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9 septembre 2025
par Fadel Dia
TRUMP CONTRE L'AFRIQUE
Pour notre plus grande honte, aucun pays africain n’a manifesté sa solidarité à Pretoria face aux accusations de discrimination envers la minorité Afrikaaner, et l’Union Africaine s’est gardée d’exprimer sa désapprobation
La virée fructueuse que le président américain vient d’achever dans les pays du Golfe, sa première vraie sortie officielle hors des Etats-Unis, notamment au Qatar et dans les Emirats Arabes Unis, micro-états (moins de la moitié de la superficie du Sénégal, à eux deux, et à peine les 2/3 de sa population) et macro puissances financières, est révélatrice des priorités de Donald Trump en matière de relations internationales : l’Europe, qu’il a snobée n’est pas sa destination prioritaire et l’Afrique est le cadet de ses soucis.
Pourtant il y a comme un paradoxe entre d’une part le faible intérêt qu’il prête à notre continent, dans son discours comme dans ses programmes, et d’autre part la perfidie des moyens dont il se sert pour l’affaiblir, menacer la cohésion de ses peuples et la préservation de leur bien-être. Il est, avec Ronald Reagan son modèle, le seul président américain, depuis Jimmy Carter, il y a 47 ans, à n’avoir pas foulé le sol africain au cours de son mandat et l’Afrique est pour le VRP qu’il est et qui n’est attiré que par les bonnes affaires « un détail », comme dirait J.M. Le Pen, un continent nébuleux dont il est probablement incapable de citer dix États avec leur emplacement.
Mais cela ne l’empêche pas, parce que c’est une cible facile, d’en dire du mal, il l’avait traitée de « pays de m... » au cours de son premier mandat et cette fois il lance une grave accusation en prétendant que la minorité Afrikaaner est, en Afrique du Sud, victime de discrimination, voire de génocide, car la mesure n’est pas sa qualité principale. Comme à son habitude, il va contre les faits et contre la vérité parce que l’Afrique du Sud est dirigée par un gouvernement formé par l’alliance entre l’ANC et un parti blanc, que trente ans après la fin de l’apartheid aucun des quatre chefs d’États qui se sont succédé à sa tête n’a réussi à opérer la révolution agraire et foncière qu’espérait la majorité noire, que les Blancs, 7% de la population, possèdent les deux tiers des terres cultivables et qu’il y a encore des résidus d’enclaves blanches qui défient les lois sud-africaines. L’Afrique du Sud, ce n’est ni Israël ni la Birmanie et si Trump veut s’ériger en défenseur des minorités il aurait dû plutôt demander des comptes à la Chine sur le sort des Ouighours.
Vous avez dit minorités ostracisées ?
Mais les mensonges du président américain, si grossiers soient-ils, ne doivent pas être tenus à la légère car ils peuvent mettre en péril l’essentiel de l’héritage laissé par Mandela qui avait tenté d’effacer le sombre passé laissé par l’apartheid et de permettre l’éclosion d’une « Nation arc-en-ciel » dont tous les citoyens auraient les mêmes droits et les mêmes devoirs. Ses propos constituent d’une certaine manière un appel à la sédition, assimilable à un crime, et la « communauté internationale » aurait sans doute crié au scandale s’il avait accusé la France ou l’Espagne de traiter de la même façon, leurs minorités basques. Pour notre plus grande honte aucun pays africain n’a manifesté sa solidarité à Pretoria et l’Union Africaine s’est gardée d’exprimer sa désapprobation et son indignation. Ces accusations nous choquent mais ne nous surprennent pas, comme d’ailleurs rien de ce que Trump fait ou dit, ce qui précisément le rend dangereux par moments et futile à d’autres occasions. Le seul domaine où Trump a une expertise avérée c’est dire des contrevérités, et l’immobilier. Partout ailleurs, il bafouille, improvise ou se réfère à l’opinion de son entourage. Si l’Afrique du Sud suscite sa colère, c’est parce qu’elle irrite ceux qui comptent à ses yeux, ses enfants tous impliqués dans des arnaques aux crypto monnaies et dans de sulfureux projets immobiliers, son beau-fils dont la famille entretient des liens étroits avec Israël et soutient la colonisation de la Cisjordanie, voire son maitre à penser, Elon Musk, sud-africain honteux, proche des suprémacistes blancs américains, brouillé avec Pretoria et qui cherche, peut-être, à se faire pardonner d’être entré aux Etats-Unis par des voies irrégulières.
Alors Trump fait d’une pierre deux coups : il règle son compte à la patrie d’origine de son conseiller en licenciements d’agents fédéraux et il fait plaisir à Israël qui ne pardonne pas à l’Afrique du Sud d’avoir eu l’audace de déposer devant la Cour Pénale Internationale, une plainte accusant Netanyahou et compagnie de génocide et crime de guerre. S’en prendre à l’Afrique du Sud n’est pourtant qu’un jeu pour Donald Trump qui est fondamentalement un joueur, et pas que de golf, mais cette fois c’est un jeu qui tourne mal puisque la cinquantaine de « réfugiés » Sud-africains blancs, dont les critères de sélection sont inconnus, accueillis en grande pompe n’a fait que déprécier et pervertir le terme même de « réfugié ». Ils sont tournés en dérision par les « vrais » réfugiés, ceux qui ont fui les exactions des Talibans d’Afghanistan, le désordre et la mort au Soudan, les arrestations arbitraires au Mali ou au Burkina Faso..., qui, eux, sont tenus hors du territoire américain ou en sont exclus.
Mais voilà, si Trump accepte des « réfugiés », il les veut Blancs et Chrétiens, et il fait fi de cette autre réalité : au dernier classement de RSF, l’Afrique du Sud occupe le premier rang en Afrique en matière de liberté d’expression, très loin devant les Etats-Unis (27e et 57e rang respectivement) et les Afrikaners ont bien plus de possibilité de manifester leur colère que bien des citoyens américains !
Trump, ce n’est ni Carter, ni Mère Theresa !
L’intrusion de Trump dans la politique intérieure sud-africaine cache probablement d’autres desseins, comme le montre sa décision de s’ériger en médiateur entre la RDC et le Rwanda plutôt qu’entre les factions qui s’affrontent juste à côté, au Soudan, et qui ont fait trente millions de personnes déplacées. Il n’est pas guidé par des raisons humanitaires, même si son rêve ultime, et illusoire sans doute, est de se voir attribuer le Prix Nobel de la Paix. Sa priorité, c’est de faire de bonnes affaires, les richesses des sous-sols rwandais et surtout congolais l’intéressent au plus haut point et il n’a pas hésité à s’accaparer de celles de l’Ukraine, maculées par le sang de la guerre. Pour lui tout est donnant donnant et je me méfierais si j’étais à la place de Netanyahou car le « donnant » préféré de Trump se conjugue en terres rares, en métaux indispensables à l’industrie américaine, en contrats fabuleux... Israël c’est bien beau pour la symbolique et les lobbies, mais avec lui, il faut plutôt s’attendre à donner qu’à recevoir !
Apprenons d’ores et déjà que Donald Trump n’est pas Mère Theresa, il ne nous fera pas de cadeaux et n’hésitera pas à morigéner nos chefs d’Etat plus vulgairement qu’il ne l’a fait face à Zelenski. Avec lui, c’est gare à ceux qui n’ont rien à offrir en échange et nous en avons déjà subi les conséquences comme la suppression de l’AGOA, qui avait ouvert la porte des Etats-Unis aux exportations africaines, ou l’application à Madagascar et au Lesotho, des politiques tarifaires américaines les plus élevées (50 et 47 % !), alors que leur marge de négociation est faible puisque l’essentiel de leurs exportations est constitué de produits dont le seul atout est qu’ils sont fabriqués par une main d’œuvre bon marché...
La guerre par d’autres moyens ?
Mais il n’y a pas que par de fausses allégations et par des tarifs douaniers excessifs que Trump fait la guerre aux Africains. Il leur livre un combat plus sournois aux conséquences encore plus graves, en cherchant à limiter leur accès à la connaissance. Ils sont en effet les victimes collatérales de l’attaque qu’il mène contre les universités privées américaines et qui est sans précédents puisqu’elle vise à les mettre sous tutelle gouvernementale, à leur indiquer quels personnels elles doivent recruter, quels étudiants elles doivent accueillir, quels enseignements elles doivent dispenser, quels doivent être leurs domaines de recherches. Trump n’est pas à une contradiction près, puisque cette politique va à l’encontre du Make America Great Again qu’il chante et qu’elle pourrait provoquer l’affaissement sur la scène mondiale des Etats-Unis dont le soft power repose sur le prestige de leurs universités qui ont fourni 50% des lauréats des Prix Nobel en sciences ! Elles résistent, Harvard en tête, but Harvard c’est, avec à peine plus de 20.000 étudiants de 130 nationalités, la plus grande bibliothèque universitaire du monde et un budget équivalent à la moitié du budget de fonctionnement du Sénégal pour 2025. Pourtant, et c’est peut-être le plus scandaleux dans cette affaire, les universités européennes, soutenues par leurs gouvernements, au lieu de plaider sa cause et de soutenir leurs homologues américaines, se disputent leurs dépouilles en offrant un asile scientifique bien médiocre, aux enseignants et chercheurs réduits au chômage.
Pour les Africains, la conséquence collatérale de la suppression ou du gel des contributions fédérales au budget des universités pourrait être la réduction du nombre de leurs étudiants aux Etats-Unis, voire l’expulsion de leurs chercheurs et enseignants qui, comme Souleymane Bachir Diagne, ont contribué à mieux faire connaitre la pensée, la culture et l’histoire africaines. Ce sont eux aussi que Trump vise en traitant Harvard de « foutoir progressiste » et en accusant les étudiants étrangers de vouloir la destruction des Etats-Unis.
Donald Trump n’est pas le seul à combattre l’Afrique. Il a fait des émules et des admirateurs dans le monde, au Nord (Giorgia Meloni, Viktor Orban) comme au Sud, (Javier Millei) et d’autres aspirants (Nigel Farage au Royaume Uni, Alice Weidel en Allemagne, George Simini en Roumanie...) travaillent à élargir le cercle des gouvernements « illibéraux », populistes, islamophobes, racistes, xénophobes et donc anti-africains.
Les (ex ?) alliés des Etats-Unis, les pays européens, qui sont nos proches voisins et anciens colonisateurs pour certains, nous pointent du doigt et nous ferment leurs portes, et le comble c’est que même leur refus nous coûte de l’argent, puisque selon un document diffusé dans la presse, le rejet de demandes de visa a permis à la France, de faire entrer dans ses caisses plus de 150 milliards CFA entre 2015 et 2024. Il faudra bien que l’Afrique apprenne à « faire d’elle-même » : en 2050 un habitant du monde sur quatre sera Africain !
UN NOUVEAU PROJET DE DÉMINAGE EN CASAMANCE
Le programme financé par l'Inde et mis en œuvre par le PNUD, s'attaque aux quelque 2 millions de mètres carrés encore contaminés, avec l'objectif de relancer l'économie locale et restaurer la cohésion sociale
La Casamance, longtemps meurtrie par un conflit armé vieux de plus de quarante ans, amorce une nouvelle étape vers la paix. Hier, à Ziguinchor, le ministre de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères, Mme Yacine Fall, a lancé officiellement le « Projet de déminage pour une paix et un développement inclusif », un programme financé par la République de l’Inde et mis en œuvre par le PNUD. L’initiative vise à sécuriser et restituer aux populations les terres autrefois rendues inaccessibles par la présence de mines antipersonnel.
Lors de la cérémonie tenue à Darsalam, dans la commune de Niassya, seize villages ont vu leurs terres restituées. Des certificats ont été remis aux représentants des communautés, symbolisant la fin d’un exil forcé pour des milliers de familles. Pour Mme Fall, « cette restitution illustre les avancées notables du déminage humanitaire en Casamance ». À ce jour, 54 localités ont été sécurisées, représentant près de 24 hectares déminés et 504 engins explosifs neutralisés.
Mais le défi reste immense. « Les dernières estimations font état de 1 990 379 m² encore contaminés, répartis sur 75 zones dangereuses dans 36 localités », a précisé la ministre. Ce projet, d’un montant d’un million de dollars sur 18 mois, porte l’espoir de relancer l’agriculture, favoriser l’entrepreneuriat local et renforcer la cohésion sociale dans une région où l’accès à la terre est synonyme de survie.
Les partenaires techniques et financiers, dont l’Union européenne et Humanity Inclusion, ont salué les efforts conjugués du gouvernement sénégalais et du système des Nations Unies. Pour la représentante onusienne présente, « ce projet contribue non seulement à la stabilité, mais aussi à une gestion plus durable des ressources naturelles au profit des populations vulnérables ».
Ainsi, en restituant ces terres, le Sénégal ne rend pas seulement des hectares, il rend à ses citoyens une dignité longtemps confisquée par les mines et la guerre.
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FÉMINICIDES AU SÉNÉGAL, UNE CRISE SOCIÉTALE PERSISTANTE
Selon la sociologue Selly Ba, les rapports de pouvoir inégalitaires entre hommes et femmes, renforcés par certaines dispositions du code de la famille, sont au cœur du problème. Un phénomène qui perdure faute d'actions préventives efficaces
En l'espace d'une semaine, le Sénégal a été frappé par plusieurs crimes d'une violence inouïe contre des femmes. Fatou Gueye, tuée par son époux maçon, et Marie-Louise Ndour, abattue par balle par son mari après une simple dispute conjugale dans la région de Fatick, ne sont que les derniers noms ajoutés à une liste macabre qui ne cesse de s'allonger.
La Dr Selly Ba, sociologue interrogée sur ces drames, souligne que le phénomène n'est pas nouveau. "Entre 2019 et 2022, on avait noté plusieurs cas, surtout en octobre 2022, qu'on a appelé non pas 'octobre rose' mais le mois d'octobre le plus sombre que le Sénégal ait connu, avec plus d'une dizaine de féminicides," rappelle-t-elle. Des cas emblématiques comme Binta Camara en 2019 ou Kumba Yade témoignent de la persistance du problème.
Les statistiques internationales sont alarmantes : au niveau mondial, une femme sur trois est battue à mort par son partenaire ou conjoint, et en Afrique, ce sont 140 femmes et filles qui sont tuées par leurs conjoints. Le Sénégal n'échappe malheureusement pas à cette tendance.
Des racines profondes dans un système inégalitaire
Selon Selly Ba, la cause principale réside dans "un système inégalitaire où les rapports de pouvoir sont déséquilibrés entre les hommes et les femmes. L'homme est au centre, la femme à la périphérie." Ce système patriarcal est même renforcé par les lois, notamment le code de la famille qui parle d'"autorité parentale" et de "puissance paternelle", confortant ces relations inégalitaires.
Bien qu'une loi condamnant les violences conjugales existe depuis 1999 – adoptée suite à un féminicide à Kaolack où un mari avait tué sa femme pour avoir refusé de préparer le déjeuner pendant le Ramadan – les dispositions juridiques restent insuffisantes sans un accompagnement adéquat.
Face à ces tragédies, le sociologue déplore l'absence de réactions des autorités et des leaders religieux : "Malheureusement, il n'y a pas de sorties des autorités, il n'y a pas de sortie des religieux. J'espère que le vendredi prochain, au niveau des prêches, on aura vraiment ce sujet."
Le schéma est toujours le même : des drames médiatisés, des manifestations d'organisations féminines, une indignation éphémère sur les réseaux sociaux, puis l'oubli jusqu'au prochain drame. "Ce n'est pas seulement une question de femmes et de féministes," insiste-t-elle, "toutes les forces de la nation doivent se mettre."
Des solutions multidimensionnelles nécessaires
Pour rompre ce cycle tragique, le Dr Selly Ba préconise une approche à plusieurs niveaux :
Renforcer les sanctions : "Il faudrait sanctionner sévèrement tout simplement. Il faudrait que le droit soit effectif."
Transformer les mentalités : Un travail de fond est nécessaire dans les familles, à l'école et dans les médias pour promouvoir l'égalité homme-femme dès le plus jeune âge.
Adapter l'éducation : "Comment introduire aujourd'hui des curriculums dans les écoles ? Comment enseigner la question de l'égalité homme-femme, les questions de genre ?"
Étudier les causes profondes : "On a besoin d'études pour savoir les mobiles profonds. Est-ce la drogue ? Est-ce juste un pouvoir masculin toxique ? Il nous faut des données pour bâtir des politiques de prévention."
La sociologue observe que la transformation de la société sénégalaise, passant de structures traditionnelles à des familles nucléaires plus modernes, s'effectue sans politiques publiques d'accompagnement. "Notre société change de manière extraordinaire, mais il n'y a pas de politique publique qui accompagne ces changements sur le plan mental, sur le plan psychologique."
La santé mentale, "parent pauvre des politiques de santé", devrait être placée au cœur des préoccupations pour construire "des citoyens équilibrés, responsables" et permettre une "société durable".
Alors que la constitution sénégalaise garantit l'égalité entre hommes et femmes, le défi reste de traduire ce principe dans la réalité quotidienne, en développant des actions concrètes et soutenues à tous les niveaux de la société.
Dans l'immédiat, les peines sévères peuvent servir de dissuasion, mais seul un changement profond des mentalités et des structures sociales pourra mettre fin à cette tragique réalité.
L'UE BRANDIT LA MENACE DE SANCTIONS CONTRE ISRAËL
Après des mois d'hésitation, l'Europe a décidé mardi de réexaminer son accord d'association avec l'État hébreu, estimant que les violations des droits humains à Gaza ne peuvent plus être ignorées. Un tournant dans la diplomatie européenne
(SenePlus) - Face à l'aggravation de la situation humanitaire dans la bande de Gaza, l'Union européenne a franchi un pas significatif en annonçant le réexamen de son accord d'association avec Israël, un texte fondamental qui régit depuis 1995 les relations politiques et commerciales entre les deux partenaires.
Cette décision, annoncée le mardi 20 mai 2025 à Bruxelles par Kaja Kallas, cheffe de la diplomatie européenne, intervient dans un contexte particulièrement tendu. Comme le rapporte Le Monde, Gaza subit actuellement "un blocus humanitaire depuis onze semaines" et "le bilan humain dépasse désormais les 52 000 victimes, pour la plupart civiles", dans un territoire "désormais réduit en ruine et, en partie, réoccupé".
La démarche actuelle n'est pas sans précédent. Dès février 2024, quatre mois après les attaques du Hamas du 7 octobre 2023, Pedro Sanchez, Premier ministre espagnol, et son homologue irlandais Leo Varadkar avaient sollicité un "examen urgent pour déterminer si Israël respecte ses obligations, y compris dans le cadre de l'accord d'association UE-Israël". À l'époque, face aux 28 000 victimes palestiniennes comptabilisées et aux violations du droit humanitaire documentées par les ONG, la Commission européenne avait ignoré leur requête.
Mais la donne a changé. Selon Le Monde, "depuis plusieurs semaines, la pression diplomatique n'a cessé de monter, notamment avec les prises de position de Paris et de nombreuses capitales européennes pour dénoncer les 'actions scandaleuses' de l'armée israélienne dans l'enclave côtière et le 'niveau de souffrance intolérable' des civils".
Une position européenne qui évolue
Le changement de posture est notable même chez les alliés traditionnels d'Israël. Le président tchèque Petr Pavel, représentant l'un des soutiens habituellement indéfectibles d'Israël, a reconnu que "la situation humanitaire à Gaza devient intenable" et qu'il fallait désormais "séparer le soutien général à Israël du soutien aux actions de son gouvernement".
Xavier Bettel, chef de la diplomatie luxembourgeoise, s'est exprimé en des termes particulièrement forts : "On ne peut rester inactif. Il y a des situations où l'on ne trouve plus de mots ou d'excuses [...] On ne peut plus fermer les yeux ! Si les gens ne meurent pas à Gaza d'une bombe, ils meurent de faim".
Au sein des 27, la décision n'a pas fait l'unanimité mais a recueilli un soutien significatif. "Dix-sept pays ont soutenu la proposition d'examen, dont la France, la Belgique, l'Espagne, l'Irlande ou la Roumanie, alors que l'Italie, la Croatie ou l'Allemagne s'y refusaient", précise Le Monde. Ce qui semble avoir fait basculer la position de Kaja Kallas, initialement prudente, c'est de constater que "des pays comme l'Autriche, la Slovaquie et la Pologne soutenaient cette mesure".
Désormais, c'est à la Commission européenne et au Service européen d'action extérieure qu'il revient de "vérifier la compatibilité de la politique du gouvernement de Benyamin Nétanyahou avec le respect des droits fondamentaux". L'enjeu porte spécifiquement sur l'article 2 de l'accord, qui stipule que les signataires s'obligent au "respect des droits de l'homme et des principes démocratiques".
Si la Commission estime qu'Israël ne respecte pas ses engagements, elle devra proposer des mesures qui "peuvent aller jusqu'au gel ou à la suspension" de l'accord. Ces mesures devront ensuite être validées par les États membres, selon des modalités de vote différentes en fonction de leur nature : unanimité pour les mesures politiques et majorité qualifiée pour les mesures commerciales.
Des violations documentées
Pour cette analyse, la Commission pourra s'appuyer sur une note existante du représentant spécial de l'UE pour les droits de l'homme, datant de juillet 2024. Ce document, que Le Monde dit s'être procuré, liste déjà de manière précise les violations du droit international par Israël : "usage excessif de la force, punition collective, déplacement de masse répété, destructions massives, attaques contre les hôpitaux, détentions arbitraires".
Maxime Prévot, chef de la diplomatie belge, a d'ailleurs exprimé son "sentiment personnel que la violation des droits humains ne fait aucun doute", tout en précisant qu'il ne voulait pas "préempter la décision" de la Commission.
La réaction israélienne ne s'est pas fait attendre. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères israélien, Oren Marmorstein, a déclaré dans un communiqué : "Nous rejetons totalement l'orientation" de Kaja Kallas, "qui reflète une incompréhension totale de la réalité complexe à laquelle Israël est confronté" et "encourage le Hamas à rester sur ses positions".
Cette décision de l'UE marque ainsi un tournant significatif dans les relations euro-israéliennes, dans un contexte où la pression internationale s'accentue pour mettre fin au conflit à Gaza et soulager une population civile en situation de détresse extrême.
PAR El Hadji Malick Sy Camara
LA PALESTINE PAR DEVOIR !
EXCLUSIF SENEPLUS - Gaza est devenue une prison à ciel ouvert, une fosse commune. Avons-nous perdu le sens de la vie ? L’État israélien serait-il un intouchable ? Le rôle d’intellectuel et d’universitaire est historiquement lié au refus de l’arbitraire
El Hadji Malick Sy Camara |
Publication 21/05/2025
Depuis plusieurs années, le peuple palestinien souffre le martyr dans la bande de Gaza sans que des mesures radicales ne soient prises pour mettre fin au massacre génocidaire de l’État d’Israël. En effet, après l’attaque du 7 octobre 2023 revendiquée par le Hamas, Israël a accentué ses interventions meurtrières dans la bande de Gaza, prétextant vouloir éliminer une bonne fois pour toute les membres du Hamas. Hélas, les populations civiles paient depuis le début des interventions de l’armée israélienne un très lourd tribut. Le bilan actuel, du reste très funeste, fait état de plus de 50 000 morts du côté palestinien. Les enfants, les femmes sont quotidiennement fauchées par une armée aveugle composée de soldatesques qui ne doivent leur raison d’être que pour « exterminer des êtres humains dont le seul tort est d’être Palestinien ». L’armée israélienne s’oppose régulièrement à l’entrée de l’aide humanitaire, pour davantage affamer la population gazaouite dont la dignité est en jeu, malgré les innombrables appels d’organisations humanitaires à un rétablissement du cessez-le-feu. Chaque jour, les enfants et femmes, pour tromper leur faim, se disputent les quelques miettes de nourritures distribuées. Quelle lutte acharnée pour la survie !
Déjà en mars 2025, la Directrice exécutive du Programme alimentaire mondial des Nations Unies s’alarmait de la situation en ces termes : “Les familles de Gaza meurent de faim alors que la nourriture dont elles ont besoin est bloquée à la frontière. Nous ne pouvons pas leur fournir cette assistance vitale en raison de la reprise du conflit et de l’interdiction totale de l’aide humanitaire imposée début mars[1].”
Concomitamment, l’armée israélienne massacre les humanitaires, les agents de Croissant Rouge, aux journalistes. Gaza est devenue une prison à ciel ouvert, une fosse commune. Avons-nous perdu le sens de la vie ? À ce bilan macabre de l’État israélien, il faut ajouter la destruction volontaire des infrastructures médicales, éducatives (hôpitaux, écoles), les lieux de culte et routes. Au même moment, l’Union Européenne, les Etats-Unis s’associent à l’Ukraine dans sa guerre contre la Russie.
En Afrique, l’Afrique du Sud est l’une des rares voix audibles qui a osé dénoncer le génocide israélien.
Nous, universitaires, conscients de notre rôle d’avant-gardistes, regrettons l’indignation sélective de la Communauté internationale face au massacre de la population palestinienne sur son propre sol. Ne pas condamner ce que subi le peuple palestinien, c’est être complice tacite de la volonté de l’État israélien d’exterminer les habitants de Gaza, à défaut de les pousser à la migration forcée. Il faut dénoncer avec force l’intention inavouée du président Benyamin Netanyahu d’annexer la bande de Gaza pour élargir son territoire. Cette colonisation a d’ailleurs été annoncée par le président américain Donald Trump qui, dans le cadre d’un simulacre de plan de paix, proposait de déplacer les habitants de la Bande de Gaza vers l’Égypte et la Jordanie qui ont aussitôt refusé cette décision inélégante et inhumaine d’un chef qui pense que l’action doit présider la réflexion.
En réalité, en violant la trêve avec le mouvement Hamas, entrée en vigueur en janvier 2025, (cessez-le-feu conclu le 15 janvier 2025), Benyamin Netanyahu semble vouloir forcer le destin du peuple palestinien qu’il souhaite le pire.
Pourtant, au même moment, l’Union Européenne, les États-Unis condamnent fermement l'intervention russe en Ukraine et soutiennent activement l’État ukrainien en fournissant une aide politique, financière, humanitaire et militaire, ainsi qu'en imposant des sanctions à la Russie. Au nom de l’humanisme, il faut soutenir le peuple palestinien et mettre fin à l’indignation sélective : toutes les vies se valent.
Aujourd’hui, le procureur de la Cour Pénale internationale (CPI), Karim Khan, qui avait ouvert des enquêtes contre Israël pour des crimes de guerre perpétrés à Gaza, et lancé un mandat d’arrêt contre le président israélien Benyamin Netanyahu, fait objet d’une enquête pour faute présumée. Le président des États-Unis, Donald Trump, qui avait annoncé des sanctions contre la CPI, en février 2025, et les alliés inconditionnels de l’État israélien ont-ils mis en œuvre leur menace ? L’État israélien serait-il un intouchable ? Pourtant, il y a moins d’un siècle l’État d’Israël ne figurait pas su la carte du monde. Déclarée persona non grata dans presque tous les coins du monde, l’Occident, tel pour réparer l’Holocauste juive, a acté la création de l’État d’Israël en 1948. Mais il semble que le monde souffrirait d’une amnésie chronique qui n’autorise la moindre réminiscence d’une histoire douloureuse qui ne grandit pas le monde occidental ayant abrité les plus grands camps de concentration et d’extermination juive.
Nous, universitaires, homoacademicus, dénonçons le massacre des civiles, le déplacement forcé des populations et la destruction intentionnelle des infrastructures visant à transformer la bande de Gaza en champ de ruine.
En effet, le rôle d’intellectuel et d’universitaire est historiquement lié au refus de l’arbitraire, de l’injustice et de toutes formes d’inégalités. En réalité, l’engagement des universitaires dans la lutte pour respect de la dignité du peuple palestinien n’est qu’un retour à leur terrain naturel (Diaw, 1992). C’est ce refus de l’injustice qui distingue l’intellectuel traditionnel (rôle que nous revendiquons) de l’intellectuel organique qui défend l’intérêt d’un groupe ou d’une classe sociale. Dès lors, soutenir le peuple palestinien est un devoir ; une obligation morale. Comme producteurs de sens et de savoir (Diouf, 1992), les universitaires ont donc un rôle prépondérant à jouer dans l’émancipation des peuples opprimés. L’enserrement de leur discours dans le social leur permet de jouer pleinement le rôle d’avant-garde que leur assigne la société (Camara, 2025).
Nous appelons au respect immédiat de la trêve par Israël pour mettre fin aux dizaines de morts enregistrées par jour. Par ailleurs, nous invitons la communauté internationale à hâter la création d’un État palestinien souverain pour le respect de la dignité de ce peuple martyr.
Aimer la Palestine, c’est refuser l’occupation illégale de son territoire et l’extermination de sa population par Israël depuis 19 mois.
Le Mouvement présidé par Cheikh Tidiane Gadio invite les acteurs politiques à "chasser le toxique dans les divergences". "Notre pays n'a jamais eu autant besoin que ses filles et ses fils se parlent", affirme-t-il
Le Mouvement Panafricain et Citoyen invite les acteurs politiques à "faire barrage aux dérives" et à "chasser le toxique dans les divergences", selon un communiqué annonçant sa participation au Dialogue national et parvenu à notre rédaction ce mardi 20 mai 2025. Le MPCL-Luy Jot Jotna rappelle que le Sénégal, "terre de dialogue et de tolérance", doit éviter le chemin emprunté par d'autres pays africains qui ont refusé la concertation.
« Le dialogue politique national inclusif : un impératif devant les défis multiformes de notre pays !
Notre parti, réuni en Bureau politique extraordinaire élargi aux cadres, a décidé de participer activement au prochain Dialogue politique national prévu le 28 mai 2025.
Les arguments pour ou contre le Dialogue sont nombreux et parfois compréhensibles considérant l’atmosphère qui règne dans le cours politique actuel. Toutefois notre Parti estime que le Sénégal n’a jamais eu autant besoin que ses filles et ses fils se parlent, tant les défis, les divisions, les divergences profondes ne cessent de prendre un tournant inquiétant et hautement préoccupant.
Terre de dialogue, de tolérance voire d’harmonie, notre pays sait là où le refus du dialogue a mené beaucoup de pays du continent. C’est indéniable que notre pays vit une crise multiforme : politique, institutionnelle, économique et sociale. Un tel constat nous indique qu’il est urgent d’aller, tous ensemble, majorité au pouvoir, opposition politique, société civile et personnalités indépendantes, « au chevet de notre pays ».
Les acteurs de la scène politique nationale -dans le respect des convictions et de l’identité propre des uns et des autres- doivent ensemble élucider les malentendus, faire barrage aux dérives, chasser le toxique dans les divergences, bâtir de nouveaux consensus pour redonner à notre démocratie son statut de miroir, de fierté et de patrimoine de tous les Africains.
Pour y arriver, notre pays doit se remettre dans la trajectoire de son grand destin de pays leader et de pays boussole en Afrique, de pays de séparation réelle des pouvoirs et de l’effectivité des contre-pouvoirs, de pays chantre du Panafricanisme fédéraliste, de la démocratie politique pluraliste, de pays de la liberté d’opinion, de la liberté de la presse (presse à qui notre démocratie est grandement redevable), de pays phare du féminisme et du combat contre les discriminations et les violences abjectes faites aux femmes et enfin de pays qui célèbre sa jeunesse comme étant « la Ressource nationale N° 1 » et qui n’est pas « l’avenir de l’Afrique mais son présent et sa locomotive ! ».
Seule une telle approche permettrait à notre pays de renouer avec « l’initiative historique » en dialoguant ensemble pour dépoussiérer ses institutions de la gouvernance, son système démocratique, politique, électoral et sa vieille culture de dialogue et de consensus qui visiblement ont pris des rides ! À toutes les forces vives de la nation nous disons : Allons donc au Dialogue ! »
LES KHALIFES BÉNISSENT LE DIALOGUE POLITIQUE
Thiès, Ndiassane, Thiénaba,Touba... Le facilitateur général Cheikh Guèye a entamé une tournée de consultations auprès des principales autorités religieuses du pays, avant le début des travaux du 28 mai prochain
Le facilitateur général du Dialogue politique, Cheikh Guèye, a rencontré plusieurs autorités religieuses du pays, dont le Khalife général des mourides à Touba, selon le communiqué reçu de ses services mardi 20 mai 2025. Cette tournée nationale de consultations vise à préparer le Dialogue national sur le système politique prévu le 28 mai, sous la bénédiction des guides spirituels considérés comme essentiels à la paix sociale.
"Communiqué du Faciliateur général du Dialogue politique
Dans le cadre de sa mission de préparation et de facilitation du Dialogue national sur le système politique, prévu le 28 mai 2025, le Facilitateur général, Dr Cheikh Guèye, a entamé une tournée nationale de consultations auprès des principales autorités religieuses du pays.
Sa visite à Thiès lui a permis d’échanger longuement avec Serigne Ahmadou Mounirou Ndieguène, khalife de la famille. A Ndiassane, il a été chaleureusement accueilli par Serigne Khalifa Kounta, porte-parole, qui a salué sa démarche de consultation et le contenu du dialogue national initié par le Président de la République Bassirou Diomaye Faye dont il a encouragé l’esprit d’ouverture. A Thiénaba, le khalife général a appelé tous les acteurs à y participer pour qu’on les préserve enfin d’intervenir à toute bout de champ dans l’espace politique. Dr Cheikh Guèye s’est ensuite rendu à Touba, où il a été reçu par Serigne Mountakha Mbacké, Khalife général des mourides, figure de proue du paysage spirituel sénégalais.
Au cours de cette audience empreinte de respect et de solennité, Cheikh Guèye a tenu à saluer le rôle éminent du Khalife en tant que “grand faiseur de paix”, rappelant que sa bénédiction et son accompagnement constituent une étape essentielle pour garantir un processus de dialogue ouvert, inclusif et pacifique.
Le Facilitateur a partagé avec le Khalife les termes de référence du dialogue, les objectifs recherchés, ainsi que les enjeux cruciaux liés à l’organisation d’élections apaisées, respectueuses de la volonté populaire et des principes démocratiques.
À l’issue de ces échanges, Cheikh Guèye a réaffirmé que les guides religieux occupent une place centrale dans la préservation de la cohésion sociale et de la paix au Sénégal. Il a insisté sur la nécessité pour le dialogue national de bâtir un consensus fort autour de règles du jeu politique équitables, afin de restaurer la confiance, éviter les tensions et consolider la démocratie sénégalaise.
Cette tournée de consultations se poursuivra dans les prochains jours auprès d’autres acteurs clés de la société sénégalaise, dans un esprit d’écoute, de rassemblement et de construction collective."
LE SÉNÉGAL SIGNE UN ACCORD-CADRE DE 2 MILLIARDS D’EUROS AVEC L’ITFC
La convention, d’une durée de cinq ans, a été signée par le ministre de l’Économie, Abdourahmane Sarr, et le directeur général de l’ITFC, Adeeb Yousuf Al-Aama.
En marge des Assemblées annuelles 2025 de la Banque islamique de développement (BID), le Sénégal a conclu un accord-cadre d’un montant de 2 milliards d’euros, soit environ 1 311,9 milliards de francs CFA, avec l’International Islamic Trade Finance Corporation (ITFC), filiale du Groupe BID.
La convention, d’une durée de cinq ans, a été signée par le ministre de l’Économie, Abdourahmane Sarr, et le directeur général de l’ITFC, Adeeb Yousuf Al-Aama. Elle vise à renforcer la coopération économique entre les deux parties et à mobiliser des ressources pour financer des projets structurants.
Cet accord stratégique couvre plusieurs secteurs prioritaires pour le développement du pays : la santé, l’agriculture, l’énergie et le soutien au secteur privé. Il s’inscrit dans la volonté du Sénégal de diversifier ses sources de financement, notamment à travers les mécanismes de finance islamique, pour appuyer sa croissance économique.
Le gouvernement sénégalais ambitionne, à travers ce partenariat, de consolider les bases de son développement socio-économique en s’appuyant sur des investissements ciblés dans des domaines clés.
VERSEMENT DE CAUTION À LA CDC, LA NOUVELLE VACHE À LAIT
Entre les bailleurs réticents et les locataires enthousiastes, le fossé se creuse dans un secteur immobilier déjà tendu, suite à l'annonce du projet de centralisation des cautions locatives
Pour renforcer ses capacités de financement, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) mise sur plusieurs leviers, dont la caution des locataires. Alors que ces derniers semblent ravis par cette annonce, les bailleurs, eux, regrettent un manque de concertation et montent sur leurs gardes.
Mobiliser plus de ressources pour financer l'économie et certains grands projets de l'État. C'est l'une des grandes ambitions du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), Fadilou Keita. Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'homme compte sur tous les moyens pour mobiliser davantage de ressources. Il ne manque d'ailleurs pas de donner l'exemple du Bénin qui se serait beaucoup inspiré du modèle sénégalais, mais qui, en quatre ans, est parvenu à faire bien mieux. “Alors que nous sommes autour de 480-490 milliards F CFA, eux sont à plus de 1 100 milliards. L'usine de textile la plus performante au monde se trouve au Bénin, et c'est la CDC qui l'a mise en place. Ce qui leur a donné cette possibilité, c'est qu'ils ont des ressources stables et longues, alors que nous n'en disposons pas”.
Pour pallier ce gap, le DG de la CDC compte sur plusieurs leviers, dont le loyer et ses accessoires.
Récemment, lors d'une émission sur Seneweb, il a précisé : “Nous sommes en train de mener des démarches pour voir comment faire en sorte que la caution soit déposée au niveau de la CDC. Cela va non seulement permettre de mobiliser des ressources stables et longues que nous pouvons injecter dans l'économie, mais ça va aussi permettre de lutter contre la spéculation, avec des bailleurs qui demandent parfois l'équivalent de trois à quatre mois de loyers, en violation de la législation. Et qui à la fin du contrat rechignent à restituer les montants perçus.”
À en croire M. Keita, les ressources mobilisées vont permettre de financer l'économie.
Les locataires jubilent, les bailleurs attendent de pied ferme
L'annonce a été diversement appréciée par les parties prenantes. Si les locataires l'ont globalement bien accueillie, les bailleurs, eux, sont moins emballés.
Conseiller juridique et manager de l'agence immobilière ASKANE PARTNERS, Abou Bakari Kane regrette l'absence de concertation, d'autant plus que la mesure, si elle est concrétisée, compromet les intérêts des bailleurs. “Cette mesure ne prend pas en compte les préoccupations du bailleur qui n’a aucun intérêt à ce que la caution soit versée à la CDC. Non seulement on le prive d'un moyen de financement, mais aussi on l'expose à des procédures administratives ou judiciaires pour recouvrer la garantie en cas de défaillance du locataire”, analyse-t-il.
Pour cette raison et pour tant d'autres, l'agent immobilier estime que l'État doit discuter avec les différentes parties, pour éviter le syndrome des décrets 2014 et 2023 portant baisse des loyers qui avaient généré plus de problèmes que de solutions. “Comme en 2014 et 2023, cette mesure unilatérale risque d’être un échec patent, si aucune concertation sérieuse n’est entreprise en prenant en compte les intérêts de toutes les parties au contrat”, renchérit l'agent immobilier, qui relève déjà une certaine réticence des propriétaires, du fait notamment des lourdeurs que ce mécanisme va engendrer.
“Après tant d’années de sacrifices, d’investissements, les propriétaires sont souvent confrontés aux lourdeurs judiciaires pour pouvoir expulser un locataire défaillant, recouvrer les sommes considérables qui leur sont dues, en sus des prêts bancaires à rembourser. C'est déjà beaucoup de lourdeurs pour en rajouter. Avec la caution versée à la CDC, c'est d'autres procédures judiciaires ou administratives et ça peut être problématique” met en garde M. Kane, qui insiste sur la nécessité des concertations.
Les facteurs de blocage
Pendant que les bailleurs se plaignent et restent sur leurs gardes, les locataires, eux, semblent contents et appellent de tous leurs vœux l'État à rendre la mesure effective.
Président de l'Association pour la défense des locataires, Elimane Sall ne cache pas son impatience. “Nous pensons que cette annonce vient à son heure. La question du cautionnement a souvent été une source de conflits entre bailleurs et locataires. Que les autorités veuillent y apporter des solutions, c'est une excellente chose. Pourvu que l'État ne fasse pas de demi-mesures comme il en a l'habitude”, disait-il sur Trade FM.
À son avis, ce serait un bon début pour prendre en charge tous les problèmes des locataires liés à la caution. “Maintenant, il faut des concertations inclusives pour qu'une fois la décision prise, qu'elle soit acceptée par tout le monde”, prévient le président des locataires, qui invite l'État à penser à l'allégement des procédures pour faciliter les versements, surtout que tout le monde n'est pas à Dakar. “Si tout le monde doit se déplacer à Dakar pour déposer une caution, il va de soi que c'est un facteur de blocage. Je pense qu'il faut tout dématérialiser pour favoriser l'adhésion de tous”, a-t-il souhaité, lui qui ne semble pas nourrir d'appréhensions particulières sur la récupération de la caution. “La CDC, c'est ça son rôle de garder l'argent. Si le locataire laisse l'appartement en bon état, il doit aller récupérer son dû. S'il y a des choses à rembourser et que c'est prouvé, cela sera défalqué sur la caution”, soutient-il très optimiste.
Promoteur du site www.loger-dakar, Ousmane Sow, lui, invite l'État à lever un peu la pression sur les investisseurs en général, les bailleurs en particulier. “Le fait que l'État s'implique autant dans le marché n'est pas une bonne chose, à mon avis. C'est vrai que l'État doit penser aux consommateurs, mais il doit aussi soutenir les investisseurs. En retour, ces derniers seront encouragés à faire des efforts pour les consommateurs”, indique le promoteur de cette plateforme de rencontre entre bailleurs et locataires. “Ce n'est pas une bonne chose que l'État ait une mainmise sur le secteur privé. L'État doit plutôt aider les bailleurs à être plus transparents. Les enjeux, à mon avis, sont ailleurs”, selon l'intermédiaire, qui estime que l'État doit plutôt travailler à faire en sorte que l'on soit dans une maison de verre, avec des bailleurs qui vont rendre publiques toutes les informations concernant leurs activités.
L'autre défi, selon lui, c'est l'identification de tous ceux qui s'activent dans le secteur, notamment les courtiers. “Dans nos pays, on pense trop répression, législation. J'ai l'impression parfois que quand tu as de l'argent, des biens, tu deviens un peu une cible pour tout le monde, y compris pour l'État. Il faut changer cette façon de voir. Ce n'est pas un crime d'être riche et d'avoir des biens. L'État doit accompagner ceux qui investissent”, ajoute M. Sow.
Relativement à la base légale de ce versement de la caution à la CDC, le juriste Abou Kane n'y voit pas de vices particuliers. Selon lui, suite à des difficultés de mobilisation des ressources, des réformes ont été apportées pour donner à la CDC plus de moyens. “C’est ainsi qu’il est procédé à des innovations majeures non exhaustives, notamment l’élargissement des missions de financement au logement de standing et l’extension de la consignation, etc. C’est certainement sur ce dernier point que le directeur général s’est appuyé pour développer l’idée du dépôt de la caution du loyer à la Caisse des dépôts et consignations”, analyse-t-il.
Une motivation en question
À son avis, cette proposition avait été initiée pour la première fois par le docteur Malick Diop, ancien député de Benno Bokk Yaakaar, sans qu’il puisse trouver un écho favorable à l’Assemblée nationale. “Sur le plan légal, la CDC, à travers la loi 2017-32 portant ses règles de fonctionnement, peut étendre ses domaines de consignation dans le domaine de la location en enjoignant les locataires à verser les cautions dans ses comptes. De surcroit en cas de procédure d’offres réelles, c’est-à-dire si le bailleur refuse de prendre la location ou conteste la somme, le locataire peut utiliser la procédure d’offre réelle et le montant est consigné à la CDC en attendant la fin de la procédure”, explique l'agent immobilier.
En attendant de voir les modalités de la mise en œuvre de cette mesure, il est déjà confronté au refus des propriétaires d’être un moyen de mobilisation de la CDC, surtout qu’ils sont confrontés à des taux d’emprunts bancaires élevés et un fisc à leurs trousses. Mais pour lui, l'État ne doit pas non plus perdre de vue la vocation de la caution qui, selon lui, est une garantie pour couvrir les éventuelles dettes locatives.
“Dans ses argumentaires, le DG insiste beaucoup sur les difficultés de mobilisation des ressources en faisant référence à la CDC du Bénin. Cela montre que la principale préoccupation, c'est la mobilisation de fonds au profit de la CDC”.
RÉFORME DE LA JUSTICE, FRAPP APPELLE À LA TRANSPARENCE AVANT TOUT NOUVEAU DIALOGUE
le Front pour une Révolution Anti-Impérialiste Populaire et Panafricaine interpelle le gouvernement sur l’état d’application des 30 recommandations issues des assises de la justice.
Le Front pour une Révolution Anti-Impérialiste Populaire et Panafricaine (FRAPP) interpelle le gouvernement sur l’état d’avancement des 30 recommandations issues des récentes assises de la justice, saluant au passage les avancées, mais exigeant une transparence totale sur les engagements pris, à l’approche d’un nouveau dialogue national.
Le FRAPP reconnaît les efforts déployés depuis les assises organisées sous l’égide du président Bassirou Diomaye Faye.
Ces concertations avaient pour objectif une réforme profonde du système judiciaire. Cependant, le mouvement met en lumière l’application lacunaire de certaines mesures clés.
L’urgence d’un Juge des Libertés et de la Détention
Parmi les recommandations phares, « l’instauration d’un juge des libertés et de la détention » est citée en exemple. Ce rôle crucial, visant à contrôler les mesures de privation de liberté et à garantir la légalité et la proportionnalité de chaque incarcération, est jugé indispensable par le FRAPP.
« Ce juge indépendant et impartial constituerait un rempart contre les détentions arbitraires, renforcerait la protection des droits individuels, et garantirait un meilleur encadrement des enquêtes et des auditions », déclare le communiqué.
Le FRAPP insiste sur l’urgence de cette mise en œuvre et exige que le gouvernement soumette sans délai les projets de loi nécessaires.
Transparence exigée avant le prochain dialogue
L’organisation souligne l’importance d’un inventaire détaillé de l’ensemble des engagements pris lors des assises de la justice.
À la veille d’un dialogue national axé sur le système politique, le FRAPP estime qu’il est « du devoir du pouvoir exécutif de faire la transparence sur l’état d’avancement des 30 recommandations : lesquelles ont été mises en œuvre, lesquelles sont en cours, et lesquelles sont restées lettre morte. »
Si le FRAPP salue des initiatives positives telles que la décentralisation de l’appareil judiciaire et les actions du pool financier et judiciaire pour la récupération des biens publics, il dénonce néanmoins la persistance de pratiques jugées contraires aux principes d’une justice équitable.
Les gardes à vue prolongées, les retours de parquet instrumentalisés et les mandats de dépôt systématiques sont pointés du doigt.
Le FRAPP affirme qu’un « bilan clair et honnête du dialogue sur la justice est essentiel pour asseoir la crédibilité du prochain dialogue national ».
Une telle transparence, selon le mouvement, renforcerait la confiance des citoyens, favoriserait une participation plus large et garantirait que les futures réformes ne soient pas de vaines promesses, mais le fruit d’une « volonté réelle de transformation ».
Le FRAPP rappelle enfin que « la confiance se construit et s’entretient par les actes. »