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27 juillet 2025
L'AFFAIRE DES FONDS COVID-19 DEVANT L'ONU
Cinq ex-ministres de Macky Sall, entre prison et résidence surveillée, appellent le Conseil des droits de l’homme des Nations unies au secours contre ce qu'ils qualifient de "persécution judiciaire" orchestrée par le régime de Pastef
(SenePlus) - Le scandale des fonds anti-Covid au Sénégal prend une dimension internationale. Cinq anciens ministres du gouvernement de Macky Sall, tous poursuivis par la justice sénégalaise, ont saisi les Nations unies ce 3 juillet, dénonçant des "arrestations arbitraires" et une "instrumentalisation politique de la justice", selon des informations rapportées par Jeune Afrique (JA).
Ces anciens hauts responsables – Ismaïla Madior Fall (Justice), Salimata Diop Dieng (Femme et Famille), Moustapha Diop (Industrie), Aïssatou Sophie Gladima (Mines) et Amadou Mansour Faye, beau-frère de Macky Sall (Infrastructures) – sont tous inculpés pour "détournements de fonds" ou "détournements de deniers publics" dans le cadre de dossiers constitués sur la base du rapport de la Cour des comptes sur la gestion du "Fonds Force Covid-19".
Leur situation judiciaire révèle l'ampleur de la campagne de reddition des comptes promise par le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre, Ousmane Sonko. Comme le rapporte Jeune Afrique, le premier est en résidence surveillée, la seconde a été remise en liberté sous contrôle judiciaire après s'être acquittée d'une caution de 57 millions de francs CFA, tandis que les trois autres sont actuellement incarcérés à la maison d'arrêt de Rebeuss, à Dakar.
La requête déposée auprès de Margaret Satterthwaite, rapporteuse spéciale sur l'indépendance des juges et des avocats du Conseil des droits de l'homme des Nations unies, cible particulièrement la Haute Cour de justice (HCJ). Cette juridiction, créée en juin 2022 sous la présidence de Macky Sall et installée en décembre 2024, constitue la seule instance devant laquelle le président de la République et ses ministres peuvent être jugés pour des faits présumés commis dans l'exercice de leurs fonctions.
Me Antoine Vey, avocat français qui assure la défense des cinq ministres ainsi que celle de Macky Sall, dénonce dans le document consulté par Jeune Afrique l'émergence d'une "série de cas isolés, mais qui, tous, relèvent du même processus : des rapports fictifs, des accusations infondées, qui visent des membres de l'entourage politique de Macky Sall".
La composition de cette Haute Cour pose question selon la défense. L'écrasante victoire des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité (Pastef) lors des législatives du 17 novembre 2024 (130 députés sur 165) a conduit "à la désignation des membres de la juridiction parmi les députés nouvellement élus, avec une surreprésentation partisane qui confère à la Cour une coloration éminemment politique", selon les termes de la requête rapportés par JA.
Des déclarations ministérielles controversées
L'accusation d'instrumentalisation politique s'appuie également sur les déclarations du ministre de la Justice, Ousmane Diagne, qui avait réclamé début mai devant les députés la levée de l'immunité parlementaire de Moustapha Diop et Salimata Diop Dieng. Cette intervention est qualifiée dans le document de "déclaration laissant peu de doute sur la culpabilité des intéressés quant aux faits qui leur sont reprochés", ce qui aurait "contribué à orienter l'issue de la procédure dès son ouverture, en privant les personnes poursuivies de leur droit fondamental à la présomption d'innocence".
Paradoxalement, le même ministre Ousmane Diagne avait pourtant insisté, lors de son discours devant l'Assemblée nationale, sur sa volonté de voir s'ouvrir "des enquêtes exhaustives et approfondies" sur ces dossiers, "dans le respect strict des principes directeurs de la procédure pénale, notamment le respect de la présomption d'innocence", selon Jeune Afrique.
La défense souligne par ailleurs que "depuis leur inculpation par la commission d'instruction de la Haute Cour de justice, les plaignants sont privés de tout accès effectif à leur dossier. La seule pièce consultable par leurs conseils est la résolution de mise en accusation votée par l'Assemblée nationale". Elle insiste également sur l'absence de possibilité de recours contre les décisions de la HCJ.
Les cinq anciens ministres demandent à la rapporteuse spéciale des Nations unies "d'engager un dialogue urgent avec les autorités sénégalaises" et de réclamer la suspension immédiate des procédures. Le Groupe de travail de l'ONU sur la détention arbitraire a également été saisi, rapporte Jeune Afrique.
Cette initiative s'inscrit dans un contexte où la Cour des comptes avait identifié des "manquements" dans la gestion de la précédente administration, qui pourraient être, pour certains d'entre eux, "présumés constitutifs de fautes de gestion, de gestions de fait ou d'infractions à caractère pénal".
Me Vey travaille en étroite collaboration avec un collectif d'avocats du barreau de Dakar, qui compte notamment Mes Omar Youm, El Hadj Moustapha Diouf ou encore Bassirou Ngom, selon les informations de Jeune Afrique.
PAR Mame Diarra Ndiaye Sobel
NOUS ASSUMER AVEC AUDACE OU CONTINUER À SUBIR CE STATU QUO ?
EXCLUSIF SENEPLUS - Pour l’Afrique, la FfD4 risque de n’être qu’un énième où l’on enregistre les doléances du continent tout en maintenant les mécanismes qui l’affaiblissent. Ayons l’audace donc de construire notre propre avenir
La 4ᵉ Conférence Internationale sur le Financement du Développement (FfD4), ouverte à Séville le 30 juin 2025, s’annonçait comme un moment décisif : une plateforme destinée à redonner souffle aux Objectifs de Développement Durable (ODD) et à corriger les asymétries d’un ordre financier mondial à bout de souffle. Seulement, au fil des interventions officielles et des panels de haut niveau, un sentiment d’irréalité s’est encore installé : celui d’un théâtre mondial où les mots sont forts, les diagnostics répétés… mais les actes toujours différés.
Et cela sonne comme des aveux d’incapacités qui s’inscrivent dans un cycle d’échecs prévisibles.
L’histoire récente regorge en effet de plans globaux censés changer la donne pour les pays du Sud : des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) aux ODD, en passant par les promesses du Consensus de Monterrey ou encore les multiples rapports du G20 et des institutions de Bretton Woods. Tous ont échoué à répondre à l’essentiel : la transformation structurelle des économies africaines et leur pleine souveraineté financière. L’Agenda 2030, qui devait être une boussole universelle, s’enlise à son tour dans les sables mouvants d’un système multilatéral incapable de se réformer.
Pour quelle raison devrions‑nous alors, encore attendre un miracle d’un système figé face à des crises recyclées?
Le discours du Secrétaire général des Nations unies a bien tenté de sonner l’alarme en appelant à « rectifier le cap », « honorer la justice fiscale » et « réduire les coûts du capital ». Si seulement cet engagement verbal pouvait se traduire en actes!
En tout état de cause, le FMI a, de son côté, évoqué la restructuration des dettes « insoutenables » », et son Directeur Général a souligné la menace d’une « crise systémique de l’endettement ».
Mais sur le terrain, peu de signes concrets d’une volonté politique d’en finir avec les dogmes de l’austérité ou de renégocier les règles biaisées de l’ordre économique mondial. L’Afrique fait donc face au mirage multilatéral, mais à qui profite le statu-quo ?
Pour l’Afrique, la FfD4 risque de n’être qu’un énième sommet parmi tant d’autres, où l’on enregistre les doléances du continent tout en maintenant les mécanismes qui l’affaiblissent : fuite massive des ressources via les flux financiers illicites, endettement structurel, déséquilibres commerciaux, domination monétaire, exclusion des instances décisionnelles, etc. Face à cette spirale d’impuissance organisée, l’Afrique doit cesser d’attendre. « Who is helping who? » ou plutôt, « Who owes who? », (Qui aide Qui ou Qui Doit à Qui ) pour reprendre les termes de nos camarades.
Comme le rappelle le rapport percutant « Who Owes Who? » publié par ActionAid, ce sont les pays du Sud qui subventionnent en réalité les économies du Nord, à travers une hémorragie de ressources, des intérêts de dettes injustifiés et un système fiscal mondial profondément inéquitable. Loin d’être des bénéficiaires d’aide, les pays africains sont les créanciers moraux et économiques d’un système qui les dépouille de leur richesse.
Retournons donc chez nous et travaillons d’arrache-pied pour une rupture claire, ancrée dans les réalités africaines. Ces actions suivantes pourraient constituer le début d’un grand commencement :
Mettre fin à l’attentisme multilatéral :
L’Afrique ne peut plus attendre une réforme extérieure. Il est urgent de créer un cadre panafricain de réflexion et d’action, adossé à l’Agenda 2063, afin d’élaborer et de piloter nos propres mécanismes de développement.
2. Déclarer l’insoutenabilité de la dette actuelle:
Le poids de la dette constitue un véritable goulot d’étranglement, alimenté par des taux d’intérêt injustes, des fluctuations de devises défavorables et des conditionnalités déconnectées des priorités africaines.
3. Procéder immédiatement à la reconversion de la dette:
Une part substantielle de la dette doit être réorientée vers les services sociaux de base (éducation, santé, accès à l’eau, logement, autonomisation économique) ainsi qu’à leur autonomisation durable. Il s’agit de restaurer la dignité des populations et de poser les bases d’une souveraineté sociale et économique, indispensable à la construction d’États solides.
4. Mobiliser les ressources doméstiques
Mettre en place des réformes fiscales ambitieuses, lutter contre les flux financiers illicites, élargir l’assiette fiscale de façon juste et inclusive et promouvoir un nouveau contrat social.
5. Renforcer la solidarité africaine et Sud‑Sud
Faire de la ZLECAf (La zone de libre-échange continentale africaine) une réalité concrète, soutenir la libre circulation des biens, des services et des personnes, et construire une stratégie africaine commune de coopération internationale, avec l’Union africaine comme porte‑voix unique du continent.
6. Assurer le recouvrement des avoirs et la justice fiscale mondiale :
Mettre fin à l’impunité des criminels financiers et réclamer des mécanismes internationaux contraignants pour la transparence et la restitution des avoirs volés.
En somme, nous n’avons que deux options : Nous assumer avec audace ou continuer à subir ce statu quo.
Ayons l’audace donc de construire notre propre avenir, avec les sacrifices et les crises que cela impliquera. Après tout, on ne peut pas faire d’omelettes sans casser les œufs.
La FfD4, qui aurait pu être un tournant de rupture, risque de devenir une note de bas de page. Comme l’ont souligné plusieurs organisations de la société civile réunies en side event : « Debt is not the problem of somebody else, but our own problem » (La dette n’est pas le problème de quelqu’un d’autre, mais bien le nôtre). Il est temps que l’Afrique assume pleinement cette réalité et se dote d’une vision à long terme, ancrée dans la transparence, la solidarité, la bonne gouvernance et la redevabilité.
Le temps des déclarations est révolu ; celui de l’action souveraine africaine commence maintenant.
Mame Diarra Ndiaye Sobel est Directrice exécutive, Agenda Afrique.
SUMMER LEAGUE 2025, BABACAR SANÉ REJOINT LES TIMBERWOLVES
À 21 ans, l’international sénégalais formé à la NBA Academy confirme son intégration dans l’univers NBA après une saison prometteuse en G-League et en Basketball Africa League.
L’international sénégalais Babacar Sané continue sa progression vers les sommets du basketball mondial. À 21 ans, l’ailier formé à la NBA Academy a été retenu pour participer à la NBA Summer League 2025 sous les couleurs des Minnesota Timberwolves, selon une information relayée par JolofSport. Cette prestigieuse compétition estivale se déroulera du 10 au 20 juillet à Las Vegas.
Sané n’est pas un inconnu dans l’univers de la franchise de Minneapolis. Il a récemment bouclé la saison 2024-2025 avec l’Iowa Wolves, l’équipe affiliée en G-League des Timberwolves, confirmant ainsi son intégration progressive dans l’écosystème NBA.
Produit du programme BAL Elevate, Babacar Sané s’est forgé une solide réputation sur le continent africain. Il a brillé cette année avec l’US Monastir lors de la Saison 5 de la Basketball Africa League (BAL), enregistrant une moyenne de 12,5 points et 5,1 rebonds par match malgré l’élimination du club tunisien en quarts de finale. Il avait déjà fait ses armes dans cette compétition en 2022 avec le Dakar Université Club (DUC).
Vice-champion d’Afrique U18 en 2018, Sané a intégré l’équipe nationale A du Sénégal en 2022. Il a depuis participé à plusieurs campagnes de qualification pour l’Afrobasket et la Coupe du monde FIBA. Actuellement présélectionné pour les prochaines échéances continentales, il rejoindra les Lions du Sénégal à l’issue de la Summer League.
L’UNION DES ASP DÉNONCE LE NON-RESPECT DES ENGAGEMENTS PRÉSIDENTIELS
L’Union des Agents de Sécurité de Proximité du Sénégal exprime son indignation et exige la réintégration immédiate des ASP radiés, appelant le Chef de l’État à honorer ses engagements.
L’Union des Agents de Sécurité de Proximité (ASP) du Sénégal exprime sa profonde indignation face au non-respect des engagements pris par le Président de la République en faveur de la réintégration des ASP radiés.
Dans un communiqué signé par son Coordonnateur national, Bakary Mballo, l’Union rappelle que les engagements dont le Numéro 00001182 du 19 juin 2024, émanant de la Présidence, portait clairement l’engagement du Chef de l’État dans le cadre du processus de consolidation et de réconciliation nationale.
Après plusieurs mois de démarches, d’audiences et de promesses officielles, la Direction générale des ASP s’était engagée à réintégrer les agents radiés, suscitant un immense espoir chez les intéressés et leurs familles.
Aujourd’hui, aucune mesure concrète n’a été prise, déplore l’Union. Pire encore, le silence des autorités alimente une frustration croissante et un sentiment d’abandon chez les anciens agents, selon le communiqué.
L’Union des ASP du Sénégal : Dénonce vigoureusement l’attitude jugée irresponsable de l’administration, qui, selon elle, bafoue la loyauté des agents ayant servi l’État. Exige la réintégration immédiate et sans condition de tous les ASP radiés. Appelle solennellement le Président de la République à respecter ses engagements pour préserver la paix sociale.
« Le dialogue social ne peut se construire sur des promesses non tenues », souligne l’Union, rappelant que seule l’action concrète peut rétablir la confiance entre les agents et les autorités.
L’organisation se réserve le droit d’entreprendre toute action légitime et pacifique, y compris des mobilisations, afin de « faire entendre la voix des oubliés du système ».
LE ‘’NGANALÉ’’ ENTRE FERVEUR RELIGIEUSE ET FOLKLORE OSTENTATOIRE
Symbole d'hospitalité à l'origine, le ‘’nganalé’’ s’est transformé en une scène d’exhibition sociale et de débordements festifs, selon des sociologues. Une dérive qui contraste avec les principes de sobriété prônés par l’islam.
Le ‘’nganalé’’, la cérémonie festive organisée en l’honneur des pèlerins de retour de La Mecque, révèle un état social caractérisé par ”l’exhibitionnisme” et ”le m’as-tu-vu”, ont estimé des sociologues interrogés par l’APS.
‘’La manière dont le pèlerin est accueilli à son retour de La Mecque, avec des festivités débordantes de bombance, est révélatrice de notre état social. En effet, notre société est caractérisée par l’exhibitionnisme et le m’as-tu-vu’’, a notamment déclaré le sociologue Alioune Diouf.
Cette ostentation devenue un ‘’phénomène’’ constitue un paradoxe dans la pratique de la religion musulmane, qui recommande la sobriété et l’humilité, a-t-il fait savoir.
‘’L’exhibitionnisme et le m’as-tu-vu s’accommodent allègrement pour permettre aux uns [les pèlerins] de s’exposer fièrement et d’exposer en même temps leurs atouts et atours, et aux autres [les voisins et invités] de contempler avec envie ce qu’ils ont sous les yeux pour des racontars ultérieurs’’, soutient Alioune Diouf.
Tentant une explication comparative avec le contexte économique actuel ‘’difficile’’, le sociologue constate curieusement qu’il ‘’ne saurait être un frein au phénomène qui est une réalité sociologique, qui s’est ancrée au fil du temps’’.
A son avis, tout le monde ou presque s’adonne au ‘’nganalé’ par mimétisme sans considération de statut social, alors que ‘’le hajj ne s’accommode pas de folklore si l’on sait qu’il est abhorré par la religion musulmane’’.
Son confrère Pape Malick Diop abonde dans le même sens. ‘’Nous vivons dans une société où les principes sont ignorés au profit du folklore. Ce qui explique les débordements qui sortent du cadre de la religion’’, souligne-t-il.
Rappelant que l’islam réprouve le gaspillage, il pense toutefois que l’esprit de ‘’nganalé’’ tient tout son sens dans l’analyse même du concept. M. Diop apporte ainsi du bémol à la réprobation tous azimuts de cette cérémonie festive en l’honneur du pèlerin de retour de La Mecque.
‘’En wolof on dit +gàn danioukoy ganalé+ [il faut bien accueillir un hôte]. Alors même si l’on peut comprendre l’esprit du +nganalé+, il faut reconnaître que dans les faits, ce qui se passe est blâmable dans la plupart des cas’’, estime Pape Malick Diop.
A l’en croire, tout dépend du sens qu’on lui donne et des pratiques qu’on y associe. Il estime que ‘’célébrer le retour d’un pèlerin en dehors de l’euphorie et des excès est normal’’.
L'AFRIQUE FACE AU PIÈGE DES BRICS
"Alternative pour les pays du Sud" : c'est ainsi que la ministre Yassine Fall qualifie les Brics. Pourtant, l'analyse des flux commerciaux révèle que le continent risque de troquer une domination occidentale contre une hégémonie chinoise
(SenePlus) - À l'approche du sommet des Brics qui s'ouvre le 6 juillet à Rio, l'organisation qui se rêve en porte-parole du "Sud global" exerce un pouvoir d'attraction indéniable sur le continent africain. Pourtant, derrière les promesses de coopération Sud-Sud et d'émancipation de l'ordre occidental, se dessine une réalité bien plus complexe, où l'Afrique risque de troquer une domination contre une autre.
L'enthousiasme africain pour les Brics ne fait aucun doute. "Nous pensons que les Brics sont une très bonne alternative pour les pays du Sud", déclarait en avril Yassine Fall, ministre sénégalaise des Affaires étrangères, lors d'une interview accordée à la chaîne russe RT, selon Jeune Afrique. La diplomate affirmait même, "sans plus de précisions", que le Sénégal était en "pourparlers" pour rejoindre cette coalition de puissances émergentes.
Cette séduction s'explique par l'évolution rapide de l'organisation. Née du rapprochement du Brésil, de la Russie, de l'Inde et de la Chine, rejoints par l'Afrique du Sud en 2011, les Brics ont accueilli en 2024 deux nouveaux membres africains : l'Égypte et l'Éthiopie, aux côtés de l'Arabie saoudite, des Émirats arabes unis et de l'Iran.
Mais l'adhésion n'est pas automatique, comme l'a appris à ses dépens l'Algérie. En 2023, le président Abdelmadjid Tebboune en avait fait "une priorité", assurant que "l'Algérie s'intéresse aux Brics en ce qu'ils constituent une puissance économique et politique". Hélas, rapporte JA, "la candidature de l'Algérie n'a finalement pas été retenue", cet échec étant "expliqué par le manque de diversification de l'économie algérienne, trop dépendante des hydrocarbures".
Face à cette sélectivité, les Brics ont créé un "club de pays membres partenaires", sorte d'antichambre où l'Algérie a finalement trouvé sa place aux côtés du Nigeria et de l'Ouganda.
Les candidats africains sont animés par des motivations diverses : "diversification des partenariats commerciaux ; renforcement de la coopération Sud-Sud ; accès à des financements alternatifs, notamment via la Nouvelle banque de développement (NDB) des Brics", énumère Jeune Afrique. Depuis sa création en 2015, cette institution dirigée par Dilma Rousseff "revendique 40 milliards de dollars d'investissements dans plus de 120 projets".
Pourtant, la réalité est moins reluisante : "pour l'instant, l'institution dirigée par Dilma Rousseff n'en a financé aucun sur le continent et débloque essentiellement des fonds pour les cinq membres historiques", souligne le magazine panafricain.
L'attrait politique n'en demeure pas moins fort. En mai, l'Algérie est "officiellement devenue le neuvième actionnaire" de la NDB "avec une contribution de 1,5 milliard de dollars au capital". L'avantage ? Des prêts "exempts de conditionnalités politiques", comme l'analysait le quotidien algérien El Watan. Ce "principe de respect de la souveraineté des États séduit particulièrement", note Jeune Afrique.
Henry Okello Oryem, ministre ougandais des Affaires étrangères, l'expliquait en janvier : "Récemment, les États-Unis et l'Union européenne ont gelé les avoirs de pays sans résolution des Nations unies. L'Ouganda ne pouvait pas rester un simple observateur et a décidé de faire partie de cette nouvelle coalition."
L'illusion du rééquilibrage géopolitique
Au-delà des considérations économiques, les "candidats africains misent aussi sur un gain en matière d'influence", analyse Jeune Afrique. Laurent Delcourt, chargé d'études au Centre tricontinental, explique : "Beaucoup y voient l'occasion d'accroître le poids de l'Afrique sur la scène internationale alors qu'ils considèrent qu'ils n'ont pas voix au chapitre au sein de l'ordre mondial tel qu'il est conçu, notamment au FMI, à la Banque mondiale ou aux Nations unies."
Le contexte actuel renforce cette quête d'alternatives. Selon l'OCDE, "les financements des pays donateurs, essentiellement occidentaux, devraient baisser de 9 % à 17 % en 2025, après un recul de 9 % l'année dernière", rapporte Jeune Afrique. Dans ce contexte d'endettement élevé et de baisse de l'aide au développement, "le salut pourrait-il venir des Brics qui pèsent 36 % du PIB et 45 % de la population mondiale ?"
Mais Laurent Delcourt tempère cet optimisme : "Derrière leur rhétorique de solidarité Sud-Sud, leur modus operandi n'est guère différent de celui des anciennes puissances coloniales."
Les chiffres donnent raison à cette analyse. La Chine, qui "pèse pour près de la moitié du PIB des Brics", est déjà "depuis une quinzaine d'années – le premier partenaire commercial du continent africain". Pourtant, comme le rappelle Émilie Laffiteau, chercheuse associée à l'Iris, "la relation commerciale se caractérise par des échanges asymétriques et ce constat perdure". "Les biens exportés par la Chine demeurent des produits manufacturés et des biens d'équipement tandis que les biens exportés par l'Afrique restent essentiellement des minéraux bruts et des produits agricoles."
Cette asymétrie se retrouve avec les autres membres historiques des Brics. "Il semble donc difficile de penser que l'adhésion de plus de pays africains à l'institution puisse inverser la tendance ou ne soit synonyme d'investissements massifs de l'Inde, du Brésil ou de la Russie sur le continent", conclut Jeune Afrique.
L'exemple chinois est particulièrement révélateur. Certes, lors du Forum sur la coopération sino-africaine (Focac) de 2024, "50 milliards de dollars ont été promis par Pékin d'ici à 2027, dont 29 milliards de prêts, 11 milliards d'aides et 10 milliards d'investissements", soit "10 milliards de dollars de plus que lors du Focac de 2021". Mais ces montants restent "beaucoup moins que les sommes accordées dans les années 2010".
Plus inquiétant encore, selon une étude de l'institut australien Lowy publiée fin mai et citée par Jeune Afrique, "depuis 2025, les flux financiers sont négatifs, c'est-à-dire que l'Afrique, dans son ensemble, obtient moins de nouveaux prêts qu'elle n'en rembourse à la Chine".
Face à ce constat, Jeune Afrique tire une conclusion nuancée : "En somme, rejoindre la coalition des pays émergents ne présente qu'un intérêt économique limité pour le continent. Mais offre l'avantage de diversifier les alliances et, avec pragmatisme, pourrait permettre de mettre en concurrence les deux blocs hétérogènes pour espérer en tirer le meilleur parti."
L'Afrique semble donc moins chercher un nouveau maître qu'un moyen de desserrer l'étau de ses dépendances traditionnelles. Reste à savoir si cette stratégie d'équilibriste permettra réellement au continent de gagner en autonomie ou si elle ne fera que redistribuer les cartes d'une domination qui, sous des habits neufs, conserverait ses vieux réflexes.
par Babacar Korjo Ndiaye
WALY NDOUR VS FARA NJAAY, QUAND LES GÉNÉRATIONS SE CONFRONTENT AUTOUR DU LIVRE
EXCLUSIF SENEPLUS - Les échanges appellent à un débat plus large sur les relations intergénérationnelles dans le monde du livre. Ce n’est pas seulement une querelle d’ego. C’est peut-être un miroir tendu à toute une société en transition
Le paysage littéraire sénégalais vibre au rythme d’un échange aussi vif que révélateur entre deux figures engagées du monde du livre : l’écrivain-éditeur Waly Ndour, fondateur de SEGUIMA, et le poète-éditeur Fara Njaay, ancien président du collectif Parlons Poésie. En toile de fond : le Forum national du Livre, reporté à octobre 2025, et surtout une question brûlante qui dépasse le cadre de l’événement : quelle place pour les jeunes dans l’architecture intellectuelle et culturelle du pays ?
Le ton a été donné par Waly Ndour dans une tribune à la fois critique et introspective, où il questionne la communication autour du comité scientifique du forum et interpelle une frange de la jeunesse qu’il juge impatiente, peu endurante, voire opportuniste.
Forum du livre ou pouvoir des jeunes. Quels sont les enjeux ?
Le 23 Juin dernier j’ai mêlé ma plume au concert des mots interpellatifs adressés à Madame le Ministre en charge des affaires culturelles. L’article était intitulé : « Madame le Ministre, qui vous a mise dans ça ? » C’était à propos de l’installation du comité scientifique pour le Forum National du Livre, alors prévu pour Juin 2025.
Par sagesse, Madame le ministre et son équipe ont révisé leur position en remettant la tenue du forum à Octobre 2025. D’ici là, fort opportunément, les préalables nécessaires à une bonne organisation de l’événement seront pris en compte. Hamdulilah ! Personnellement, je n’attendais pas moins de discernement de nos autorités, car le gouvernement actuel montre factuellement et régulièrement qu’il est à l’écoute du peuple. Vivement que cela perdure.
Cela dit, une question se pose à mon niveau. Je l’expose ici tout en partageant avec vous mon point de vue.
Quel était le problème ?
Il se situe, à mon avis, à deux niveaux.
– Le canal par lequel l’information a été diffusée.
D’ordinaire, nous recevons les informations nous concernant par nos différentes adresses e-mail ou par d’autres procédés à la portée de la Direction du Livre et de la Promotion de la Lecture. Cette fois-ci, nous avons appris la nouvelle de l’installation du Comité scientifique par des proches qui écoutent la RFM. Jusqu’ici, je me demande pourquoi cette radio ? A la limite, on pouvait ne pas diffuser. Rien n’obligeait les organisateurs d’informer par voie de presse, la tenue de la première réunion du Comité scientifique. Les habitués des comités scientifiques sont d’ailleurs très discrets sur leur participation dans un tel cadre de réflexion.
– Le profil des membres dudit comité
J’occulte volontiers la représentativité des différentes franges du secteur. Ce n’est ni nécessaire, ni obligatoire. Nombreux sont ceux qui, parmi nous, ont déjà participé à des comités scientifiques. Il ne s’agit pas d’un congrès où tous les démembrements et toutes les sensibilités doivent être représentés. Donc le choix des membres du comité n’est assujetti à aucune obligation, ni de transparence ni de démocratie. Il s’agit pour les organisateurs de coopter des hommes et des femmes de confiance capables, de par leur expertise ou leur expérience, de trouver des thèmes, des sous-thèmes et de définir des plans de travail par rapport à des panels, des sujets, des panélistes etc. Il ne faut pas un grand nombre pour ça. Juste des gens qui s’y connaissent. Ce qu’il faut craindre à ce niveau par contre, c’est qu’on y mette des gens qui, au lieu de se soucier de l’intérêt de l’ensemble, placent leurs propres intérêts matériels ou idéologiques au-dessus de tout. C’est à ce niveau-là qu’il faut être vigilant. Si nous devons faire un forum pour répéter les mêmes choses que depuis 60 ans, autant ne pas dépenser l’argent du contribuable. Faire des discours savants, s’adonner à des concours d’éloquence ou remplir les cahiers de charge des bailleurs de fonds qui poussent derrière pour le triomphe de leurs idéologies, c’est dépassé et c’est contreproductif.
D’un autre côté, le choix des membres du comité scientifique et même des autres comités qui, j’imagine, seront mis sur pied aussi, ne doit pas être lié à un critère basé sur l’âge. Depuis l’annonce du forum, on constate une sorte d’effervescence sur fond d’antagonisme sournois mais, heureusement artificiel, créé entre des jeunes et ceux que ces derniers qualifient de vieux. D’ailleurs certains parmi les ‘’jeunes’’ oublient de re-regarder leur pièce d’identité. Il y en a même de ‘’vieux jeunes’’, usés non pas par le temps, mais par leur impatience, leur goût du paraitre, leur tendance à la facilité et le gain rapide… Pour dire vrai, ils ont passé l’âge de l’insouciance, de l’audace, de la témérité, du courage … Ils en sont à des calculs d’épicier, par rapport à des ambitions démesurées et parfois illégitimes.
Attention ! Etre jeune n’est pas une qualité. C’est un état. Les terroristes qui attaquent les Maliens, les Nigériens et les Burkinabé pour les tuer lâchement, ils sont jeunes. Samuel Do avait 29 ans quand il prenait le pouvoir. Il a créé un tel chaos dans son pays que jusqu’ici, le Libéria a de la peine à se relever. Mobutu a trahi Lumbumba, son pays et toute l’Afrique à l’âge de 35 ans. Blaise Compaoré a trahi et fait exécuter Sankara à l’âge de 36 ans. Bokassa, soldat français de Centrafrique a pris le pouvoir à l’âge de 44 ans. Hitler avait 43 ans quand il prenait le pouvoir. Des jeunes qui ont fait du mal à l’humanité, on peut en citer à l’infini. Sans compter d’ailleurs les jeunes délinquants qui, dans tous les pays du monde sèment la terreur ou habitent en prison. J’ajoute qu’il y a un Président de la République, au pouvoir dès ses 39 ans. Il fait tellement de bêtises qu’il se fait gifler partout.
Il ne suffit pas d’être jeune pour recevoir le pouvoir sur un plateau d’argent, sans effort, sans compétence, sans expérience, sans droiture, sans sobriété, sans intégrité morale, sans humilité, sans patriotisme, sans qualité de cœur, sans foi …Il faut plutôt, comme le disait Sonko, faire partie de cette masse critique consciente des enjeux et capable de renoncements et de sacrifices pour le bien de la patrie.
Des jeunes positivement ambitieux, on en connait. Ibrahima Traoré, Thomas Sankara, Khadafi, Hussein Habré et autres ont effectué de brillantes études universitaires avant de se mettre dans les rangs de l’armée par ambition, pour libérer leur peuple. Diomaye et Sonko sont des exemples types de jeunes valeureux. Brillantissimes dans les études, ils délaissent toute propension à l’enrichissement personnel. Evitant les faveurs, les platebandes et les sucreries, ils ont tout sacrifié pour le peuple sénégalais. Ils ont fait du don de soi pour la patrie. Ils ne se sont pas assis dans leur coin pour dire : « Donnez-nous le pouvoir parce que nous sommes jeunes. » Vous sentez-vous capables de consentir les sacrifices que j’ai personnellement effectués pour que SEGUIMA en arrive à son niveau actuel ? En 2021, après un appel à textes que j’ai organisé avec beaucoup d’audace, il a fallu publier 23 livres à la fois. Est-ce que j’ai attendu que l’on m’aide ? Non. J’ai vendu un terrain en région pour pouvoir couvrir les frais d’édition-impression et il a fallu passer des nuits blanches à travailler, aidé de Pauline Ongono et de mon épouse. En 2024, quand il a fallu créer SEGUIMA VISION MULTIMEDIA, il fallait du matériel de filmage. J’ai fait un découvert en banque que je rembourse jusqu’ici. Je ne le regrette pas. Ça marche. Masha Allah. Là, Yacine Sèye y a ajouté son temps, son énergie, son talent, sa passion et sa générosité avec beaucoup d’abnégation et de renoncement. Hamdulilah ! Elle est satisfaite des résultats de ses efforts. En ce qui me concerne, le Fonds d’aide à l’Edition, je ne l’attends pas, il me trouve sur le terrain, quand les conditions le permettent. Ce n’est pas un capital pour moi, mais juste un appui ponctuel très efficace, du reste. Dieu soit loué, jeune adulte, j’avais investi sur mes enfants. Retour d’investissement, ils me soutiennent. Qu’ils soient bénis. Chers jeunes, mesurez-vous l’importance des résultats de mes sacrifices ? Combien de jeunes talents SEGUIMA a-t-elle révélés sur le continent ? Combien d’élites du monde littéraires avons-nous fait parler pour que les jeunes puissent puiser dans leurs connaissances ? Allez sur Google puis tapez SEGUIMA. Vous aurez une idée de notre travail. Et, in sha Allah, le meilleur reste à venir.
Jeunes du continent, soyez confiants mais ne demandez pas tout, tout de suite, sans le mériter.
Cher(e)s fils (Filles), cher(e)s neveux (nièces), cher(e)s frères sœurs, prenez votre temps. Montrez-vous d’abord à la hauteur de ceux que vous traitez de ‘’Has been’’. Ils seront alors fiers de vous et vous installeront au pouvoir.
En attendant, la CONEES composée en majorité du 3e âge. (un simple exemple), ouvre ses portes à tous les agents de notre secteur, sans considération de leur âge. Renseignez-vous sur ce que nous avons effectué comme travail concret au niveau de la Convention Nationale de Ecrivains et Editeurs du Sénégal. Vous verrez que, ce forum qui suscite tant d’intérêts, nous en sommes pour beaucoup. Vivement qu’il se tienne.
Mbegaan Koddu
Face à cette mise en cause, Fara Njaay a pris la plume pour livrer une réponse cinglante, mêlant ironie, réquisitoire argumenté et plaidoyer pour une justice générationnelle dans le secteur du livre.
Waly Ndour, qui vous a mis dans ça ?
Cher aîné,
Je me permets de reprendre votre propre formule pour vous faire savoir, avec beaucoup d’humilité et de pédagogie, que vous êtes sur une fausse piste. « Rien au monde n’est plus dangereux qu’une ignorance sincère et une stupidité consciencieuse », disait Martin Luther King. Lorsqu’on prend la décision de publier un texte sur les réseaux sociaux, en s’attaquant ouvertement aux jeunes écrivains sénégalais, il faut toujours s’attendre à des contradictions, des répliques, sinon à des réponses à la hauteur de ce qui est dit, ou précisément formulées dans le même ton.
D’abord, à propos du Forum sur le livre, et des événements ayant conduit à son report, vous avez demandé : « Quel était le problème ? » Or, c’est vous même qui avez rejeté sans la moindre réserve la composition du comité scientifique. Après tant d’opposition, pourquoi ce volte-face aujourd’hui ? Ce qui est aberrant et abject dans vos propos, c’est cette incohérence saisissante, cette incongruité alarmante qui vous pousse à bringuebaler entre Leurres et lueurs ; « cette dialectique positiva-négativa » dans laquelle vous semblez vous nicher, après avoir retourné votre tunique Mille et une nuits, pour finalement conclure qu’un comité scientifique « n’est ni nécessaire, ni obligatoire ». Mon œil ! Pardon, ma bouche !
N’est-ce pas vous, Waly Ndour, qui avez fustigé ce comité, en affirmant qu’il snobait les acteurs du livre ? Et voici que, dans un autre élan, vous jetez l’opprobre sur la RFM, alors que c’est la Cellule de communication du Ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Culture qui a adressé une demande de couverture médiatique au Groupe Futurs Médias (GFM).
Ensuite, je suis heurté, mais pas surpris, par votre attitude : ce regard vindicatif et haineux que vous portez sur les jeunes. Ces jeunes que vous comparez à des « terroristes », « dictateurs », « délinquants », « incapables »… La jeunesse de votre pays, tout de même ! Quelle dégringolade d’esprit !
Vous dites : « être jeune n’est pas une qualité. C’est un état ». Une phrase qui se veut lucide mais qui, sortie de votre bouche, sonne comme un verdict. Nous vous retournons la formule : être vieux non plus n’est pas une qualité. C’est un état. Et si l’on en croit l’adage selon lequel la vieillesse est synonyme de sagesse, alors il faut aussi admettre que cette sagesse ne va pas de soi. Elle n’est ni génétique, ni garantie par les années. L’histoire regorge de beaucoup de vieux nuisibles : Mobutu Sese Seko, qui a saigné le Congo jusqu’à l’os. Paul Biya, au pouvoir depuis plus de 40 ans sans légitimité populaire. Omar Bongo, éternel président. Yoweri Museveni, qui s’accroche au pouvoir comme une relique personnelle. Ceux-là avaient l’âge de la « sagesse », mais leur gestion du pouvoir a contribué à une impasse politique, sociale et économique dans leurs pays.
Par ailleurs, certains passages de votre texte sur vos sacrifices et vos réalisations, et la perception réductrice que vous avez des jeunes, m’ont montré qu’il y a bien des choses que vous ignorez sur cette nouvelle génération d’écrivains. Il me faut vous dire que ce n’est pas le livre qui nous nourrit. Nous avons tous (ou presque) un métier qui nous permet de vivre dignement, sans être laudateurs de qui que ce soit. Mour SEYE, président de Parlons Poésie, est un professeur de lettres, Saliou Diop CISSÉ, président du Cénacle des Jeunes Écrivains du Sénégal, est un inspecteur des impôts. Mieux, je vous dresse ici le tableau, non exhaustif, des jeunes que vous taxez de tous les noms d’oiseaux : Papa Moussa Sy, Elaz Ndongo Thioye, Zacharia Sall, Dieynaba Sarr, Ndeye Fatou Kane, Pape Alioune Sarr, Patherson, Abdoulaye Seck, Soda Ndoye, Babacar Ndiaye Korjo, Pape Michèle Mendy, Ousseynou Thiombiano, Mandiaye Camara, Aminata Jules Dia, Adama Pouye, Khalil Diallo, Ndeye Anta Dia, Tabara Niang… La liste est longue, mais ce sont tous des responsables, des autorités, pas que des jeunes dans votre logique décalée.
Les jeunes ne demandent pas la charité, ils demandent une justice intergénérationnelle. Ils ne veulent pas remplacer les anciens, mais construire avec eux, sur des bases nouvelles, débarrassées de la suffisance et du mépris.
Vous parlez de patriotisme ? J’en ris. Moi, enseignant, j’ai servi mon pays pendant six ans dans un village sans eau courante ni électricité. Je ne me suis jamais plaint, donc j’ai enduré d’une belle endurance, pour parler comme l’autre politicien. Aujourd’hui, je suis Inspecteur de l’Éducation en formation, après avoir réussi au prestigieux et sélectif concours Probatoire au CREI, sous la tutelle du Ministère de l’Éducation nationale que vous osez taxer de « Ministère de la jeune fille ». Quel manque de respect !
En effet, je tiens à vous assurer que je ne quémande rien dans ma vie. Je sue pour écrire. J’ai commencé à travailler à 23 ans, et aujourd’hui, à 35 ans, j’ai déjà construit, une maison pour mes parents, qui ne cessent de prier pour moi. Alhamdoulillah ! Suis-je toujours, pour vous, ce jeune incapable, sans foi, amateur de facilité et de gain rapide ? J’espère que vous serez en mesure de reconnaître vos propres mots.
Revenons maintenant au plan littéraire. Vous parlez des sacrifices qui vous aurez fait en 2021 ; pour ma part, je ne cesse d’en faire depuis 2016, bien avant votre CONEES, à travers le Collectif Parlons Poésie que j’ai fondé. Aujourd’hui, j’ai cédé ma place de président, suite à une assemblée générale que j’ai moi-même initiée. Aussi, je ne m’attarderai pas sur nos réalisations, car seuls les faits sont révolutionnaires. Mais c’est en outre une manière de vous dire que je ne m’attache ni au prestige ni à la gloire. Je ne suis pas un chasseur de primes.
À votre âge, cher aîné, on ne jalouse plus, on transmet. On ne se bat plus pour la lumière, on éclaire. On ne confisque pas les tribunes, on les cède progressivement. On ne discourt pas pour être applaudi, on parle pour être utile. On ne mesure pas son utilité à l’aune des sacrifices passés, mais à celle de la place qu’on laisse aux générations qui arrivent. Certes, le Sénégal de demain ne se fera pas contre vous, mais il ne peut se faire sans nous. Et si vous voulez être du bon côté de l’histoire, c’est maintenant qu’il faut faire le choix : vous pouvez rester ce vieux grognon que la jeunesse contournera, ou devenir ce sage éclairé que la jeunesse écoutera.
Pour conclure, je vous informe que nous ne sommes ni dans la division, ni dans la rupture générationnelle, ni dans la construction d’une fracture au sein de notre ossature littéraire. Nous respectons nos aînés, et ceux d’entre eux qui sont de bonne foi le savent. Nous les avons lus, écoutés, servis. Nous sommes courtois et bien éduqués, talentueux et humbles, patients, passionnés et visionnaires. Cependant, notre démarche est claire, notre intention positive, notre revendication légitime : Créer des ponts intergénérationnels, à tous les niveaux, dans le secteur du livre, pour le rayonnement de notre littérature.
In fine, je suis un jeune qui a choisi de vous répondre, parmi tant d’autres qui ont préféré se taire, face à ce qu’ils considèrent comme une pauvreté d’esprit et un argumentaire creux. Vous affirmez que le respect se mérite. Soit. Nous sommes prêts à faire notre part. Encore faut-il que l’on cesse de nous regarder de haut.
Avec respect, mais sans hypocrisie.
Un jeune, debout.
Fara Njaay, poète-écrivain-éditeur.
La confrontation entre Waly Ndour et Fara Njaay, au-delà de l’émotion qu’elle suscite, appelle à un débat plus large sur les relations intergénérationnelles dans le monde du livre. Ce n’est pas seulement une querelle d’ego ou de générations : c’est peut-être un miroir tendu à toute une société en transition.
Alors, dialogue de sourds ou débat salutaire ? À chacun de se faire une idée.
LA DIPLOMATIE SÉNÉGALAISE FAIT PEAU NEUVE
Entamé dès mai 2024 par le rappel des fidèles de Macky, le remaniement diplomatique touche à sa fin. Entre expertise technique et proximité militante, le nouveau pouvoir cherche l'équilibre pour incarner sa politique de rupture
(SenePlus) - Près d'un an après l'arrivée au pouvoir de Bassirou Diomaye Faye, le nouveau Sénégal dessine les contours de sa diplomatie avec la France. Entamé dès mai 2024, "un mois après l'investiture du chef de l'État, par le rappel du personnel nommé sous Macky Sall", selon Jeune Afrique, le remaniement des postes diplomatiques clés à Paris touche aujourd'hui à sa fin.
Cette révolution silencieuse dans les couloirs de l'ambassade sénégalaise illustre la volonté de rupture du nouveau régime avec les pratiques de l'ancien président. Mais elle révèle aussi les défis d'une diplomatie en quête d'équilibre entre professionnalisation et proximité avec la diaspora.
L'homme fort de cette nouvelle architecture diplomatique s'appelle Baye Moctar Diop. Nommé en janvier "en remplacement d'El Hadji Magatte Seye, désormais affecté à Nouakchott, en Mauritanie", rappelle Jeune Afrique, cet ambassadeur dirige depuis mars la représentation sénégalaise à Paris. Un poste hautement symbolique pour un "diplomate de carrière réputé proche d'Ousmane Sonko".
Précédemment en poste à Bruxelles, Baye Moctar Diop hérite de "la délicate charge de gérer les relations diplomatiques avec la France, que le chef de l'État Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre appellent à réformer", souligne le magazine panafricain. Sa première épreuve du feu : accompagner une mission parlementaire sénégalaise du 16 au 20 juin, durant laquelle les élus ont rencontré leurs homologues français, notamment "Bruno Fuchs (MoDem), le président de la commission des Affaires étrangères du palais Bourbon, ainsi qu'Aurélien Taché (La France insoumise), président du groupe d'amitié France-Sénégal".
L'architecture diplomatique se complète avec Pierre Maad Faye, qui "devrait prendre ses fonctions début juillet à la tête de la délégation permanente du Sénégal à l'Unesco", selon Jeune Afrique. Ce poste était "resté vacant pendant plus d'un an après le départ en juin 2024 de son ancien titulaire, Souleymane Jules Diop". Ancien "directeur des Organisations internationales et de la mondialisation au ministère des Affaires étrangères", Pierre Maad Faye incarne lui aussi cette volonté de confier les postes clés à des professionnels de la diplomatie.
Innovation majeure de ce remaniement : pour la première fois, une femme dirige le consulat général du Sénégal à Paris. Adama Fall, "une fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères, est arrivée en avril dernier", indique Jeune Afrique. Cette nomination s'inscrit dans la stratégie d'Ousmane Sonko, qui "avait souhaité que ne soient nommés que des diplomates de carrière aux emplois clés à l'étranger".
Un changement radical par rapport aux pratiques de l'administration précédente qui, selon le magazine, "privilégiait des personnalités issues du monde associatif ou engagées politiquement au sein de la diaspora". L'exemple le plus flagrant de cette ancienne logique : sous Macky Sall, "le poste de consul général était ainsi occupé par Amadou Diallo, militant de l'Alliance pour la République (APR), l'ancien parti présidentiel, et frère cadet d'Abdoulaye Daouda Diallo, l'ex-président du Conseil économique, social et environnemental".
Cette professionnalisation répond à une exigence pratique : selon Jeune Afrique, "la fonction exigeant d'être en contact régulier avec les ressortissants" nécessite une expertise diplomatique plutôt qu'une simple proximité politique.
Paradoxalement, cette volonté de rupture s'accompagne d'un pragmatisme assumé. Conscient que les nouveaux consuls "pour la plupart, n'ont aucun lien avec les pays où se trouvent les chancelleries qu'ils sont appelés à diriger", le gouvernement a opté pour une solution hybride. Ainsi, "pour compenser la possible méconnaissance des nouveaux consuls", explique JA, "le gouvernement a décidé qu'ils soient appuyés par des membres de la diaspora".
Cette stratégie trouve sa parfaite illustration dans le binôme formé au consulat parisien. Adama Fall sera donc "accompagnée par Tamsir Bathily, un militant de la première heure au sein de la section France du Pastef", récemment "nommé au poste de vice-consul". Un équilibre délicat entre technocratie et militantisme qui témoigne des défis de cette transition diplomatique.
Cette architecture révèle en creux les enjeux de la diplomatie sénégalaise post-Sall : concilier la rupture politique prônée par le nouveau régime avec l'impératif de maintenir des relations fonctionnelles avec l'ancienne puissance coloniale, tout en préservant les liens essentiels avec une diaspora de plus en plus influente dans l'économie du pays.
Farba reporte ses visites
Farba Ngom a de nouveau reporté ses visites prévues aujourd’hui, à cause de son état de santé. C’est sa cellule de communication qui l’a fait savoir hier, à travers une note. Pour rappel, l’état de santé du député-maire des Agnam se dégrade de plus en plus et de manière très préoccupante, selon ses avocats, ses proches et même l'avis médical.
Trump va recevoir 5 dirigeants africains dont Diomaye
Le Président américain, Donald Trump, va tenir son premier sommet avec des dirigeants africains de son second mandat. La rencontre se tiendra la semaine prochaine à Washington, avec les chefs d'Etat des pays d'Afrique occidentale et centrale, ont rapporté mercredi les médias. D’après nos confrères de Reuters, la nouvelle a été rapportée pour la première fois par Africa Intelligence et confirmée à Semafor par une personne familière avec les plans. La réunion se tiendra du 9 au 11 juillet et réunira Trump et les Présidents du Gabon, de la Guinée-Bissau, du Libéria, de la Mauritanie et du Sénégal. Reuters n'a pas pu confirmer ces informations dans l'immédiat. Mardi, le secrétaire d'État américain Marco Rubio a déclaré que les États-Unis ont abandonné ce qu'il a appelé un modèle basé sur la charité et favoriseraient les nations qui démontrent «à la fois la capacité et la volonté de s'aider ellesmêmes». Pour rappel, l'administration Trump a réduit une grande partie de l'aide étrangère américaine à l'Afrique dans le cadre d'un plan visant à réduire les dépenses qu'elle juge inutiles et non conformes à la politique «America First» de Trump. Elle affirme vouloir se concentrer sur le commerce et l'investissement et favoriser la prospérité mutuelle.
Grève dans la justice
Le SYTJUST et l’UNTJ ont dans un communiqué hier appelé tous les travailleurs de la Justice à observer une grève de 48 heures, couvrant les jeudi 03 et vendredi 04 juillet 2025. Ce, au sortir de la rencontre tenue le 1er juillet 2025, en présence du Président du Haut Conseil du Dialogue social, avec le ministre de la Fonction publique, aucun rapprochement entre les positions du Gouvernement et celles de l'Entente n'a été noté. En effet, selon le SYTJUST et l’UNTJ, la partie gouvernementale, de qui des solutions sont attendues, n'a apporté aucune proposition concrète allant dans le sens de mettre fin à la situation d'injustice que vivent les travailleurs de la justice depuis quelques années. D’après les syndicalistes, en se basant sur une lecture erronée des textes, les services du ministère de la Fonction publique annihilent ainsi la volonté affirmée des syndicats à dépasser cette situation. Ils appellent ainsi les camarades de toutes juridictions et tous services, à rester mobilisés et résilients pour défendre leur honneur.
Un militaire en tenue arrêté pour tricherie au bac
Un fait inhabituel secoue le système éducatif dans la commune de Mbacké. Le militaire en tenue, A. C., a été pris en flagrant délit de tricherie au baccalauréat général, selon des sources de Seneweb proches du jury 1213 du centre de lycée de Mbacké 3. Les faits se sont déroulés lors de l'épreuve d'histoire-géographie. Le soldat de première classe, en service aux commandos marine de Dakar, a fait usage de son téléphone dans la salle d'examen, d'après la déclaration du président du jury devant les policiers. Le militaire candidat au bac âgé de 24 ans a été arrêté par le service d'ordre et conduit au commissariat urbain de Mbacké où il a été placé en garde à vue.
Résorption des abris provisoires
La première pierre du Programme d’urgence de remplacement des abris provisoires (PURAP) va être posée aujourd’hui à Sédhiou par le ministre de l’Education nationale. Dans son compte X, Moustapha Guirassy a annoncé qu’il va se rendre sur les lieux en compagnie de Birame Diop, ministre des Forces armées. Selon lui, ce moment symbolisera le lancement officiel d’un vaste chantier national de résorption des abris provisoires à travers tout le territoire national. Pour rappel, lors du Conseil des ministres du 2 octobre 2024, le chef de l’Etat, Bassirou Diomaye Faye, avait annoncé le lancement, dans les meilleurs délais, d’un vaste programme de résorption des abris provisoires et de réhabilitation des établissements scolaires. Moustapha Guirassy et son collègue des Forces armées vont par ailleurs visiter, à cette occasion, le lycée nation-armée pour la qualité et l’équité (LYNAQE) de Sédhiou, «symbole d’une école nouvelle, enracinée dans les valeurs de discipline, d’excellence et d’égalité des chances».
Abdou Nguer face au juge aujourd’hui
Après deux mois de détention préventive, le chroniqueur Abdou Nguer fera face au juge d’instruction du 3e cabinet du tribunal de Dakar, aujourd’hui pour une audition au fond. Il est inculpé pour diffusion de fausses nouvelles, offense au chef de l’État et apologie d’un crime ou délit.
Nouveau Khalife de Ndankh Naar
Ndankh Naar a un nouveau Khalife général. Il s’agit de Serigne Sidy Makhtar Kounta qui remplace Mouhamed Mahfouz Kounta, rappelé à Dieu dans la nuit du mardi au mercredi et enterré hier peu après 14 heures, dans ce village du département de Tivaouane. Le village de Ndankh-Naar, est situé à 7 km de Mékhé, sur la route de Saint-Louis. Il relève de la commune de Méouane. Il a été fondé en 1800 par Cheikh Bounama Kounta, père du fondateur de Ndiassane.
Aveux du présumé meurtrier de Lamine Diallo de Sen Petit Gallé
L’enquête sur la mort de Lamine Diallo, étudiant et artiste révélé lors de l’édition 2023 de l’émission Sen Petit Gallé sur TFM, progresse rapidement. Selon des sources proches de l’enquête d’après Seneweb, les policiers du commissariat de la Médina ont arrêté le présumé meurtrier, A. Fall. Interrogé sur procès-verbal, l’étudiant A. Fall a reconnu avoir poignardé son camarade Lamine Diallo. Questionné sur les raisons de son acte, il a livré des déclarations troublantes. «Lamine Diallo m’a caressé alors que nous étions dans la chambre. J’ai immédiatement dénoncé cet acte, que j’ai jugé contraire aux bonnes mœurs. Notre dispute a finalement dégénéré en bagarre», a-til affirmé devant les enquêteurs. Les faits se sont déroulés dans une chambre située à la rue 22 prolongée, à Fass. Au cours de cette bagarre, A. Fall a poignardé Lamine Diallo, âgé de 20 ans. Grièvement atteint au pli de l’aine gauche, la victime a succombé à une forte hémorragie après son évacuation à l’hôpital Abass Ndao. A. Fall a été placé en garde à vue pour coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner.
Baba Soumaré nommé DG de l’OMSA
Le ministre de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de l’Élevage a annoncé hier que l’épidémiologiste vétérinaire sénégalais Baba Soumaré a été nommé directeur général adjoint de l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA). Sur son compte X, Mabouba Diagne a, aux noms du président de la République et du Premier ministre, fait part de son immense fierté et de sa profonde émotion à la suite de l’élection de son compatriote au poste de directeur général adjoint de la prestigieuse OMSA. Bien plus qu’une reconnaissance individuelle, explique-t-il, la nomination de Baba Soumaré vient couronner plus de vingt-cinq ans d’un engagement constant et exemplaire en faveur de la santé animale, de la santé publique vétérinaire, du renforcement des capacités, de la lutte contre les pandémies émergentes.
5 200 accidents chaque année
Le directeur général de l’Agence nationale de sécurité routière (ANASER), Atoumane Sy, a annoncé que le Sénégal enregistre chaque Sénégal quelque 5 200 accidents de la circulation occasionnant plus de 745 décès et 8 500 blessés. Il prenait la parole hier lors d’une rencontre avec des organismes de la société civile intervenant dans le domaine de la sécurité routière. Au-delà des pertes en vies humaines et des dégâts matériels, ajoute Atoumane Sy, les accidents coûtent très cher à l’Etat du Sénégal. Sur le plan économique, rapporte le DG ANASER, l’État du Sénégal perd 163 milliards de francs CFA dans l’indemnisation des victimes des accidents. Ce qui représente, pour lui, à peu près 4 à 5% du PIB.
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RÉPRESSION MADE IN FRANCE AU TOGO
Grâce à des témoignages togolais, le journaliste Thomas Dietrich a retracé l'origine des armes utilisées contre les manifestants. Son enquête révèle l'ampleur du soutien français au régime de Gnassingbé : grenades, blindés, coopérants militaires...
« On tue au Togo avec la complicité de la France », dénonce le journaliste Thomas Dietrich dans une enquête explosive diffusée sur sa chaîne. Depuis le 26 juin dernier, un soulèvement populaire embrase le pays après que le dictateur Faure Gnassingbé ait modifié la constitution pour supprimer l'élection présidentielle et se maintenir indéfiniment au pouvoir. Face à des manifestants désarmés, la répression est impitoyable, avec selon Dietrich « pas moins de sept morts sans compter les innombrables disparitions et autres cas de torture ».
Le journaliste rapporte le sort tragique de Jacques, un adolescent de 14 ans qui venait de réussir son brevet des collèges. « C'était un gamin qui avait la vie devant lui. Regardez-le avec sa bouille toute ronde et ses airs de premier de la classe », décrit Dietrich. Le 26 juin au soir, croyant pouvoir profiter de l'obscurité pour aller chercher de la nourriture pour sa famille, Jacques ne reviendra jamais chez lui.
« Dans la rue, il a croisé une foule de manifestants qui refluaient à toute allure, chassés par les pickups des forces de l'ordre et les milices qui ont été embauchées par le régime », raconte le journaliste. Pris de peur, l'adolescent s'est mis à courir pour sauver sa vie. « Mais Jacques n'a pas fui assez vite, rattrapé par la police, on retrouvera son petit cadavre le matin jeté dans une des lagunes de Lomé comme au moins six autres personnes dans la plus pure tradition de la répression togolaise qui noyait déjà des cadavres dans les années 1990 », révèle Dietrich.
« Ces derniers jours, j'ai enquêté sans relâche », explique Thomas Dietrich, qui révèle « en exclusivité comment la France et nos entreprises tiennent à bout de bras le régime chancelant de Gnassingbé en fournissant du matériel comme des blindés ou des grenades lacrymogènes ».
Grâce aux centaines de Togolais qui ont répondu à son appel sur TikTok, le journaliste a pu identifier un arsenal international au service de la dictature. « Ce que je peux vous dire, c'est que le Togo reçoit des armes du monde entier », affirme-t-il, citant des munitions turques, des grenades espagnoles et sud-coréennes.
Le soutien logistique français
« Mais il y a aussi des armes de défense bien de chez nous parce que la France a toujours vendu le meilleur à nos amis dictateurs », dénonce Dietrich. Il a ainsi identifié « des grenades lacrymogènes qui ont été utilisées ces derniers jours au Togo et qui ont été fabriquées par deux sociétés françaises leaders dans le secteur : Nobel Sport et Alsetex ».
Selon ses recherches, « Alsetex a livré au régime de Gnassingbé des grenades MP7 qui libèrent sept nappes de gaz lacrymogène ». Le journaliste précise qu'« Alsetex est un fournisseur régulier des pires autocraties de la planète comme le Bahreïn ou le Sénégal du temps du très françafricain Macky Sall ».
Thomas Dietrich révèle que « la France ne fournit pas que des grenades lacrymogènes très puissantes ». Une source interne à l'administration française l'a mis « sur la piste d'un gros dossier » : en octobre 2024, « un appel d'offres a été lancé par Expertise France, une filiale publique de l'Agence française de développement » pour « fournir sur fonds européens quatre pickups double cabines mais surtout deux blindés BR6 à l'armée togolaise ».
Le journaliste s'interroge sur l'usage de ces « véhicules dont on ignore s'ils seront utilisés pour pourchasser les djihadistes au nord ou pour pourchasser des manifestants dans les rues de Lomé ».
« En plus du matériel, Macron fournit les ressources humaines à Gnassingbé », dénonce Dietrich. Selon ses sources, « une demi-douzaine de coopérants français travaillent au sein de l'armée, de la gendarmerie et de la police togolaises, portant l'uniforme local et conseillant souvent les chefs d'état-major de ces institutions ».
Le journaliste souligne que « malgré la violence de la répression en cours, malgré les exactions commises par les forces de l'ordre pour lesquelles travaillent ces coopérants, les officiers n'ont toujours pas été rappelés à Paris et sont de facto complices des crimes commis par Gnassingbé contre son peuple ».
Thomas Dietrich révèle également qu'« il n'y a pas besoin d'être militaire français pour filer un coup de main à Gnassingbé ». Selon ses sources, Pierre-Yves Kervenal, « en poste jusqu'en 2024 comme deuxième conseiller à l'ambassade de France à Lomé, aurait été jusqu'à proposer devant témoin une rétribution financière à certains opposants ».
La stratégie du double jeu
« L'idée était de convaincre ces opposants de participer à un simulacre d'élection sénatoriale, ce qui aurait renforcé la légitimité de Gnassingbé », explique le journaliste. Contacté, le Quai d'Orsay a rejeté « ces allégations sans fondement ».
Dietrich observe que « malgré le soutien que lui apporte Macron, le régime togolais n'est pas très reconnaissant ». Il « prend les armes et le personnel français mais par derrière, il fait croire que c'est cette même France qui manipule la révolte en cours ».
Le journaliste explique cette stratégie : « Comme notre pays est détesté sur le continent africain, l'idée des communicants de Gnassingbé, c'est de discréditer le soulèvement populaire et d'inciter les gens à ne pas sortir dans la rue en disant : 'Voilà, c'est la France qui vous prend pour des marionnettes' ».
Thomas Dietrich conclut son enquête par un avertissement : « De nouvelles manifestations sont prévues cette semaine. Et une fois de plus, la jeunesse togolaise descendra dans les rues à mains nues face à des forces de l'ordre et à des milices qui de facto sont armées et soutenues en partie par la France ».
« Il y aura sans doute de nouveaux morts innocents, des corps suppliciés dans la lagune de Lomé et le silence assourdissant d'Emmanuel Macron et de la pseudo-patrie des droits de l'homme », prédit-il. Mais le journaliste termine sur une note d'espoir : « La nuit est noire, mais on sait aussi qu'elle n'est jamais aussi noire que juste avant l'aube. Ce qui veut dire que l'aube sera bientôt là pour le peuple du Togo ».