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6 juin 2025
RÉFORME DES HYDROCARBURES AU PARLEMENT
Un projet de loi "transformationnel" s'apprête à être examiné par les députés pour instaurer une gouvernance plus transparente et équitable des ressources en hydrocarbures du pays
Le gouvernement sénégalais s'apprête à soumettre à l'examen de l'Assemblée nationale un projet de loi ambitieux visant à opérer une transformation structurelle du secteur des hydrocarbures. C'est ce qu'a déclaré, à Saly, le ministre de l'Énergie, du Pétrole et des Mines, Birame Souleye Diop, à l'ouverture d'un atelier consacré à la transparence dans la gouvernance des ressources extractives, à l'intention des parlementaires.
Dans son mot introductif, il a précisé que l'exécutif proposera des réformes législatives et réglementaires d'envergure, susceptibles d'instaurer une gouvernance plus rigoureuse et inclusive. Soulignant la nécessité d'une redevabilité permanente, le ministre a affirmé que chaque phase décisive du processus fera l'objet d'une information systématique de l'Assemblée nationale.
M. Diop a également mis en garde contre les dérives liées à la désinformation, en rappelant que la diffusion de données sensibles ou d'analyses erronées peut porter atteinte à la crédibilité du pays. Dans cette perspective, il a exhorté les députés à s'ériger en vecteurs fiables d'information auprès des citoyens.
Prenant la parole à son tour, le président de la Commission de l'énergie et des ressources minérales de l'Assemblée nationale, M. Babacar Ndiaye, a insisté sur la nécessité d'un contrôle strict du respect du cadre légal, en réaffirmant la mission de l'institution parlementaire dans la supervision de la gouvernance et de la transparence dans la gestion et la répartition des revenus issus des ressources naturelles. Il s'est enfin réjoui de l'adoption récente de la loi relative au partage des recettes pétrolières et gazières, perçue comme une avancée significative vers une meilleure équité dans la redistribution nationale.
LE DANGER DES BASES "LIBÉRÉES"
Fin juillet 2025, le Sénégal n'aura plus aucune base militaire étrangère sur son sol. Mais derrière l'euphorie de la "souveraineté retrouvée", des experts sécuritaires lancent un cri d'alarme : il faut inspecter les sites libérés avant toute réoccupation
Enclenché dès l'avènement du nouveau régime, le retrait des troupes militaires étrangères du Sénégal, devenu irréversible, amorce son dernier tournant. Mieux, le processus prendra fin d'ici fin juillet 2025, date à laquelle le Sénégal n'aura plus, sur son sol, aucune base militaire étrangère... Seulement, face à l'euphorie à cette idée de « souveraineté » retrouvée, de plus en plus de spécialistes de questions sécuritaires alertent sur les risques et dangers consistant à réoccuper les anciens sites et locaux libérés par les puissances étrangères, sans au préalable bien inspecter de fond en comble d'éventuels ou probables éléments de signalement ou de partage de données ou d'informations susceptibles de compromettre la sécurité nationale.
À partir de fin juillet 2025, le Sénégal ne devrait plus avoir sur son sol aucune base militaire étrangère. Alors que les nouvelles autorités ne cachent pas leur « fierté » face à cette « souveraineté » retrouvée, nombreux sont des spécialistes de questions sécuritaires qui attirent l'attention sur la « grosse erreur » qui consisterait à réoccuper les anciennes emprises libérées par les puissances étrangères, sans se donner le temps nécessaire de bien inspecter de fond en comble d'éventuels ou probables éléments de signalement ou de partage de données ou d'informations susceptibles de compromettre la sécurité nationale.
Selon eux, aujourd'hui, avec le départ de toutes les Forces armées étrangères, « il urge d'inspecter toutes les occupations, tous les sites et locaux, avant de s'y installer », alertent-ils, prenant pour prétexte la reprise de Protêt c'est-à-dire le retrait de l'Armée française des locaux jadis occupés au port autonome de Dakar. Non sans rappeler les cas suscitant encore des interrogations des sites déjà rétrocédés au Sénégal notamment, entre autres, le Camp de Bel-Air et autres libérés sous le régime de l'ancien président, Me Abdoulaye Wade, et les locaux de l'ancienne Ambassade des États-Unis d'Amérique (USA) au centre-ville de Dakar réaffectés au ministère de la Justice et qui abritent aujourd'hui l'une des plus hautes juridictions du Sénégal : le Conseil constitutionnel chargé de veiller sur la régularité et la constitutionnalité des lois et règlements et de garantir la sincérité des processus électoraux et de valider les résultats de toutes les élections, y compris l'installation du Chef de l'État élu dans ses fonctions.
Toujours pour étayer leur conviction sur la nécessité de prendre des précautions avant toute réoccupation des anciens domaines militaires des puissances étrangères, relativement aux questions de sécurité, ils remettent au goût du jour l'histoire du siège de l'Union africaine (UA) à Addis-Abeba, en Éthiopie, espionné par une puissance étrangère.
En effet, dans l'une de ces publications, le 26 janvier 2018, soit la veille du 30e Sommet de l'organisation panafricaine prévu les dimanche 28 et lundi 29 janvier, le Monde Afrique avait révélé qu'il y a un an (en 2017), les informaticiens de la « Tour de verre moderne », entièrement construite, équipée et offerte en 2012 par la Chine à l'Afrique, ont découvert que l'intégralité du contenu de ses serveurs était transférée hors du continent, par cette même puissance étrangère. Selon le journal français, corroboré plus tard par des experts algériens et éthiopiens, le siège de l'UA à Addis-Abeba, en Éthiopie, a fait l'objet d'un « espionnage massif entre 2012 et 2017 ».
Donc, pendant cinq (5) ans non interrompus, des « partenaires » du continent se sont adonnés à cet exercice qui n'a été découvert qu'en janvier 2017.
par Vieux Savané
REDONNONS DE LA GRAVITÉ À NOS DÉBATS
À propos de l'homosexualité, que cherche-t-on à obtenir en réactivant une indignation qui, juridiquement, ne repose sur aucune vacance législative au moment où d'autres urgences, réelles celles-là, pressent de toute part ?
Vendredi dernier, un rassemblement présenté comme une « urgence nationale » appelait solennellement à la criminalisation de l'homosexualité. Il se trouve pourtant que l'article 319 du Code pénal sénégalais encadre déjà cette question en sanctionnant d'un à cinq ans d'emprisonnement tout « acte contre-nature avec un individu de son sexe ». Dès lors, que cherche-t-on à obtenir en réactivant une indignation qui, juridiquement, ne repose sur aucune vacance législative au moment où d'autres urgences, réelles celles-là, pressent de toute part ?
À l'heure où 75 % de la population a moins de 35 ans, le fait qu'une génération entière oscille entre résignation et exil devrait plutôt interroger. Ne serait-ce que parce que les jeunes sont de plus en plus nombreux à considérer que leur avenir ne se construira pas ici, dans un pays qui à leurs yeux peine à leur offrir des perspectives, de la sécurité et de la dignité. Leurs inquiétudes nous reviennent d'ailleurs dans des drames marins qui loin d'être des accidents isolés sont plutôt des symptômes d'une impasse nationale.
Ainsi, en septembre 2024, une pirogue a chaviré au large de Mbour, emportant au moins 29 vies, dont celles de femmes et d'un enfant. Quelques semaines plus tard, une embarcation dérivait au large de Dakar, transportant 30 corps en décomposition avancée. D'un autre côté, les zones rurales sont en déshérence pour la plupart, privées d'eau potable, d'électricité, de centres de santé, de routes, vivant au rythme des saisons. Sans compter que des familles entières sont broyées par la précarité, que les enfants-talibés continuent d'errer dans les rues, dans l'indifférence, exposés à la violence, à l'exploitation et à la perversité des adultes.
Il s'y ajoute que l'on constate par ailleurs l'inquiétant développement d'une violence inouïe à l'endroit des femmes à l'image de ces quelques exemples terrifiants. Rien qu'en ce mois de mai, un homme a été déféré au parquet, accusé d'avoir tué sa femme dans son sommeil, essayant de faire croire à une mort naturelle en se couchant ensuite à côté du cadavre. Une autre femme, mère de 4 enfants, a été abattue en plein jour par son époux suite à une dispute conjugale.
Alors oui, il y a urgence. Urgence de se pencher sur la violence faite aux femmes. Urgence pour l'emploi, l'éducation, la santé publique, la justice sociale, la sécurité alimentaire, la bonne gouvernance. Urgence pour une institution judiciaire forte et indépendante. Ces urgences ne sont ni abstraites ni lointaines : elles structurent la vie quotidienne de millions de Sénégalais. C'est à ces priorités-là que l'État doit répondre. C'est sur ces chantiers-là que doivent porter les débats nationaux.
La grandeur d'un pays se mesure en effet à sa capacité à affronter ses défis de front, non à se perdre dans des polémiques qui détournent l'attention du cœur du problème. Il ne s'agit pas ici de nier les convictions morales ou religieuses de quiconque, mais de rappeler que l'avenir d'un pays se construit dans la rigueur des politiques publiques, la solidarité nationale, la mise en place d'institutions fortes et dans l'investissement dans les générations futures.
Le Sénégal n'a plus le luxe de l'insouciance. Bien au contraire, il est temps de redonner de la gravité à nos débats et de l'espérance à notre jeunesse.
PAR Jean Pierre Corréa
MULTIPLE PHOTOS
PIERRE GOUDIABY ATÉPA, 50 ANS D’ARCHITECTURE
EXCLUSIF SENEPLUS - Pierre me subjugua dès l'enfance. Son élégance, sa BMW noire, sa coiffure à la "Zoulou" lui donnaient l'allure d'un conquérant. Hommage à ce bâtisseur qui a façonné ma vie autant que ses édifices
Parce que « merci » est le plus beau mot de la langue francaise
Avant de vous délivrer mon propos, qui va tenter de raconter « MON » Pierre, je lève les yeux vers le ciel, et implore les prières de mon père Daniel, de mes oncles Emile Badiane et Charles Bernard, trois hommes immenses, qui ont compté pour Pierre et dont les rapports étroits que ces hommes entretenaient avec élégance et distinction, m’ont permis tout petit garçon, de croiser et de rencontrer mon cousin Pierre.
Merci à eux.
Mesdames, Messieurs, Honorables et distingués invités qui êtes tous venus rendre hommage au bâtisseur Pierre Goudiaby Atepa, qui célèbre avec vous les 50 ans de son cabinet d’Architecture, je vous dis bonsoir et bienvenue…
Je suis venu dire « Merci » à ce bâtisseur, qui est aussi mon cousin, parfois mon « oncle », souvent mon ami et toujours mon indéfectible soutien moral, quand il se pique de me protéger contre moi-même, de mes turbulentes embardées citadines, qui lui font dire, entre colère et regrets, que je suis un des meilleurs journalistes de notre pays, mais qu’il n’y avait que moi qui…ne le savait pas.
Alors, moi, Jean Pierre Corréa, je viens en ce jour de gratitudes, dire mon amour à Pierre, cet amour fraternel qui me lie à cet être exigeant, à en devenir de temps en temps intolérant à certaines de mes insouciances, ce qui n’est que sa façon à lui d’avoir pour moi…de la considération.
Tout petit déjà, Pierre me subjugua. Son élégance, son allant, sa BMW noire, sa coiffure à la « Zoulou », la casquette n’existait pas alors, son goût pour le théâtre, lui donnaient, à mes yeux d’adolescent émerveillé, l’allure d’un conquérant de tous les « ailleurs possibles » et des rêves à vivre.
Pierre, je dis « MERCI » d’avoir tellement exigé de moi, parce que devant être digne depuis 20 années, d’être la voix et la plume de nombreux de tes projets à travers le continent, ce qui m’a souvent terrifié, découvrant ces projets d’une telle beauté en 3D, parce que m’obligeant à poser mes mots et ma voix à ce haut niveau d’excellence et de créativité.
Merci de m’avoir ému si souvent, en me choisissant comme maître de cérémonie des mariages de tes filles, ce qui m’a souvent permis de deviner tes larmes coulant à chacune des ouvertures de bal nuptial, où tu les abandonnais, tout de même vigilant, aux bras de leurs époux.
Je vais à ce propos, te raconter une histoire qui m’est arrivée à une de ces occasions, où ton désir de perfection t’avait conduit à m’habiller. Tu rentrais de Chine. Me préparant à aller honorer et mon contrat et ta fille, je commençais alors à me vêtir de ce costume soyeux et confortable, je sentis un poids dans la poche du pantalon que j’enfilais, et quelle fut ma surprise, de découvrir ébahi, au fond de celle-ci, une plus que dodue liasse de yens. Tu imagines bien que j’ai tout de suite foncé changer ce cadeau du ciel, me téléportant Rue Sandiniéry, empocher le pourboire du vendeur chinois… Entre parenthèses et tout en sourires ….Je n’ai rien trouvé dans celui-là…Tu fus d’ailleurs en l’occurrence, étonné que je ne t’ai point talonné jusqu’à la fin de cette si belle fête…. Tu m’étonnes ! L’amuse-gueule était déjà si savoureux…
Encore et enfin, un grand MERCI de me donner ces joies d’écrire et de poser ma voix sur tous les films qui racontent tes rêves, tes projets et tes « délires », qui taquinent l’impossible.
Merci pour ta fidélité, ta ténacité et même parfois, merci pour tes « Niangals », qui rendent étroits et hasardeux tous les escaliers et couloirs de ton cabinet, ces Niangals dont tu me gratifies parfois, pour exiger « plus de mieux » de mon professionnalisme.
Pour conclure, ici, sous cette statue du Monument de la Renaissance, je vais rejoindre et sublimer ton appel à la jeunesse du Sénégal, à travers cette statue, qu’avec ton goût et ton appétit d’ailleurs, tu symbolisais à travers le petit garçon tout là-haut, qui pointe de son doigt l’horizon. Si tu avais la latitude d’en modifier la sculpture, tu lui aurais forgé le doigt pointé vers le bas, parce qu’enjoignant à notre jeunesse de rester et de rêver ici, parce que c’est ici que ça se passe.
Pierre, tu es une personne précieuse pour le Sénégal. Merci pour la collaboration à laquelle tu m’invites toujours et qui me permet de profiter de la folle et merveilleuse aventure de création d’un bâtisseur hors-normes. Merci Pierre.
En guise de post-scriptum : "J'ai la prétention de ne pas être aimé par tout le monde, parce que cela signifierait qu'on est aimé par n'importa qui"- Sacha Guitry.
Je te fais la promesse de m’évertuer à te mériter.
MAHOMET, AU-DELÀ DU PROPHÈTE
Comment un prédicateur rejeté par les siens est-il devenu le fondateur d'un empire théocratique ? L'itinéraire de Mahomet, étudié par l'historien Nabil Mouline, révèle les origines historiques de la fusion entre religion et politique en islam
(SenePlus) - Le prophète de l'islam a-t-il inventé la fusion du religieux et du politique ? Cette question, au cœur des débats contemporains sur l'islam politique, trouve ses racines dans la figure même de Mahomet, personnage aux multiples facettes qui transcende les catégories traditionnelles. Selon l'analyse de Nabil Mouline, chargé de recherche au CNRS, publiée dans Le Monde, le fondateur de l'islam apparaît comme « un personnage hybride, qui prétendait être à la fois dépositaire de l'autorité spirituelle et détenteur du pouvoir temporel ».
Né vers 570 à La Mecque selon la tradition, Mahomet incarne une synthèse inédite entre la fonction prophétique et le leadership politique. « Il est tour à tour dépeint comme un prédicateur, un sage, un ascète, un thaumaturge (faiseur de miracles), un législateur, un diplomate, et bien sûr un guerrier », souligne le chercheur. Cette multiplicité de rôles pose d'emblée un problème de classification, car Mahomet « peut théoriquement appartenir au moins à deux types de fonction : les prophètes et les monarques ».
L'originalité de la démarche de Mahomet s'enracine dans une conception théocratique du pouvoir clairement exprimée dans le Coran. Le texte sacré « présente le Dieu unique sous des traits monarchiques », explique Nabil Mouline. « En tant que Créateur, Allah est le seul roi légitime (al-malik al-haqq), le seul qui peut prétendre à la sacralité (al-malik al-quddus) et à la souveraineté absolue (malik al-mulk) ».
Cette vision théocratique s'accompagne d'une hiérarchie divine précise : « Assis sur son trône ('arsh, kursi), entouré d'anges obéissants et infatigables, il règne sur l'ensemble de l'univers ». Le Coran affirme ainsi que « le pouvoir et l'autorité sont des attributs exclusivement divins », correspondant à « la définition première du terme théocratie, le gouvernement de Dieu ».
Contrairement aux idées reçues, « le texte coranique ne donne pas une image négative de la royauté », précise le chercheur. Au contraire, « il semble que la monarchie soit le régime le plus naturel pour gérer les affaires d'une société selon le Coran ». Cette acceptation de la monarchie s'explique par son origine divine : « C'est Allah lui-même qui fait et défait les monarques en tant que souverain légitime de l'univers ».
L'exode de Médine : tournant vers le pouvoir politique
La transformation de Mahomet d'annonciateur religieux en leader politique s'opère lors de l'hégire, son exode vers Médine en 622. Durant la période mecquoise, « tout laisse penser qu'il n'avait alors pas d'ambition politique à proprement parler », note Nabil Mouline. Le futur prophète « se considère durant la plus grande partie de l'époque dite mecquoise comme un simple annonciateur (bashir) et avertisseur (nadhir) ».
Cependant, face au rejet de son message par la majorité de ses contemporains, Mahomet « est de plus en plus persuadé que le rétablissement de l'unicité divine doit impérativement s'appuyer sur un ordre politique ». L'installation à Médine marque « un véritable tournant dans la carrière de Mahomet. D'annonciateur et avertisseur, il se transforme petit à petit en véritable chef politique ».
« Dès son arrivée à Yathrib, Mahomet s'efforce de conforter sa place de leader », explique le chercheur. À l'instar de Moïse, « il aspire à devenir un grand législateur ». Pour organiser sa nouvelle communauté, il « met en place ou donne une nouvelle interprétation à plusieurs rituels » et « codifie un certain nombre de pratiques sociales ». Cette activité législatrice vise à « fixer l'orthopraxie, c'est-à-dire l'ensemble des comportements socioreligieux à même de garantir l'ordre, et surtout le salut ».
L'époque médinoise se caractérise par une dimension militaire assumée. « Pour des raisons religieuses, politiques, économiques et même personnelles, le combat dans le sentier de Dieu (al-jihad fi sabil Allah) est l'un des principaux éléments du projet du fondateur de l'islam », analyse Nabil Mouline. Mahomet « considère sa communauté comme le nouvel Israël auquel Dieu a promis une domination universelle et le salut éternel grâce à une nouvelle Alliance ».
L'héritage institutionnel : du califat à l'islam politique contemporain
Cette réorientation s'accompagne d'une rupture doctrinale majeure entre 624 et 630. Face au « refus des "gens du Livre" (c'est-à-dire les juifs et les chrétiens) de le reconnaître », Mahomet procède à une « arabisation » de sa religion. Il « proclame ainsi qu'il est le seul dépositaire de la religion d'Abraham (millat Ibrahim) » et que « sa communauté est le nouveau Peuple élu (khayr umma, umma wasat) chargé de sauver l'univers ».
Le changement de direction de la prière, désormais orientée vers la Kaaba plutôt que vers Jérusalem, symbolise cette « volonté de distinction ». La Kaaba devient « la demeure de Dieu sur terre érigée par Abraham et Ismaël », marquant l'autonomisation définitive de l'islam par rapport aux autres monothéismes.
« Grâce à son autorité charismatique, Mahomet a pu fonder un nouvel ordre social et poser les jalons d'une religion, d'un empire et d'une civilisation », conclut Nabil Mouline. Le prophète « a progressivement réussi à monopoliser l'autorité religieuse et le pouvoir politique, en se présentant comme le porte-parole et l'instrument d'Allah ».
Conscient de sa place dans l'histoire du salut, Mahomet « s'autoproclame Sceau des prophètes (khatam al-nabiyyin), c'est-à-dire l'ultime prophète, dont il incarne l'achèvement parfait ». Cette dimension eschatologique pose cependant un problème de succession : « Mahomet ne pouvant transmettre sa charge – d'autant que le Coran indique qu'il "n'est le père d'aucun de vos hommes" –, il ne désigne pas de successeur ».
La solution institutionnelle émergera après sa mort en 632 : « Et puisque le cycle prophétique est clos, la monarchie s'impose. C'est ainsi que le califat voit le jour ». Cette institution « consacre définitivement la réunion du politique et du religieux en islam inaugurée par Mahomet », établissant un modèle qui traverse les siècles jusqu'aux débats contemporains sur l'islam politique.
par Elhadji Mamadou Mbaye
NOUS NE VOULONS PAS D’UN DIALOGUE NATIONAL AU SERVICE DES ACTEURS POLITIQUES PROFESSIONNELS
EXCLUSIF SENEPLUS - Si l'objectif est de repenser le système politique sénégalais, il faut éviter d'en faire une nouvelle tribune pour des politiciens de métier déconnectés des réalités citoyennes
Pour le 28 mai 2025, le président de la République a appelé à un dialogue national entre l’ensemble des forces vives de la nation pour repenser notre système politique sénégalais.
Effectivement, le système politique sénégalais mérite d’être analysé, évalué, revu, contextualisé, endogénéisé, souverainisé... Cependant, nous devons éviter d’en faire un dialogue national de plus, au service des acteurs politiques professionnels.
Le débat actuel sur le dialogue est asphyxié par la participation ou non de tel ou tel autre homme politique, de tel ou tel autre parti politique. Le Sénégal compte près de 350 partis politiques, 348 exactement en 2024 pour 18 millions de Sénégalais. Inviter l’ensemble de ces partis (sur un nombre attendu d’environs 250 participants), c’est déjà politisé, voire électoralisé le débat et le centré sur les intérêts des politiciens qui ne représentent qu’une part infime du système politique sénégalais et des Sénégalais en général. Les acteurs politiques professionnels sont les hommes politiques qui ont fait de la politique leur métier. Au Sénégal, ils sont présents dans tous les partis politiques y compris dans les partis au pouvoir.
Les acteurs politiques professionnels sont souvent définis comme des pervers qui ont les cinq caractéristiques suivants : la première caractéristique est qu’ils sont machiavéliques, c’est-à-dire qu’ils sont prêts à utiliser toutes les ruses possibles pour atteindre leur objectif originel qui est celui d’être élu et de garder pouvoir par tous les moyens y compris par des moyens illégaux et illégitimes dépourvus de morale. Ils n’ont aucune loyauté même envers la parole donnée (goor sa wakh dja) et sont adeptes du wakh wakhet, une valeur centrale dans le champ politique sénégalais contemporain.
La seconde caractéristique, c’est qu’ils sont narcissiques : ils sont dans une rationalité instrumentale, ne pensant qu’à leurs propres intérêts ; les autres, y compris les électeurs et les citoyens ne sont que des objets à instrumentaliser au service de leurs propres intérêts. Ils développement le culte de la personnalité marqué par l’adulation excessive de leur personnalité par les membres de leurs partis et leurs sympathisants.
La troisième caractéristique de ces acteurs politiques est qu’ils sont également psychopathiques : ils manquent fondamentalement d’empathie envers les autres. Ils ont du mal à comprendre la souffrance des autres, pensant souvent que ces autres sont responsables de leurs propres souffrances, qu’ils ne veulent pas travailler, qu’ils sont fainéants et pour cela, ils disposent d’une mission presque divine de les « sauver » de leurs propres situations. Ils seraient les messies sans qui les Sénégalais tomberaient dans des abymes à la hauteur de leur espérance pour la politique.
La quatrième caractéristique des acteurs politiques professionnels, le sadisme, qui consiste en une jubilation à infliger de la souffrance aux autres particulièrement à leurs adversaires politiques soumis aux mêmes logiques. Ils sont prêts à les voir en prison, parfois morts… car la présence de ces derniers dans le même champ politique constitue selon eux leur destruction, ils ne sont pas ouverts à la co-construction du pays. Soit c’est eux ou les autres qui doivent disparaitre, mais ils ne peuvent ensemble, partager le débat politique.
Une cinquième et dernière caractéristique qui est propre aux acteurs politiques professionnels africains et sénégalais en particulier est qu’ils sont égocentriques ; ils pensent savoir plus que les principaux concernés, c’est-à- dire les citoyens, ce qui est bon pour eux. Ils produisent des visions du monde pour les populations sans les populations. Ils manquent d’altruisme, d’écoute, d’humilité. La colonisation incarnait cette contre-valeur, car l’Africain ne savait pas ce qui était bon pour lui. Nos hommes politiques en ont hérité et pensent que pour décider, il n’y a pas besoin de consulter les populations sur les problèmes qui les concernent.
Ainsi, le dialogue national prévu le 28 mai ne doit pas être un dialogue au service de la promotion de ces acteurs politiques professionnels. Il ne doit pas être un dialogue centré sur la démocratie électorale et l’organisation des élections pour les élire et leur donner encore plus de pouvoir.
Au contraire, ce dialogue doit redonner le pouvoir aux citoyens. Il doit se centrer sur la démocratie participative. Il doit se décentrer de la démocratie par les urnes. Il doit avoir pour objectif la démocratie substantive ou substantielle qui permet aux citoyens de pleinement participer à la vie politique et sociale à la fabrique, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques qui visent directement les problèmes auxquels ils sont confrontés. Il doit porter sur la démocratie au quotidien.
Le nouveau référentiel centré sur la souveraineté nationale nous l’exige. Ce référentiel pour un Sénégal juste, prospère et souverain doit être porté par les populations, par l’ensemble des forces vives de la nation. Si l’on veut un financement endogène des politiques publiques, si l’on veut que les Sénégalais soutiennent et participent à l’action publique, il faut leur redonner le pouvoir et les associer à l’action gouvernementale. Cela passe d’abord par une écoute active de leurs avis, de leurs craintes, de leurs préoccupations, de leurs propositions pour un système politique sénégalais renouvelé, plus proche d’eux et moins porté par des acteurs politiques professionnels pervers. En somme, le dialogue sur le système politique sénégalais doit d’abord être un débat citoyen par et pour les citoyens.
Elhadji Mamadou Mbaye est Enseignant-Chercheur en science politique à l’université Gaston Berger de Saint-Louis.
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LE DIALOGUE NE DOIT PAS SE LIMITER AUX FORCES POLITIQUES
Invité de l’émission Jury du Dimanche, Daouda Tall, président du mouvement Idées Sénégal, a plaidé pour un dialogue national inclusif. Selon lui, les échanges sur l’avenir du pays doivent intégrer l’ensemble des forces vives de la nation
Invité de l’émission Jury du Dimanche sur iRadio et iTV, le consultant international et président du mouvement Idées Sénégal, Daouda Tall, a livré une analyse approfondie de l’état de la gouvernance publique au Sénégal. Au cœur de son intervention : la reddition des comptes, le dialogue national et la vision Sénégal 2050.
Pour Daouda Tall, la reddition des comptes est un pilier fondamental de la transparence dans le système judiciaire. « Lorsqu’on vous confie des deniers publics, vous devez rendre compte. Il ne s’agit pas seulement de présenter des chiffres et d’obtenir un quitus : il faut aller jusqu’à l’évaluation des politiques publiques mises en œuvre », a-t-il affirmé. Il a également insisté sur la nécessité que cette reddition se fasse dans le respect des principes de justice, soulignant que celle-ci doit être à la fois indépendante et impartiale.
S’exprimant sur le Dialogue national, le président d’Idées Sénégal en salue l’initiative mais en propose une relecture critique. Il estime que ce cadre de concertation devrait être plus inclusif et ouvert à l’ensemble des acteurs du développement national. « Le dialogue ne doit pas se limiter aux forces politiques. Il faut impliquer les entrepreneurs, les citoyens, tous ceux qui contribuent au progrès du pays », a-t-il déclaré, en rappelant que le véritable sens de la politique réside dans l’amélioration des conditions de vie des populations.
Sur le plan des perspectives, Daouda Tall s’est montré favorable à la démarche du gouvernement concernant la vision Sénégal 2050. Il la considère comme un référentiel ambitieux qui pourrait impulser une dynamique durable, à condition qu’elle soit partagée et portée par les citoyens. « Il ne suffit pas de projeter le pays vers l’avenir. Il faut que les Sénégalais s’approprient cette vision. C’est cette adhésion qui fera la différence », a-t-il estimé.
Enfin, il a appelé à renforcer l’anticipation stratégique pour faire face aux enjeux futurs du pays, insistant sur la nécessité de penser le développement dans une logique de long terme, au-delà des urgences politiques du moment.
Les belles feuilles de notre littérature par Amadou Elimane Kane
SABARU JINNE, LES TAM-TAMS DU DIABLE OU L’EXPRESSION D’UNE LITTÉRATURE CINÉMATOGRAPHIQUE
EXCLUSIF SENEPLUS - Ni roman traditionnel, ni conte, ni théâtre, mais un peu tout cela à la fois. L'oeuvre de Pape Samba Kane révolutionne les codes narratifs avec un récit polymorphe qui mélange les genres et réinvente l'art de raconter une histoire
Notre patrimoine littéraire est un espace dense de créativité et de beauté. La littérature est un art qui trouve sa place dans une époque, un contexte historique, un espace culturel, tout en révélant des vérités cachées de la réalité. La littérature est une alchimie entre esthétique et idées. C’est par la littérature que nous construisons notre récit qui s’inscrit dans la mémoire. Ainsi, la littérature africaine existe par sa singularité, son histoire et sa narration particulière. Les belles feuilles de notre littérature ont pour vocation de nous donner rendez-vous avec les créateurs du verbe et de leurs œuvres qui entrent en fusion avec nos talents et nos intelligences.
Le roman tel qu’on le définit, comme une œuvre littéraire en prose d’une certaine longueur mêlant le réel et l’imaginaire, se différencie du conte par l’absence du merveilleux, le souci de vraisemblance et une forme plus développée, de l’autobiographie par le côté fictif qu’il présente, de la poésie par sa forme en prose et du théâtre par le fait qu’il ne soit pas destiné à être mis en scène. Pourtant, il existe des romans qui peuvent s’emparer de tous ces rythmes narratifs pour former un récit composite qui autorise une grande liberté.
C'est le cas du roman polymorphe Sabaru Jinne de Pape Samba Kane. En effet, dès le début du récit, on ne sait pas très bien à quelle configuration on a affaire. Est-ce un récit philosophique, un récit autobiographique, un récit initiatique ou des confessions intimes ? Est-ce du roman, un conte merveilleux, du théâtre ou du cinéma ? En réalité, c’est un peu tout cela à la fois.
Dès la mise en place de la structure narrative, il y a une mise en abyme car celui qui lit - après plusieurs années, les feuillets épars rangés dans une malle en bois - est le narrateur mais aussi celui qui a écrit ces fragments dispersés. Cette distanciation permet au lecteur/narrateur d’occuper l’espace séquentiel du récit, ou plutôt des récits.
Avec le recul nécessaire et une bonne dose d’humour, le narrateur met à nu les affres de la création, la dureté d’écrire, la difficulté de raconter. Autre problématique, le moment où le narrateur se pose la question de qui il est : un philosophe, un rêveur, un amuseur ou un joueur de flûtes ? Toutes ces questions qui peuvent habiter l’écrivain jusqu’à exposer le trouble.
Rêveries sur le réel : Traité de philosophie poétique d’un fou sophiste est le titre de ces lambeaux de textes abandonnés dans une malle, elle-même cachée dans la poussière du temps. Ce titre est sans doute ce qui résume le mieux le livre lui-même, tout en faisant référence à tout un patrimoine littéraire entrecroisant les influences, la poésie, le roman épique et philosophique, l’autobiographie ou encore l’indéfinissable fantastique.
Le récit c’est aussi la culture du mot, de la grande littérature qui jaillit donnant des références multiples qui forment une sorte de tourbillon pour appréhender la fonction d’écrire, de témoigner du réel ou de bâtir, par la fiction, un univers métissé qui aussi compose une histoire.
Cette polymorphie narrative est une sorte de tableau social, politique et historique du Sénégal depuis les indépendances jusqu'aux désillusions des années 1990.
Comme une ouverture symphonique, c’est une valse qui se déploie entre l'enfance, les femmes, la politique, l’écriture au coeur de toute chose, les arts, le journalisme, un maelstrom qui traverse le cerveau du narrateur, comme un vent de folie littéraire, avec une fantaisie assumée et une grande liberté.
Massata, le narrateur, vit avec sa grand-mère dans le quartier de la Médina à Dakar. Maam Panda, qui est belle comme une étoile, arrive à la fin de son existence et le désenchantement de Massata se ravive. En exhumant ses propres écrits, il raconte, une fois à la troisième personne du singulier, comme s’il était un personnage indépendant de son être et parfois en confessant au “je” ses pensées les plus profondes. Ce mouvement narratif qui alterne entre le “moi”, l’être social et la conscience offre une certaine dimension polyphonique.
L’auteur fait également ouvertement référence à une construction cinématographique, procédant par flash back et par des images vives où des personnages emblématiques se disputent la lumière : Django, un errant pauvre, Jooni-Jooni, un photographe ambulant Toubab, le singe Buuba, véritable attraction du village qui incarne le double des humains, tout comme les artistes qui entrent en scène au fur et à mesure du récit.
Mais ici les lieux sont aussi des personnages à part entière, décrivant ainsi des réalités sociales, la douceur de Saint-Louis au moment de l’enfance où Massata est choyé, la Médina de Dakar, théâtre permanent de la vie. C’est ainsi que le récit décolle, l’enfance, l’initiation, l'émancipation par l’éducation des femmes, l’école coranique puis l’école française. Revenu à Dakar chez son grand-père Mame Thierno, Massata découvre le champ d’un autre village, celui de la concession à la Médina, où la famille agrandie vit ensemble, avec les apprentis Manjaku venus de Guinée-Bissau qui travaillent à la fabrique de Mame Thierno.
Après la libération de 1968, les expériences sont multiples, les cultures se côtoient dans une espèce de bouillonnement artistique. Le roman est aussi un véritable hommage aux artistes de la culture sénégalaise de cette époque.
Puis vient le temps des excès en tout genre, la fête, l'argent, l'alcool, la drogue, le chagrin amoureux, le tourbillon du sabar, le mystère des ombres, des rituels et des croyances, comme une sorte d’art impénétrable. Et la nostalgie d’un temps disparu pointe à l’horizon. La beauté de l’enfance et la flamboyante adolescence laissent place à la difficulté existentielle et à la ronde du changement, à la mutation d’un monde enfoui, seulement gravé sur les pages éparses d’un récit en fragments.
Mais juste avant que Massata ne pense qu’à rendre les pages de son histoire à la mer, le miracle se produit et Sabaru Jinne prend vie sous ses yeux. Il est le récit qui se joue comme un spectacle où l'épaisseur des personnages se fabrique, où l'imaginaire rencontre le réel et où le culturel résonne avec le son des tam-tams. Dans un final éblouissant de vérité et de confrontation spirituelle, Massata, incarnant son propre rôle, déploie l’art de l’histoire, du conte, du merveilleux, de la parole et des rituels symboliques.
Ainsi, le roman de Pape Samba Kane s’apparente à un long plan séquence où tous les mouvements littéraires se rencontrent afin de construire un univers singulier où la stylistique du roman est déconstruite pour mieux s’approprier, avec adresse, la complexité narrative de la littérature africaine. Sabaru Jinne, un récit au titre évocateur et saillant, est un grand roman qui réinvente, avec talent, l’art démultiplié de raconter une histoire.
Amadou Elimane Kane est écrivain, poète.
Sabaru Jinne, les tam-tams du diable, roman, les éditions Feu de brousse, 2015.
L'histoire des dialogues politiques sénégalais révèle un paradoxe. Si les premières concertations de 1992 ont permis l'alternance de 2000, les forums républicains semblent depuis avoir perdu leur capacité à produire de réels consensus démocratiques
Depuis 1992, l’État a initié une série de dialogues politiques avec l’opposition, la société civile et les forces vives de la Nation. Aux yeux d’une grande partie de l’opinion, ces forums républicains ont plus servi à faire avancer le calendrier politique du régime en place que d’obtenir de réelles avancées sur le plan démocratique.
Le dialogue a toujours été une panacée pour les différents régimes qui se sont succédé au pouvoir au Sénégal. À la suite des troubles post-électoraux de 1988, le Président Abdou Diouf décide de mener des concertations dans le but d’apaiser le climat politique. Ainsi, à la fin de l’année 1991, le Parti socialiste (Ps), au pouvoir, et une dizaine de partis de l’opposition (Pds, Ld/Mpt, Cdp/Garab Gui, Aj/Pads…) décident la mise en place d’une Commission cellulaire chargée de la réforme du Code électoral. Dirigée par le juge Kéba Mbaye, elle a permis d’obtenir de grandes avancées dans le fonctionnement du système électoral sénégalais.
Il s’agit d’une quinzaine de réformes, dont l’identification obligatoire de l’électeur avec sa carte d’identité ; l’abaissement de la majorité électorale de 21 à 18 ans ; le passage obligatoire à l’isoloir ; l’utilisation de l’encre indélébile ; la limitation des mandats à deux ; la présence de représentants des candidats dans les bureaux de vote ; la présence d’un représentant des partis dans la Commission de distribution des cartes d’électeur ; le découplage de l’élection présidentielle et des élections législatives, etc. Par ailleurs, d’autres mesures, telles que l’élection présidentielle à deux tours si aucun des candidats n’a la majorité absolue au premier tour, ont été aussi actées à l’issue des échanges.
L’héritage du Code Kéba Mbaye
L’Assemblée nationale, à travers le vote de la loi n° 92-16 du 7 février 1992 portant Code électoral modifié, va ainsi figer dans le marbre les nouveaux articles du Code électoral qui vont conduire à la première alternance politique en 2000. Ce Code consensuel est aussi connu sous le nom de « Code Kéba Mbaye ». Commission nationale de réformes des institutions (Cnri) Pour sa part, la Commission nationale de réforme des institutions, alors dirigée par l’ancien directeur général de l’Unesco Amadou Mahtar Mbow, aujourd’hui disparu, a été instaurée par le décret n° 2013-730 du 28 mai 2013 ordonnant à la Cnri de mener la concertation nationale sur ladite réforme et de formuler des propositions visant à améliorer son fonctionnement. Cette Cnri est née des Assises nationales.
Ainsi, la Cnri, composée de personnalités, dont d’anciens hauts fonctionnaires, d’universitaires, de juristes, d’experts et de membres de la société civile, a émis un certain nombre de recommandations comme la réforme du régime politique avec un passage à un régime parlementaire rationalisé, la réorganisation des pouvoirs du président de la République de manière à contenir son pouvoir et une meilleure inclusion des langues nationales dans les processus de décisions institutionnelles. Concernant l’organisation des élections, la Cnri avait proposé la création d’une Autorité électorale indépendante ; l’inscription électorale locale obligatoire ; le respect strict du calendrier républicain ; la révision du Code électoral via consensus, etc.
Les recommandations de la CNRI restées lettre morte
La Cnri remettra son rapport, le 14 février 2014, au président Macky Sall qui, contrairement aux recommandations qu’elle a émises, va opter pour le maintien d’un système présidentiel fort qui va aboutir à la suppression du poste de Premier ministre en 2020. Selon beaucoup d’observateurs, le dialogue sous Macky Sall apparaît comme une vitrine communicationnelle pour son régime dans l’optique de favoriser des mesures politiques comme la loi sur le parrainage, l’ouverture de la majorité présidentielle… Dialogue post-référendum de 2016, absence de consensus Ainsi, les différents dialogues qui ont eu lieu depuis 2016 semblaient avoir pour but de régler des problèmes de candidatures plutôt que des avancées démocratiques. Concernant la première édition du Dialogue tenue en 2016 et mise en œuvre deux mois après le référendum constitutionnel du 20 mars 2016, les revendications de l’opposition concernant l’arrêt Ousmane Ngom (interdiction de manifester dans certaines zones de Dakar), la révision du fichier électoral et le statut de l’opposition n’ont pas été validées à l’issue des discussions. Ce, faute de consensus. Un autre Dialogue a été lancé en 2017 sans qu’aucune avancée majeure ne soit notée. Ce manque de confiance a été exacerbé, en 2018, par le vote de la loi sur le parrainage malgré le rejet de l’opposition.
Cette démarche a accentué la méfiance des organisations de la société civile et des partis politiques de l’opposition sur la pertinence de ces concertations. Le Dialogue initié en 2019, après la présidentielle, fut confié à Famara Ibrahima Sagna, ancien ministre de l’Économie et des Finances sous Abdou Diouf. Il fut alors nommé président du Comité de pilotage du Dialogue national. Cette rencontre avait pour but, selon plusieurs spécialistes, de servir de prétexte pour « cautionner » l’ouverture politique vers les anciens libéraux (Modou Diagne Fada, Idrissa Seck et Oumar Sarr) et le mouvement « Osez l’avenir » d’Aïssata Tall Sall en novembre 2020. Toutefois, d’après Moundiaye Cissé de l’Ong 3D, le bilan de ce dialogue n’est pas aussi négatif. « Les précédents dialogues nous ont permis d’avancer sur certains nombres d’acquis, tels que l’élection du maire au suffrage universel direct et la revue du parrainage, le montant de la caution et la suppression du parrainage aux locales. Chaque dialogue a son lot de résultats », affirme-t-il.
Modification du Code pour écarter Karim Wade et Khalifa Sall
En 2020, les principaux points de discorde entre l’opposition et la majorité restent inchangés. La suppression du parrainage, réclamée par une partie de l’opposition, l’instauration du bulletin unique et la création d’une haute autorité chargée de l’organisation des élections demeurent toujours des points de discorde entre le pouvoir et l’opposition. En outre, l’opposition dénonçait la modification du Code électoral qui impose aux candidats de jouir de leurs droits civiques pour figurer sur les listes électorales et être candidats à l’élection. Une disposition perçue comme un moyen d’écarter les candidats Karim Wade et Khalifa Sall de la présidentielle de 2019.
Dialogue de 2023, processus d’isolation d’Ousmane Sonko
Le Dialogue de juin 2023 a connu quelques avancées à l’instar de l’abaissement de la fourchette du nombre de parrains entre 0,6 % à 0,8 % du fichier électoral, soit entre 44 231 et 58 975 signatures, ou la possibilité d’avoir le parrainage des députés et des élus territoriaux. Toutefois, il est finalement apparu aux yeux de beaucoup d’observateurs comme une opération visant à réhabiliter Karim Wade et Khalifa Sall dans leurs droits civiques et politiques. Ainsi, à la suite de ces concertations, l’Assemblée nationale va acter la modification des articles L28 et L29 du Code électoral, lesquels rétablissent dans leurs droits ces deux leaders politiques qui ont bénéficié d’une grâce présidentielle tout en ayant déjà purgé leur peine. Ces derniers qui avaient fait l’objet de condamnations avant d’être graciés par Macky Sall étaient désormais éligibles à la présidentielle de mars 2024. Ousmane Sonko (Pastef) qui avait décliné l’invitation au Dialogue national a été condamné à deux ans de prison ferme pour corruption de la jeunesse et à six mois avec sursis pour diffamation. Ces peines vont pousser le Conseil constitutionnel à invalider sa candidature pour la présidentielle de 2024.
Le Dialogue de février 2024, l’échec du report de l’élection
Le dernier Dialogue national a été convoqué le 26 février 2024 après le report surprise du scrutin du 3 février 2024, à quelques heures du démarrage de la campagne officielle. Au terme des travaux de deux jours, la date du 2 juin 2024 a été proposée pour la tenue de la présidentielle par les participants. En outre, le président sortant, Macky Sall, dont le mandat s’achevait le 3 avril 2025, a été autorisé par le Dialogue à rester en poste jusqu’à l’installation de son successeur.
Les conclusions des concertations prévoyaient aussi le maintien de la liste des 19 candidats déjà retenus par le Conseil constitutionnel, le réexamen complet des dossiers de candidatures, avec la vérification de l’exclusivité de la nationalité sénégalaise, et le projet de loi d’amnistie introduit pour son adoption à l’Assemblée nationale dès le jeudi 29 février 2024. Toutefois, les conclusions du Dialogue seront invalidées, le 15 février, par le Conseil constitutionnel qui va annuler le décret d’abrogation du décret convoquant le corps électoral et le report de la présidentielle adoptée par l’Assemblée nationale le 5 février. Ainsi, Macky Sall sera forcé de tenir les élections dans les « meilleurs délais » avant la fin de son mandat, le 3 avril 2024, permettant ainsi la tenue de la présidentielle le 24 mars 2024.
AUGUSTIN SENGHOR ENTRETIENT LE FLOU
Le président de la FSF a célébré les succès de son mandat tout en refusant de lever le voile sur ses intentions pour l'élection du 2 août 2025, laissant planer le doute sur une cinquième candidature
Augustin Senghor a fait le bilan de son 4ème mandat à la tête de la Fédération sénégalaise de football (2021-2025) ce samedi lors de l’Assemblée générale ordinaire. L’occasion pour lui de parler de ses faits d’arme mais aussi d’évoquer une prochaine candidature…
Ce samedi, c’était l’heure du bilan pour Augustin Senghor. Le dirigeant, qui a été réélu en 2021 pour un 4ème mandat de 5 ans, verra celui-ci prendre bientôt fin. Et en regardant dans le rétroviseur, le dirigeant se dit satisfait puisque durant cette période, les différentes équipes nationales ont effectué une belle moisson de titres : CAN 2021, CHAN 2023, CAN U20, CAN U17, CAN de Beach Soccer…
« C’était un mandat exceptionnel dans l’histoire du football Sénégalais. C’est le mandat qui a permis au Sénégal de gagner un premier trophée continental avec l’équipe A mais aussi avec toutes les catégories. Tous les ligues ont maintenant dans chaque département des clubs en compétition (…) Plus que jamais le football sénégalais a besoin de moyens pour rester sur le plateau de performance sur lequel il s’est installé depuis quelques années », a-t-il soutenu.
Augustin Senghor a ensuite été questionné sur une éventuelle candidature pour un 5ème mandat. Mais il a préféré maintenir le flou. « Je reste un passionné du football tout comme Abdoulaye Seydou Sow. Ce serait une erreur de penser que le Football peut se penser des compétences et des expériences de certains. Laissons les choses se faire. Ceux qui ont envie de se présenter le feront et ceux qui n’ont pas envie de se présenter ne se présenteront pas. C’est ça la règle du jeu démocratique … ». Il faudra donc attendre pour avoir une réponse définitive alors que l’Assemblée générale élective aura lieu le 2 aout 2025.