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7 juin 2025
PAR BOUBACAR KAMBEL DIENG
POURQUOI CE SILENCE DES AUTORITÉS FACE À LA CRISE DES CARRIÈRES ?
Un phénomène inquiétant frappe de plein fouet le secteur du bâtiment et de la construction : le prix du sable a littéralement explosé. Le camion de 16 m³, qui se négociait entre 50 000 et 60 000 FCFA, coûte aujourd’hui entre 120 000 et 130 000.
Depuis plus d’un mois, un phénomène inquiétant frappe de plein fouet le secteur du bâtiment et de la construction au Sénégal : le prix du sable a littéralement explosé.
Le camion de 16 m³, qui se négociait entre 50 000 et 60 000 FCFA selon les zones, coûte aujourd’hui entre 120 000 et 130 000 FCFA. Certains évoquent même des cas atteignant les 150 000 FCFA.
En cause : la suspension brutale des activités d’exploitation dans plusieurs carrières de sable des régions de Dakar et Thiès, notamment à Bambilor et Kayar, zones historiquement stratégiques pour l’approvisionnement.
Résultat : les camions doivent désormais parcourir de longues distances jusqu’à Tivaouane, ce qui augmente mécaniquement les coûts de transport… et donc les prix de vente.
Mais ce qui inquiète tout autant que la flambée des prix, c’est le silence prolongé de la Direction des Mines. Aucune communication officielle, aucun calendrier, aucun encadrement pour un secteur qui emploie des milliers de personnes, directement ou indirectement.
Chaque camion mobilise au minimum quatre travailleurs : chauffeur, aide-chauffeur, chargeur, apprenti, etc.
Selon certaines sources, il s’agirait d’un malentendu entre les autorités et les promoteurs des carrières, sur fond de volonté de mieux réglementer un secteur jusque-là difficile à encadrer.
En attendant, les autorisations d’exploitation restent suspendues jusqu’à nouvel ordre, laissant place à une incertitude lourde de conséquences.
Le plus préoccupant : même en cas de déblocage prochain, les prix risquent de rester durablement élevés, les nouveaux intermédiaires et surcoûts ayant désormais pris racine.
Combien de temps encore ce mutisme durera-t-il ?
Et que risquent les consommateurs, les entreprises du BTP et l’économie nationale dans cette crise silencieuse ?
Personne ne le sait…, du moins pour le moment.
L'ALERTE ROUGE DE LA SAR
Selon un document confidentiel évoqué par Jeune Afrique, la Société africaine de raffinage a alerté fin avril sur un « risque imminent de pénurie de carburant et de délestage ». Avec 363 milliards de F CFA de créances impayées, la raffinerie suffoque
(SenePlus) - Le Sénégal a échappé de justesse à une crise énergétique majeure. Selon un document confidentiel révélé par Jeune Afrique le 20 mai dernier, la Société africaine de raffinage (SAR), unique raffinerie du pays, a alerté sur « un risque imminent de pénurie de carburant et de délestage énergétique à l'échelle nationale ». Une situation paradoxale pour ce nouveau pays producteur de pétrole avec Sangomar et de gaz avec Grand Tortue Ahmeyim.
Dans une correspondance adressée le 30 avril au ministre des Finances et du Budget, Cheikh Diba, le directeur général de la SAR, Mamadou Abib Diop, dresse un tableau alarmant des finances de l'entreprise publique. Selon JA, qui a pu consulter ce document confidentiel, la raffinerie fait face à des échéances dues estimées à 170 milliards de F CFA (259 millions d'euros) auprès de la Banque islamique du Sénégal (BIS) et à 147 milliards de F CFA (224 millions d'euros) auprès de FBN Bank.
La situation devient critique quand on sait que la SAR ne dispose que de 68 milliards de F CFA de trésorerie pour faire face à ces obligations. Pire encore, les partenaires financiers montrent des signes d'épuisement : la BIS a confirmé qu'elle ne dispose « d'aucune capacité d'extension sur ces échéances », tandis que FBN Bank fait part de « son inquiétude quant au niveau extrêmement élevé des créances », rapporte le magazine africain.
Cette crise de liquidité menace directement l'approvisionnement énergétique du pays. Le groupe public, « enlisé dans une spirale d'endettement », peine à financer l'achat des cargaisons de produits pétroliers destinées aux stations-service et aux centrales électriques sénégalaises, selon les informations de Jeune Afrique. Le directeur général de la SAR met en garde contre des « conséquences potentiellement désastreuses, menaçant directement la stabilité énergétique et économique du pays ».
L'ampleur du problème se mesure dans les chiffres : au 28 avril, les créances dues à la raffinerie s'élèvent à 363 milliards de F CFA, soit environ 553 millions d'euros. Cette situation s'explique par le fait que 80% des clients de la SAR n'honorent plus leurs paiements, provoquant « une saturation complète des lignes de crédit ».
Une chaîne de débiteurs défaillants
Derrière cette crise se cache un cercle vicieux impliquant plusieurs acteurs économiques majeurs. Selon le document révélé par JA, la vulnérabilité financière de la SAR résulte du « niveau extrêmement élevé des créances en souffrance » dues par l'État sénégalais et plusieurs clients stratégiques.
Les producteurs indépendants d'électricité - Malicounda, Contour Global et Tobene Power - attendent d'être payés par la Senelec pour pouvoir s'acquitter de leurs factures envers la SAR. Parallèlement, le groupement professionnel des pétroliers (GPP), dirigé par Mouhamed Chaabouni et regroupant Vivo Energy, TotalEnergies Sénégal, Ola Energy et Touba Oil, conditionne le paiement de ses engagements au remboursement des pertes commerciales par l'État.
Contactée par Jeune Afrique, la direction de la SAR adopte un discours rassurant, affirmant ne rencontrer « aucune difficulté à honorer ses engagements financiers » et entretenir d'« excellentes relations » avec ses partenaires bancaires. L'entreprise publique précise qu'« il n'existe à ce jour aucune créance échue impayée » et qualifie le courrier d'alerte de « démarche classique d'alerte ponctuelle ».
La SAR assure que cette demande « a d'ailleurs reçu une réponse favorable, ce qui a permis de régler rapidement la situation », écartant ainsi « tout risque de rupture d'approvisionnement ». L'entreprise revendique par ailleurs un accompagnement actif du gouvernement et une santé financière « tout à fait satisfaisante », avec des résultats prévisionnels 2024 affichant « quasiment un doublement des bénéfices par rapport aux objectifs ».
Des solutions d'urgence à l'étude
Face à cette situation délicate, la SAR explore de nouvelles pistes de financement. Selon Jeune Afrique, l'entreprise sollicite le règlement de 76 milliards F CFA pour honorer les échéances du 13 mai et du 5 juin 2025 auprès de la BIS, ainsi que 115 milliards F CFA en faveur de FBN Bank.
Parallèlement, la raffinerie mise sur un nouveau partenaire financier : La Banque Outarde (LBO), dirigée par Adama Diouf Camara. Des discussions sont en cours pour une ligne de crédit de 70 millions d'euros destinée à financer l'approvisionnement de mai 2025. Cette diversification des sources de financement apparaît cruciale, car l'absence de solution aurait pu entraîner la perte des deux lignes de financement actuelles de 400 millions d'euros (200 millions avec chaque banque partenaire).
Cette crise révèle la fragilité du système énergétique sénégalais, malgré les nouvelles ressources pétrolières et gazières du pays. Elle souligne également les défis structurels d'une économie où les impayés se propagent en cascade, des producteurs d'électricité aux distributeurs de carburant, en passant par l'État lui-même.
ALINE SITOÉ DIATTA, UNE VOIX ÉTOUFFÉE À 24 ANS QUI RÉSONNE TOUJOURS
Historiens, anthropologues, écrivains et chercheurs se sont réunis lors d’un symposium scientifique à Dakar pour réactualiser la figure d’Aline Sitoé Diatta. Au-delà du mythe, ils ont mis en lumière son héritage spirituel, politique et historique.
Ils sont historiens, anthropologues, économistes, sociologues, écrivains et même médecins, à faire découvrir au public, une facette de la vie d’Aline Sitoé Diatta. Ainsi, ils ont tous essayé de réactualiser jeudi, à l’occasion du symposium « la Dame de Kabrousse ».
« On a essayé de revisiter une figure féminine, en partant de ce que nous constatons. Les histoires de lutte de libération sont souvent ponctuées par une action invisible des femmes, souvent reléguées au second plan, lorsque viennent les moments de gloire. C’est toute la raison de ce pourquoi, nous avons dit que nous allions revisiter le legs d’une femme dont la parole a été étouffée à 24 ans », explique le Professeur François-Joseph Cabral, président du comité scientifique du Symposium sur Aline Sitoé Diatta.
Il s’agit, pour les organisateurs de ce rendez-vous scientifique, de « séparer l’accessoire de l’essentiel ». « Nous avons l’habitude de célébrer nos ancêtres avec trop de folklore. L’accessoire prend le dessus sur l’essentiel. L’essentiel pour nous, c’est de réécrire notre histoire et d’offrir ce récit à nos enfants. Et c’est la raison pour laquelle, un ouvrage sortira de ce qui s’est passé ici en 2023. Les presses universitaires de Dakar nous présenteront cet ouvrage dans les jours à venir », poursuit M. Cabral.
Pour évoquer l’essentiel, Robert Baum, Professeur d’études africaines aux États-Unis, a abordé la dimension spirituelle de Sitoé. « Dans mes recherches, j’ai trouvé qu’Aline Sitoé pensait qu’elle était l’envoyée de dieu. Elle entendait une voix qui lui demandait de retourner en Casamance pour mettre fin à la sécheresse en faisant un rite. Dans chaque village, il devait sacrifier un taureau noir. C’est de cette manière que la communauté devait prier dieu pour qu’il fasse tomber la pluie », raconte cet Américain qui a séjourné plusieurs années à Kabrousse pour retracer l’histoire d’Aline.
Sitoé : une figure toujours d’actualité
Professeur d’Histoire et géographie à la retraite et ancien proviseur du lycée Djignabo de Ziguinchor, Nouha Cissé, souligne qu’Aline Sitoé est toujours d’actualité. Car, il rappelle que déjà, dès les années 60-70, le mouvement patriotique et révolutionnaire au Sénégal a particulièrement manifesté sa volonté de conquête de l’autonomie et de l’indépendance du Sénégal. « C’est à l’époque où on parlait de la lutte contre le colonialisme, le néocolonialisme, le capitalisme… Et les grandes batailles ont été engagées. Différents courants de la gauche patriotique ont compris qu’il faut se mobiliser pour restaurer à notre pays sa dignité, restaurer à notre peuple sa souveraineté », a-t-il indiqué.
D’après M. Cissé, c’est ce qui a conduit beaucoup à investiguer l’histoire du Sénégal par opposition à l’histoire qui avait été enseignée depuis l’école coloniale. « Aline Sitoé a fait partie de ceux et de celles qui ont inspiré le peuple sénégalais dans la poursuite de la lutte pour l’autonomie et la souveraineté. Et en cela, elle est héroïne au même titre que les femmes de Nder, au même titre que Lat Dior, Alboury Ndiaye, etc. Donc c’est l’historiographie sénégalaise qui s’enrichit avec Aline Sitoé d’une héroïne de renom qui a pu effectivement faire bouger les lignes en Casamance », estime-t-il.
PAR Birane Diop
GAZA À TRAVERS L’OBJECTIF DE FATMA HASSONA
Cette jeune Gazaouie de 25 ans incarnait l'espoir d'une génération privée de liberté de mouvement mais connectée au monde. Sa mort tragique, avec dix membres de sa famille, illustre le destin de milliers de Palestiniens pris au piège d'un conflit sans fin
Ici, aux pentes des collines, face au crépuscule
Et au canon du temps
Près des jardins aux ombres brisés
Nous faisons ce que font les prisonniers,
Ce que font les chômeurs :
Nous cultivons l’espoir
Mahmoud Darwich, Etat de siège,
Actes Sud, 2004.
Aussi loin que je me souvienne, la géopolitique du Proche-Orient m’a toujours intéressé, notamment ce qui se déroule en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, avec l’occupation israélienne. J’ai lu des articles de presse, des livres, et regardé des émissions, des documentaires et des films qui documentent et retracent la guerre asymétrique depuis 1948, date à laquelle David Ben Gourion, ancien Premier ministre, a proclamé l’État d’Israël. Je ne cesse d’assouvir mon intérêt pour cette partie du monde globalisé, où des vies s’effacent, s’éteignent, sans que cela ne touche grand monde, sans que le droit international ne soit respecté.
La déshumanisation assumée des Palestiniens par le gouvernement d’extrême-droite et fasciste de Benjamin Netanyahou s’inscrit dans une longue histoire. Cette histoire de la condition palestinienne, que ce soit en Cisjordanie ou à Gaza, est documentée et racontée tous les jours par des héros et des héroïnes qui n’ont jamais quitté leur territoire, mais sont connectés au reste du monde à travers leurs smartphones et leurs appareils photo. Parmi ces gens dont le courage et la persévérance nous renversent figure une héroïne remarquable : Fatma Hassona. J’ai découvert son magnifique travail à travers le réseau social Instagram.
Qui était Fatma Hassona ?
Elle s’appelait Fatma Hassona et avait 25 ans. En un mot, Fatma était à l’automne de sa vie. Elle vivait dans le petit territoire de Gaza avec sa famille depuis sa naissance. Elle n’avait jamais quitté Gaza. Son imaginaire et sa vision du monde ont pour source Gaza. Le 16 avril 2025, Fatma, ainsi que dix membres de sa famille, ont été tués par l’armée israélienne – Tsahal. Parmi les victimes de cette tragédie familiale figurait sa grande sœur, enceinte de cinq mois.
Photographe incroyable et journaliste de talent, Fatma documentait, à travers son objectif, le terrible quotidien des Gazaouis : la violence qui décimait des vies. Quelques jours avant sa mort, Fatma disait à la réalisatrice iranienne Sepideh Farsi, avec qui elle collaborait sur le documentaire Put Your Soul on Your Hand and Walk, qui sortira en salle le 24 septembre, ces mots bouleversants : « Ma caméra est une arme. »
Cette phrase, simple en apparence, est chargée de vérité. Car, contrairement aux occupants qui effacent et déshumanisent des vies avec des armes à feu, Fatma possédait une arme qui montrait une ville détruite, des lieux de vie complètement dévastés, des enfants, des femmes, des hommes errant dans les rues, écrasés par la faim, la détresse, portant sur leurs frêles épaules leurs morts retirés sous les bombes.
Fatma a vu la guerre pour la première fois à l’âge de neuf ans, l’âge de la candeur et de l’innocence, cet âge que tout enfant a le droit de vivre, quelles que soient ses origines, sa langue. Mais la vie de cette lumière nous révèle une vérité implacable : les inégalités naissent dès l’enfance.
Fatma, la Gazaouie sensible aux vents du bonheur
Certes, Fatma a vécu dans un territoire sous blocus. Mais elle avait des rêves, des projets. Fatma voulait intégrer une école de photographie en dehors de Gaza. Elle portait ce projet à cœur. Fatma n’avait pas seulement ce projet : elle voulait faire des films qui racontent le quotidien tumultueux des jeunes et des femmes à Gaza, privés de toute forme de grâce, ce mot qui est peut-être le sens de la vie. Elle en avait d’autres, comme beaucoup de filles de son âge et de son époque.
Elle voulait visiter Rome, la Ville éternelle, la ville où repose l’artisan de la paix, celui qui n’a jamais cessé de dénoncer le génocide en cours à Gaza : le pape François.
Tisseuse d’avenir et jeteuse de ponts, Fatma était ouverte aux étreintes du monde libre. Elle rêvait de Téhéran, de Paris, du Caire, peut-être même de Dakar, la capitale sénégalaise qui avait accueilli dans ses bras câlins le président de l’Autorité palestinienne, Yasser Arafat, lequel, par ricochet, avait obtenu un passeport diplomatique sénégalais accordé par l’illustre président Léopold Sédar Senghor.
Fatma, une lumière intemporelle
La belle âme — Fatma Hassona est partie se reposer, loin de la violence des fascistes, comme des milliers de Gazaouis, en un mot, de Palestiniens. Mais sa lutte ne sera pas vaine. Tôt ou tard, un vent nouveau soufflera à Gaza et, comme l’appelle de ses vœux le philosophe Souleymane Bachir Diagne, dans la passionnante émission L’heure bleue sur France Inter : « l’humanité vaincra. » Que le courage de Fatma Hassona, son sourire bouleversant, ses beaux poèmes et ses clichés nous accompagnent et nous habitent.
Post-scriptum : Le 25 septembre 2024, Fatma Hassona avait posté de sublimes photos sur sa page Instagram, le tout accompagné d’un magnifique texte sur la mer.
« Ainsi, la mer me donne sa vue sur l'immensité, un concept que je n'ai connu qu'à travers elle : l'immensité, la guérison qui se trouve dans le vide, l'extension du moment dans le lieu, et mes doigts, dont seront sauvées les traces de la route.
Si je devais être quelque chose comme la nature, après avoir été un arbre, je serais la mer : vaste, franche dans le calme comme dans les cris, chaleureuse, bien que peu attirante, étendue, renouvelée, et sachant écouter. Ainsi, la mer me tend sa feuille blanche pour que je lui ressemble, tandis que le ciel bénit cette alliance, et que la ville se moque encore de nous : ses bras nous sont ouverts, à travers toutes les rues et dans toutes les directions.
C'est ainsi que la mer me donne sa vue sur l'immensité, un concept que je n'ai connu que par elle, l'immensité, la guérison inhérente au vide, l'extension du moment dans le lieu, et mes doigts, dont seront préservées les traces de la route.
C'est ainsi que la mer me tend sa feuille blanche pour que je lui ressemble, tandis que le ciel bénit cette alliance, et que la ville rit pour nous à nouveau, nous ouvrant ses bras à travers toutes les rues et dans toutes les directions.
BRACELET ELECTRONIQUE, DE LA THÉORIE À LA CHEVILLE
Deux ans après avoir défendu le bracelet électronique comme solution à la surpopulation carcérale, Ismaïla Madior Fall en découvre les effets. Lorsque l'ironie du sort se combine à la mémoire infaillible des réseaux sociaux, la cruauté est au rendez-vous
(SenePlus) - Ismaïla Madior Fall, ancien ministre sénégalais de la Justice qui avait vanté les mérites du bracelet électronique à l'Assemblée nationale, en porte désormais un suite à son inculpation pour corruption présumée. Une ironie du sort qui fait le régal des réseaux sociaux.
L'issue de cette affaire dira si le bracelet électronique constitue finalement une chance pour Ismaïla Madior Fall. Quand il portait aux nues cette mesure devant les élus, le ministre précisait que « les cas de détournements de deniers publics » ne seraient pas « concernés » par le port du bracelet, sauf si l'on remboursait « l'intégralité des montants en question ».
Une précision qui, aujourd'hui, résonne avec une ironie particulière. L'ancien ministre de la Justice sous Macky Sall découvre désormais les effets de son innovation technologique sur sa propre cheville, après son inculpation par la Haute Cour de Justice pour « tentative de corruption ».
La scène remonte à l'adoption du budget 2023. Devant l'Assemblée nationale sénégalaise, Ismaïla Madior Fall défendait avec passion la modernisation de son département. Brandissant les composants d'un bracelet électronique, il lançait à la cantonade qu'on ne parlait pas « du futur » et que l'outil allait « régler le problème » de la surpopulation carcérale, grâce au « premier centre de surveillance des bracelets électroniques » d'Afrique de l'Ouest, comme le rappelle aujourd'hui Damien Glez dans sa chronique sur Jeune Afrique.
L'ironie peut parfois être cruelle, surtout quand elle s'accompagne de la mémoire implacable des réseaux sociaux. Deux ans et demi plus tard, le vent de la rupture politique ayant soufflé sur le Sénégal, l'ancien ministre se retrouve dans une situation pour le moins paradoxale. Assigné à résidence et inculpé, il porte désormais ce fameux bracelet qu'il présentait comme une innovation majeure.
Les charges qui pèsent sur Ismaïla Madior Fall concernent précisément ce projet qu'il défendait avec tant d'enthousiasme. Un promoteur immobilier et un ex-responsable du ministère de la Justice affirment qu'une avance de 50 millions de francs CFA – sur un total prévu de 250 millions – lui aurait été versée. Cette somme aurait constitué une garantie présumée que le marché public de la construction du centre de surveillance des bracelets électroniques serait octroyé aux présumés corrupteurs.
L'ancien ministre peut toutefois faire valoir qu'« en dépit de ce curieux bijou de cheville, il continue de bénéficier de la présomption d'innocence », note avec humour Damien Glez. Durant son mandat, il évoquait bien un usage de la surveillance électronique applicable à des « citoyens sénégalais sous instruction » dont la place ne serait pas en prison.
Ismaïla Madior Fall n'est pas seul dans cette tourmente judiciaire. Il devient le deuxième ancien membre de l'administration Sall à être inculpé par la Haute Cour de Justice. L'ancienne ministre des Mines, Aïssatou Sophie Gladima, a été écrouée pour un détournement présumé de 193 millions de francs CFA en rapport avec la gestion du Covid-19. Plusieurs autres anciens ministres sont poursuivis pour surfacturation de gels hydro-alcooliques ou de riz destiné aux ménages défavorisés. Mansour Faye, ex-ministre et beau-frère de Macky Sall, est également mis en accusation.
Cette série d'inculpations marque un tournant dans l'usage de la Haute Cour de Justice sénégalaise. Si cette juridiction spéciale avait déjà été activée en 1962 contre le président du conseil Mamadou Dia et en 2005 contre l'ancien Premier ministre Idrissa Seck – qui s'en était sorti avec un non-lieu –, son utilisation reste exceptionnelle. Les députés qui la composent ont été installés en décembre dernier, conformément à l'usage de chaque nouvelle législature.
Comme le souligne Damien Glez, « lorsque l'ironie du sort se combine à la mémoire infaillible des réseaux sociaux, la cruauté est parfois au rendez-vous ». La vidéo de l'intervention enflammée de l'ancien ministre, brandissant fièrement les composants du bracelet électronique au pied du perchoir, est devenue virale depuis son inculpation.
L'ancien ministre découvre désormais si son innovation technologique constitue une alternative moins cruelle que « la raillerie d'Internet ». Entre surveillance électronique et moqueries des internautes, Ismaïla Madior Fall expérimente malgré lui les deux faces de la modernité judiciaire qu'il prônait.
FÉMINICIDES AU SÉNÉGAL, ACTIONAID LANCE UN CRI D’ALERTE FACE À L’URGENCE NATIONALE
Face à l’augmentation tragique des meurtres de femmes, l'organisation appelle à une mobilisation collective et une réponse forte des autorités.
Le Sénégal est confronté à une vague inquiétante de féminicides, ces meurtres de femmes liés au genre, souvent perpétrés dans un contexte conjugal ou sexiste. Ces violences extrêmes, devenues presque routinières, laissent derrière elles des familles brisées et une société choquée, mais encore trop silencieuse. Dans un communiqué rendu public ce 22 mai 2025, l’ONG ActionAid Sénégal dénonce avec force cette situation qu’elle qualifie de « période particulièrement sombre ».
« Chaque femme tuée est une vie de trop. Chaque silence est une complicité », martèle l’organisation, qui exige des mesures concrètes et immédiates pour enrayer ce fléau.
Des défaillances systémiques pointées du doigt
Pour ActionAid, les féminicides ne peuvent plus être considérés comme de simples faits divers. Ils sont le symptôme de violences structurelles profondément enracinées dans la société, alimentées par l’impunité, la banalisation et l’inaction. L’organisation déplore l’absence d’une politique publique forte et efficace en matière de prévention, de protection et de justice pour les femmes victimes de violences.
Des revendications à l’endroit des autorités
Dans son appel, ActionAid Sénégal formule plusieurs recommandations prioritaires :
La reconnaissance officielle des féminicides comme une urgence nationale, relevant des droits humains et de la sécurité publique ;
L’application rigoureuse des lois déjà en vigueur et la mise en place de mécanismes de protection pour les femmes en danger ;
Le renforcement des campagnes de sensibilisation à l’échelle nationale pour déconstruire les normes patriarcales et changer les mentalités ;
Une réponse judiciaire exemplaire, avec des poursuites systématiques et des sanctions dissuasives contre les auteurs de violences.
Un appel à la mobilisation générale
ActionAid exhorte l’ensemble des composantes de la société – citoyen·ne·s, organisations de la société civile, leaders religieux et traditionnels, journalistes et parlementaires – à s’engager activement contre les féminicides. L’heure n’est plus à la résignation. Il est temps, selon l’organisation, de briser les tabous, de sortir du silence et d’agir ensemble.
'PREMIÈRE LIGNE', UNE CHRONIQUE VISUELLE DU SOULÈVEMENT POPULAIRE AU SÉNÉGAL
Du tumulte des rues aux lendemains électoraux, le journaliste et photographe Abdou Karim Guèye retrace, à travers son exposition au Musée des civilisations noires, trois années de tensions politiques et sociales.
Avec l’expo «Première ligne», le journaliste et photographe Abdou Karim Guèye offre une immersion saisissante des trois années de tumulte politique au Sénégal, de mars 2021 à mars 2024. Une chronique visuelle poignante, entre braises de révolte, visages marqués par la répression et souffle d’espoir porté jusqu’aux urnes.
Dans le clair-obscur d’une galerie du Musée des civilisations noires de Dakar, les murs recouverts de clichés deviennent les témoins silencieux d’une mémoire à vif. Les premières images, sombres et denses, nous plongent dans les prémices de l’insurrection. Pneus embrasés, silhouettes encagoulées, rues transformées en champs de bataille. C’est comme si la photographie ici ne cherche pas l’esthétisme. Mais, elle percute. Elle donne à voir le désarroi, la tension, sur fond d’une rage lucide d’une jeunesse en quête de justice.
«Première ligne» ne se contente pas de documenter une séquence d’événements. Elle déroule, image après image, le récit d’une contestation populaire : son surgissement, sa répression, sa persistance, puis sa métamorphose en victoire politique. L’histoire, dit-elle, ne s’écrit pas seulement dans les urnes, mais dans la poussière des rues, dans les pleurs des mères, dans les cris de celles et ceux que l’on voulait réduire au silence.
Les émeutes de Ziguinchor, ville d’origine du leader de l’opposition d’alors, Ousmane Sonko, occupent une place centrale. L’arrestation de ce dernier, en mars 2021, aura déclenché le cycle des manifestations. Les images venues du Sud sont brutes, frontales. Elles montrent une répression féroce, une mobilisation massive, un engagement politique presque organique.
Au cœur du parcours, un mur entier est dédié aux femmes du Bois Sacré. Drapées dans leurs boubous, certaines arborant les couleurs nationales, elles regardent l’objectif avec une intensité muette. Fatiguées, mais debout. Leur présence injecte une profondeur symbolique au récit : elles sont gardiennes des mémoires, piliers du lien spirituel et social. Longtemps exclues du récit politique, les voici aujourd’hui, figures majeures de la résistance.
Des ténèbres à la lumière
A mesure que l’on avance, l’atmosphère se densifie. Les photos deviennent plus dures, les corps plus blessés, les regards plus sombres. Puis, une cellule de prison, reconstituée à l’identique, surgit dans l’espace. Elle évoque les centaines de jeunes manifestants privés de liberté, souvent sans jugement. A côté, une fiche d’incarcération fictive fait écho à ces destins anonymes, happés par la machine répressive.
Mais, l’exposition ne s’arrête pas là. Après ce point de rupture, un basculement s’opère. Les images s’éclaircissent, les foules se rassemblent avec plus d’unité. L’espoir perce, timide, mais tenace. Mars 2024. La libération de Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko, à dix jours de l’élection présidentielle, marque l’ultime tournant. La rue exulte. La campagne devient plébiscite. Et l’épilogue se joue dans les urnes : Diomaye Faye, élu dès le premier tour, devient le plus jeune président de l’histoire du Sénégal.
MOUSTAPHA DIOP PLACÉ SOUS MANDAT DE DÉPÔT
Accusé de détournement présumé de centaines de millions de FCFA destinés à l’achat de masques durant la pandémie, l’ancien ministre de l’Industrie a été inculpé et écroué ce jeudi 22 mai 2025 par la Haute Cour de justice
L’ancien ministre de l’Industrie, Moustapha Diop, a été inculpé et placé sous mandat de dépôt. Cela fait suite à son face-à-face, ce jeudi, avec la commission d’instruction de la Haute Cour de justice.
Le maire de Louga est poursuivi pour un détournement présumé de plusieurs centaines de millions de FCFA dans le cadre de la gestion des fonds destinés à la lutte contre la Covid-19. Il a ainsi rejoint en prison son ancienne Directrice de l’administration générale et de l’équipement (DAGE), Ndèye Aminata Loum Ndiaye, inculpée il y a quelques semaines pour les mêmes faits par le juge du 2e cabinet du tribunal de Dakar.
L’Assemblée nationale a adopté, le 8 mai dernier, la résolution de mise en accusation de M. Diop. Lors de son examen, la commission des Lois a révélé, dans son rapport, que l’enquête menée par la Division des investigations criminelles avait établi que le ministère du Développement industriel et des Petites et Moyennes Industries avait reçu un montant de 2 500 000 000 FCFA pour l’acquisition de masques. Ce montant avait été initialement versé sur le compte de dépôt n° 422048, intitulé « Fonds d’appui à la promotion des Petites et Moyennes Entreprises », à la Trésorerie générale, puis transféré sur un compte ouvert à la Bank of Africa (BOA) par le ministère.
La commission des Lois a également souligné qu’en violation de l’article 11, alinéa 2, de l’arrêté n° 21136 du 21 novembre 2017 relatif aux conditions d’ouverture, de fonctionnement et de clôture des comptes de dépôt, « le ministre Moustapha Diop a nommé un gestionnaire dudit compte, portant le même nom, comme seul ordonnateur des paiements et des décaissements ». Ce dernier aurait reconnu avoir retiré l’intégralité des fonds par divers chèques émis à l’ordre de Mouhamadou Bamba Amar pour le paiement en espèces des fournisseurs, en violation de l’article 104 du décret n° 2020-978 du 23 avril 2020 portant Règlement général sur la comptabilité publique, qui exige un paiement par chèque ou virement.
Témoignages accablants
Selon toujours les commissaires, les investigations ont mis en lumière que Mouhamadou Bamba Amar, présenté comme aide-comptable au ministère, était en réalité un mécanicien recruté comme chauffeur. Interrogé, il a confirmé avoir effectué, sur instruction du ministre Moustapha Diop, plusieurs retraits de chèques à la BOA pour des montants variant entre 50 000 000 et 100 000 000 FCFA, jusqu’à atteindre la somme totale de 2 500 000 000 FCFA.
L’analyse des pièces justificatives relatives à la distribution des masques a révélé un écart considérable entre le nombre de masques déclarés achetés (6 250 000) et ceux réellement attribués aux structures bénéficiaires (3 922 500), soit une différence de 2 327 500 masques.
Des témoignages ont également accablé l’ancien ministre. Dame Mariata Bassé, fournisseur, a déclaré avoir obtenu de Moustapha Diop un marché de 50 000 masques d’une valeur de 20 000 000 FCFA et avoir été payée en espèces par le ministre lui-même. Ibrahima Macodou Fall, directeur général de la société COMASET, a reconnu avoir exécuté une commande de 250 000 masques pour un montant de 100 000 000 FCFA, intégralement reçu en espèces des mains de Moustapha Diop.
De plus, les enquêteurs ont découvert des mouvements suspects sur les comptes courant et d’épargne du gestionnaire Moustapha Diop à la banque UBA pendant la période de la Covid-19, avec des dépôts importants effectués principalement par Mouhamadou Seck et Fatima Dieng.
Selon le rapport de la commission des Lois, « les faits ci-dessus révélés laissent apparaître des indices et présomptions graves et concordants d’association de malfaiteurs, de concussion, de corruption, de prise illégale d’intérêts, de faux et usage de faux en écritures privées de commerce ou de banque, de détournement de deniers publics, d’escroquerie portant sur des deniers publics, de blanchiment de capitaux, et de complicité de ces chefs, contre Moustapha Diop, ancien ministre du Développement industriel et des Petites et Moyennes Industries ».
Le député-maire de Louga est le quatrième ministre de l’ancien régime à comparaître devant la Haute Cour de justice dans cette affaire. Avant lui, Ndèye Saly Diop, ex-ministre de la Femme, a payé une caution de 57 millions de FCFA lundi dernier pour éviter la détention. Ismaïla Madior Fall, ancien ministre de la Justice, poursuivi pour « corruption passive et concussion », a été placé sous bracelet électronique avec assignation à domicile mardi.
Le mercredi, Aïssatou Sophie Gladima, ex-ministre des Mines, a été écrouée après son audition.
DES VÉLOS EN LIBRE-SERVICE POUR LES USAGERS DU TER
La Senter et la Seter ont lancé, à la gare de Diamniadio, un service de vélos Soloway pour faciliter les derniers kilomètres des usagers du TER. Cette initiative s’inscrit dans une stratégie de mobilité écologique et accessible.
Dans le cadre de leur stratégie de promotion de la mobilité durable, la Senter. et la Seter ont lancé à la gare de Diamniadio la première mise à disposition de vélos Soloway en libre-service.
Cette initiative vise à améliorer la mobilité des usagers du TER sur les derniers kilomètres de leur trajet, en leur offrant une alternative écologique, pratique et accessible.
D’après les promoteurs, les vélos, spécialement conçus pour être robustes, légers et faciles à manier, répondent aux exigences d’un usage urbain et durable.
Un déploiement progressif de cette flotte est prévu dans l’ensemble des stations du TER, avec un objectif à court terme de 100 vélos dans la zone du pôle urbain de Diamniadio, ont-ils annoncé.
FISCALITÉ DES MULTINATIONALES, LA SOCIÉTÉ CIVILE APPELLE À PLUS DE TRANSPARENCE
«Les conventions de financement doivent être publiées, avec les montants, créanciers et commissions perçues», selon Birahim Seck du Forum Civil.
Lors d’un atelier préparatoire à la conférence Fid4 à Séville en juin 2025, Birahim Seck du Forum Civil a exigé plus de transparence sur la dette publique. «Les conventions de financement doivent être publiées, avec les montants, créanciers et commissions perçues», a-t-il déclaré.
Alphonse Mané Sambou, député membre de la commission des Finances de l’Assemblée, a insisté sur «l’impérieuse nécessité d’évaluer la rentabilité des emprunts publics» car, explique-t-il dans les colonnes de WalfQuotidien, «contracter des dettes pour des projets non productifs est contre-productif».
Le journal révèle que Birahim Seck dénonce également «l’exploitation opaque des ressources naturelles». Citant le cas de BP à Saint-Louis et des mines d’or de Tomboronkoto, il estime qu’ «un prélèvement de 0,5% sur le chiffre d’affaires des multinationales rapporterait des milliards».
WalfQuotidien rapporte enfin les chiffres alarmants des flux financiers illicites en Afrique : «100 milliards de FCFA perdus annuellement» selon Mor Ndiaye de l’ONRAC, soit 4% du PIB continental d’après la CEA. Un manque à gagner criant alors que le continent a besoin de 200-350 milliards $/an pour atteindre les Objectifs de développement durable (ODD).