé le vendredi 2 mai 2025, le recours en référé à la Cour suprême pour une suspension des assignations de «cessation immédiate de parution ou de diffusion». Il est aussi prévu d’attaquer dans le fond l’arrêté du ministre de la Communication
CONCERTATIONS SUR LA RÉFORME DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES À SÉDHIOU
Des voix s’élèvent pour demander que les moyens aussi soient conséquemment transférés. D’autres ne partagent pas l’option de la suppression des ARD
Les nouvelles autorités du Sénégal veulent aller vers la création de treize (13) domaines de compétence et la suppression des Agences régionales de développement (ARD). En revanche, la création des pôles territoires est annoncée comme une entité inter-régionale de développement. C’est ce qui ressort des concertations organisées, du vendredi 02 au 03 samedi 03 mai 2025, à Sédhiou, sous l’autorité du ministre de l’Urbanisme, des Collectivités territoriales et de l’Aménagement des Territoires. Toutefois, des voix s’élèvent pour demander que les moyens aussi soient conséquemment transférés. D’autres ne partagent pas l’option de la suppression des ARD.
Ces concertations entre dans le cadre de la réforme en cours du fonctionnement des Collectivités territoriales articulé aux missions qui seront assignées aux pôles territoires. C’est ce qu’a fait savoir Moussa Balla Fofana, le ministre de l’Urbanisme, des Collectivités territoriales et de l’Aménagement des Territoires. «L’agenda de transformation repose énormément sur une approche territoriale. Et il est nécessaire de procéder à la grande réforme de la décentralisation qui est l’Acte 4. Revoir les compétences qu’on transfère au niveau des communes, des départements et bientôt aux pôles territoires. Comme vous le savez, nous avons neuf domaines de compétence transférées aux collectivités territoriales et le président de la République ambitionne de rajouter quatre autres compétences».
Et le ministre Moussa Balla Fofana de poursuivre : «nous savons déjà que les compétences déjà transférées font l’objet de beaucoup de problèmes. Et la nouvelle démarche consiste à revoir le rôle de chaque organe et les missions qui lui sont assignées ainsi que les moyens à mettre en œuvre», explique-t-il.
Le maire de Vélingara et président de l’Association des maires du Sénégal (AMS), souscrit à cette démarche participative mais souhaite que les moyens soient tout aussi transférés à ces Collectivités territoriales, en même temps que les compétences. «Nous étions à neuf (09) compétences et maintenant nous voulons aller à treize (13). Déjà avec les compétences transférées, on a transféré les compétences alors que les moyens n’ont pas suivi pour la plupart des collectivités. Il est important de transférer les moyens pour permettre à ces collectivités de fonctionner correctement. Nous saluons la démarche du ministre qui repose sur une participation accrue des acteurs», a dit Mamadou Oury Baïlo Diallo.
Pour ce qui est de la suppression des Agences régionales de développement (ARD), des voix, comme celle d’El Hadji Omar Kanté, se sont faites entendre pour faire observer qu’il «ne sert à rien de vouloir faire table rase sur des acquis et qui pourrait apparaitre comme un éternel recommencement». Les travaux ont pris fin, avant-hier samedi, avec des recommandations dont la synthèse sera faite par une commission technique aux fins de transmission au président de la République, informe la tutelle
FAURE GNASSINGBE, MAITRE DU JEU SOUS UNE NOUVELLE CONSTITUTION
Ce virage constitutionnel supprime l’élection du président de la République au suffrage universel direct, instaurant un régime parlementaire où le chef du gouvernement — poste désormais fusionné — doit être le leader du parti majoritaire à l’Assemblée
Dans un nouveau décor institutionnel taillé sur mesure, Faure Gnassingbé a prêté serment le samedi 3 mai 2025, en tant que président du Conseil des ministres, une fonction désormais au sommet de l’exécutif togolais selon les dispositions de la nouvelle Constitution adoptée en avril 2024. À la tête du pays depuis 2005, le chef de l’État opère une mue politique sans perdre une once de pouvoir.
Ce virage constitutionnel supprime l’élection du président de la République au suffrage universel direct, instaurant un régime parlementaire où le chef du gouvernement — poste désormais fusionné — doit être le leader du parti majoritaire à l’Assemblée nationale. Autrement dit, le pouvoir reste concentré dans les mains de Faure Gnassingbé, chef incontesté de l’Union pour la République (UNIR), son parti hégémonique. La veille, la Première ministre Victoire Tomégah-Dogbé et son gouvernement avaient remis leur démission, conformément aux nouvelles règles du jeu institutionnel. Une formalité de la cinquième République, qui s’apparente davantage à une continuité maquillée qu’à une rupture démocratique.
Dans ce contexte, l’élection de Jean-Lucien Savi de Tové au poste honorifique de président de la République par les députés et sénateurs réunis en congrès n’a suscité aucune surprise. Unique candidat, cet opposant historique âgé de 86 ans a prêté serment à son tour. Figure de la vie politique togolaise depuis les années 60, ancien ministre et exilé politique, Savi de Tové représente davantage la mémoire que le pouvoir. Son rôle sera essentiellement protocolaire.
Un simulacre institutionnel ? Pour Nathaniel Olympio, du mouvement citoyen "Touche pas à ma Constitution", la prestation de serment de Faure Gnassingbé marque « l’acte terminal du viol orchestré de la conscience de chaque Togolais ». Il dénonce une transformation de façade destinée à pérenniser un régime familial vieux de plus d’un demi-siècle, dans un pays où l’alternance reste un mirage.
Car derrière le vocabulaire républicain et la rhétorique du renouveau institutionnel, c’est le même homme qui tient les rênes du pouvoir depuis deux décennies, après avoir succédé en 2005 à son père, Gnassingbé Eyadéma, qui avait régné d’une main de fer pendant 38 ans. La dynastie Gnassingbé semble ainsi se renouveler sans se remettre en question. La Cinquième République togolaise, loin d’inaugurer une ère de transparence ou de gouvernance partagée, pourrait bien institutionnaliser davantage le règne sans partage d’un seul homme. Le changement de forme, plus que de fond, laisse sceptique une partie importante de la population, qui redoute une démocratie réduite à sa portion congrue, où les institutions servent d’abord à légitimer l’ordre établi.