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26 juillet 2025
L'AFRIQUE LÂCHERA-T-ELLE L'IRAN ?
Entre coopération nucléaire, ventes d'armes et formation militaire, la République islamique avait fait du continent un pilier de sa stratégie d'expansion. Un château de cartes désormais menacé
(SenePlus) - Les bombardements israéliens qui s'abattent sur l'Iran depuis le 13 juin marquent un tournant décisif dans l'histoire récente de la République islamique. Ces frappes, d'une sophistication tactique inédite, ciblent les hauts dirigeants militaires et les centres stratégiques de commandement, révélant une volonté manifeste d'affaiblir durablement les capacités décisionnelles iraniennes, selon l'analyse de Jeune Afrique. Au-delà des enjeux régionaux, ce conflit pourrait redistribuer les cartes de l'influence iranienne en Afrique, continent que Téhéran considère depuis des décennies comme une zone stratégique prioritaire.
Le vote du 12 juin à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) condamnant l'Iran pour "non-respect" de ses obligations nucléaires a révélé les fractures du continent africain sur cette question sensible. Seul le Burkina Faso s'est joint à la Russie et à la Chine pour voter contre cette résolution, témoignant d'un alignement assumé sur Téhéran. Cette position s'inscrit dans une dynamique de rapprochement accélérée : la junte militaire burkinabè, au pouvoir depuis 2022, a signé en septembre 2024 un mémorandum d'entente avec l'Organisation iranienne de l'énergie atomique pour renforcer la coopération "en matière de recherche et de formation nucléaires", rapporte Jeune Afrique.
Cette collaboration nucléaire s'accompagne d'un partenariat militaire approfondi. En novembre 2023, l'ambassadeur iranien à Ouagadougou négociait déjà avec le ministre burkinabè des Affaires étrangères le renforcement des relations de défense, "incluant l'exportation d'équipements militaires, leur maintenance et la formation des forces de sécurité locales". Plus récemment, la visite d'Ahmad-Reza Radan, commandant de la police iranienne, au Burkina Faso illustre cette intensification des liens sécuritaires.
Face à cette alliance assumée, d'autres nations africaines ont adopté une posture plus nuancée. L'Afrique du Sud, l'Égypte, le Ghana et l'Algérie se sont abstenus lors du vote à l'AIEA, optant pour un équilibre délicat entre leurs intérêts énergétiques et les pressions internationales. Ces pays "défendent le droit de l'Iran à l'énergie nucléaire à des fins civiles tout en réaffirmant leur engagement envers la non-prolifération", analyse Jeune Afrique.
L'Afrique du Sud illustre parfaitement cette ambivalence. En février dernier, Pretoria déclarait qu'elle "pourrait se tourner vers la Russie ou l'Iran pour accroître sa capacité nucléaire civile", avant de nier toute coopération nucléaire bilatérale avec Téhéran suite aux accusations de Donald Trump. Cette valse-hésitation reflète les tensions géopolitiques qui traversent le continent.
À l'opposé, le Maroc a voté en faveur de la résolution, confirmant ses relations tendues avec Téhéran en raison du "soutien iranien au Front Polisario". Rabat "rejette fermement toute dimension militaire" du programme nucléaire iranien, témoignant d'une "méfiance enracinée dans la suspicion persistante envers les ambitions expansionnistes du régime iranien", selon Jeune Afrique.
L'exportation de la révolution : une stratégie idéologique assumée
Cette expansion iranienne en Afrique s'appuie sur les fondements idéologiques de la Constitution postrévolutionnaire, qui consacre le principe de "l'exportation de la révolution" et du soutien aux nations opposées à l'Occident. Affaiblie économiquement par des décennies de sanctions, notamment dans le secteur pétrolier, la République islamique "ne dispose plus d'atouts économiques majeurs à offrir" et "mise désormais sur ses capacités militaires", explique Jeune Afrique.
Cette stratégie porte ses fruits. Quelques jours avant sa mort dans une frappe israélienne, le chef d'état-major des forces armées iraniennes, Mohammad Bagheri, déclarait publiquement que les exportations d'armements de la République islamique avaient "considérablement augmenté" sous la présidence d'Ebrahim Raïssi, atteignant un niveau "trois fois supérieur" à celui des années précédentes.
Cette montée en puissance s'accompagne d'initiatives concrètes sur le terrain africain. Après une tournée diplomatique d'Ebrahim Raïssi au Zimbabwe, au Kenya et en Ouganda, son vice-président Rouhollah Dehghani annonçait la mise en place de "centres spécialisés en Afrique, notamment en Ouganda, pour fournir des services liés aux drones iraniens". Lors du troisième sommet de coopération Iran-Afrique, tenu du 27 au 29 avril à Téhéran, le président Massoud Pezechkian déclarait que son pays était prêt à partager "toutes ses capacités et réalisations", y compris dans le domaine de la "sécurité", avec ses partenaires africains.
L'un des dossiers les plus sensibles concerne les supposées négociations avec le Niger. En mars 2024, le Wall Street Journal révélait que des responsables américains redoutaient "un accord secret permettant à l'Iran d'accéder à l'uranium nigérien", les négociations ayant atteint un stade "avancé". Le quotidien français Le Monde confirmait par la suite que "la junte militaire au pouvoir au Niger maintenait son intention de vendre à Téhéran plusieurs centaines de tonnes d'uranium raffiné", également appelé "yellowcake".
Cette architecture d'influence iranienne en Afrique pourrait s'effondrer si le conflit avec Israël se prolonge. Comme l'analyse Jeune Afrique, "bien que l'influence extérieure de la République islamique s'appuie sur un socle idéologique, sa véritable crédibilité tient à sa force militaire". Une dégradation des capacités balistiques et de drones iraniens "réduirait fortement sa marge de manœuvre dans la région et au-delà, notamment en Afrique".
Le paradoxe iranien est saisissant : alors que de hauts responsables, dont les conseillers du Guide suprême Ali Khamenei, reconnaissent posséder la "capacité" de fabriquer l'arme atomique, Israël a fait de "l'élimination du programme nucléaire iranien" l'un des "objectifs prioritaires de sa campagne militaire". Si cet objectif devait être atteint, "les bases des partenariats nucléaires entre l'Iran et ses partenaires à travers le monde, y compris les collaborations récemment établies avec l'Afrique, seraient profondément remises en question", prévient Jeune Afrique.
L'Iran se trouve ainsi à la croisée des chemins : soit il résiste au défi israélien et consolide son influence africaine, soit il sort affaibli de ce conflit et voit "son influence internationale se réduire à une coquille vide, fardée d'un discours révolutionnaire mais privée de levier d'action concret". Pour l'Afrique, l'enjeu est de taille : la redistribution des cartes géopolitiques pourrait redéfinir les équilibres continentaux pour les décennies à venir.
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L'AIDE QUI TUE LE DÉVELOPPEMENT
En 1960, la Corée du Sud était plus pauvre que le Kenya. Aujourd'hui, elle est la 10ème puissance mondiale. Pendant ce temps, l'Afrique s'enlise malgré des décennies d'assistance. Quid de l'efficacité de l'aide au développement
Après plus de six décennies d'assistance internationale, l'Afrique reste enlisée dans la pauvreté alors que d'autres continents ont réussi leur décollage économique avec moins de ressources.
L'exemple est frappant : en 1960, la Corée du Sud était plus pauvre que le Kenya. Cinquante ans plus tard, elle est devenue la 10ème puissance économique mondiale avec un PIB par habitant multiplié par 270. À l'inverse, le Gabon, dix fois plus riche que la Corée du Sud en 1970, affiche aujourd'hui un taux de pauvreté de 35%, victime de sa dépendance aux matières premières.
Même constat avec Singapour et la Côte d'Ivoire : en 1970, l'économie ivoirienne surpassait celle de la cité-État (2 340 dollars de PIB par habitant contre 926). Aujourd'hui, les positions se sont totalement inversées. Singapour a misé sur le capital humain quand la Côte d'Ivoire est restée prisonnière de l'exportation de cacao et de café.
Ces 18 dernières années, l'Afrique a perçu 805 milliards de dollars d'aide publique au développement - quatre fois le montant du plan Marshall qui a reconstruit l'Europe après 1945. Paradoxalement, le nombre de pauvres a augmenté sur le continent, qui concentre désormais 75% des personnes démunies de la planète.
La corruption explique en grande partie cet échec. Au Nigeria, 55 personnalités ont détourné 6,7 milliards de dollars entre 2006 et 2013. Le président Sani Abacha avait à lui seul siphonné 5 milliards entre 1993 et 1998, soit 1,5% du PIB national.
Pour les experts, les recettes du développement ne sont plus un mystère : investissement massif dans l'éducation et la technologie, gouvernance transparente, industrialisation locale. "De bonnes réformes, 15 à 25 ans, tout un pays peut se transformer", assure un consultant en stratégie.
Le problème n'est donc pas technique mais politique : tant que les élites africaines privilégieront leurs intérêts privés à ceux de leurs populations, l'aide continuera d'alimenter les paradis fiscaux plutôt que le développement.
LES BARREAUX DU TEMPS COLONIAL
De Kinshasa à Abidjan, les prisons africaines fonctionnent selon des codes pénaux importés par les colonisateurs et jamais réformés. Ces systèmes judiciaires, conçus pour exploiter et contrôler, perpétuent aujourd'hui une criminalisation de la pauvreté
(SenePlus) - La prison de Makala, à Kinshasa, symbolise à elle seule les maux qui rongent les systèmes pénitentiaires africains. Construite en 1957 par le colon belge, elle est aujourd'hui l'une des plus surpeuplées au monde. En septembre 2024, une tentative d'évasion y a abouti à un drame : 269 femmes violées sur les 348 que comptait le pavillon féminin, selon un rapport de l'ONU.
Cette tragédie illustre un problème structurel qui dépasse les frontières congolaises. Comme l'explique Clémence Bouchart, responsable des productions éditoriales à Prison Insider, dans un entretien accordé au magazine Afrique XXI, « beaucoup d'établissements pénitentiaires en Afrique ont été construits durant la colonisation ». Ces bâtiments, souvent inadaptés à leur fonction carcérale, « ne sont pas adaptés aux défis sécuritaires ni pour accueillir du public vingt-quatre heures sur vingt-quatre ».
Avant la colonisation, les sociétés africaines avaient développé leurs propres mécanismes de justice. « Durant le précolonial, les comportements qui faisaient du tort à la communauté étaient sanctionnés avec une logique différente de celle de l'enfermement », précise Clémence Bouchart. En Côte d'Ivoire, par exemple, existait un système d'« amendes » qui « n'étaient pas versées à l'État, comme c'est le cas aujourd'hui, mais directement à la victime ou à ses proches ».
L'arrivée des colons a bouleversé ces traditions. « La prison a d'abord été installée et utilisée pour contrôler les territoires et les populations rétives à la colonisation, hors de tout procès », explique l'experte. Au Kenya, « les premiers bâtiments construits par les Britanniques étaient des prisons. Il n'y avait pas d'État en tant que tel et, bien sûr, aucun système de justice ».
Cette logique répressive visait avant tout à assurer la rentabilité des colonies. « L'enfermement était avant tout un outil de répression politique et de contrôle du travail pour la mise en valeur de la colonie : construction des bâtiments publics, des routes, exploitation des plantations », souligne Clémence Bouchart.
La criminalisation de la pauvreté
L'héritage colonial se manifeste aujourd'hui par une criminalisation systématique des plus démunis. « Au départ, on assiste à une criminalisation des pratiques ancestrales », observe l'experte de Prison Insider. Les codes pénaux ont introduit des délits comme « l'oisiveté, le vagabondage, la consommation d'alcool et de drogues », autant de lois qui « vont se retrouver dans les codes pénitentiaires au moment des indépendances ».
Le Nigeria illustre parfaitement cette continuité. Selon l'avocat Damilare Adenola, cité par Afrique XXI, le système pénal nigérian est « devenu un outil contre les pauvres et les marginaux ». Un constat que partage Clémence Bouchart : « Le fait que les personnes détenues soient en majorité des gens pauvres est un héritage de la colonisation ».
À Haïti, cette logique atteint des proportions dramatiques. Roberson Edouard, expert cité dans l'étude, explique qu'on assiste à « une criminalisation systématique de la pauvreté ». Les infractions mineures représentent 25% des affaires traitées par la justice haïtienne, et « avec les larcins, on monte à 60% ».
Paradoxalement, l'aide internationale perpétue souvent ces dysfonctionnements. Clémence Bouchart dénonce un véritable « néocolonialisme » dans les programmes de réforme pénitentiaire. « L'exportation du modèle carcéral états-unien est incluse dans la politique étrangère des États-Unis au nom de la guerre contre le terrorisme et contre le narcotrafic », explique-t-elle.
L'Union européenne n'échappe pas à cette critique. En Côte d'Ivoire, une étude de la Fédération internationale des Acat a montré que « les solutions mises en place, notamment grâce à l'argent européen, ne sont pas adaptées aux réalités locales ». Ces projets proposent des diagnostics et solutions identiques « en Côte d'Ivoire, à Madagascar, en Centrafrique, au Tchad », sans tenir compte des spécificités locales.
Face à ce constat accablant, la question de la réforme des systèmes pénitentiaires africains devient urgente. Avec 11,5 millions de personnes incarcérées dans le monde, un chiffre en constante augmentation, et des infrastructures coloniales inadaptées, l'Afrique doit repenser ses modèles de justice.
La solution ne semble pas résider dans l'importation de nouveaux modèles occidentaux, mais plutôt dans un retour aux sources et une adaptation aux réalités contemporaines. Car comme le rappelle Clémence Bouchart, « contrairement à ce qu'en disent les colons, l'exécution était en fait extrêmement rare » dans les systèmes précoloniaux, où « l'idée était de réparer la faute et que ça ne déstructure pas la communauté ».
SONKO ET LE DÉFI DE LA DIPLOMATIE
L'intervention directe d'Ousmane Sonko dans l'affaire des visas des Lionnes du basketball révèle une centralisation excessive du pouvoir. Cette impulsivité contourne les instances compétentes et risque de brouiller la parole officielle de l'État
La réaction du Premier ministre Ousmane Sonko, bien que saluée par certains comme un acte de fermeté souveraine, a suscité une onde de scepticisme chez de nombreux observateurs avertis des subtilités de la diplomatie. Pour ces derniers, cette sortie manque de tact et de finesse, surtout dans un contexte mondial extrêmement tendu où les rapports entre États se redessinent au gré des crises géopolitiques. Une telle déclaration, aussi légitime soit-elle dans le fond, aurait gagné à être portée avec la hauteur de vue et la retenue qu’exige la fonction, plutôt qu’avec la tonalité vindicative d’un internaute en croisade sur les réseaux sociaux.
Pourtant, il y a des instances qui pouvaient communiquer avant le Premier ministre : la Fédération sénégalaise de basketball, le ministère des Sports ou encore celui des Affaires étrangères. Cette impulsivité donne l’impression d’un pouvoir verticalisé à l’extrême, où tout est centralisé, même ce qui relève des prérogatives techniques ou diplomatiques. Un réflexe de réaction directe qui, s’il devient systématique, risque d’altérer l’efficacité institutionnelle et brouiller la parole de l’État.
Le Sénégal a bâti, au fil des décennies, une réputation de nation à la diplomatie mesurée, équilibrée et respectueuse. Son positionnement unique – entre la Chine, les États-Unis, l’Union européenne et même le monde arabe – repose sur une tradition d’ouverture, de non-alignement et de dialogue. Notre diplomatie a toujours su conjuguer rigueur des principes et souplesse de méthode, comme le soulignait Doudou Thiam, le tout premier chef de la diplomatie sénégalaise : ‘’Une diplomatie où se mêlent à la fois la nuance et l’intransigeance, le courage et la générosité, la fermeté et la souplesse, la vigueur de la conviction et le sens du dialogue.’’
Les relations avec les États-Unis illustrent parfaitement cette dynamique. Deux compacts signés dans le cadre du Millennium Challenge Corporation (MCC), des visites répétées de présidents américains – à l’exception de Donald Trump – et une coopération sécuritaire, éducative et sanitaire soutenue : tout cela témoigne d’une relation bilatérale dense et stratégique, qu’il convient de préserver avec intelligence. Y ajouter une crispation inutile, sans phase préalable de vérification ou de médiation diplomatique, serait contre-productif.
De plus, l’impact potentiel d’une dégradation des relations avec Washington ne doit pas être sous-estimé. La diaspora sénégalaise aux États-Unis est nombreuse, dynamique et essentielle à l’économie nationale. Toute tension diplomatique pourrait avoir des répercussions sur les conditions de régularisation, les transferts de fonds ou encore les programmes d’échanges universitaires.
Or, dans un monde où l’interdépendance est la règle, le pragmatisme doit primer sur la posture.
Enfin, une question mérite d’être posée froidement : sur quoi le Sénégal peut-il raisonnablement exercer une pression dissuasive envers les États-Unis ? Quels leviers économiques ou stratégiques avons-nous, aujourd’hui, qui pourraient faire plier la première puissance mondiale ?
La vérité, c’est que dans cette relation, l’asymétrie est structurelle. D’où l’intérêt de jouer sur notre véritable force : notre réputation de pays stable, crédible et capable de dialoguer avec tous. En ce sens, le mutisme initial de l’ambassade américaine pourrait n’être qu’un choix stratégique de ne pas alimenter une polémique.
Loin de prôner la soumission ou la passivité, il s’agit ici de rappeler que la souveraineté ne se décrète pas à coups de formules martiales. Elle se construit dans le temps, par une politique extérieure maîtrisée, constante, capable d’imposer le respect non par l’escalade verbale, mais par la constance diplomatique. Le Sénégal ne doit pas sacrifier l’héritage de Senghor, Diouf et Wade en matière de politique étrangère – un héritage de nuance, de prestige et d’équilibre – sur l’autel d’un souverainisme réactif et mal maîtrisé.
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TRUMP BOMBARDE L'IRAN ET EMBRASE LE MOYEN-ORIENT
"Maintenant est le temps pour la paix !" : c'est par ces mots que le président américain a conclu l'annonce du bombardement de trois sites nucléaires iraniens. Un paradoxe qui résume la complexité d'une opération censée imposer la paix par la force
(SenePlus) - Dans une escalade militaire sans précédent, les États-Unis ont mené samedi 21 juin une opération aérienne d'envergure contre trois sites nucléaires iraniens, marquant l'entrée de Washington dans une nouvelle guerre au Moyen-Orient. Cette intervention, ordonnée par Donald Trump sans autorisation préalable du Congrès, vise à "compromettre définitivement" le programme nucléaire iranien, selon Le Monde.
L'opération a ciblé trois installations stratégiques : Natanz, centre d'enrichissement d'uranium déjà endommagé par l'aviation israélienne, Ispahan, où seraient stockées d'importantes quantités de matière fissile, et Fordo, l'installation la plus protégée, enfouie au pied d'une montagne.
"Tous les avions se trouvent à présent hors de l'espace aérien de l'Iran", a déclaré Donald Trump sur son réseau Truth Social, qualifiant l'attaque de "très réussie" avant même que l'évaluation complète des dégâts ne soit achevée. Le président américain a précisé qu'un "chargement complet de bombes" avait été destiné à Fordo, la cible la plus délicate.
Les moyens déployés témoignent de l'ampleur de l'opération : selon la presse américaine citée par Le Monde, une douzaine de bombes anti-bunker GBU-57 de 13,5 tonnes ont été utilisées, ainsi qu'une trentaine de missiles de croisière Tomahawk. Sean Hannity, présentateur sur Fox News et "propagandiste en chef de la Maison Blanche", a confirmé que six bombes pénétrantes avaient été larguées sur Fordo, déclarant que les ambitions nucléaires de l'Iran "sont officiellement mortes".
Paradoxalement, Trump a conclu son message par un appel à la paix : "Maintenant est le temps pour la paix !", "comme s'il pouvait imposer la fin du conflit au moment même où il provoquait une escalade majeure", observe Le Monde. Lors d'une allocution solennelle à la Maison Blanche, le président américain s'est félicité des résultats des frappes, affirmant avoir "complètement et totalement anéanti" les capacités d'enrichissement de l'Iran.
Entouré de son vice-président JD Vance, du secrétaire d'État Marco Rubio et du secrétaire à la Défense Pete Hegseth, Trump a lancé un ultimatum au "premier sponsor étatique du terrorisme dans le monde" : ce sera la paix ou une "tragédie" pour l'Iran, invité à négocier les conditions de sa reddition. "De futures attaques seraient bien plus fortes et bien plus faciles", a-t-il menacé.
Une alliance renforcée avec Israël
Cette intervention scelle l'alliance entre Washington et Tel-Aviv. "Nous avons travaillé en équipe, comme peut-être aucune équipe n'avait travaillé auparavant", s'est félicité Trump en félicitant Benjamin Netanyahu, selon Le Monde. Cette coopération marque un tournant après les tensions des derniers mois, quand Trump avait tenté des négociations avec Téhéran via son envoyé spécial Steve Witkoff.
L'opération américaine intervient après la "campagne éclair" israélienne qui a "rebattu les termes de l'équation", détruisant les capacités de défense antiaérienne iraniennes grâce à "une qualité de renseignement à couper le souffle", note Le Monde.
Les premières félicitations sont venues des "faucons républicains", comme l'ancienne ambassadrice à l'ONU Nikki Haley et le sénateur Lindsey Graham. En revanche, "le monde MAGA (Make America Great Again) est en plein désarroi, entre fidélité à son chef et allergie à toute nouvelle aventure militaire extérieure", souligne Le Monde.
La question des représailles iraniennes se pose immédiatement. Téhéran pourrait viser "les quelque 40 000 soldats dans des bases américaines au Moyen-Orient, en Arabie saoudite, aux Émirats arabes unis ou encore au Koweït", indique l'article. Le risque terroriste existe également, tant aux États-Unis qu'autour des représentations diplomatiques à l'étranger.
Le ministre iranien des Affaires étrangères, Seyed Abbas Araghchi, a dénoncé sur X des "événements scandaleux" aux "conséquences à long terme", qualifiant l'attaque de "comportement extrêmement dangereux, illégal et criminel".
Les Européens "se retrouvent dans la pire configuration", analyse Le Monde. Contraints de s'aligner sur les positions américaines tout en plaidant vainement pour une solution diplomatique, ils sont désormais "marginalisés, après avoir célébré les funérailles de l'accord sur le nucléaire iranien (JCPoA)".
Le chancelier allemand Friedrich Merz a involontairement révélé le "secret le plus mal gardé du monde occidental" en rendant hommage au "courage" d'Israël pour avoir fait le "sale boulot" en Iran, selon Le Monde.
Malgré l'ampleur des frappes, de nombreuses questions demeurent. "Où se trouvaient, au moment du déclenchement de l'opération israélienne, les 408 kg d'uranium enrichi à 60 %, selon la dernière estimation de l'AIEA fin mai ?", s'interroge Le Monde. L'impact réel sur le programme nucléaire iranien reste à évaluer.
Si Trump envisage son intervention comme "limitée", Israël a "une autre perspective" et bénéficie d'une "ouverture historique pour écarter la plus grave menace pesant sur sa sécurité depuis des décennies". Mais cette situation fait craindre "un risque de guerre sans fin", Netanyahu ayant longtemps prédit qu'Israël vivra toujours "l'épée à la main".
Le Moyen-Orient bascule ainsi "dans une incertitude totale, aveuglante, aux réverbérations inestimables", conclut Le Monde, alors qu'un "nouveau chapitre historique s'ouvre" dans cette région en proie aux conflits depuis l'attaque du Hamas du 7 octobre 2023.
PAR CHEIKH TIDIANE MBAYE
PENSER LA DÉCOLONIALITÉ À L’ÈRE DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE
Il ne s’agit plus seulement de dénoncer les héritages coloniaux, mais d'engager un véritable processus de décolonialisation qui ne peut s'opérer sans une décolonialisation intellectuelle et cognitive...
Du 17 au 18 juin 2025, s’est tenue à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD 2) et à l’Espace Numérique Ouvert (ENO) de Mermoz, la deuxième édition du colloque international en hommage au Professeur Malick Ndiaye, sociologue et anthropologue sénégalais de renom, récemment disparu.
Ce colloque a été organisé par la Cellule de Sociologie de l’Université Numérique Cheikh Hamidou Kane (UN-CHK). Il s’est articulé autour d’un thème majeur et éminemment actuel :
« Sciences sociales et pensée frontalière : la sociologie et l’anthropologie face au discours décolonial ».
Un moment de lucidité collective
Ce colloque fut un espace fécond de réflexions, de partages critiques et d’interpellations intellectuelles autour d’une question centrale : comment penser, produire et transmettre le savoir en contexte africain dans un monde encore structuré par la colonialité ?
Les différents échanges ont mis en lumière la persistance de la colonialité dans nos sociétés, dans nos façons d’être, de savoir et de gouverner. Il ne s’agit plus seulement de dénoncer les héritages coloniaux, mais d'engager un véritable processus de décolonialisation qui ne peut s'opérer sans une décolonialisation intellectuelle et cognitive. Cela suppose un recul réflexif des intellectuels africains, capables non seulement de maîtriser les savoirs exogènes, mais également de réhabiliter, valoriser et théoriser les savoirs endogènes.
Car interroger la colonialité avec les outils de la colonialité, c’est risquer de la reproduire, même involontairement. La science, dans ce combat, doit être une boussole lucide, évitant les écueils du populisme ou de la réaction émotionnelle, notamment dans un contexte africain marqué par un regain des discours sur la souveraineté.
Ma communication : « Intelligence artificielle et pensée décoloniale »
Dans ce cadre, ma contribution a porté sur le thème :
« Intelligence artificielle et pensée décoloniale : enjeux socio-anthropologiques de l’algorithme en contexte africain ».
Ce fut l’occasion de rappeler que l’intelligence artificielle (IA) n’est pas un outil neutre, mais qu’elle porte en elle des biais idéologiques, culturels et politiques. Les erreurs de traduction des langues africaines, les stéréotypes dans les images générées, les biais dans les résultats de recherche, ou encore les problèmes de reconnaissance faciale des personnes noires en sont autant d’exemples concrets.
Ces dérives ne sont pas anodines : elles traduisent une absence de contextualisation et une invisibilisation des cultures africaines dans la conception et l’entraînement des systèmes d’IA. En effet, si l’IA ne comprend pas nos langues, nos réalités, nos visions du monde, c’est aussi parce que les Africains ont produit peu de contenus numériques en la matière.
Nous nous retrouvons souvent dans une posture de consommateurs passifs, alors que les enjeux du numérique et de l’IA nécessitent une participation active, critique et créative.
J’ai ainsi plaidé pour une IA décoloniale et située, c’est-à-dire une intelligence artificielle reconnectée à nos cultures, nos langues, nos cosmogonies et nos enjeux. J’ai également évoqué la situation du swahili, langue africaine parmi les plus parlées et mieux intégrée au numérique, bien que sa présence reste marginale comparée aux grandes langues dominantes comme l’anglais ou le chinois.
Un hommage vivant à un penseur radical
Ce colloque, par la diversité des thématiques abordées, l’engagement des intervenants, et la profondeur des réflexions partagées, a constitué un vibrant hommage au Professeur Malick Ndiaye, dont les travaux ont toujours interrogé les frontières du savoir et les tensions entre traditions et modernité, entre héritages et ruptures.
La première édition avait déjà posé les bases de cette réflexion avec le thème : « Enseignement et pratique de la sociologie et de l’anthropologie en Afrique : trajectoires et défis ».
Cette deuxième édition, organisée par la Cellule de Sociologie de l’UN-CHK, a confirmé la nécessité, pour nos disciplines et nos sociétés, de se libérer des carcans hérités, pour forger des outils épistémologiques ancrés, critiques et porteurs d’alternatives.
Le chemin de la décolonialisation est long, mais il est urgent et irréversible. À nous de le tracer.
LE SAES DÉCRÈTE UNE GRÈVE DE 72 HEURES À PARTIR DU 24 JUIN
À l’origine de cette mobilisation, le refus du Fonds national de retraite (Fnr) d’appliquer un décret présidentiel accordant la pension de réversion aux ayants droit des enseignants-chercheurs décédés.
Dans un communiqué de presse, le Syndicat autonome de l’enseignement supérieur (Saes) annonce une grève de 72 heures à partir du 24 juin prochain. David Célestin Faye, secrétaire général national du Saes, et ses camarades dénoncent la non application par le Fonds national de retraite (Fnr) de la pension de réversion aux ayants droit des universités.
Le Saes dit avoir constaté, la signature par le Président de la République et le Premier Ministre du décret n° 2025-398 du 7 mars 2025 modifiant le décret n° 2020-1788 du 23 septembre 2020 créant une allocation spéciale de retraite au profit des enseignants-chercheurs et chercheurs titulaires des universités. Le syndicat constate également «l’entêtement du Fnr » à ne pas appliquer ledit décret aux veuves, veufs et orphelins des enseignants-chercheurs et chercheurs décédés en refusant de leur reverser la pension de réversion.
Le Saes dénonce aussi la «léthargie » de la tutelle sur cette question ainsi que sur celles du préavis de grève du 13 janvier 2025.
Il rappelle le mandat donné au Bureau national par la Conférence nationale des sections du 17 mai 2025 à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis relativement à la poursuite de la lutte. Par conséquent, le Saes demande aux militants de surseoir non seulement aux activités pédagogiques (cours, soutenances, délibérations), mais aussi à toute participation à des activités administratives et réunions. Il demande de suspendre les formations payantes.
Ainsi, le Bureau national lance un appel à tous les militants pour une forte mobilisation afin d’exiger l’application sans délai par le Fnr du décret n° 2025-398 du 7 mars 2025 pour la restauration de la dignité des familles des défunts camarades. «En toute état de cause, le Saes n’exclut pas de demander à ses militants le boycott de la présidence des jurys du baccalauréat 2025 si l’injustice infligée par le Fnr aux familles des défunts collègues persiste », menace le syndicat.
LIGUE 1, L’USO ARRACHE LE NUL FACE À L’ASC JARAAF
Le derby dakarois s’est conclu sur un score de parité (1-1), samedi, au stade municipal de Ngor. Le Jaraaf conserve provisoirement la tête du classement avec 48 points, en attendant le déplacement de l’US Gorée à Ziguinchor.
Le derby dakarois opposant l’Union sportive de Ouakam(USO) à l’Asc Jaraaf de Dakar, en match comptant pour la 28e journée de Ligue 1, s’est soldé par un match nul (1-1), ce samedi au match stade municipal de Ngor.
Serigne Moctar Koita a ouvert le score pour le Jaraaf à la 26e mn et Djiby Ndoye a égalisé pour l’USO à la 28e mn. Avec ce résultat, le Jaraaf (48 pts, +12) conserve provisoirement la première place, en attendant le déplacement de son dauphin l’Union sportive de Gorée à Ziguinchor pour affronter le Casa sports.
En cas de succès les insulaires vont récupérer le fauteuil de leader à deux journées de la fin du championnat. Les Ziguinchorois n’ont pas perdu depuis trois journées à domicile.
L’équipe de Dakar Sacré-Cœur(DSC) a enfoncé (2-0) la lanterne rouge Oslo FC. Avec cette défaite, les académiciens d’Oslo vont retourner en Ligue 2.
L’AJEL a renoué avec le succès, en battant (1-0) la Linguère.
La 28e journée se poursuit dimanche.
Voici les résultats de la 28e journée de Ligue 1 :
-Dimanche : SONACOS-Pikine ; Guédiawaye FC-Teuguenth Fc ; Wally Daan-Génération foot ; HLM-Jamono de Fatick ; Casa sports-US Gorée
LE SÉNÉGAL VA MAL
EXCLUSIF SENEPLUS - Après un an de gouvernance, le pouvoir révèle des signes d’impuissance, sa stratégie de communication se réduit à la rhétorique d’autojustification, orbitant autour du legs passif de la mal gouvernance du régime de Macky Sall
Le contexte actuel du Sénégal prouve, au-delà des promesses et des engagements, que gouverner, c’est de moins en moins choisir et de plus en plus arbitrer entre des contraintes, surtout financières, qui dictent et imposent les choix. Le triangle de la gouvernance, entre engagement politique, réalité du pouvoir et attentes des populations, révèle le mal vivre sénégalais. La situation de morosité économique et politique du moment, prouve non seulement que le Sénégal va mal, mais que la rupture énoncée est rudement mise à l’épreuve par la dure réalité du pouvoir qui présage le scénario catastrophe de la probabilité d’une crise durable. Rien, à l’horizon des perspectives envisagées, ne présage un futur meilleur. Face à cette situation, la stratégie de communication du pouvoir en place se réduit à la rhétorique d’autojustification, orbitant autour du legs passif de la mal gouvernance du régime de Macky Sall.
Contexte de morosité sociale et économique et défis de l’heure
Les Sénégalais ont appris à leur dépend l’illusion de la pensée magique qui prétend que le changement de régime règle, de facto, les problèmes. En refusant de croire, dans la foulée et l’euphorie des foules en délire, la réalité du pouvoir au prisme de laquelle se révèle l’idée que le temps long de l’action publique ne porte ses fruits que sur plusieurs années, voire une décennie, les politiciens de l'anti-système ont vendu de l’instantanéité et de l’interactivité à une jeunesse acquise à leur cause. Mais après un an de gouvernance, le pouvoir révèle des signes d’impuissance et peine à envisager, à défaut de réalisations factuelles, des perspectives porteuses d’espoir. L’équipe dirigeante de Pastef ne décline aucune lisibilité pour le futur de notre pays. Loin d’avoir des objectifs stables, hiérarchisés et cohérents, le nouveau pouvoir est dans l'interminable victimisation. L’absence de projets étatiques structurants et d’un secteur de production diversifié, fluidifié par le dynamisme des acteurs et des activités productives dans les secteurs privés et informels, résume la morosité ambiante d’un contexte économique, social et politique difficile. Le vécu des Sénégalais respire l’incertitude, l’immobilisme et l'absence de perspectives. La résistance de nombreux problèmes sociaux à l’action publique, l’érosion du pouvoir d’achat des Sénégalais, le constat de la faible capacité d’agir des gouvernants, sont repérables aussi bien dans les diagnostics savant et journalistique, voire au niveau de l’opinion publique. Au-delà de la rhétorique d’autojustification d’un pouvoir qui se considère victime d’un legs passif, c’est la capacité d’agir et d’indiquer des solutions en perspective qui est réellement en jeu. Avant l’arrivée de Pastef au pouvoir, on évoquait les facteurs plus structurels de la situation de crise du pays, résultant d’un système de gouvernance défaillant. L’incroyable difficulté à lutter contre le chômage des jeunes et les difficultés des ménages, l’inarrêtable expansion de l’endettement, étaient imputables à la défaillance d’un pouvoir qu’il fallait défaire pour l’avènement du “projet” libérateur.
Aujourd’hui, à la place du souverainisme dans son instrumentalisation idéologique et la dénonciation de la gouvernance du régime défait, il y a urgences à apporter des solutions aux préoccupations des Sénégalais. Ce n’est pas dans l’adversité tribalisée, polarisée, qu’on arrivera à venir à bout d’un contexte économique morose. La situation du pays est marquée par l’urgence des défis à relever. La réalité qui se donne à voir est une économie fragilisée, le chômage des jeunes, les licenciements massifs de travailleurs, des entreprises sous pression fiscale, une érosion du pouvoir d’achat, des investissements quasi inexistants, un endettement accéléré et incontrôlé, le reniement des engagements pris et l’affermissement du pouvoir personnel, la politisation de la justice ordinaire et l’extension de la justice politique. Voilà autant de difficultés d’un pouvoir qui commence à montrer des signes de doute. Il faut de la résilience à cette situation délétère, par l’intelligence dans les choix, dans les stratégies. Il est temps d’accepter la réalité du pouvoir qui exhorte plus à l’action que le monologue politique quasi permanent.
Rhétorique politicienne et tentative de musellement de la parole discordante
Confinée dans la rhétorique politicienne, loin des défis et impératifs du moment, la communication politique au Sénégal peine à prendre ses marques. Les débats contradictoires sur les enjeux économiques, sociaux, politiques et géopolitiques, qui sont les véritables ressorts de la respiration démocratique, se sont délités au profit des régimes de discours, aux accents de controverse, qui se polarisent sur les affects et les émotions. La stratégie communicationnelle a épousé les contours de l’idéologisation du propos politique par l'ensauvagement des différences d’opinions, source de fracture sociale. La « gouvernabilité » de notre société est altérée par l’effet d’emballage propre à la stratégie de l’invisibilisation de la situation de précarité qui perdure depuis l’arrivée de Pastef au pouvoir. La tonalité agressive et l’insulte comme message politique, prospèrent à la place d’une rencontre des opinions autour des préoccupations réelles. A défaut d’indiquer des options porteuses, par des marqueurs programmatiques orbitant autour d’un projet économique, social et politique clair, le pouvoir semble piégé par l’illusion de la transparence.
La prégnance de la rhétorique politicienne et l’argument des boucs émissaires, sont massivement présents dans la stratégie communicationnelle du nouveau pouvoir. Les bavardages interminables sur les dérives de Macky Sall, sur un pays en ruine, sur le mauvais héritage consécutif à la gestion catastrophique du régime défait, le linchange du discours d’opposant, sous fond de l’essentialisation des postures politiques, continuent à être la stratégie communicationnelle du pouvoir actuel. Apparemment, le couple Diomaye-Sonko peine à changer de logiciel de communication, en articulation avec leur nouveau statut. Ce qui témoigne, sans conteste, des difficultés des nouveaux dirigeants de ce pays à opérer le basculement du discours d’opposant à celui du gestionnaire des affaires de l'État. En entendant les discours venus des partisans du pouvoir, on a le sentiment qu’il y a l’enfermement des nouvelles élites entre elles et un réel découplage par rapport à une réalité de plus en plus complexe. La diabolisation de la presse et l’intolérance de la parole discordante, par les partisans du nouveau pouvoir, sont les signes révélateurs que c’est la parole libre qui fait apparemment peur à ce nouveau régime. L’offensive contre la liberté de la presse en est un indice. Une presse libre et son corollaire la liberté d’opinion, forment système avec le personnel politique et les citoyens dans ce que Dominique Wolton appelle le « triangle de la communication ». L'interactivité de ce triangle montre que le sort de l’ordre démocratique est indissociable à la liberté de la presse. Sans une presse libre, toute démocratie est mutilée, la parole libre du citoyen est troquée contre la tyrannie de la pensée unique. La démocratie est l’espace de prédilection où des discours libres doivent circuler sans entrave.
En voulant trop s’exposer et se mettre en scène et en récit, par la surmédiatisation, la nouvelle élite politique au pouvoir cherche à instaurer la dictature de la pensée unique par le détour de la tonalité agressive contre tout discours critique. Au-delà de l’expression du suffrage universel comme instrument de désignation de l’élite dirigeante, la liberté d’expression, de manifestation et d’opinion, constitue l’un des piliers fondamentaux de la démocratie. De plus en plus, un affaiblissement de ces libertés se manifeste de différentes manières, plus ou moins insidieuses. Le Sénégal est réputé être un exemple en matière de démocratie, connu pour sa stabilité et son ouverture politique qui lui a valu la réputation de modèle de démocratie en Afrique. Mais au-delà des apparences, tous les régimes, à un certain moment, ont posé des actes qui ont révélé les limites du système sur le plan des normes et dans la pratique. Le nouveau pouvoir est dans le même sillage, en dépit de fortes promesses. Il est en train de reproduire, selon un style qui lui est propre, les erreurs de la gouvernance de Macky Sall dans la gestion des divergences d’opinion. Le refus de rayer de notre juridiction les articles fourre tout, liberticides 80 et 254, est révélateur de la volonté du pouvoir à perdurer les dérives de l’autoritarisme politique au détriment de l’expression démoctaique et de la liberté d’opinion.
Au demeurant, il nous faut apprendre des leçons du passé, par un véritable changement de paradigme. Car, pour celui qui connaît l’histoire politique de notre pays, toute tentative allant dans le sens du musellement des voix discordantes ne peut conduire qu’à des crises, à des secousses sociales et politiques aux conséquences imprévisibles. L’intolérance et la judiciarisation des divergences politiques, ne sauraient prospérer dans le contexte sénégalais, au regard des luttes politiques et citoyennes menées dans le passé qui ont conduit au multipartisme intégral et à trois alternances politiques. Aucune figure politique ne peut défier, par conséquent,l’impératif de la parole libre qui constitue un ethos démocratique dans l’évolution politique de notre pays. Les nouveaux dirigeants doivent savoir que les Sénégalais ont su toujours trouver l’antidote aux dérives des régimes passés. Senghor, Diouf, Wade et Sall en ont fait les frais pour n’avoir pas compris que les Sénégalais sont farouchement jaloux de l’exemplarité sénégalaise. Nos concitoyens ne sont pas prêts à transiger sur la liberté d'expression, sur la liberté d’opinion. L'instrumentalisation de la peur ne saurait prospérer dans l’imaginaire d’un peuple formaté dans des valeurs de la culture tiédo. C’est en faisant preuve de bravoure que Sonko a été idéalisé par une jeunesse debout, en quête de liberté. C’est cet esprit de bravoure qui anime la majorité silencieuse qui attend l’heure de l’appel pour faire face à toute dérive. Il serait utopique de vouloir imposer le silence aux Sénégalais par la stratégie de l’essentialisation de l’autre, de la délation et de la peur.
Ceux qui sont au pouvoir ont promis la grandeur au peuple sénégalis. Pour cela, il leur faut moins de discours et plus d’actes : le chemin qui mène à tout ce qui est grand, écrit Nietzsche, passe par le silence.
Professeur Amadou Sarr Diop est enseignant chercheur à l’Université Cheikh Anta Diop.
EN FRANCE, REPRISE DES CONTRÔLES AU FACIÈS
Derrière les contrôles anti-migrants des 18 et 19 juin dans les gares se cache une stratégie politique assumée. Jeune Afrique épingle Bruno Retailleau qui "surjoue l'ordre sans la morale" au mépris de la légalité et des principes d'égalité
(SenePlus) - Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau a orchestré une vaste opération de contrôles d'identité dans les gares françaises les 18 et 19 juin, déployant 4 000 policiers pour interpeller des "clandestins". Une initiative que dénonce fermement le journaliste Mathieu Olivier dans un éditorial de Jeune Afrique, qualifiant ces contrôles de "manifestement illégaux" et pointant du doigt leur caractère discriminatoire.
Dès le mardi 17 juin, des affiches d'alerte avaient fleuri aux abords de la gare du Nord à Paris : "Attention ! Risque de rafle de personnes sans papiers. Prenez les transports le moins possible", rapporte Mathieu Olivier. Le journaliste s'interroge avec ironie : "Car qui d'autre que des individus d'origine majoritairement maghrébine et subsaharienne auront été les cibles de la dernière initiative du ministre français de l'Intérieur ?"
L'utilisation du terme "rafle" par les observateurs n'est pas anodine. Selon Mathieu Olivier, ce mot "renvoie aux pires heures de l'histoire de la police française, à une époque pas si lointaine que certains voudraient réhabiliter". Le journaliste estime que ce vocabulaire n'est pas "galvaudé" au vu des méthodes employées.
La critique porte sur les critères de sélection lors de ces contrôles. "Un Blanc avait-il autant de chances qu'un Noir de se voir exiger la présentation de ses papiers ? Évidemment non", tranche l'éditorialiste de JA. Il dénonce ainsi "la rupture de l'égalité – en l'occurrence celle des 'chances' d'être contrôlé par la police" dans un pays où l'égalité figure pourtant "au fronton des mairies au côté de la liberté et de la fraternité".
Ces contrôles au faciès violent pourtant la législation française. Mathieu Olivier rappelle qu'un contrôle d'identité est considéré comme discriminatoire dès lors qu'il est "réalisé selon des critères liés à des caractéristiques physiques associées à une origine réelle ou supposée, sans aucune justification objective préalable", selon un arrêt de la Cour de cassation de 2016. Le Conseil constitutionnel a également précisé le 24 janvier 2017 que "la mise en œuvre des contrôles doit s'opérer en se fondant exclusivement sur des critères excluant toute discrimination".
Bruno Retailleau semble faire fi de ces garde-fous juridiques, lui qui "affirmait en 2024 que l'État de droit n'était 'ni intangible ni sacré'", selon le journaliste de Jeune Afrique. L'éditorialiste brosse le portrait d'un ministre "tout-puissant" qui "profite de la faiblesse du Premier ministre François Bayrou et des conséquences de la dissolution de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron en 2024".
Une stratégie politique assumée
Mathieu Olivier analyse cette opération comme une manœuvre électoraliste en vue de la présidentielle de 2027. Il présente Bruno Retailleau comme "l'ancien numéro deux du Puy-du-Fou – ce parc à thèmes développé avec Philippe de Villiers et dont les deux hommes ont fait un symbole d'une culture française blanche et chrétienne fantasmée" qui "surjoue l'ordre sans la morale".
Le ministre justifie son action par un objectif "dissuasif", dans un contexte où "les tentatives de départ [de migrants] vers le Royaume-Uni depuis les côtes françaises sont en forte progression depuis le début de l'année". Mais pour l'éditorialiste, cette rhétorique mélange tout : "Sans-papiers installés en France, réfugiés de guerre, migrants économiques… Tout se confond dans l'amalgame de cette croisade."
Cette stratégie n'est pas nouvelle dans le paysage politique français. Mathieu Olivier établit un parallèle avec Nicolas Sarkozy qui "fit de la fermeture du centre de Sangatte en 2000 un tremplin". Il accuse le "patron des Républicains" de vouloir "utiliser les réfugiés des côtes de la Manche et de la mer du Nord comme des marchepieds".
L'éditorialiste rappelle que ces réfugiés sont "à l'heure actuelle, en grande majorité syriens, afghans, ou iraniens" et que la France, "signataire de la convention de 1951 relative au statut des réfugiés, a adhéré au principe de non refoulement, selon lequel un individu ne devrait pas être renvoyé dans un pays où sa vie ou sa liberté sont gravement menacées".
Mathieu Olivier dresse un bilan sévère de cette opération, qu'il qualifie de "dévastatrice". D'abord "individuellement, pour ces milliers de personnes contrôlées les 18 et 19 juin au nom d'un amalgame illégal et immoral entre leur couleur de peau, leur origine supposée et une présumée absence de papiers". Ensuite "collectivement pour un pays, la France, qui mériterait mieux qu'une classe politique faisant la promotion de la suspicion au détriment du vivre ensemble".
Que cette opération soit un "vaste coup de communication politique" ou une véritable politique migratoire, l'éditorialiste de Jeune Afrique y voit les prémices d'une campagne présidentielle qui "s'annonce des plus nauséabondes", sur le modèle de celle "d'Éric Zemmour en 2022".